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Médias et écritures de l'histoire

Assassin’s Creed dans la Bagdad abbasside. Enjeux de médiation et d’authenticité dans la mobilisation d’un jeu vidéo historique au musée

Assassin’s Creed in Abbasid Baghdad. Matters of Mediation and Authenticity in a Historical Video Game Museum Exhibition
Gabrielle Lavenir

Résumés

L’exposition de l’Institut du Monde Arabe sur la Bagdad abbasside mobilise le jeu vidéo « Assassin’s Creed : Mirage » et sa reconstitution de la ville au IXe siècle comme outil de médiation et de diffusion des connaissances historiques. Ce choix reflète l’entrée progressive des jeux vidéo dans les musées mais aussi la persistance du recours à la fiction historique pour proposer des reconstitutions du passé à des publics divers. L’exposition, ses choix muséographiques et le jeu qui la structure reflètent les enjeux et les débats relatifs au jeu vidéo historique, qu’il s’agisse de l’apprentissage, de la représentation ou de l’écriture de l’histoire.

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Texte intégral

  • 1 Désignée dans la suite du texte sous la forme « L’IMA ».
  • 2 Désignée dans la suite du texte sous la forme « L’exposition “Bagdad” ».
  • 3 Désignée dans la suite du texte sous la forme « ACM ».

1En 2024, l’Institut du Monde Arabe1 présente une exposition intitulée « Bagdad : redécouvrir Madinat al-Salam, avec Assassin’s Creed Mirage2 ». Cette exposition utilise le jeu vidéo « Assassin’s Creed : Mirage3 » comme outil de médiation pour présenter une reconstitution 3D de la ville à l’époque abbasside.

2ACM, sorti le 5 octobre 2023, est le dernier opus d’une licence qui compte treize jeux principaux. Ces jeux d’aventure et d’infiltration sont ancrés, chacun, dans un contexte historique différent : la Palestine de la Troisième Croisade, Florence au XVe siècle, en Grèce pendant la guerre du Péloponnèse ou le Paris de 1793, par exemple.

  • 4 Youssef Maguid, « Assassin’s Creed Odyssey and Origins Featured at Museum of Cycladic Art of Athens (...)
  • 5 Marc-André Éthier et David Lefrançois, Le Jeu et l’histoire : Assassin’s Creed vu par les historien (...)

3L’exposition est le prolongement d’une collaboration entre l’éditeur français du jeu, Ubisoft, et l’IMA, dont les collections ont servi d’inspiration lors de la création des décors et des éléments du jeu. ACM s’inscrit ainsi dans la continuité de la politique d’Ubisoft, qui investit dans des partenariats avec des institutions scientifiques et culturelles4 et avec des historiens dans la production de la licence5. Cette stratégie permet à Ubisoft de se positionner comme un éditeur particulièrement sensible à la qualité de la reproduction historique dans ses jeux.

  • 6 Mark J. P. Wolf et Bernard Perron (dir.), The Video Game Theory Reader, New York/Londres, Routledge (...)

4L’exposition « Bagdad », sa construction et les collaborations sur lesquelles elle s’appuie constituent une étude de cas éclairante sur l’usage des jeux vidéo dans l’écriture de l’histoire. Plus largement, elle permet une réflexion sur le rôle des médias numériques6 dans la diffusion de représentations du passé et la médiation de l’histoire en tant que discipline dans le contexte institutionnel du musée.

5Si l’IMA, à la suite d’autres institutions culturelles, construit une exposition autour d’un jeu vidéo commercial, c’est que divers acteurs dans et hors de l’industrie du jeu vidéo promeuvent le média vidéoludique comme un précieux outil de médiation culturelle et scientifique. Parce qu’il est supposé capable de générer de l’immersion et d’attirer les plus jeunes mieux que d’autres médias, le jeu vidéo est au cœur de promesses, de stratégies et de tensions que cet article se propose d’interroger. L’article commence par retracer l’entrée des jeux vidéo au musée, puis examine les débats sur la représentation et la mise en récit du passé dans les jeux vidéo.

Assassin’s Creed au musée

6L’exposition « Bagdad » s’inscrit dans un processus entamé au milieu des années 2000, celui de l’entrée des jeux vidéo au musée. Cette entrée prend une forme originale à l’IMA, qui construit une exposition sur l’époque abbasside autour d’un jeu vidéo commercial dans le cadre d’un partenariat entre l’institution culturelle et l’éditeur du jeu. Les choix muséographiques de l’exposition laissent voir en filigrane les espoirs placés dans le jeu vidéo en tant qu’outil de médiation des connaissances historiques et d’apprentissage pour des publics non-spécialistes.

L’exposition « Bagdad », une entreprise de légitimation

« Assassin’s Creed Mirage », un jeu vidéo historique ?

  • 7 Marc-André Éthier et David Lefrançois, Le Jeu et l’histoire…, op. cit.

7« Assassin’s Creed : Mirage » est, au moment où sort l’exposition, le dernier opus d’une des principales licences de l’éditeur français Ubisoft. ACM est un jeu d’aventure, jouable sur ordinateur et console, qui permet d’incarner un membre de l’ordre des Assassins qui explore, s’infiltre et combat pour mener à bien ses quêtes. Il est important de noter que, comme pour les titres précédents d’« Assassin’s Creed », Ubisoft présente ACM, qui se déroule à Bagdad en 862, comme une reconstitution documentée du passé7. L’accent mis sur la reconstitution du passé a un rôle central dans les jeux « Assassin’s Creed ». Dans ACM, les joueurs peuvent par exemple récolter des items en forme d’orbes bleus qui marquent les « sites historiques » et permettent de débloquer des contenus sur l’histoire de Bagdad au IXe siècle.

  • 8 Olympe Lemut, « En immersion dans le bagdad d’Al-Mansour », Le Journal des Arts, 28 mai 2024. URL : (...)

8La question de la valeur d’ACM en tant que reconstitution du passé et support de médiation historique est complexe. Les discours qui coexistent sur cette question seront examinés dans la seconde partie au prisme de la notion de fiction historique. Dans un premier temps, on se contente de relever un décalage entre, d’une part, la promotion de la grande qualité historique du jeu par l’éditeur et dans la presse, et, d’autre part, la position nuancée des historiens et des professionnels de la médiation appelés à commenter le jeu. Cette nuance est illustrée par exemple par le propos d’un historien, interviewé sur grand écran dans l’exposition « Bagdad », et qui situe le jeu dans une démarche « [d]’authenticité plus que [d]’exactitude8 ».

Une exposition d’art et d’histoire organisée autour d’un jeu vidéo

  • 9 Institut du Monde Arabe, « Bagdad : redécouvrir Madinat al-Salam... », op. cit.

9L’exposition « Bagdad : redécouvrir Madinat al-Salam, avec Assassin’s Creed Mirage » est une exposition temporaire installée dans une salle de l’IMA. Elle aborde successivement cinq thématiques : la Ville Ronde, les Religions, l’Administration et la Politique, les Arts et la Culture, et les Sciences et Techniques. L’exposition donne une place centrale au jeu vidéo d’Ubisoft pour « donner à voir », selon les termes de la présentation de l’exposition sur le site de l’IMA9, la ville entre sa fondation par Al-Mansûr en 762 et sa destruction par les Mongols en 1258. L’exposition mêle les codes de l’exposition d’histoire et de l’exposition de beaux-arts, mettant l’accent sur l’urbanisme et l’artisanat abbasside dans sa présentation de l’histoire du califat.

  • 10 Ibid.
  • 11 Le concept art est l’ensemble des œuvres produites par les artistes qui travaillent sur un jeu vidé (...)

10Les décors de la salle mettent en regard des objets des collections de l’IMA avec des images et des captures vidéo issues d’ACM. L’exposition présente notamment les objets tirés des collections de l’IMA que les équipes d’Ubisoft ont reproduits dans le jeu, comme un bol en céramique et un récipient destiné aux expériences chimiques10. On trouve dans la salle des vitrines présentant des expôts datés du IXe siècle au XIXe siècle, en particulier des objets d’artisanat et des ouvrages. Une partie des cartels et des frises sont illustrés d’éléments visuels tirés du jeu vidéo pour représenter des personnages historiques ou des lieux. Sur les murs, on voit des images du concept art11 du jeu et des écrans qui diffusent des vidéos tournées dans ACM. La bande sonore de l’exposition est celle du jeu vidéo.

