L’exil des Alsaciens-Lorrains. Option et famille dans les années 1870
Résumés
Par le traité de Francfort du 10 mai 1871, les habitants des territoires annexés par l’Empire allemand se voient accorder une clause d’« option de nationalité » qui les contraint à des choix difficiles. S’ils souhaitent conserver la nationalité française, les Alsaciens-Lorrains doivent quitter leur terre natale dans un court délai. Cette disposition juridique est appliquée de façon fort différente non seulement selon les autorités devant lesquelles est faite la déclaration d’option, mais aussi en fonction de la composition familiale, du sexe et de l’âge des déclarants. Plus de 130 000 personnes quittent alors l’Alsace-Lorraine pour s’installer principalement en France, mais la plupart ne s’éloignent pas de la frontière qui les sépare désormais de leur « petite patrie ». Accueillis comme des « réfugiés », ils bénéficient d’une importante aide juridique et matérielle de la part de sociétés de secours, et sont soutenus par les municipalités où ils s’installent, le plus souvent en famille. Les enfants d’Alsace-Lorraine font l’objet d’une attention toute particulière, si bien que des sociétés en exfiltrent vers la France avec la complicité du clergé local, afin de contourner les autorités allemandes qui n’autorisent pas les mineurs à opter pour la nationalité française.
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L’Alsacien, où qu’il soit, est toujours, depuis la guerre, un exilé. S’il vit en France, il y est en exil de sa petite patrie ; s’il vit en Alsace, il y est en exil de la grande patrie ; nous sommes toujours des exilés.
Paul Acker, Les Exilés, Paris, Plon-Nourrit, 1911, p. 106.
- 1 Alsace-Lorraine (Elsaß-Lothringen) est le nom donné aux territoires annexés par l’Empire allemand ; (...)
- 2 Traité de Francfort, 1871, art. 2.
- 3 Il ne s’agit pas de choisir sa nationalité, pour en savoir plus sur les différentes sortes d’option (...)
1C’est en éternels exilés que l’écrivain Paul Acker définit les Alsaciens après la guerre de 1870. Le traité de Francfort du 10 mai 1871 consacre en effet l’annexion de l’Alsace-Lorraine1 par l’Empire allemand, mais aussi celle de tous ceux qui en sont originaires, car toute cession de territoire est aussi une cession des ressortissants qui l’habitent – un aspect souvent minoré des études portant sur les changements de frontière. Cependant, une clause d’option introduite dans le traité permet aux Alsaciens-Lorrains de conserver la nationalité française, à condition toutefois de « transporter leur domicile » hors des territoires cédés2. Cette option conventionnelle de nationalité est un droit consacré par un traité international, qui accorde aux habitants de territoires changeant de souveraineté la possibilité de conserver leur nationalité, le plus souvent à la condition d’émigrer3.
- 4 La quasi-totalité d’entre eux opte pour la nationalité française, les quelques cas d’option pour la (...)
2Entre 1871 et 1873, près de 1 865 000 ressortissants français originaires d’Alsace-Lorraine sont concernés par cette option. Parmi eux, environ 250 000 personnes vivent en dehors des territoires annexés et disposent d’une option mixte, à la fois confirmative et positive : ils sont les seuls à pouvoir réellement choisir entre la nationalité française et allemande. Mais nous ne nous pencherons pas sur leur cas puisque, quel que soit leur choix, il ne les conduit pas à s’exiler car ils sont en réalité déjà partis4. En revanche, nous allons nous intéresser à leurs compatriotes restés au pays, qui disposent seulement d’une option confirmative : ils ne peuvent conserver la nationalité française qu’à condition de s’exiler, le plus souvent en famille. Ils sont plus de 130 000 à faire ce choix, s’identifiant volontiers aux Hébreux du livre de l’Exode.
- 5 Roberta Pergher fait l’état de la recherche sur la question dans son chapitre relatif à l’option du (...)
- 6 Alfred Wahl, L’Option et l’émigration des Alsaciens Lorrains, 1871-1872, Paris, Ophrys, 1974 ; ce l (...)
- 7 Émile Szlechter, Les Options conventionnelles de nationalité à la suite de cessions de territoires, (...)
- 8 Centre des Archives diplomatiques du site de Paris-La Courneuve (AD) : AD 2q0 265 à 304. Les Alsaci (...)
3De façon plus générale, l’option est un outil méconnu qui a permis le transfert de nationalité de populations entières à l’échelle mondiale et a rendu effectives toutes les modifications territoriales au xixe siècle. L’historiographie qui en traite est assez maigre, exception faite de l’étude sur l’option du Trentin-Haut-Adige de 19395 et de la thèse d’Alfred Wahl, qui porte précisément sur l’option des Alsaciens-Lorrains6. Mais les problématiques de genre et de classe d’âge sont les grandes absentes des études sur la question, principalement en raison d’une approche très juridique7. Nous souhaitons, pour notre part, étudier comment s’est opéré le transfert de nationalité de plus d’un million et demi de personnes à la suite du changement de frontière survenu en 1871, mais surtout d’analyser sa conséquence directe, l’exil de plus de 130 000 personnes, en nous concentrant sur la dimension de la famille8.
4Nous verrons ainsi en quoi l’option a contraint à l’émigration ceux qui voulaient conserver leur nationalité. Au-delà de la disposition juridique, nous montrerons comment elle a été appliquée de façon fort différente, non seulement selon les autorités devant lesquelles était faite la déclaration, mais aussi en fonction de la composition familiale, du sexe et de l’âge des déclarants. Enfin, nous nous attacherons à étudier l’accueil des exilés en France au début des années 1870, et celui des enfants en particulier.
L’option, une « fabrique à exilés »
- 9 Traité de Francfort du 10 mai 1871, article 2.
- 10 Traité de Francfort du 10 mai 1871, article 5.
5Dès les pourparlers de paix visant à mettre fin à la guerre de 1870, le principe de la libre émigration des populations amenées à être annexées par l’Empire allemand est accepté par les diplomates. Le traité de Francfort du 10 mai 1871 précise ce que recouvre cette libre émigration en introduisant une clause d’option confirmative : « Les sujets français, originaires des territoires cédés, domiciliés actuellement sur ce territoire, qui entendront conserver la nationalité française, jouiront, jusqu’au 1er octobre 1872, et moyennant une déclaration préalable faite à l’autorité compétente, de la faculté de transporter leur domicile en France et de s’y fixer9 […]. » Il est en outre précisé qu’ils « seront libres de conserver leurs immeubles » situés sur les territoires cédés10. Les habitants d’Alsace-Lorraine ayant la nationalité française peuvent la conserver à la condition d’une déclaration et de « transporter leur domicile », expression qui a été comprise différemment selon le côté de la frontière où l’on faisait sa déclaration. Il n’est pas possible de le chiffrer, mais de nombreuses familles n’ont pas attendu les négociations pour franchir la frontière qui existait de facto entre la France et l’Empire allemand dès août 1870.
- 11 Franz von Holtzendorff, Rechtslexikon, Leipzig, Deutschland, Duncker & Humblot, 1880, Option.
- 12 AN BB 31 530. Protocoles de la Conférence de Francfort.
- 13 AN BB 31 532. Options nulles pour la nationalité allemande et française 1872-1873.
6La rédaction de la clause d’option du traité de Francfort est à la source de bien des complications dans son application11. Le terme « originaires », par exemple, n’a été défini qu’en novembre 1871 pour désigner les seuls individus nés en Alsace-Lorraine12. Lors des négociations, les diplomates allemands bottaient systématiquement en touche devant les demandes de précision des contours de l’option. À la fin du xixe siècle, le terme « originaire » aurait très bien pu être compris comme désignant toute personne née sur un territoire de parents y étant eux-mêmes nés. Or la définition finalement adoptée est si confuse que l’on retrouve dans les archives des déclarations d’option d’individus non concernés13. Lors des discussions diplomatiques ultérieures, on assure aux représentants français que les personnes domiciliées en Alsace-Lorraine, mais n’y étant pas nées, sont exclues de l’option ; en conséquence de quoi, près de 15 000 personnes sont censées jouir du statut d’étranger dans les territoires cédés. Mais nous verrons qu’il en a été tout autrement.
- 14 Archives départementales du Territoire de Belfort (ATB) (Belfort) : ATB 6 m 239. Courrier du maire (...)
- 15 Alfred Wahl, « Les problèmes de l’option », thèse citée, p. 258-264.