  • 12 Marion Coville, « La construction du jeu vidéo comme objet muséal. Le détournement d’un objet cultu (...)
  • 13 Nicolas Doduik, « La médiation ludique : un nouvel écart entre le musée et ses publics ? », dans Li (...)
  • 14 Un serious game est, au sens large, un jeu conçu pour d’autres objectifs que le divertissement, et (...)

11Cette place importante dévolue au jeu d’Ubisoft dans l’exposition est notable. Les jeux vidéo sont de plus en plus présents dans les institutions muséales et culturelles depuis une vingtaine d’années12, que ce soit en tant qu’objet d’exposition ou qu’outil de médiation scientifique et culturelle13. Mais il est rare qu’ils occupent une place de premier plan, du moins dans les expositions qui ne portent pas spécifiquement sur les jeux ou le numérique. De plus, les commissariats d’exposition font souvent le choix de commander la production d’un jeu sur mesure, généralement d’un serious game14, plutôt que de mobiliser un jeu préexistant produit par un éditeur pour une distribution commerciale.

  • 15 JV - Jeux Vidéo, « Assassin’s Creed comme vous ne l’avez jamais vu », reportage vidéo, 16 mai 2024. (...)

12Or à l’IMA, « Bagdad » fait des références fréquentes à ACM et intègre même le titre du jeu dans son titre. Dans sa dernière section, l’exposition présente le processus de production d’un jeu vidéo et met en parallèle le travail des artistes (notamment visuels) sur ACM avec le travail des artisans abbassides exposé en vitrine. L’identité visuelle de l’exposition reprend celle du jeu, de ses affiches et de sa direction artistique, ce que le commissaire de l’exposition revendique dans une interview filmée : « Tout a été extrait du jeu15. » Le rôle important dévolu à ACM dans l’exposition met en évidence les espoirs placés dans le jeu vidéo par les acteurs de la culture, des espoirs nourris par les acteurs de l’industrie du jeu vidéo. Le partenariat entre l’IMA et Ubisoft illustre cette convergence, révélatrice des attentes concernant le jeu vidéo au musée.

Le partenariat entre l’Institut du Monde Arabe et Ubisoft

  • 16 Institut du Monde Arabe, Rapport d’activités 2022, Paris, 2022.
  • 17 Il est à noter qu’Ubisoft a été impliqué comme consultant technique dans ces deux projets, comme le (...)

13L’exposition « Bagdad » est le produit de la rencontre de deux acteurs aux intérêts qui se rejoignent. D’une part, l’IMA trouve dans ACM un objet qui répond à ses ambitions. ACM trouve sa place dans la politique d’établissement de l’IMA, qui a pour priorité les créations culturelles contemporaines et la médiation, en particulier en direction des plus jeunes16. Le choix d’un jeu vidéo comme fil conducteur d’une exposition renvoie à l’intérêt de l’IMA pour l’art numérique et la représentation des mondes arabes dans la pop culture contemporaine. De plus, la mobilisation d’ACM se situe dans le prolongement de la programmation de l’IMA, qui a déjà exposé plusieurs fois des reconstitutions numériques de villes arabes. De telles reconstitutions ont été mises en avant dans l’exposition « Cités millénaires : Voyage virtuel de Palmyre à Mossoul » en 2018, par exemple, mais aussi dans les collections permanentes, qui comportent, depuis octobre 2023, un film présentant les principaux bâtiments de la Bagdad abbasside17.

  • 18 « Edinburgh historian helps build new Assassin’s Creed video game », Edinburgh Innovations, 5 juill (...)
  • 19 Marc-André Éthier et David Lefrançois, Le Jeu et l’histoire…, op. cit.
  • 20 Karim Benessaieh, « Assassin’s Creed Mirage, “c’est la meilleure reconstitution de Bagdad” », La Pr (...)
  • 21 JV – Jeu Vidéo, « Assassin’s Creed comme vous ne l’avez jamais vu », op. cit.

14D’autre part, Ubisoft trouve dans l’exposition « Bagdad » une vitrine qui met en valeur sa dernière sortie. L’exposition permet à l’éditeur de communiquer sur la dimension historique de son jeu. Pour ACM, Ubisoft a travaillé avec des médiévistes et des historiens de l’art spécialistes du Moyen-Orient qui ont animé des séminaires sur leurs sujets de spécialité auprès des équipes de production, relu les textes d’orientation du jeu et fourni des illustrations tirées de collections muséales et patrimoniales18. Comme dans les autres jeux « Assassin’s Creed », Ubisoft mobilise des historiens pour contribuer aux réflexions sur la direction artistique et le design narratif du jeu, c’est-à-dire, par exemple, pour la relecture des dialogues ou la conception des monuments19. Certains historiens travaillent au sein du studio en tant qu’employés, et d’autres, travaillant dans les champs universitaire et institutionnel, sont sollicités sur des jeux spécifiques en fonction de leur spécialisation. L’éditeur communique abondamment sur la participation d’historiens au processus de production, une participation présentée comme une garantie de la qualité du jeu. Un article de presse titre ainsi qu’ACM est « la meilleure reconstitution de la ville de Bagdad » en modifiant une déclaration, plus prudente, d’un historien employé par Ubisoft sur le développement du jeu20. Dans sa présentation de l’exposition « Bagdad », le directeur de l’IMA parle ainsi de « données impeccables » et de « chercheurs de premier plan » pour décrire le processus de reconstitution de Bagdad dans ACM et justifier son inclusion dans l’exposition21.

Le musée comme lieu de légitimation du jeu vidéo

  • 22 Marco B. Carbone et Paolo Ruffino, « Apocalypse postponed. Discourses on video games from noxious o (...)

15Pour comprendre la communication sur ACM et la manière dont le jeu est présenté au sein de l’exposition de l’IMA, il importe de replacer le dernier opus d’« Assassin’s Creed » dans l’histoire récente du jeu vidéo. La licence « Assassin’s Creed » a une place particulière dans le catalogue d’Ubisoft, qui présente les jeux comme des reconstitutions documentées pour leur attribuer une valeur pédagogique et culturelle. Ce travail renvoie aux efforts de légitimation des acteurs de l’industrie du jeu vidéo, menés en réponse aux paniques morales des années 1990 qui ont contribué à stigmatiser le jeu vidéo comme une pratique dangereuse, addictive et violente22.

  • 23 Marion Coville, « La construction du jeu vidéo… », thèse citée.
  • 24 Victor Potier, « « Soyons sérieux et jouons un peu ! » Navigation aux frontières de la classe par l (...)

16La réhabilitation du jeu vidéo est notamment passée par la construction du jeu vidéo comme objet culturel. Des acteurs issus du monde du jeu vidéo mais aussi du monde de la culture ont travaillé à valoriser le jeu vidéo, en passant notamment par la mise en exposition dans des institutions comme le Centre Pompidou à Paris ou le Smithsonian Museum à New York23. La valorisation du jeu vidéo doit aussi à l’investissement de certains pans de l’institution scolaire et des sciences de l’éducation, qui voient dans le média vidéoludique un outil efficace pour l’apprentissage mais aussi la médiation scientifique24.

  • 25 Youssef Maguid, « Assassin’s Creed Odyssey and Origins... », op. cit.

17C’est dans ce contexte de réhabilitation du jeu vidéo au nom de ses qualités culturelles et pédagogiques qu’on peut comprendre les partenariats d’Ubisoft avec les institutions comme l’IMA. Le site d’Ubisoft mentionne trois expositions récentes montées en partenariat avec des institutions culturelles en Grèce, en Grande-Bretagne et en France, mobilisant deux opus de la licence qui se déroulent respectivement dans la Grèce du Ve siècle avant notre ère et dans l’Égypte du Ier siècle avant notre ère25. L’exposition « Bagdad » n’est que la dernière étape de l’entrée des jeux de la licence « Assassin’s Creed » au musée.