7La déclaration d’option en Alsace-Lorraine doit s’effectuer avant le 1er octobre 1872 devant le Kreisdirektor (équivalent du sous-préfet, à la direction d’un cercle) dont dépend le domicile, alors qu’en France, c’est devant le maire de la commune. Il est donc plus difficile d’opter devant les autorités allemandes, le chef-lieu de cercle pouvant être éloigné du domicile. Les habitants de Saint-Louis, par exemple, se plaignent que le bureau de Mulhouse est fermé plusieurs jours par semaine14. Plus de 130 000 habitants optent devant un maire en France, et non devant le Kreisdirektor dont dépendait leur domicile, comme ils l’auraient dû. Ils ont soit quitté l’Alsace-Lorraine avant la conclusion du traité de paix, soit ont préféré déclarer leur option devant les autorités françaises. De plus, près de 24 000 personnes ont établi une déclaration des deux côtés de la frontière15. La déclaration se fait sur papier libre mais, très vite en France, un formulaire-type s’impose, tandis que plusieurs documents sont employés par les autorités allemandes. Le document, certifié et signé par le déclarant, est réalisé en double exemplaire et mentionne a minima les noms, prénoms, date et lieu de naissance de l’optant et, le cas échant, des membres de la famille dont il est le chef.
- 16 Eugène Hepp, Du droit d’option des Alsaciens-Lorrains pour la nationalité française, Paris, Sandoz (...)
8À partir du 2 mars 1871, date de la ratification des préliminaires de paix, les Alsaciens-Lorrains sont considérés comme Allemands sous condition résolutoire, c’est-à-dire sous réserve de l’exercice du droit d’option. Le gouvernement français, de son côté, les tient pour Français sous condition suspensive jusqu’à épuisement du délai de l’option. La condition suspensive est levée dès que l’option est réalisée en bonne et due forme, et la qualité de Français est réputée n’avoir jamais été perdue ou suspendue : « On ne redevient pas Français, on n’a jamais cessé de l’être16. » Par réciprocité, les autorités allemandes considèrent les optants comme des étrangers à partir du 2 mars 1871. Ainsi, et contrairement à une idée répandue, les Alsaciens-Lorrains n’ont pas joui de la double nationalité après l’annexion, même pour une période transitoire.
9L’option du traité de Francfort permet à toute personne originaire d’Alsace-Lorraine de conserver la nationalité française au moyen d’une déclaration et à condition d’avoir « transporté son domicile » hors du pays natal avant le 1er octobre 1872.
Les Alsaciens-Lorrains face à l’option
10Il faut maintenant prendre ses distances avec les dispositions juridiques et s’intéresser aux pratiques, en examinant comment l’option de nationalité a été mise en œuvre concrètement, en fonction de la composition familiale, du sexe et de l’âge des déclarants, et quelles stratégies ont été déployées.
- 17 Charles-Edouard Laborde, Du droit d’option. Lettre aux Alsaciens et Lorrains sur le Traité du 10 ma (...)
- 18 Ligue d’Alsace, Manuel de l’option, La Ligue d’Alsace, 1872, p. 23.
11Au cours de l’année 1871, on compte peu de déclarations en Alsace-Lorraine, principalement parce que les contours de l’option restent flous aux yeux des habitants. Mais à partir de 1872, la question de conserver ou non la nationalité française devient pressante. Les encouragements à opter ne viennent pas du gouvernement lui-même, qui souhaite maintenir l’influence française en Alsace-Lorraine, mais bel et bien de la société civile17. Ainsi La ligue d’Alsace est-elle créée par des industriels mulhousiens pour porter assistance aux Alsaciens-Lorrains et les aider à conserver la nationalité française. L’organisation ouvre des bureaux dans les principales villes à la frontière et offre une aide juridique visant à faciliter la domiciliation en France, ce qui leur permet d’établir une déclaration d’option en bonne et due forme. En Alsace-Lorraine, elle distribue en toute illégalité un Manuel de l’option, qui détaille la marche à suivre pour rester Français tout en conservant ses biens au pays. Le petit livret, véritable vade-mecum, informe les lecteurs que le service militaire prussien, réputé particulièrement brutal, sera introduit dès la fin du délai d’option et qu’il sera obligatoire pour tous ceux nés après le 1er janvier 1851. Cette information va susciter bien des déclarations chez les jeunes hommes. Pour autant, l’objectif de La Ligue d’Alsace n’est pas d’encourager au départ en soi, mais d’opter « par amour de la France18 » ; son dessein est en effet qu’il reste le plus de ressortissants français possible dans les territoires cédés, afin que l’hostilité des populations à l’annexion puisse s’y manifester pleinement.
- 19 Geheime Staatsarchiv Preußischer Kulturbesitz (GSTA PK) (Berlin) : GSTA PK, I. ha Annex e.7. Die Be (...)
- 20 Charles-Alphonse Witz, La vraie ligue d’Alsace par un Alsacien, Muhouse et Bâle, C. Detloff, 1871. (...)
- 21 Wilhelm Stieb, Die Option der Elsass-Lothringer. Entstehung, Ausuebung und Anerkennung des Optionsr (...)
12De leur côté, craignant qu’une colonie française ne se forme en Alsace-Lorraine, les autorités allemandes interdisent les publications et les journaux qui appellent à opter en masse19. Inversement, elles encouragent à rester au pays et autorisent la publication de contre-manuels de l’option, tels que La vraie ligue d’Alsace par un Alsacien, où l’on réfute point par point les arguments de La Ligue d’Alsace20. L’Oberpräsident du Reichsland (sorte de préfet de région), Eduard von Möller, prend les devants et diffuse, les 7 et 16 mars 1872, des circulaires servant de dispositif d’application21. Toute option qui ne sera pas accompagnée d’une émigration sans esprit de retour sera considérée comme nulle et non avenue, ce qui donne à l’expression « transport de domicile » le sens de départ définitif du territoire. L’exil est bien le corollaire à la conservation de la nationalité française.
- 22 GSTA PK, I. ha Annex e.7. Ausführungsbestimmungen 1871.
- 23 Alfred Mézières, « Les souffrances d’un pays conquis, scènes de l’émigration en Alsace-Lorraine », (...)
13La déclaration du chef de famille engage tout son foyer22. Les mineurs, même émancipés, sont exclus du droit d’option afin de conserver le maximum de recrues à l’armée allemande. Les Kreisdirektoren avaient en effet constaté que les chefs de famille n’optaient pas toujours à titre individuel, mais souvent pour leurs fils, afin que ceux-ci échappent au service militaire. La presse française rapporte que les jeunes hommes demandent à leur père d’opter pour eux : « Gardez nos champs et ne vous inquiétez pas de nous. Nous avons des bras, nous travaillerons, nous gagnerons notre vie en France23. » Quant aux femmes, seules les célibataires majeures et les veuves ont la possibilité de déclarer une option. Les autorités allemandes d’Alsace-Lorraine cherchent certes à freiner autant que possible les départs, ceux des jeunes hommes en particulier, mais appliquent aussi une conception de la nationalité attachée non pas à l’individu, mais à la famille. On peut qualifier le droit allemand de la nationalité au xixe siècle de « familialiste », dans le sens que les membres d’un même foyer ont nécessairement la même nationalité.
- 24 Eli Nathans, The Politics of Citizenship in Germany: Ethnicity, Utility and Nationalism, Oxford, Ne (...)
14La Untertanengesetz du 31 décembre 1842 – loi sur l’acquisition et la perte de la qualité de sujet prussien – prévoit ainsi que le mariage entre un Prussien et une femme étrangère entraîne la naturalisation automatique de cette dernière. À l’inverse, si une Prussienne épouse un étranger, elle perd ispo facto sa qualité de sujet prussien. Dès lors, les enfants d’un couple de Prussiens sont nécessairement eux-mêmes Prussiens, ce qui vaut aussi en cas d’adoption ou de légitimation. Ce principe est étendu à tous les États de la confédération germanique à partir de 1848 et devient l’un des principes fondamentaux de la nationalité allemande. Cette disposition vise à protéger la femme et les enfants d’un abandon (qu’un changement de nationalité du chef de famille rend légalement possible) et empêche qu’une mesure d’expulsion puisse les frapper, conduisant à la séparation de la famille. Enfin, c’est également une façon de s’assurer le respect des exigences du service militaire : tout fils de sujet prussien étant lui-même Prussien, il doit servir sous les drapeaux. Le droit allemand de la nationalité sanctionne donc des décisions à caractère privé pour les femmes et leur attribue une signification publique24.
- 25 À ce sujet : Jennifer Heuer, The Family and the Nation: Gender and Citizenship in Revolutionary Fra (...)
15Le gouvernement français ne peut que constater cet état de fait en Alsace-Lorraine. Certes, le principe selon lequel femmes et enfants ont nécessairement la même nationalité que le chef de famille se retrouve en droit français, mais il s’applique de manière assez différente25. Le droit de la nationalité est en effet considéré en France comme un droit attaché à la personne, et non à la famille. Ainsi la naturalisation d’un homme n’entraîne-t-elle pas définitivement celle de sa femme et de ses enfants. À la mort du mari, sa femme redevient en effet étrangère au regard de la loi française si elle n’a pas demandé sa naturalisation. Par ailleurs, le droit français n’admet pas que les mineurs soient privés de leur qualité de Français par choix des parents. Cette conception personnelle du droit de la nationalité offre donc aux femmes et aux mineurs la possibilité d’opter individuellement devant les autorités françaises, sans engager leur famille ou sans être engagés par le chef de famille.
- 26 ATB, 6 m 239. Option pour la nationalité française 1871-1903.
- 27 Ibid.
16En France, les hommes doivent donc bien s’assurer d’ajouter à leur déclaration les noms de leur femme et de leurs enfants pour que l’option concerne effectivement toute la famille. Les mères tutrices peuvent aussi opter pour leurs enfants mineurs. Cependant, femmes et mineurs ne peuvent remplir une déclaration d’option qu’avec l’accord de leur mari ou de leur père. Amélie Murat peut ainsi opter le 10 mai 1872, « assistée et autorisée de son mari Benoît Pierre26 ». S’ils sont émancipés, en revanche, les mineurs n’ont pas besoin de l’accord de leur tuteur légal pour opter devant les autorités françaises. Dans ce cadre juridique, les jeunes hommes nés après le 1er janvier 1851 optent massivement en France, ne pouvant le faire en territoire allemand. Ils croient ainsi pouvoir échapper au service militaire, l’exemple d’Émile Mura, Aloyse Kohler et Joseph Dolmann, tous trois originaires de Thann, qui se rendent ensemble à la mairie de Belfort le 23 mai 1872 et y optent pour la nationalité française avec le consentement de leur père27.
- 28 Code civil, art. 103 et 104.
- 29 Les listes et registres de déclarations en témoignent. ADMM, 6 m 291 à 6 m 295. Options d’Alsaciens (...)
17Pour autant, l’option reste avant tout un phénomène familial. Les Brun, originaires de Wittelsheim, optent par exemple tous ensemble pour la nationalité française et se domicilient à Valdoie. Les autorités françaises considèrent que la condition suspensive est levée dès que les déclarants ont pris un domicile au sens où le Code civil l’entend, c’est-à-dire un logement où l’on a « l’intention [de] fixer son principal établissement28 ». Le « transport de domicile » se traduit dès lors par la délivrance d’un certificat de domicile dans une commune française ; et nombreux sont les Alsaciens-Lorrains à avoir renseigné un domicile dans une commune proche de la frontière29.
- 30 ATB, 6 m 239. Courrier du maire d’Étueffont à l’administrateur du Territoire de Belfort, 22 avril 1 (...)
- 31 AD, 2q0 265. Statut des mineurs et des domiciliés non-originaires des territoires cédés 1872.
- 32 AD, 2q0 266. Options de mineurs contestés par l’Allemagne 1879-1880 ; 2q0 294 à 295. Dossiers indiv (...)
18Toutes les options déclarées en France ne sont pas nécessairement valides aux yeux des autorités allemandes ; on court donc toujours le risque d’être considéré comme ressortissant allemand lorsque l’on franchit la frontière. Le gouvernement français décide de reconnaître l’option des orphelins déclarée par des pères adoptifs et des tuteurs légaux30. Mais, là encore, la complexité est au rendez-vous lorsque le tuteur légal n’est pas originaire d’Alsace-Lorraine, alors que le mineur l’est, ou bien lorsqu’il en est originaire alors que le mineur ne l’est pas31. Très vite se multiplient les conflits liés à la nationalité des Alsaciens-Lorrains franchissant la frontière pour opter en France – et tout particulièrement quand des mineurs sont impliqués32. Dans les villages situés à la frontière, les Alsaciens-Lorrains sont en effet nombreux à disposer de terres et de bâtiments en France, condition suffisante pour y être « domiciliés », tout en continuant à vivre au pays.
- 33 GSTA PK, I. ha Annex e.7. Ausführungsbestimmungen 1871.
- 34 On peut y voir une réactivation du Domizilprinzip qui lie la nationalité à la résidence jusqu’en 18 (...)
- 35 Georges Cogordan, Droit des gens. La nationalité au point de vue des rapports internationaux, Paris (...)
- 36 Jochen Sohnle, « La tradition allemande des modifications territoriales : voter avec les pieds », i (...)
19Par ailleurs, quelque 15 000 ressortissants français vivant en Alsace-Lorraine sans y être nés, sont finalement concernés par l’option, alors qu’ils avaient initialement été épargnés et étaient censés pouvoir jouir du statut d’étranger dans les territoires annexés33. Leurs familles sont unilatéralement naturalisées Allemandes et ne peuvent conserver la nationalité française qu’à la condition de quitter le territoire34. Les autorités allemandes n’ont fait qu’exploiter l’imprécision de la clause d’option du traité de Francfort dans le sens qui leur est le plus favorable. Néanmoins, le gouvernement français continue à considérer ces personnes comme ses ressortissants35. Ceux qui refusent de partir se retrouvent donc dans une situation paradoxale : ils sont reconnus comme nationaux par les deux gouvernements. En définitive, les habitants qui ne consentent pas au changement de souveraineté territoriale ne peuvent l’exprimer qu’en « votant avec leurs pieds36 ».
- 37 Alfred Wahl, « Les problèmes de l’option », thèse citée, p. 119-132.
- 38 Archives départementales du Haut-Rhin (ADHR) (Colmar), 8 al 1/9420. Manifestations francophiles à S (...)
20En Alsace-Lorraine, on peut parler d’une véritable « fièvre de l’option » durant les derniers mois de l’année 1872, moment où les déclarations sont les plus nombreuses37. Ce phénomène s’accompagne de véritables démonstrations de patriotisme, qui expriment ouvertement l’hostilité des habitants vis-à-vis des autorités allemandes. On recense, par exemple, des émeutes à Sainte-Marie-aux-Mines, où une foule de 600 personnes, principalement des jeunes hommes, franchit la frontière pour se rendre à Saint-Dié afin d’y opter38. Cette ébullition s’explique aussi par le temps mis par le gouvernement français à prendre en compte les dispositifs d’application allemands ; il faut en effet attendre le 14 septembre 1872 – soit 15 jours avant la fin du délai d’option – pour que le Journal officiel explique la rigoureuse marche à suivre pour conserver la nationalité française et que ce choix soit reconnu des deux côtés de la frontière.
- 39 Eugène Hepp, Du droit d’option des Alsaciens-Lorrains, op. cit.
21Sur les quelque 1 600 000 Alsaciens-Lorrains restés au pays, on estime que près de 280 000 déclarent une option pour la nationalité française. C’est un chiffre considérable, que l’historien peut avancer sans beaucoup se tromper aujourd’hui. Mais les contemporains avancèrent des chiffres fantaisistes nettement plus élevés, afin de souligner l’ampleur du phénomène39. Sonder les cœurs et les reins est parfois difficile pour l’historien ; cependant, on peut noter que ceux qui optent pour la nationalité française expriment souvent un fort sentiment d’appartenance à la France. Sans qu’il soit nécessairement la motivation principale, le patriotisme n’est jamais absent de leur démarche.
Ceux qui s’en vont et ceux qui restent
22Pour autant, de très nombreuses options ne furent pas suivies d’une émigration et furent de ce fait invalidées par les autorités allemandes. Un peu plus de 130 000 personnes, soit 8 % de la population d’Alsace-Lorraine, optèrent pour la nationalité française et prirent le chemin de l’exil pour s’assurer de la conserver. C’est à eux que nous allons nous intéresser maintenant. Dans une France qui n’est pas encore libérée de l’occupant allemand, le sort de ces exilés émeut et provoque un élan de solidarité nationale. Partout, et en particulier à la frontière, des comités de secours se forment à l’initiative des habitants pour venir en aide aux « réfugiés ».