Une version muséo-compatible d’« Assassin’s Creed : Bagdad »

Des jeux vidéo transformés par leur entrée au musée

  • 26 Institut du Monde Arabe, « Bagdad... », op. cit.

18La muséographie de l’exposition « Bagdad » transforme le jeu vidéo qu’elle expose. Ces changements résultent de l’effort pour mettre en conformité le jeu vidéo avec l’institution muséale, sa matérialité et ses usages. En effet, la version d’ACM présentée dans l’exposition « Bagdad » diffère significativement de la version commerciale à laquelle les visiteurs ont pu jouer. La présentation de l’exposition sur le site de l’IMA dit d’ailleurs que Bagdad intègre non pas ACM, mais « du contenu issu d’Assassin’s Creed Mirage26 ». Il est notable que l’exposition ne donne pas aux visiteurs la possibilité de jouer à ACM.

19L’exposition « Bagdad » remodèle le jeu vidéo d’une manière qui efface certaines de ses caractéristiques vidéoludiques, transforme sa matérialité et brouille les frontières avec d’autres formes médiatiques. Les vidéos diffusées sur grand écran donnent à voir l’arrière-plan du jeu, les décors architecturaux et les activités des personnages non-joueurs. Sur les images et les vidéos tirées du jeu, l’interface ludique et ses icônes ont été retirées. La jouabilité d’ACM n’est pas montrée aux visiteurs, qui ne voient pas les mécaniques de jeu, les intrigues ou les quêtes qui structurent l’expérience et la perception de la ville par les joueurs. Le jeu semble transformé en film, y compris dans sa matérialité, puisqu’on ne voit dans l’espace de l’exposition aucun des supports nécessaires (ordinateur ou console) pour faire tourner un jeu vidéo comme ACM. Métamorphosé en film d’animation, ACM se rapproche d’autres objets présents au musée, comme les vidéos de médiation, les extraits de films et les créations audiovisuelles.

  • 27 Youssef Maguid, « Assassin’s Creed Partners with British Library for Alexander the Great Exhibition (...)

20Cette adaptation d’ACM au contexte muséal n’est pas spécifique à l’IMA. Dans les autres expositions montées en partenariat avec Ubisoft, la même formule prévaut. L’exposition à l’Ashmolean Museum mobilise ainsi la projection de vidéos issues du jeu autour de l’architecture du palais de Knossos et des entretiens avec des historiens impliqués dans la production du jeu27.

  • 28 Marion Coville, « La construction du jeu vidéo… », thèse citée.

21L’exposition « Bagdad » illustre le phénomène plus général de la transformation des jeux vidéo à l’occasion de leur entrée au musée en tant qu’objet d’exposition. L'intégration des jeux vidéo dans les musées se fait au prix de leur alignement sur le fonctionnement des institutions culturelles et les priorités des professionnels qui y travaillent. À partir de l’ethnographie d’une exposition, Marion Coville souligne les changements matériels, de sens et d’usage que les jeux subissent en passant de l’espace domestique au contexte muséal28. Les expositions tendent à effacer les supports habituels du jeu vidéo qui deviennent figurés uniquement par des écrans, traités comme des tableaux grâce aux jeux d’éclairage et d’accrochage. L’ambition de la muséographie est de neutraliser ce que le jeu vidéo évoque de ludique, d’enfantin et de commercial et de s’éloigner autant que possible de l’imaginaire de la « salle de jeu » pour inscrire les jeux dans les codes visuels de la visite de musée.

Les promesses du jeu vidéo pour la médiation et l’apprentissage de l’histoire chez les jeunes

  • 29 Nicolas Doduik, « La médiation ludique... », op. cit.

22La présentation d’ACM dans l’exposition « Bagdad » n’est pas seulement le résultat d’une muséification du jeu vidéo. Les choix muséographiques révèlent en filigrane le rôle de médiation attribué à ACM. Certes, « Bagdad » ne mobilise pas de médiation vidéoludique au sens strict. Il n’y a pas de jeu mis à disposition des visiteurs pour transmettre des contenus en lien avec le sujet de l’exposition, un format de médiation numérique qui a un succès croissant malgré une réception ambivalente par les professionnels et les publics29. ACM est tout de même mobilisé dans le cadre de l’exposition non seulement en tant qu’œuvre, mais aussi comme support destiné à faciliter l’assimilation des informations en fournissant aux visiteurs des illustrations et des explications.

  • 30 Florence Andreacola, « Musée et numérique, enjeux et mutations », Revue française des sciences de l (...)
  • 31 Noémie Couillard, « Les politiques culturelles numériques : repenser la place des nouvelles technol (...)
  • 32 Nicolas Navarro et Lise Renaud, « La médiation numérique au musée en procès », Revue française des (...)
  • 33 Noémie Couillard et Maylis Nouvellon, « À la rencontre des adolescents en ligne ? L’enjeu du numéri (...)
  • 34 Hovig Ter Minassian, Vincent Berry, Manuel Boutet, Isabel Colón de Carvajal, Samuel Coavoux, David (...)

23L’utilisation d’ACM comme support de médiation historique renvoie à deux phénomènes plus généraux. D’une part, elle reflète l’intégration importante des technologies numériques pour la médiation au musée au cours des dernières décennies30. La présentation d’ACM dans l’exposition illustre d’ailleurs la tendance des musées à intégrer les objets numériques tout en les altérant pour qu’ils correspondent au modèle des médiations classiques, comme le cartel ou la visite guidée31. Cette concession aux codes traditionnels de la médiation reflète les débats sur l’intérêt du numérique pour la médiation parmi les professionnels de la culture32. Mais le recours aux médiations numériques demeure fréquent. Il s’appuie notamment sur la croyance selon laquelle les technologies numériques peuvent attirer l’attention des plus jeunes et transmettre les connaissances sur des sujets complexes de manière attrayante33. Cette croyance est particulièrement forte en ce qui concerne les jeux vidéo, pratiqués par une partie importante des enfants et des adolescents34 et dont les représentations sont fortement associées à la jeunesse.

  • 35 Marco B. Carbone et Paolo Ruffino, « Apocalypse postponed... », op. cit. Voir aussi Alexis Blanchet (...)
  • 36 Julien Lalu et Romain Vincent, « Et si on jouait à l’Histoire, histoire de jouer ? », Penser (avec) (...)
  • 37 Romain Vincent, « Du jeu vidéo au document de travail : la scolarisation d’Assassin’s Creed », Le t (...)

24D’autre part, la place donnée à ACM dans l’exposition « Bagdad » renvoie à la valorisation des jeux vidéo comme outil d’apprentissage, un discours qui a particulièrement visé l’enseignement de l’histoire. ACM est envisageable comme outil de médiation pour une exposition d’histoire parce que les acteurs de l’IMA et d’Ubisoft partagent l’idée que le jeu vidéo facilite l’apprentissage en le rendant moins pénible et plus séduisant. Ce récit a ses origines dans la promotion de l’apprentissage par le jeu chez les pédopsychologues du début du XXe siècle, reprise par les acteurs de l’industrie du jeu vidéo dès les années 1980, avec l’émergence des « logiciels ludo-éducatifs »35. La communication d’Ubisoft sur la qualité historique de ses jeux trouve un écho dans l’institution scolaire, avec par exemple la mise à disposition d’une fiche « Histoire et jeu vidéo : l’exemple d’Assassin’s Creed Unity » sur le portail de l’Éducation Nationale36. Le phénomène de scolarisation qui affecte les jeux « Assassin’s Creed »37 trouve un parallèle intéressant dans la muséification d’ACM dans l’exposition « Bagdad ». Il obéit à une logique similaire et, on le verra, avec des résultats tout aussi incertains en termes de diffusion des connaissances historiques.

Des attentes déçues

  • 38 JV - Jeux Vidéo, « Assassin’s Creed comme vous ne l’avez jamais vu », op. cit.
  • 39 Ibid.
  • 40 Youssef Maguid, « Assassin’s Creed Odyssey and Origins… », op. cit., trad. de l’autrice.

25Dans le cas de l’exposition « Bagdad », l’ambition est explicitement d’utiliser ACM pour faire venir les adolescents et les jeunes adultes à l’IMA. Dans une interview, le commissaire de l’exposition explique que l’inclusion d’« Assassin’s Creed » a offert « l’opportunité d’intéresser à nos collections des personnes qui ne seraient pas venues et notamment des personnes, une tranche d’âge beaucoup plus jeune que ce qui fait le public habituel du musée »38. Le commissaire précise d’ailleurs qu’il a « présenté le projet à [sa] direction sous cet angle-là » et conclue que la fréquentation de l’exposition, légèrement plus élevée que pour d’autres expositions, valide la stratégie. Dans la même interview, un cadre d’Ubisoft explique que la licence « Assassin’s Creed » « est devenue la manière principale et la principale porte d’entrée de découverte de l’histoire pour énormément de gens39 », justifiant ainsi l’utilisation d’ACM comme support de médiation. On retrouve les mêmes éléments de langage à l’occasion d’autres partenariats entre Ubisoft et des institutions culturelles. Le commissaire de l’exposition au musée des Arts Cycladiques d’Athènes déclare ainsi, sur le site d’Ubisoft, que « la dimension éducative de ces jeux vidéo fait du musée un endroit plus accueillant pour des publics qui ne sont pas nécessairement attirés par des expositions archéologiques. […] Mais des outils comme Assassin’s Creed fournissent une aide précieuse à nos efforts pour rendre les musées plus accessibles pour de jeunes publics »40.

  • 41 Marion Coville, « La construction du jeu vidéo… », thèse citée.
  • 42 Julien Lalu et Romain Vincent, « Et si on jouait à l’Histoire, histoire de jouer ? », dans Selim Kr (...)
  • 43 Victor Potier, « « Soyons sérieux et jouons un peu ! », art. cité.
  • 44 Arnaud Saint-Martin et Daniel Compagnon, « La technique : promesse, mirage et fatalité », Socio, n° (...)
  • 45 Jean-Christophe Castelain, « Expositions immersives, pas si simple », Le Journal des Arts, 22 septe (...)

26La mobilisation d’ACM dans l’exposition « Bagdad » s’appuie sur un discours sur les jeux vidéo qui rendent le musée attrayant et amusant. Si ce récit suscite de l’enthousiasme chez des acteurs institutionnels et industriels, il faut aussi l’objet de critiques et d’une opposition de la part d’autres acteurs, par exemple parmi les professionnels des musées41, les enseignants42 ou les jeunes joueurs eux-mêmes43. Une partie de ces résistances renvoient aux paniques morales résiduelles à l’égard du jeu vidéo ou à des conceptions particulières de la culture ou de l’école. Elles révèlent aussi un décalage entre les promesses techno-enthousiastes44 concernant le jeu vidéo comme outil de médiation et les expériences mitigées des acteurs. Un article du Journal des Arts sur les expositions immersives, qui mentionne « Assassin’s Creed », relève par exemple que : « Ce type d’exposition qu’il ne faut surtout pas juger avec les mêmes critères qu’une présentation classique peut inciter un public réticent à se rendre au musée à surmonter ses préjugés. Enfin c’est ce que l’on dit, car aucune enquête n’est encore venue étayer cet effet passerelle45. »

  • 46 Ibid.
  • 47 Marion Coville, « La construction du jeu vidéo… », thèse citée. Voir aussi Marion Coville, « Expose (...)
  • 48 Julien Lalu et Romain Vincent, « Et si on jouait à l’Histoire, histoire de jouer ? », op. cit., p. (...)

27À l’heure où ces lignes sont écrites, l’exposition « Bagdad » est encore en cours et l’IMA n’a pas publié de chiffres de fréquentation. Pour mettre à l’épreuve les promesses concernant le jeu vidéo au musée, on peut se tourner vers les études concernant d’autres expositions. En ce qui concerne le rôle du jeu vidéo dans la médiation, il s’avère ambivalent dans la mesure où le jeu vidéo a un effet déstabilisateur dans le contexte du musée. L’enquête de Marion Coville sur « Jeu Vidéo : l’Expo » relève les difficultés des visiteurs à s’approprier les installations interactives et la mise à l’écart des spectateurs qui ont le moins confiance dans leurs compétences vidéoludiques46. Dans son étude des médiations vidéoludiques au MUCEM, Nicolas Doduik relève que le jeu vidéo s’avère paradoxalement plus difficile d’accès pour les publics moins équipés en termes de capital culturel, qui sont justement ceux visés par la médiation47. Les travaux menés sur l’usage des jeux vidéo dans le contexte scolaire, particulièrement dans l’enseignement de l’histoire, vont dans le même sens48.

  • 49 Ministère de la Culture, « Les publics in situ et en ligne », Culture et Recherche n° 134, hiver 20 (...)
  • 50 Noémie Couillard et Maylis Nouvellon, « À la rencontre des adolescents en ligne ?… », op. cit.
  • 51 Hervé Glevarec, La Culture de la chambre. Préadolescence et culture contemporaine dans l'espace fam (...)

28En ce qui concerne la capacité des jeux vidéo à attirer des publics jeunes, elle peut être considérablement nuancée. L’attractivité du jeu vidéo peut être interrogée à partir des travaux sur le numérique dans les musées, faute de données sur les expositions de jeu vidéo spécifiquement. Au cours des vingt dernières années, dans les institutions culturelles, la présence du numérique comme objet ou médiation ne renouvelle pas les profils des visiteurs49. Par exemple, les visites virtuelles en ligne sont presque exclusivement utilisées par des publics déjà familiers des musées et qui les fréquentent aussi physiquement. Quant aux jeunes publics, ils sont paradoxalement peu mobilisés par les médiations numériques. Dans leur étude des initiatives de médiation numérique à destination des jeunes dans des musées européens et nord-américains, Noémie Couillard et Maylis Nouvellon relèvent le peu d’intérêt des publics jeunes50. Si les espaces en ligne, comme les réseaux socio-numériques ou les jeux en ligne, sont proportionnellement très fréquentés et valorisés par les adolescents, ils ne se prêtent pas à une captation par les institutions. Ces espaces participent plutôt d’une « culture de la chambre », selon la formule d’Hervé Glévarec51, une dynamique de sociabilité entre pairs et d’autonomisation par rapport aux figures du monde adulte.

29Pour conclure, l’exposition « Bagdad » soulève une série de questions sur l’entrée du jeu vidéo au musée, les promesses qui l’ont motivée et les nuances que l’expérience a imposées. L’exposition de l’IMA se situe dans la continuité de différents phénomènes concernant le numérique comme objet et support de médiation dans les musées, on l’a vu. Mais « Bagdad » vient aussi interroger le rapport du jeu vidéo à la représentation du passé.

Le Bagdad d’Assassin’s Creed : le jeu vidéo comme vitrine du passé

30L’exposition « Bagdad » est construite autour d’un jeu vidéo qui propose une reconstitution du passé par la fiction historique. Les concepteurs d’ACM, et à leur suite les concepteurs de l’exposition, ont pour projet de représenter la Bagdad abbasside de manière documentée, authentique et immersive. Chacun de ces trois objectifs soulève des questions concernant les ambitions associées au médium vidéoludique pour raconter des histoires et écrire l’histoire.

Reconstruire Bagdad dans un jeu vidéo 

L’histoire profane au musée

  • 52 Marc-André Éthier, David Lefrançois et Alexandre Joly-Lavoie (dir.), Mondes profanes. Enseignement, (...)
  • 53 Julien Lalu et Romain Vincent, « Et si on jouait à l’Histoire ?... », op. cit., p. 134.