- 40 Alfred Wahl, « Les problèmes de l’option », thèse citée, vol. 2 : « L’émigration », chap. 4, p. 265 (...)
- 41 La presse souligne cette option massive de la région de Mulhouse en publiant des gravures représent (...)
- 42 Michael Burns, « Les deux internes », in id., Histoire d’une famille française, les Dreyfus. L’éman (...)
- 43 Alfred Mézières, « Les souffrances d’un pays conquis, scènes de l’émigration en Alsace-Lorraine », (...)
- 44 Louis-Frédéric Schutzenberger, L’Exode (famille alsacienne quittant son pays), huile sur toile, m (...)
- 45 AD, 2q0 171. Fonctionnaires expulsés des départements cédés 1871.
23L’exil concerne toutes les catégories socio-professionnelles, mais certaines sont plus représentées que d’autres pour des raisons aisément compréhensibles40. Les membres de professions libérales optent et émigrent massivement, en particulier ceux de langue française ; ils retrouvent assez vite leur position sociale en France. L’université de Nancy, par exemple, est créée en mars 1872 pour accueillir le personnel académique de Strasbourg. Un nombre non négligeable d’industriels alsaciens délocalise ou implante une partie de leurs activités de l’autre côté des Vosges, ainsi qu’à Nancy et Belfort. Ces nouvelles activités attirent à elles les ouvriers qualifiés et employés d’Alsace-Loraine, qui émigrent massivement pour conserver à la fois leur nationalité et leur emploi41. L’émigration est le plus souvent familiale, à l’exemple des Dreyfus qui quittent Mulhouse en 187242, comme en témoignent de nombreux récits qui décrivent des voitures de déménagement et des wagons remplis de meubles, obstruant routes et gares43. Louis-Frédéric Schutzenberger restitue bien l’atmosphère qui préside au départ dans son tableau L’Exode44 : une famille ayant mis tous ses biens sur un char à bancs tiré par un cheval, quitte l’Alsace, et fait ses adieux aux proches, en particulier les personnes âgées, sous le regard d’un soldat allemand. Avant même la fin de la guerre, les autorités allemandes procèdent aussi à des expulsions qui viennent grossir les rangs des émigrés45, même si l’on ne peut pas parler véritablement d’expulsions de masse.
Figure 1 : Louis-Frédéric Schutzenberger, L’Exode (famille alsacienne quittant son pays), huile sur toile, musée des Beaux-Arts de Mulhouse, 1872

- 46 Alfred Wahl, « Les problèmes de l’option », thèse citée, p. 214.
- 47 Gustave Doré, Paysage d’Alsace avec deux émigrants alsaciens et troupes allemandes, gravure, 1873, (...)
- 48 Alfred Mézières, « Les souffrances d’un pays conquis, scènes de l’émigration en Alsace-Lorraine », (...)
24D’après Alfred Wahl, « les émigrants formaient essentiellement trois groupes à peu près égaux : les jeunes gens de 17 à 20 ans, les notables et les cadres français ou très francisés, enfin les ouvriers, les artisans et très peu d’agriculteurs46 ». Gustave Doré leur donne un visage avec sa gravure représentant des émigrants alsaciens où l’on voit un homme et son fils, de condition modeste, regarder une dernière fois leur terre natale, désormais sous domination allemande, avant de rejoindre la France47. À la fin de l’année 1872, les autorités allemandes constatent avec effroi que 70 % des jeunes recrues des classes 1851 et 1852 manquent à l’appel. Certains récits édifiants rapportent que des jeunes gens âgés de 17 ans auraient dit à leurs parents : « Vous pouvez me tuer, je vous pardonnerai ma mort ; mais, si vous me faites Prussien, je sens que je ne vous le pardonnerai jamais48. » Inversement, les plus âgés sont la plupart du temps restés au pays pour y finir leurs jours. L’émigration a ainsi séparé des familles dont plusieurs générations vivaient sous le même toit. Le rôle des plus âgés est souvent important dans l’émigration des enfants et des petits-enfants, car ils continuent à administrer les biens familiaux afin de leur transmettre un héritage, soit ils les vendent pour les soutenir financièrement.
- 49 François Roth, « Annexion et mouvements de population (1871-1895) », in id., La Lorraine annexée. É (...)
- 50 Léon Strauss, « 1789-1939 : les Juifs d’Alsace, la nation et la politique », in Freddy Raphaël (dir (...)
- 51 Les Alsaciens-Lorrains sont si nombreux en Suisse qu’une convention franco-suisse est signée le 23 (...)
25Les populations installées près de la frontière et dans les centres urbains sont, de loin, celles qui optent et qui émigrent le plus : la ville de Metz est, par exemple, vidée de la moitié de ses habitants49. Les calvinistes et les israélites sont surreprésentés dans l’émigration, au contraire des luthériens, de loin les plus favorables à la domination allemande50. Les émigrants rejoignent principalement les départements frontaliers et Paris, mais une partie se dirige aussi vers la Suisse et le Luxembourg, où l’on peut échapper à l’annexion tout en continuant à voir ses proches et à administrer ses biens à distance51. Plusieurs familles mulhousiennes s’installent ainsi à Bâle, tandis que les familles les plus fortunées de Thionville se domicilient au Luxembourg.
Figure 2 : Gustave Doré, Paysage d’Alsace avec deux émigrants alsaciens et troupes allemandes, gravure, 1873, Bibliothèque Universitaire de Strasbourg.

- 52 Alfred Wahl, « Les problèmes de l’option », thèse citée, vol. 2 : « L’émigration », chap. 4.
26On peine à distinguer une politique volontariste et cohérente du gouvernement français incitant les Alsaciens-Lorrains à s’exiler en France52. Non seulement le gouvernement est tout entier affairé à abréger l’occupation allemande, mais les milieux officiels sont plutôt hostiles au départ de la frange la plus résolument française de la population. Tout au plus, les fonctionnaires sont assurés de conserver leur emploi en France ; ils sont nombreux dans l’administration des Eaux et Forêts, des Douanes et la gendarmerie, à être ainsi mutés. De façon générale, c’est la prudence qui prédomine et si le gouvernement n’appelle pas les Alsaciens-Lorrains à émigrer, il ne les refoule pas non plus car, s’ils ont déclaré une option, il les considère de plein droit comme ressortissants français : on craint en effet qu’ils n’émigrent aux États-Unis ou, pire, qu’ils se résolvent à devenir Allemands.
- 53 Archives départementales de Meurthe-et-Moselle (admm) (Nancy) : admm 4 m 215 bis. Alsaciens-Lorrain (...)
- 54 ADMM, 4 m 215. Arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 27 février 1873, autorisant la fondation d (...)
- 55 AD, 2q0 303. Société de protection des Alsaciens et des Lorrains demeurés français 1872-1879.
27À défaut d’être officiellement encouragés à franchir la frontière, les migrants bénéficient d’une solidarité nationale extraordinaire dont la presse se fait le relais. Ils peuvent obtenir des bons pour des repas, des vêtements, un logement ou des billets de train auprès de comités de secours qui se constituent à Nancy, Lunéville, Toul, Pont-à-Mousson, Épinal, Saint-Dié et Belfort, et de sous-comités à Pagny-sur-Moselle, Raon-l’Étape, Senones, Provenchères ou encore Fraize53. À l’exception du comité de Nancy, dont l’initiative revient au préfet de Meurthe-et-Moselle, il s’agit d’organisations créées à l’initiative des municipalités et de la bourgeoisie locales, et financées par des souscriptions et des subventions publiques54. Plusieurs sociétés nationales d’aide fusionnent dans l’Association générale d’Alsace-Lorraine afin de coordonner avec plus d’efficacité l’action des comités, tandis que la Société de protection des Alsaciens et des Lorrains demeurés Français voit le jour en 1872 avec le soutien de l’État55.
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- 59 ATB, 6 m 311. Courrier de Louise Metzer au garde des Sceaux, ministre de la Justice, 12 mars 1876.