31Dans l’exposition « Bagdad », l’IMA accepte de donner un rôle central à une reconstitution de Bagdad issue d’une fiction vidéoludique distribuée commercialement. Ce choix n’est pas évident dans la mesure où il réveille les débats sur l’usage de la fiction pour la diffusion de l’histoire auprès de publics non-spécialistes et en particulier de l’évasif « grand public ». Les représentations du passé dans les « mondes profanes », en particulier les productions culturelles, soulèvent de nombreuses questions du point de vue de l’histoire comme discipline scientifique et comme objet d’enseignement52. Dans les contextes institutionnels comme l’école et le musée, les professionnels s’inquiètent des confusions possibles : « Les jeux vidéo étudiés ne peuvent offrir le matériel indispensable à l’étude historique et à l’historienne, tout au plus s’appuient-t-ils sur des consensus, des zones d’ombre ou des fantasmes historiographiques pour proposer une fiction53. »

  • 54 Karim Benessaieh, « Assassin’s Creed Mirage… », op. cit.
  • 55 Institut du Monde Arabe, « Bagdad... », op. cit.

32Ce contexte éclaire la communication assurée autour de l’exposition « Bagdad ». Les interviews dans la presse et les textes de l’exposition insistent longuement sur le rôle des historiens dans la production. Les historiens intégrés à plein temps dans les équipes d’Ubisoft donnent des interviews sur ACM dans lesquelles ils reviennent sur le travail de documentation sur lequel s’appuient les équipes de production54. L’IMA et ses équipes corroborent la communication d’Ubisoft dans leurs interviews et communiqués55. La caution scientifique prêtée par l’IMA à ACM est nécessaire pour justifier la décision de l’Institut de recourir à une fiction historique vidéoludique.

Le rapport aux sources dans la création d’« Assassin’s Creed : Mirage »

  • 56 Alain McKenna, « ‘‘Assassin’s Creed Mirage’’ », ou quand l’Histoire est un jeu vidéo », Le Devoir, (...)
  • 57 Mathilde Ragot, « Bagdad au IXe siècle : comment une ville complètement disparue a-t-elle été recon (...)

33Le rapport aux sources historiques dans la production d’ACM est un thème central dans la communication autour de l’exposition « Bagdad ». Du côté d’Ubisoft comme de l’IMA, la référence aux sources a pour fonction de manifester la rigueur scientifique de la production. L’imaginaire de l’archive est convoqué dans les comptes rendus du jeu et de l’exposition dans la presse : « Pour créer ce monde virtuel mais quand même aussi réel que possible, ce spécialiste de l’histoire du Moyen-Orient a visité des bibliothèques et dépoussiéré de vieux manuscrits56. » Dans plusieurs articles, le rôle d’une source en particulier est mis en valeur : il s’agit du livre Baghdad during the Abbasid Caliphate, publié en 1900 par l’orientaliste Guy Le Strange57. Son choix est attribué non pas à l’un des historiens de l’équipe mais au directeur artistique, qui s’est appuyé sur la compilation de sources arabes et persanes par Le Strange pour reconstituer un plan de la ville.

  • 58 Olympe Lemut, « En immersion dans le Bagdad d’Al-Mansour », Le Journal des Arts, 28 mai 2024. URL : (...)
  • 59 Mathilde Ragot, « Bagdad au IXe siècle … », op. cit.
  • 60 Marc-André Éthier et David Lefrançois, Le Jeu et l’histoire, op. cit.

34Le thème de la source, et en particulier de la source manquante, permet à l’éditeur d’anticiper les critiques sur les libertés prises dans la représentation de Bagdad. Peu de documents ont survécu à la destruction de la ville, rasée par les Mongols en 1258, et la reconstitution d’ACM se fonde sur les récits de visiteurs et les traces archéologiques58. L’accès inégal aux sources permet de justifier une partie des écarts et des inventions. Le manque de références visuelles et notamment architecturales est par exemple invoqué par le directeur artistique pour justifier l’utilisation d’éléments de l’architecture abbasside postérieure au IXe siècle ou la transformation de la Maison de la Sagesse en un quartier59. Si la question de l’accès aux sources se pose avec acuité pour un jeu qui se déroule à une période peu documentée, la source manquante est un thème qui traverse toute la communication d’Ubisoft sur les jeux « Assassin’s Creed ». Un historien qui a travaillé sur de précédents opus de la licence décrit les difficultés de l’exercice de reconstitution vidéoludique : « On nous demande de créer une boite de casse-tête complète, à la différence qu'en histoire, il existe à peu près six pièces sur 3 00060. »

Un décor minutieusement reconstitué

  • 61 Alexandre Dars, « Exposition à Paris ... », op. cit.
  • 62 Olympe Lemut, « En immersion… », op. cit.

35L’exposition « Bagdad » s’attarde sur le travail fourni par l’équipe de production d’ACM pour reconstituer la ville abbasside et son atmosphère. Dans une interview sur l’exposition à l’IMA, le directeur artistique du studio d’Ubisoft à Bordeaux souligne que « l’équipe a poussé autant que possible dans le détail pour favoriser l’immersion des joueurs : les tenues des Grecs nestoriens qui se promènent dans la ville, les langues parlées par les habitants, les bâtiments, les jardins du palais ou encore l’architecture des bâtiments et leurs ornements »61. Le travail sur la bande-son du jeu est valorisé par l’exposition, qui propose une « douche sonore » enveloppant les visiteurs des bruits et des langages parlés dans la Bagdad du IXe siècle à partir des hypothèses des historiens employés par Ubisoft, qui a embauché des doubleurs pour enregistrer cet arrière-plan sonore62.

  • 63 Julien Lalu, « Aux armes, citoyens ! Une lecture politique d’un évènement historique français ? Le (...)

36La grande importance accordée à l’ambiance reflète le rôle dévolu à l’histoire dans la licence « Assassin’s Creed ». Elle y fonctionne avant tout comme un arrière-plan. Les bâtiments, les évènements et les personnages historiques permettent surtout de donner au jeu une « odeur culturelle », relève Julien Lalu : « En réalité, il suffit de modifier le décor pour changer d’ambiance sans réellement changer de jeu63. » Les époques des différents opus sont des décors minutieux mais interchangeables pour les escalades, les courses-poursuites et les infiltrations des joueurs.

L’authenticité historique dans « Assassin’s Creed : Mirage »

Fiction historique ou travail scientifique ?

  • 64 Karim Benessaieh, « Assassin’s Creed Mirage, “c’est la meilleure reconstitution de Bagdad”... », op (...)
  • 65 Ibid.

37La stratégie de communication autour d’ACM et de l’exposition « Bagdad » révèle une certaine ambiguïté dans la fiction historique. On l’a vu, les représentants d’Ubisoft mettent l’accent sur la crédibilité de la reconstitution dans ACM et la fidélité aux sources historiques. Dans le même temps, les mêmes acteurs relativisent l’ambition historique d’ACM. Dans une interview, un historien qui travaille pour le studio montréalais d’Ubisoft commence par affirmer : « Je crois qu’il n’y a pas de meilleure reconstitution de la ville de Bagdad que celle-là64. » Il nuance cependant en reconnaissant les limites posées par la reconstitution, la fiction et le média vidéoludique : « OK, il y a des reconstitutions de certaines parties, mais quant à l’ambiance générale, la possibilité de se sentir à l’intérieur de la ville, je crois qu’on a fait le maximum. Mais ça reste un jeu, nous avons pris quelques libertés65. »

  • 66 Olympe Lemut, « En immersion… », op. cit.
  • 67 Ibid.
  • 68 Mathilde Ragot, « Bagdad au IXe siècle … », op. cit.
  • 69 Ibid.

38Les textes sur l’exposition mêlent des notions différentes. Si certains évoquent la rigueur et l’exactitude66 de la reconstitution de Bagdad, d’autres emploient des termes qui laissent davantage de place à l’invention et l’interprétation. Ils parlent d’une représentation vraisemblable, plausible67 ou crédible68 de la ville abbasside et rejettent même explicitement l’idée d’une reconstitution fidèle aux sources. Dans la suite de l’interview citée ci-dessus, l’historien d’Ubisoft Montréal conclut : « Ce n’est pas exact historiquement, mais ce n’est pas un gros sacrifice si ça permet de mieux raconter l’histoire69. » 

À la recherche de l’authenticité

  • 70 Marc-André Éthier et David Lefrançois, Le Jeu et l’histoire…, op. cit.

39Pour ACM comme pour les autres jeux de la licence « Assassin’s Creed », Ubisoft ne s’engage pas à proposer des reconstitutions exactes du passé. Priorité est accordée à « l’authenticité » plutôt qu’à l’« exactitude », pour reprendre les mots employés par un historien dans une des vidéos de l’exposition « Bagdad ». Cette quête de l’authenticité, terme utilisé ici pour désigner une impression de réel, amène parfois à prendre de la distance avec les sources qui compliquent les représentations existantes du passé. Dans l’enquête de Marc-André Ethier et David Lefrançois sur les historiens qui travaillent sur la licence « Assassin’s Creed », l’un d’entre eux explique : « La règle que nous nous sommes donnée, c’est la crédibilité. En fait, on n’essaie surtout pas de reconstituer parfaitement70. »

  • 71 Julien Lalu, « Aux armes, citoyens ! », op. cit.
  • 72 Douglas N. Dow, « Historical veneers: Anachronism, simulation, and art history in Assassin’s Creed (...)

40En effet, quand la fidélité aux sources va contre les attentes du joueur, elle risque de fragiliser l’impression de réel qu’Ubisoft cherche à fabriquer dans ses jeux. L’éditeur fait alors le choix d’anachronismes stratégiques, inexactitudes destinées à « faire plus vrai », un mécanisme que Douglas N. Dow assimile au simulacre au sens de Baudrillard. Dans la licence « Assassin’s Creed », les exemples abondent. À propos d’« Assassin’s Creed Unity », qui se déroule à Paris en 1793, un producteur explique que le jeu s’aligne aussi sur la culture historique des joueurs et ses approximations : « Nous avons choisi le drapeau français le plus connu [tricolore] plutôt qu’un drapeau qui serait obscur pour de nombreux joueurs. Il en va de même de La Marseillaise, c’est un symbole important. Comme le disait un historien, on a l’illusion d’être dans la Révolution française, c’est l’expérience d’ensemble qui prime71. » Dans « Assassin’s Creed II », qui se déroule à Florence au XVe siècle, le jeu « re-synchronise » des bâtiments en les ornant de leurs façades actuelles, construites au XIXe siècle pour imiter un style du XIIIe siècle72.

  • 73 Michael Perret et Esteban Giner, « Le bruit des controverses vidéoludiques : entre infobésité et mo (...)
  • 74 Vincent Boutonnet, « Que disent les joueurs ? ... », op. cit.
  • 75 Jane Draycott et Kate Cook (dir.), Women In Classical Video Games, Londres, Bloomsbury Academic, 20 (...)

41Pour saisir l’importance accordée par Ubisoft à l’authenticité historique dans ses jeux, un bref détour par les enjeux de la fiction vidéoludique historique est nécessaire. Les jeux « Assassin’s Creed » sont régulièrement l’objet de controverses qui renvoient aux choix de représentation du passé par Ubisoft. La controverse, c’est-à-dire la fabrication d’une situation problématique qui aboutit à une mobilisation médiatique de différents acteurs, est un élément caractéristique des cultures vidéoludiques73. Dans le cas des jeux vidéo historiques, elles prennent notamment la forme d’une condamnation des choix qui s’éloignent des représentations dominantes diffusées par la culture populaire. Si ACM n’a pas généré de controverses, du moins pas sur le plan historique, ce n’est pas la norme pour les jeux « Assassin’s Creed ». Ces derniers font régulièrement l’objet d’une réception hostile et de débats virulents dans les communautés de joueurs, qui s’affrontent autour de la notion de « vérité historique74 ». Les débats portent, par exemple, sur la représentation de personnages féminins puissants dans des sociétés imaginées par les joueurs comme totalement masculines75. Le travail d’Ubisoft pour proposer des représentations du passé crédibles, documentées mais aussi compatibles avec les attentes des joueurs, est à replacer dans le contexte de cette réception complexe des fictions historiques vidéoludiques.

Le passé à la moulinette vidéoludique 

42La représentation de la Bagdad abbasside dans ACM est affectée non seulement par la recherche de l’authenticité mais aussi par la priorité donnée à la jouabilité. En effet, la ville est transformée par sa traduction dans le média vidéoludique. Les enjeux de narration, les mécaniques ludiques, les contraintes techniques et les codes visuels réaménagent Bagdad de manière visible. C’est cette version ludique de la ville qui est présentée par l’exposition « Bagdad ». La communication sur l’exposition mentionne explicitement certains des aménagements faits dans Bagdad par ACM, quoiqu’elle ne remette pas en cause l’idée d’une reconstitution authentique de la ville abbasside.

  • 76 Olympe Lemut, « En immersion dans le Bagdad d’Al-Mansour », op. cit.
  • 77 Ibid.

43Dans ACM, Bagdad est transformée par sa traduction en jeu vidéo : narration, mécaniques ludiques, choix esthétiques et techniques réaménagent Bagdad de manière visible. D’abord, la construction de la narration affecte la disposition des lieux. Le jeu situe la mosquée loin du palais du calife alors que les deux bâtiments étaient voisins dans la Bagdad abbasside76. Le directeur artistique explique que ce choix reflète l’intrigue, qui se déroule en grande partie dans le palais mais n’amène jamais le personnage joueur à rentrer dans la mosquée77.

  • 78 Ibid.
  • 79 Ibid.

44Les mécaniques ludiques pèsent elles aussi sur l’écriture de l’histoire. La jouabilité fait partie des facteurs qui justifient des négociations avec les sources, particulièrement les sources archéologiques. Le directeur artistique d’ACM en donne plusieurs exemples : des moucharabiehs redimensionnés pour faciliter l’escalade des bâtiments, des nuits brillamment éclairées pour permettre la progression de l’intrigue, ou encore un palais califal plus grand que nature pour servir de point de repère en dehors des murs de la ville78. La direction artistique, c’est-à-dire le travail de mise en cohérence et de création d’une atmosphère au sein du jeu, amène encore à lisser, ajouter ou effacer certains éléments. Le directeur artistique justifie ainsi l’inclusion d’un iwan, ou arc persan, dans la moquée de Bagdad, alors que cet élément architectural apparaît deux siècles plus tard79.

  • 80 Edwige Lelièvre, « Story versus history: the contentious creation of the historical videogame Versa (...)

45Enfin, les contraintes et possibilités techniques du support vidéoludique affectent les choix de représentations du passé. Faute d’accès à la documentation sur le développement d’ACM, on peut trouver un exemple dans un autre jeu historique, « Versailles 1685 », qui enlève du château de Versailles une partie de ses miroirs à cause de la difficulté du moteur de jeu à rendre les reflets infinis80. Ainsi, une série de facteurs techniques, esthétiques, narratifs et ludiques sont mis en balance avec l’authenticité historique, qui elle-même cherche à équilibrer fidélité aux sources et production d’un récit compatible avec les attentes des joueurs.

La promesse vidéoludique de l’immersion

  • 81 Alexandre Dars, « Exposition à Paris : une plongée dans l’âge d’or de Bagdad avec les décors du jeu (...)
  • 82 Youssef Maguid, « Assassin’s Creed Odyssey and Origins Featured ... », op. cit.

46Le développement d’ACM et l’exposition « Bagdad » partagent la même ambition, celle de transporter les visiteurs et les joueurs dans une époque lointaine et une ville disparue. Dans une interview sur « Bagdad », le chef de projet des partenariats culturels d’Ubisoft explique : « Dans les expositions, on nous parle souvent de noms, de lieux dont il ne reste rien ou presque. Mais on ne se rend pas vraiment compte de ce que c’était. Là, c’est tout le but du jeu, plonger le joueur et le visiteur dans la ville et dans son quotidien81. » La même image est mobilisée à l’occasion d’autres expositions dans lesquelles Ubisoft est impliqué, comme celle du musée des Arts Cycladiques d’Athènes. Son commissaire déclare que « le principal avantage à utiliser Assassin’s Creed dans le cadre d’une exposition est que les commissaires peuvent ramener le passé à la vie »82.