28Les bureaux de placement à Nancy et Belfort réorientent les familles à la recherche d’un travail vers des employeurs dans toute la France, mais aussi localement, là où s’installent de nombreux industriels et commerçants en provenance d’Alsace-Lorraine56. L’entreprise Schneider du Creusot propose d’embaucher « 60 à 80 ouvriers célibataires, autant que possible, offrant les garanties suffisantes d’aptitude et de bonne conduite » et disposant de leur certificat d’option57. Beaucoup d’offres d’emploi s’adressent plus directement aux familles, et promettent du travail au couple, et même aux enfants dans certains cas, comme celle d’Abel Girard, qui fait appel à deux familles d’ouvriers manœuvres avec des enfants âgés d’au moins 12 ans pour travailler dans sa faïencerie, à Aprey58. Des propriétaires installent des familles d’agriculteurs sur leurs terres, tandis que des manufacturiers assurent aux ouvriers qualifiés que leur femme ne sera pas désœuvrée. Les employeurs profitent de l’émigration pour attirer à eux une main-d’œuvre qualifiée et réputée rigoureuse, tout en faisant œuvre patriotique. Les jeunes filles, quant à elles, sont particulièrement recherchées pour servir de bonnes dans des fermes ou auprès de familles bourgeoises. Les comités de secours entretiennent aussi en Alsace-Lorraine un réseau de correspondants qui a certainement facilité le départ de familles assurées d’obtenir un emploi en France. Tout au long des années 1870, les comités sont débordés, mais ils accomplissent tout de même un travail de « digestion » de l’émigration. Ils jouent aussi un rôle primordial dans l’attribution des emplois réservés par l’administration en favorisant ouvertement, par exemple, la nomination des veuves de fonctionnaires et de militaires à la tête des débits de tabac59.
- 60 ADMM, 6 m 290. Concessions de terres en Algérie 1836-1877. atb 6 m 257 à 294. Commission d’émigrati (...)
- 61 Djilali Sari, L’Insurrection de 1871, Alger, Société nationale d’édition et de diffusion, 1972.
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- 63 ADMM, 6 M 290. Moyens de transport gratuits 1872-1897. atb 4 m 120. Alsaciens-Lorrains indigents ; (...)
- 64 Le village est ensuite renommé Haussonvillers en l’honneur de Paul-Gabriel d’Haussonville, présiden (...)
- 65 Fabienne Fischer, Alsaciens et Lorrains en Algérie. Histoire d’une migration, 1830-1914, Nice, Gand (...)
29Une autre possibilité est offerte aux optants : s’installer en Algérie60. Dès juin 1871, les députés votent une loi attribuant 100 000 hectares de terre aux familles qui « veulent changer de sol sans changer de patrie », terres prises sur les biens confisqués aux indigènes ayant participé à l’insurrection de la Grande Kabylie61. Cette mesure s’inscrit dans la continuité de la politique coloniale française, qui cherche à installer des Européens en Algérie depuis les années 1830, principalement en détournant les flux migratoires à destination de l’Amérique du Nord. Jusqu’à la fin des années 1880, des commissions d’émigration à Nancy et à Belfort sont chargées de recruter des familles de colons et de leur distribuer des concessions à titre gratuit ou peu onéreux62. Les plus modestes reçoivent des subsides pour payer leur voyage en direction des colonies, mais aussi des moyens de campement et des aides diverses pour la construction des habitations, l’achat du bétail, de semences et de vivres63. Ainsi, la famille Lorentz s’établit-elle, avec cinquante autres, à Azib-Zamoun64. Les Alsaciens-Lorrains sont en tout plus de 6 000 à s’installer en Algérie entre 1871 et 187465. Afin de décourager ces aspirants colons, les autorités allemandes diffusent des fausses informations ou font grand cas des entreprises douteuses, comme celle du « convoi Ziegler » en 1872. Un capitaine de l’armée française s’était, en effet, fait le complice d’une entreprise de spéculation qui visait à former une société de colonisation pour exploiter ses compatriotes d’Alsace-Lorraine peu fortunés, en particulier des enfants.
Les enfants de la nation
- 66 Tara Zahra, Kidnapped Souls. National Indifference and the Battle for Children in the Bohemian Land (...)
30De façon générale, les plus jeunes font l’objet d’une attention particulière de la part de la Société de protection des Alsaciens et des Lorrains demeurés Français et des autres sociétés de secours. L’impossibilité pour tout mineur, même émancipé ou orphelin, d’opter pour la nationalité française auprès des autorités allemandes conduit les sociétés de secours à adopter des stratégies de contournement. Les enfants d’Alsace-Lorraine ont ainsi bien été l’enjeu d’une lutte nationale, comme dans la Bohème de la première moitié du xxe siècle étudiée par Tara Zahra66.
- 67 « L’orphelinat du Vésinet », Le Petit Journal, 7 décembre 1875.
31Un orphelinat est fondé au Vésinet à l’aide de généreuses donations. Inauguré en 1875, il n’accueille, jusqu’à l’âge de 20 ans, que des jeunes filles issues de familles nombreuses d’Alsace-Lorraine, et ayant perdu leur père. Une cinquantaine d’enfants et d’adolescentes sont ainsi accueillies ; elles reçoivent une instruction professionnelle qui les destine à devenir des « femmes d’intérieur, habiles, capables de tenir une maison et d’apporter une bonne part d’utilité à un ménage » et elles sont instruites dans la religion du père (catholicisme ou calvinisme67). La nation veille ainsi à ce que les valeurs du père soient transmises aux jeunes filles. Les places d’orphelinat sont attachées à des bourses – les pensions s’élèvent à 400 francs par an – et la Société de protection des Alsaciens et des Lorrains demeurés Français pourvoit aux places non financées. À la sortie de l’orphelinat, ces jeunes femmes continuent d’être assistées par la société, qui leur trouve soit un mari, soit une place de confiance.
- 68 Alfred Wahl, « Les problèmes de l’option », thèse citée, p. 348-352.
- 69 ATB, 6 m 240. Secours de route attribués, septembre 1872.
32Le gouvernement français s’est d’abord contenté de faire voter au parlement un crédit exceptionnel de 500 000 francs pour soutenir les sociétés d’assistance aux Alsaciens-Lorrains68. Il intervient ensuite plus franchement en allouant un budget de 6 millions de francs, prélevé sur les fonds de la souscription nationale pour la libération du territoire. Un comité national, chargé d’assister directement les familles, et une Œuvre de l’Instruction des Alsaciens-Lorrains, qui distribue des bourses aux mineurs et place les orphelins, sont institués. Pour autant, il ne faudrait pas y voir du dirigisme centralisateur : ces deux entités se contentent de financer, encadrer et canaliser les initiatives locales ; ce sont ces dernières qui sont à la manœuvre et se chargent d’adresser les demandes de secours et de bourses aux maires et aux préfets. Dans le seul Territoire de Belfort, en septembre 1872, il est ainsi distribué entre 8 000 et 10 000 francs par jour69. L’intervention de l’État doit aussi se comprendre comme un remède aux abus et aux fraudes. En effet, certains Alsaciens-Lorrains ont profité des secours que l’on pouvait obtenir en France, sans déclarer une option et sans avoir l’intention d’émigrer.
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- 73 ATB, 6 m 241. Courrier de l’Association des Alsaciens-Lorrains de Belfort au président de la Sociét (...)
33En 1873, les femmes de la bourgeoisie nancéienne sont très actives dans le comité de secours : elles organisent la charité, placent les enfants en apprentissage et visitent les familles70. À la fin de l’année 1872 et jusqu’en 1873, les exilés affluent à Nancy et se regroupent place Stanislas, en attendant qu’on leur indique une destination à prendre ou qu’on leur offre un emploi. Les caisses, les paquets et les matelas s’amoncèlent sur les places et le quai de la gare, où l’on peut retrouver des « montagnes de bagages71 ». Le sort des exilés émeut, mais il faut aussi comprendre l’action des comités de secours comme animée par le souci de vérifier la moralité des « réfugiés » qui se voient obligés de mendier, en particulier les enfants72. Les optants peuvent en effet se retrouver dans des situations de grande détresse économique, comme c’est le cas de la famille Croisé, originaire de Ribeauvillé, contrainte de vendre tous ses meubles et tous ses biens73.
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- 75 ADBR 69 al 649. Courrier du Polizeidirektor de Metz au Präfekt de Lorraine, 21 août 1872.
- 76 ADBR 69 al 649. Courrier du Präfekt de Haute-Alsace au Gouverneur général d’Alsace-Lorraine, 2 sept (...)
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- 78 ATB, 6 m 251 Compte rendu d’exercice de la Société de patronage des orphelins d’Alsace-Lorraine de (...)