  • 83 Janet Murray, Hamlet on the holodeck: The future of narrative in cyberspace, Cambridge, The MIT Pre (...)
  • 84 Dominic Arsenault et Martin Picard, « Le jeu vidéo entre dépendance et plaisir immersif : les trois (...)

47Le motif de la plongée dans l’histoire est mobilisé de manière récurrente dans la communication sur l’exposition « Bagdad »83. Il renvoie à la notion d’immersion, terme souvent mobilisé pour parler du jeu vidéo, puisque l’immersion est perçue comme une caractéristique forte du média84. L’immersion décrit le moment où la perception des individus est submergée par le monde médiatisé, faisant brièvement disparaître le monde actuel, et renvoie donc à un mode d’engagement particulièrement intense dans un média.

  • 85 Hovig Ter Minassian et Manuel Boutet, « Les jeux vidéo dans les routines quotidiennes », Espace Pop (...)
  • 86 Institut du Monde Arabe, « Bagdad : redécouvrir Madinat al-Salam... », op. cit.
  • 87 Joanne Burgess, « Le passé retrouvé. L’interprétation de l’histoire dans les lieux historiques », C (...)
  • 88 Martin Bostal, « L’Histoire face à l’histoire vivante : expérimentation, médiation et représentatio (...)
  • 89 La reconstitution en 3D de lieux disparus en est une déclinaison de plus en plus utilisée dans les (...)

48Si les comptes rendus sur l’exposition « Bagdad » laissent espérer une immersion dans la Bagdad abbasside, la promesse est difficile à tenir. Le jeu vidéo n’a pas d’effet immersif systématique85, surtout dans le contexte du musée, et ce d’autant plus que les visiteurs de « Bagdad » ont plutôt accès à un film qu’à un jeu vidéo dans le cadre de l’exposition. Il demeure que « Bagdad » s’appuie sur ACM pour s’inscrire dans le registre de la plongée dans le passé et du « voyage dans le temps86 ». Elle se rapproche ainsi du registre de « l’histoire vivante » qui compte sur la reconstitution et la narration pour faciliter l’appropriation du passé par les publics. Ce mode de diffusion de l’histoire prend des formes variées, des animations en costume dans les lieux patrimoniaux87 aux reconstitutions historiques assurées par des amateurs passionnés88 et aux reconstitutions en 3D de lieux disparus89.

Conclusion

49L’exposition « Bagdad » organisée dans le cadre d’un partenariat entre l’IMA et Ubisoft donne une place centrale à une fiction historique vidéoludique. ACM y joue le double rôle de thématique de l’exposition et de support de médiation, soulevant plusieurs questions sur l’utilisation du jeu vidéo au musée pour représenter le passé.

50L’étude de l’exposition et de sa muséographie révèle une conception particulière du jeu vidéo comme passerelle pour faciliter la diffusion des connaissances historiques auprès des plus jeunes. Si elle est partagée par l’éditeur et l’institution qui ont monté l’exposition, les espoirs associés à cet imaginaire du jeu vidéo se heurtent aux résultats mitigés des médiations numériques dans les institutions culturelles.

51L’examen du jeu lui-même souligne que le processus de production du jeu vidéo transforme les représentations du passé qu’il propose. L’éditeur revendique, pour ACM comme pour les opus précédents, un travail minutieux de consultation des sources et des historiens. Mais la promesse d’une reconstitution immersive de la Bagdad abbasside doit être nuancée par les nombreuses transformations faites en réponse aux attentes des joueurs, aux contraintes ludiques ou techniques et aux ambitions commerciales de l’éditeur.

  • 90 Marco B. Carbone et Paolo Ruffino, « Apocalypse postponed. Discourses on video games from noxious o (...)

52Considérer l’exposition « Bagdad » et le jeu ACM sous l’angle des promesses permet de questionner les notions de sens commun sur le jeu vidéo. Les discours qui circulent sur le jeu vidéo au musée tendent vers le techno-enthousiasme déterministe, qu’il s’agit de resituer dans le contexte de la longue campagne de réhabilitation du média90. Ils dissimulent les tensions, les ambivalences et les limites des usages du jeu vidéo pour représenter le passé mais aussi pour écrire l’histoire.

  • 91 Mikel Reparaz, « Assassin’s Creed Mirage Introduces History of Baghdad Feature to Bring Players Clo (...)

53Sur ce point, les acteurs du monde du jeu vidéo ont une position incertaine vis-à-vis des enjeux de la représentation du passé. Si une partie des éditeurs revendiquent une forme de neutralité politique, positionnant leurs productions comme « simplement » des jeux, d’autres affichent des postures plus engagées sur certains aspects. Sur le site d’Ubisoft, un historien employé par le studio resitue ainsi ACM dans le contexte de l’histoire critique et des débats politiques sur la représentation du passé : « Je suis fier que nous n'ayons évité aucun sujet, en abordant des sujets sensibles et mal représentés tels que le harem, le rôle des eunuques et l’esclavage de manière nuancée91. » À propos, entre autres, du rôle des femmes, il ajoute : « Ce sont des sujets importants dans mon propre travail en tant qu'historien, et j'espère que les joueurs découvriront quelque chose de nouveau ou de surprenant à ce sujet. » De fait, le jeu vidéo n’a pas besoin de passer par le musée pour participer à la diffusion des récits et des représentations du passé.

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Notes

1 Désignée dans la suite du texte sous la forme « L’IMA ».

2 Désignée dans la suite du texte sous la forme « L’exposition “Bagdad” ».

3 Désignée dans la suite du texte sous la forme « ACM ».

4 Youssef Maguid, « Assassin’s Creed Odyssey and Origins Featured at Museum of Cycladic Art of Athens », Ubisoft News, 14 décembre 2023. URL : https://news.ubisoft.com/en-gb/article/7C3US71JxKxXH5HgoP3n6n/assassins-creed-odyssey-and-origins-featured-at-museum-of-cycladic-art-of-athens (consulté le 28 octobre 2024)

5 Marc-André Éthier et David Lefrançois, Le Jeu et l’histoire : Assassin’s Creed vu par les historiens, Montréal, Del Busso Éditeur, 2021.

6 Mark J. P. Wolf et Bernard Perron (dir.), The Video Game Theory Reader, New York/Londres, Routledge, 2003.

7 Marc-André Éthier et David Lefrançois, Le Jeu et l’histoire…, op. cit.

8 Olympe Lemut, « En immersion dans le bagdad d’Al-Mansour », Le Journal des Arts, 28 mai 2024. URL : https://www.lejournaldesarts.fr/expositions/en-immersion-dans-le-bagdad-dal-mansour-172445 (consulté le 28 octobre 2024)

9 Institut du Monde Arabe, « Bagdad : redécouvrir Madinat al-Salam... », op. cit.

10 Ibid.

11 Le concept art est l’ensemble des œuvres produites par les artistes qui travaillent sur un jeu vidéo. Il sert de référence et d’inspiration pour l’équipe de production.

12 Marion Coville, « La construction du jeu vidéo comme objet muséal. Le détournement d’un objet culturel et technique de son cadre d’usage initial et son adaptation au contexte muséal », thèse dirigée par Christophe Genin, université Paris 1 Panthéon Sorbonne, 2016.

13 Nicolas Doduik, « La médiation ludique : un nouvel écart entre le musée et ses publics ? », dans Liège Game Lab (dir.), Entre le jeu et le joueur. Écarts et médiations, Liège, Presses Universitaires de Liège, 2023.

14 Un serious game est, au sens large, un jeu conçu pour d’autres objectifs que le divertissement, et souvent pour des usages éducatifs et pédagogiques. Voir Julien Alvarez, « Du jeu vidéo au serious game : approches culturelles, pragmatique et formelle », thèse dirigée par Jean-Pierre Jessel, université de Toulouse Jean Jaurès, 2007.

15 JV - Jeux Vidéo, « Assassin’s Creed comme vous ne l’avez jamais vu », reportage vidéo, 16 mai 2024. URL : https://www.youtube.com/watch?v=StmBD7ogv60 (consulté le 28 octobre 2024)

16 Institut du Monde Arabe, Rapport d’activités 2022, Paris, 2022.

17 Il est à noter qu’Ubisoft a été impliqué comme consultant technique dans ces deux projets, comme le souligne la page de présentation de l’exposition « Bagdad » sur le site de l’IMA.