34Plusieurs acteurs indépendants de l’État aident les enfants à émigrer en France74. La Société de patronage des orphelins d’Alsace-Lorraine s’est ainsi donné pour but « d’arracher le plus possible d’âmes catholiques aux griffes des Prussiens75 ». Cette organisation proche des milieux réactionnaires met en place un véritable réseau transfrontalier d’exfiltration des enfants, en s’appuyant sur le clergé en charge d’institutions de charité et d’orphelinats76. Les mineurs sont ensuite placés dans des orphelinats agricoles en France, où ils sont employés comme domestiques. Convaincues de participer à une œuvre patriotique et chrétienne, plusieurs familles catholiques d’Alsace-Lorraine confient leurs enfants aux soins du clergé local77. Ainsi le curé de Longeville, près de Metz, est-il très actif à faire passer la frontière à ses jeunes ouailles. Les autorités allemandes réussissent à identifier une partie de ceux qui prennent part à cette évasion et arrêtent un passeur français, mais on ne saurait dire combien de personnes ont participé à cette entreprise. Ce qui est certain, c’est que plus de 300 enfants sont exfiltrés au début des années 1870, et le nombre de 650 est atteint au milieu des années 188078.
Figure 3 : H. Dutheil, « L’Alsace sous les Prussiens. Émigration des enfants d’Alsace vers la France », gravure d’après un croquis de Ch. Lallemand, vers 1872.

- 79 ATB, 6 m 241. Attribution de bourses et de secours à l’œuvre de l’instruction des Alsaciens-Lorrai (...)
- 80 ATB, 6 m 241. Courrier de l’administrateur du Territoire de Belfort au ministre de l’Intérieur, 24 (...)
- 81 ATB, 6 m 241. Courrier de l’inspecteur académique de Besançon à l’administrateur de Belfort, 9 sept (...)
- 82 ATB, 6 m 241. Note du comité alsacien-lorrain de Belfort, 13 décembre 1877.
35À Belfort, dans les années 1870, les bourses attribuées par le ministère de l’Instruction publique aux enfants exilés, sur la proposition de l’Œuvre pour l’Instruction des Alsaciens-Lorrains, sont de véritables primes à la loyauté nationale des parents79. Par exemple, Jean-Georges Brin, ancien brigadier-chef à Colmar, a non seulement opté, mais il a aussi refusé de servir les autorités allemandes alors même que, ce faisant, il perdait ses droits à une pension de retraite pour laquelle il avait cotisé pendant vingt ans80. Il est récompensé en obtenant une bourse pour son fils de douze ans, élève au collège libre de La-Chapelle-sous-Rougemont, qui accueille de nombreux enfants en pensionnat. Les rares refus d’attribution concernent des familles disposant de moyens suffisants pour subvenir à l’éducation de leurs enfants ou ayant ouvertement manifesté leur germanophilie81. Dès la fin du délai de l’option, les comités locaux étendent l’attribution des bourses à tous les Alsaciens-Lorrains, ce qui favorise les départs de jeunes gens jusqu’au début des années 188082. Les collèges et lycées français, publics ou privés, situés à la frontière font ainsi le plein d’élèves internes et boursiers.
- 83 Georges Cogordan, Droit des gens, op. cit, p. 385.
- 84 ADHR, 1 al 1/1434. Liste des options annulées par les autorités allemandes dans le cercle d’Altkirc (...)
- 85 La loi du 24 janvier 1873 instituant les Kreistage et Bezirkstage prive en effet les Alsaciens-Lorr (...)
- 86 ADBR, 27 al 314. Réglementation et condition des Français et des optants séjournant en Alsace-Lorra (...)
36Impuissantes, les autorités allemandes assistent à l’hémorragie de l’émigration, qui ne cesse véritablement qu’à la fin des années 1870. Après 1872, on estime que près de 10 % des personnes nées en Alsace-Lorraine n’y résident plus. Près de 110 000 options non accompagnées d’une émigration sont annulées83. Dès 1872, à Dannemarie, les gendarmes délivrent aux familles d’optants restées au pays un document spécifiant qu’ils ont désormais la nationalité allemande, car ils n’ont pas émigré84. Les rétractations volontaires restent rares et sont motivées par la peur de l’expulsion ou par la crainte de perdre ses droits85. Les familles exilées sont invitées à revenir et, le cas échéant, à être naturalisées allemandes. C’est ainsi que plusieurs dizaines de milliers de personnes retournent finalement en Alsace-Lorraine, après un séjour plus ou moins court en France. Seuls les pensionnés et retraités ayant opté pour la nationalité française sont autorisés à rester dans le Reichsland tout en jouissant du statut d’étranger prévu par la loi : les personnes âgées ne représentent pas une menace pour la germanisation du pays – en raison de leur espérance de vie – et ont l’avantage, aux yeux des autorités, de rester à la charge du gouvernement français86. Le Parlement français a, en effet, exceptionnellement autorisé que les pensions soient reversées à des personnes ne résidant pas sur le sol national.
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- 87 « Die Optionsfrage ist und bleibt eine der größten Fragen in Elsaß-Lothringen, sie greift, wie es J (...)
- 88 Dieter Gosewinkel, Einbürgern und Ausschliessen. Die Nationalisierung der Staatsangehörigkeit vom D (...)
- 89 L’option des Alsaciens-Lorrains et ses conséquences au point de vue de la nationalité française et (...)
37L’option a engendré l’émigration définitive de plus de 130 000 habitants d’Alsace-Lorraine entre 1871 et 1873, dont près d’un tiers de mineurs fuyant, avant toute chose, le service militaire en vigueur dans l’Empire allemand. La nouvelle frontière franco-allemande dessinée au lendemain du traité de Francfort sépare alors de nombreuses familles : « La question de l’option est et reste l’une des plus grandes questions en Alsace-Lorraine, elle intervient, comme chacun peut facilement le constater, dans les relations familiales les plus intimes et les plus importantes de près de 50 000 familles87. » L’option a bien fonctionné comme instrument d’homogénéisation nationale du territoire en provoquant l’émigration de nombreuses familles88. Cependant, les gouvernements n’ont pas réussi à obtenir l’adéquation parfaite de la nationalité avec la frontière, en raison des nombreuses stratégies déployées par les habitants, qui profitent des différences d’application du droit d’option en fonction de la composition de leur famille, de leur sexe et de leur âge. Les problèmes de nationalité provoqués par ces stratégies occupent les diplomaties françaises et allemandes jusqu’à la réunion de l’Alsace-Lorraine à la France en 191889.
Notes
1 Alsace-Lorraine (Elsaß-Lothringen) est le nom donné aux territoires annexés par l’Empire allemand ; ils correspondent aux actuels départements de Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. Après leur réunion à la France en 1918, on les désigne sous le vocable Alsace-Moselle.
2 Traité de Francfort, 1871, art. 2.
3 Il ne s’agit pas de choisir sa nationalité, pour en savoir plus sur les différentes sortes d’option : Benoît Vaillot, « L’option de nationalité », Encyclopédie pour une histoire nouvelle de l’Europe, 2016, mis en ligne le 23 juin 2020 [https://ehne.fr/fr/node/14157] (consulté le 5 novembre 2020).
4 La quasi-totalité d’entre eux opte pour la nationalité française, les quelques cas d’option pour la nationalité allemande sont le choix de soldats et de condamnés aux travaux forcés, car cela signifiait leur libération immédiate.
5 Roberta Pergher fait l’état de la recherche sur la question dans son chapitre relatif à l’option du Trentin-Haut-Adige : Roberta Pergher, “‘Inviolable’” Borders: Land, People and the Option Agreement between Nazi Germany and Fascist Italy”, in id., Mussolini’s Nation-Empire. Sovereignty and Settlement in Italy’s Borderlands, 1922-1943, Cambridge, Cambridge University Press, 2017, p. 203-242.
6 Alfred Wahl, L’Option et l’émigration des Alsaciens Lorrains, 1871-1872, Paris, Ophrys, 1974 ; ce livre est issu de la thèse de l’auteur : Alfred Wahl, « Les problèmes de l’option des Alsaciens-Lorrains, 1871-1872 », Université de Strasbourg, sous la direction de Fernand L’Huillier, 1972.
7 Émile Szlechter, Les Options conventionnelles de nationalité à la suite de cessions de territoires, Paris, Sirey, 1948.
8 Centre des Archives diplomatiques du site de Paris-La Courneuve (AD) : AD 2q0 265 à 304. Les Alsaciens-Lorrains et l’option de nationalité 1871-1885 : 3 ADP 9. Contestations d’options pour l’Allemagne 1873-1874. Archives nationales du site de Pierrefitte-sur-Seine (AN) : AN BB 31/1 à 503. Option des Alsaciens-Lorrains 1871-1875. Bundesarchiv (BA) (Berlin) : BA r 901/30051 à 31432. Bestimmungen des Fridensvertrages vom 19. Mai 1871 und des Schlussprotokolls über die Wahl der Elsass-Lothringer zwischen der deutschen und französischen Nationalität 1871-1931.
9 Traité de Francfort du 10 mai 1871, article 2.
10 Traité de Francfort du 10 mai 1871, article 5.
11 Franz von Holtzendorff, Rechtslexikon, Leipzig, Deutschland, Duncker & Humblot, 1880, Option.
12 AN BB 31 530. Protocoles de la Conférence de Francfort.
13 AN BB 31 532. Options nulles pour la nationalité allemande et française 1872-1873.
14 Archives départementales du Territoire de Belfort (ATB) (Belfort) : ATB 6 m 239. Courrier du maire de Saint-Louis à l’administrateur du Territoire de Belfort, 18 avril 1872.
15 Alfred Wahl, « Les problèmes de l’option », thèse citée, p. 258-264.
16 Eugène Hepp, Du droit d’option des Alsaciens-Lorrains pour la nationalité française, Paris, Sandoz et Fischbacher, 1872, p. 100.
17 Charles-Edouard Laborde, Du droit d’option. Lettre aux Alsaciens et Lorrains sur le Traité du 10 mai et la Convention additionnelle, du 11 décembre 1871, Paris, A. Le Chevalier, 1872.
18 Ligue d’Alsace, Manuel de l’option, La Ligue d’Alsace, 1872, p. 23.
19 Geheime Staatsarchiv Preußischer Kulturbesitz (GSTA PK) (Berlin) : GSTA PK, I. ha Annex e.7. Die Behandlung der Optanten für Frankreich in Elsaß-Lothringen 1871-1905.
20 Charles-Alphonse Witz, La vraie ligue d’Alsace par un Alsacien, Muhouse et Bâle, C. Detloff, 1871. Précisons que l’auteur est germanophile et luthérien.
21 Wilhelm Stieb, Die Option der Elsass-Lothringer. Entstehung, Ausuebung und Anerkennung des Optionsrechts nach der Wiedervereinigung Elsaß-Lothringens mit dem deutschen Reiche, Metz, 1902.
22 GSTA PK, I. ha Annex e.7. Ausführungsbestimmungen 1871.
23 Alfred Mézières, « Les souffrances d’un pays conquis, scènes de l’émigration en Alsace-Lorraine », Revue des Deux Mondes, vol. 102, 1872/3.
24 Eli Nathans, The Politics of Citizenship in Germany: Ethnicity, Utility and Nationalism, Oxford, New York, Berg Publishers, 2004, p. 62-65.
25 À ce sujet : Jennifer Heuer, The Family and the Nation: Gender and Citizenship in Revolutionary France, 1789-1830, Ithaca, Cornell University Press, 2005.
26 ATB, 6 m 239. Option pour la nationalité française 1871-1903.
27 Ibid.
28 Code civil, art. 103 et 104.
29 Les listes et registres de déclarations en témoignent. ADMM, 6 m 291 à 6 m 295. Options d’Alsaciens-Lorrains pour la nationalité française 1872. ATB, 6 m 239. Option pour la nationalité française 1871-1903. adv 15 m 34 à 36. Déclarations d’option 1871-1872.
30 ATB, 6 m 239. Courrier du maire d’Étueffont à l’administrateur du Territoire de Belfort, 22 avril 1872.
31 AD, 2q0 265. Statut des mineurs et des domiciliés non-originaires des territoires cédés 1872.
32 AD, 2q0 266. Options de mineurs contestés par l’Allemagne 1879-1880 ; 2q0 294 à 295. Dossiers individuels d’options d’enfants mineurs, 1874-1883.
33 GSTA PK, I. ha Annex e.7. Ausführungsbestimmungen 1871.
34 On peut y voir une réactivation du Domizilprinzip qui lie la nationalité à la résidence jusqu’en 1842 en Prusse, une sorte de naturalisation implicite : Andreas Fahrmeir, Citizens and Aliens. Foreigners and the Law in Britain and the German States 1789-1870, New York, Berghahn Books, 2000.
35 Georges Cogordan, Droit des gens. La nationalité au point de vue des rapports internationaux, Paris, L. Larose, 1879, p. 345.
36 Jochen Sohnle, « La tradition allemande des modifications territoriales : voter avec les pieds », in Marc Ortolani, Olivier Vernier, Michel Bottin, Bruno Berthier (dir.), Consentement des populations, plébiscites et changements de souveraineté. Actes du colloque international de Nice et Chambéry 27 septembre-1er octobre 2010, Nice, Serre Éditeur, 2013, p. 105-126.
37 Alfred Wahl, « Les problèmes de l’option », thèse citée, p. 119-132.
38 Archives départementales du Haut-Rhin (ADHR) (Colmar), 8 al 1/9420. Manifestations francophiles à Sainte-Marie-aux-Mines 1870-1873.
39 Eugène Hepp, Du droit d’option des Alsaciens-Lorrains, op. cit.
40 Alfred Wahl, « Les problèmes de l’option », thèse citée, vol. 2 : « L’émigration », chap. 4, p. 265-340.
41 La presse souligne cette option massive de la région de Mulhouse en publiant des gravures représentant les ouvriers sortant du bureau du Kreisdirektor de Mulhouse. « Les ouvriers de Mulhouse allant en masse opter pour la nationalité française », Le Monde illustré, 4 mai 1872.
42 Michael Burns, « Les deux internes », in id., Histoire d’une famille française, les Dreyfus. L’émancipation, l’Affaire, Vichy, Paris, Fayard, 1994, p. 81-93.
43 Alfred Mézières, « Les souffrances d’un pays conquis, scènes de l’émigration en Alsace-Lorraine », art. cit.
44 Louis-Frédéric Schutzenberger, L’Exode (famille alsacienne quittant son pays), huile sur toile, musée des Beaux-Arts de Mulhouse, 1872.
45 AD, 2q0 171. Fonctionnaires expulsés des départements cédés 1871.
46 Alfred Wahl, « Les problèmes de l’option », thèse citée, p. 214.
47 Gustave Doré, Paysage d’Alsace avec deux émigrants alsaciens et troupes allemandes, gravure, 1873, Bibliothèque Universitaire de Strasbourg [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10217802v.r=gustave%20dor%C3%A9%20%C3%A9migrant%20alsacien?rk=42918;4].
48 Alfred Mézières, « Les souffrances d’un pays conquis, scènes de l’émigration en Alsace-Lorraine », art. cit.
49 François Roth, « Annexion et mouvements de population (1871-1895) », in id., La Lorraine annexée. Étude sur la Présidence de Lorraine dans l’Empire allemand (1870-1918), Metz, Éditions Serpenoise, 2011, p. 93-124 [1re éd. 2007, réédition actualisée de la thèse de l’auteur publiée en 1976].
50 Léon Strauss, « 1789-1939 : les Juifs d’Alsace, la nation et la politique », in Freddy Raphaël (dir.), Regards sur la culture judéo-alsacienne. Des identités en partage, Strasbourg, La nuée bleue, 2001, P. 153‑166 ; Vicki Caron, “Patriotism or Profit? The Emigration of Alsace-Lorraine Jews to France, 1871-1872”, The Leo Baeck Institute Year Book, vol. 28, 1983/1, p. 139-168.
51 Les Alsaciens-Lorrains sont si nombreux en Suisse qu’une convention franco-suisse est signée le 23 juillet 1879 permettant que les enfants mineurs (dont les parents se faisaient naturaliser Suisses) demeurent Français, mais puissent opter pour la nationalité suisse dans le cours de leur 22e année. ATB, 4 m 622. Français ayant opté pour la nationalité suisse 1890-1935.
52 Alfred Wahl, « Les problèmes de l’option », thèse citée, vol. 2 : « L’émigration », chap. 4.
53 Archives départementales de Meurthe-et-Moselle (admm) (Nancy) : admm 4 m 215 bis. Alsaciens-Lorrains en France : demandes d’emploi, secours accordés 1872-1888. atb 6 m 240. Secours de route : demandes et attributions 1872-1874 ; 6 m 242. Aide apportée au comité par les organismes et les particuliers, demandes et offres d’emploi 1872-1874 ; 6 m 243 à 246 Enregistrement des secours accordés 1873-1874 ; 6 m 247 à 249. Remboursement d’avances 1872-1902. Archives départementales des Vosges (adv) (Épinal) : adv 4 m 529 à 533. Comités et société de protection 1871-1918.
54 ADMM, 4 m 215. Arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 27 février 1873, autorisant la fondation de la société de secours pour les Alsaciens-Lorrains de Nancy.
55 AD, 2q0 303. Société de protection des Alsaciens et des Lorrains demeurés français 1872-1879.
56 ADMM, 4 m 215 bis. Alsaciens-Lorrains en France : demandes d’emploi, secours accordés 1872-1888. atb 6 m 242. Aide apportée au comité par les organismes et les particuliers, demandes et offres d’emploi 1872-1874.
57 ATB, 6 m 242. Courrier de Jules Chagot au président du comité de secours de Belfort, 11 octobre 1872.
58 ATB, 6 m 242. Note de la Société de protection des Alsaciens-lorrains demeurés Français, 26 septembre 1872.
59 ATB, 6 m 311. Courrier de Louise Metzer au garde des Sceaux, ministre de la Justice, 12 mars 1876.
60 ADMM, 6 m 290. Concessions de terres en Algérie 1836-1877. atb 6 m 257 à 294. Commission d’émigration alsacienne de Belfort et concessions de terres en Algérie 1871-1887.
61 Djilali Sari, L’Insurrection de 1871, Alger, Société nationale d’édition et de diffusion, 1972.
62 ADMM, 6 m 290. Comités nancéiens et autres de patronage des Alsaciens-Lorrains et en faveur de l’immigration des Alsaciens-Lorrains en Algérie 1871-1879 ; atb 6 m 252 à 256. Commission d’émigration alsacienne de Belfort 1871-1880.
63 ADMM, 6 M 290. Moyens de transport gratuits 1872-1897. atb 4 m 120. Alsaciens-Lorrains indigents ; 6 m 258. Remboursement des frais de transport et de passage en Algérie.
64 Le village est ensuite renommé Haussonvillers en l’honneur de Paul-Gabriel d’Haussonville, président de la Société de protection des Alsaciens et des Lorrains demeurés Français.
65 Fabienne Fischer, Alsaciens et Lorrains en Algérie. Histoire d’une migration, 1830-1914, Nice, Gandini, 1999.
66 Tara Zahra, Kidnapped Souls. National Indifference and the Battle for Children in the Bohemian Lands, 1900-1948, Ithaca, Cornell University Press, 2008.
67 « L’orphelinat du Vésinet », Le Petit Journal, 7 décembre 1875.
68 Alfred Wahl, « Les problèmes de l’option », thèse citée, p. 348-352.
69 ATB, 6 m 240. Secours de route attribués, septembre 1872.
70 ADMM, 2 m 215. Arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 27 février 1873 autorisant la fondation de la société de secours pour les Alsaciens-Lorrains de Nancy.
71 Alfred Mézières, « Les souffrances d’un pays conquis, scènes de l’émigration en Alsace-Lorraine », art. cit.
72 ADMM, 2 m 215. Arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 27 février 1873 autorisant la fondation de la société de secours pour les Alsaciens-Lorrains de Nancy.
73 ATB, 6 m 241. Courrier de l’Association des Alsaciens-Lorrains de Belfort au président de la Société des Alsaciens-Lorrains, 1er août 1877.
74 ATB 6 m 251. Société de patronage des orphelins d’Alsace-Lorraine 1881-1887. Archives départementales du Bas-Rhin (ADBR) (Strasbourg) : ADBR 69 al 649. Die Auswanderung der minderjährigen Personen, 1871-1919.
75 ADBR 69 al 649. Courrier du Polizeidirektor de Metz au Präfekt de Lorraine, 21 août 1872.
76 ADBR 69 al 649. Courrier du Präfekt de Haute-Alsace au Gouverneur général d’Alsace-Lorraine, 2 septembre 1872.
77 ATB, 6 m 241. Courrier du président de la Société de patronage des orphelins d’Alsace-Lorraine à l’administrateur du Territoire de Belfort, 23 mai 1881. adbr 69 al 649. Die Auswanderung der minderjährigen Personen 1871-1919.
78 ATB, 6 m 251 Compte rendu d’exercice de la Société de patronage des orphelins d’Alsace-Lorraine de 1886.
79 ATB, 6 m 241. Attribution de bourses et de secours à l’œuvre de l’instruction des Alsaciens-Lorrains 1873-1883.
80 ATB, 6 m 241. Courrier de l’administrateur du Territoire de Belfort au ministre de l’Intérieur, 24 mars 1875.
81 ATB, 6 m 241. Courrier de l’inspecteur académique de Besançon à l’administrateur de Belfort, 9 septembre 1878.
82 ATB, 6 m 241. Note du comité alsacien-lorrain de Belfort, 13 décembre 1877.
83 Georges Cogordan, Droit des gens, op. cit, p. 385.
84 ADHR, 1 al 1/1434. Liste des options annulées par les autorités allemandes dans le cercle d’Altkirch 1872-1884.
85 La loi du 24 janvier 1873 instituant les Kreistage et Bezirkstage prive en effet les Alsaciens-Lorrains n’ayant pas retiré leur option des droits de vote et d’éligibilité.
86 ADBR, 27 al 314. Réglementation et condition des Français et des optants séjournant en Alsace-Lorraine 1879-1909.
87 « Die Optionsfrage ist und bleibt eine der größten Fragen in Elsaß-Lothringen, sie greift, wie es Jeder leicht einsehen kann, in die innigsten und wichtigsten Familienverhältnisse einer äußerst großen Zahl von Familien ein […] Die Optionsfrage geht […] direkt 50.000 Familien in Elsaß-Lothringen an », Verhandlungen des Deutschen Reichstages, Stenographische Berichte, 15. Sitzung, 21 novembre 1875, p. 242.
88 Dieter Gosewinkel, Einbürgern und Ausschliessen. Die Nationalisierung der Staatsangehörigkeit vom Deutschen Bund bis zur Bundesrepublik Deutschland, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2001, p. 191-210.
89 L’option des Alsaciens-Lorrains et ses conséquences au point de vue de la nationalité française et allemande sont traitées dans un chapitre de ma thèse en cours de rédaction (depuis 2016) : « La frontière franco-allemande (1871-1914). Territoires, souverainetés, identités », Université de Strasbourg/Institut Universitaire Européen (Florence), sous la direction de Catherine Maurer et Pieter M. Judson.
Haut de pageTable des illustrations
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Titre | Figure 1 : Louis-Frédéric Schutzenberger, L’Exode (famille alsacienne quittant son pays), huile sur toile, musée des Beaux-Arts de Mulhouse, 1872 |
URL | http://journals.openedition.org/rh19/docannexe/image/7115/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 516k |
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Titre | Figure 2 : Gustave Doré, Paysage d’Alsace avec deux émigrants alsaciens et troupes allemandes, gravure, 1873, Bibliothèque Universitaire de Strasbourg. |
URL | http://journals.openedition.org/rh19/docannexe/image/7115/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 508k |
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Titre | Carte 1 : L’émigration consécutive à l’option (années 1870) |
URL | http://journals.openedition.org/rh19/docannexe/image/7115/img-3.png |
Fichier | image/png, 195k |
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Titre | Carte 2 : L’accueil des optants à la frontière (années 1870) |
URL | http://journals.openedition.org/rh19/docannexe/image/7115/img-4.png |
Fichier | image/png, 163k |
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Titre | Figure 3 : H. Dutheil, « L’Alsace sous les Prussiens. Émigration des enfants d’Alsace vers la France », gravure d’après un croquis de Ch. Lallemand, vers 1872. |
URL | http://journals.openedition.org/rh19/docannexe/image/7115/img-5.jpg |
Fichier | image/jpeg, 216k |
Pour citer cet article
Référence papier
Benoît Vaillot, « L’exil des Alsaciens-Lorrains. Option et famille dans les années 1870 », Revue d'histoire du XIXe siècle, 61 | 2020, 103-122.
Référence électronique
Benoît Vaillot, « L’exil des Alsaciens-Lorrains. Option et famille dans les années 1870 », Revue d'histoire du XIXe siècle [En ligne], 61 | 2020, mis en ligne le 01 janvier 2024, consulté le 26 mars 2025. URL : http://journals.openedition.org/rh19/7115 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rh19.7115
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