18 « Edinburgh historian helps build new Assassin’s Creed video game », Edinburgh Innovations, 5 juillet 2023. URL : https://edinburgh-innovations.ed.ac.uk/news/edinburgh-historian-helps-build-new-assassins-creed-videogame?s=L (consulté le 28 octobre 2024)

19 Marc-André Éthier et David Lefrançois, Le Jeu et l’histoire…, op. cit.

20 Karim Benessaieh, « Assassin’s Creed Mirage, “c’est la meilleure reconstitution de Bagdad” », La Presse, 4 octobre 2023. URL : https://www.lapresse.ca/affaires/techno/2023-10-04/raphael-weyland-historien-chez-ubisoft/assassin-s-creed-mirage-c-est-la-meilleure-reconstitution-de-bagdad.php (consulté le 28 octobre 2024)

21 JV – Jeu Vidéo, « Assassin’s Creed comme vous ne l’avez jamais vu », op. cit.

22 Marco B. Carbone et Paolo Ruffino, « Apocalypse postponed. Discourses on video games from noxious objects to redemptive devices », GAME–Games as Art, Media, Entertainment, vol. 1, n 1, 2012.

23 Marion Coville, « La construction du jeu vidéo… », thèse citée.

24 Victor Potier, « « Soyons sérieux et jouons un peu ! » Navigation aux frontières de la classe par le jeu vidéo d’apprentissage Mecagenius », Sciences du jeu, n°5, 2016, http://journals.openedition.org/sdj/638

25 Youssef Maguid, « Assassin’s Creed Odyssey and Origins... », op. cit.

26 Institut du Monde Arabe, « Bagdad... », op. cit.

27 Youssef Maguid, « Assassin’s Creed Partners with British Library for Alexander the Great Exhibition », Ubisoft News, 20 octobre 2022, https://news.ubisoft.com/en-us/article/4NXZclyvIlERbp0rw1CCDL/assassins-creed-partners-with-british-library-for-alexander-the-great-exhibition (consulté le 28 octobre 2024)

28 Marion Coville, « La construction du jeu vidéo… », thèse citée.

29 Nicolas Doduik, « La médiation ludique... », op. cit.

30 Florence Andreacola, « Musée et numérique, enjeux et mutations », Revue française des sciences de l’information et de la communication, 1er juillet 2014, nᵒ 5, https://journals.openedition.org/rfsic/1056

31 Noémie Couillard, « Les politiques culturelles numériques : repenser la place des nouvelles technologies dans le patrimoine », Les enjeux de l’information et de la communication, 2019, nᵒ 8, p. 13-26.

32 Nicolas Navarro et Lise Renaud, « La médiation numérique au musée en procès », Revue française des sciences de l’information et de la communication, nᵒ 16, 2019, http://journals.openedition.org/rfsic/5592

33 Noémie Couillard et Maylis Nouvellon, « À la rencontre des adolescents en ligne ? L’enjeu du numérique pour la médiation culturelle », Cahiers de l’action, 2013, nᵒ 1, p. 43-49.

34 Hovig Ter Minassian, Vincent Berry, Manuel Boutet, Isabel Colón de Carvajal, Samuel Coavoux, David Gerber, Samuel Rufat, Mathieu Triclot, et Vinciane Zabban, La Fin du Game ? Les jeux vidéo au quotidien, Tours, Presses universitaires François Rabelais, 2021.

35 Marco B. Carbone et Paolo Ruffino, « Apocalypse postponed... », op. cit. Voir aussi Alexis Blanchet et Guillaume Montagnon, Une histoire du jeu vidéo en France. 1960-1991 : des labos aux chambres d’ados, Paris, Pix’N’Love, 2020.

36 Julien Lalu et Romain Vincent, « Et si on jouait à l’Histoire, histoire de jouer ? », Penser (avec) la culture vidéoludique, Liège, Presses universitaires de Liège, 2022, p. 125.

37 Romain Vincent, « Du jeu vidéo au document de travail : la scolarisation d’Assassin’s Creed », Le temps des médias, 2021, nᵒ 2, p. 183‑199.

38 JV - Jeux Vidéo, « Assassin’s Creed comme vous ne l’avez jamais vu », op. cit.

39 Ibid.

40 Youssef Maguid, « Assassin’s Creed Odyssey and Origins… », op. cit., trad. de l’autrice.

41 Marion Coville, « La construction du jeu vidéo… », thèse citée.

42 Julien Lalu et Romain Vincent, « Et si on jouait à l’Histoire, histoire de jouer ? », dans Selim Krichane, Isaac Pante et Yannick Rochat (ed.), Penser (avec) la culture vidéoludique, Liège, Presses universitaires de Liège, 2022, p. 125.

43 Victor Potier, « « Soyons sérieux et jouons un peu ! », art. cité.

44 Arnaud Saint-Martin et Daniel Compagnon, « La technique : promesse, mirage et fatalité », Socio, n°12 « La technique y pourvoira ! », 2019, http://journals.openedition.org/socio/4401

45 Jean-Christophe Castelain, « Expositions immersives, pas si simple », Le Journal des Arts, 22 septembre 2022. URL : https://www.lejournaldesarts.fr/opinion/expositions-immersives-pas-si-simple-162547 (consulté le 28 octobre 2024)

46 Ibid.

47 Marion Coville, « La construction du jeu vidéo… », thèse citée. Voir aussi Marion Coville, « Exposer le jeu vidéo : publics et médiations », dans Marc Atallah (dir.), Pouvoirs des jeux vidéo. Des pratiques aux discours, Gollion, Infolio, 2014, p. 101-117.

48 Julien Lalu et Romain Vincent, « Et si on jouait à l’Histoire, histoire de jouer ? », op. cit., p. 125.

49 Ministère de la Culture, « Les publics in situ et en ligne », Culture et Recherche n° 134, hiver 2016-2017.

50 Noémie Couillard et Maylis Nouvellon, « À la rencontre des adolescents en ligne ?… », op. cit.

51 Hervé Glevarec, La Culture de la chambre. Préadolescence et culture contemporaine dans l'espace familial, Paris, DEPS, 2010.

52 Marc-André Éthier, David Lefrançois et Alexandre Joly-Lavoie (dir.), Mondes profanes. Enseignement, fiction et histoire, Québec, Presses de l’Université Laval, 2018.

53 Julien Lalu et Romain Vincent, « Et si on jouait à l’Histoire ?... », op. cit., p. 134.

54 Karim Benessaieh, « Assassin’s Creed Mirage… », op. cit.

55 Institut du Monde Arabe, « Bagdad... », op. cit.

56 Alain McKenna, « ‘‘Assassin’s Creed Mirage’’ », ou quand l’Histoire est un jeu vidéo », Le Devoir, 4 octobre 2023. URL : https://www.ledevoir.com/culture/ecrans/799292/culture-numerique-assassin-creed-mirage-ou-quand-histoire-est-jeu-video? (consulté le 28 octobre 2024)

57 Mathilde Ragot, « Bagdad au IXe siècle : comment une ville complètement disparue a-t-elle été reconstruite pour le jeu “Assassin’s Creed Mirage ‘Bagdad’ ” ? », Géo, 17 octobre 2023. URL : https://www.geo.fr/histoire/bagdad-au-ixe-siecle-comment-une-ville-completement-disparue-a-t-elle-ete-reconstruite-pour-le-jeu-assassins-creed-mirage-217138 (consulté le 28 octobre 2024)

58 Olympe Lemut, « En immersion dans le Bagdad d’Al-Mansour », Le Journal des Arts, 28 mai 2024. URL : https://www.lejournaldesarts.fr/expositions/en-immersion-dans-le-bagdad-dal-mansour-172445 (consulté le 28 octobre 2024)

59 Mathilde Ragot, « Bagdad au IXe siècle … », op. cit.

60 Marc-André Éthier et David Lefrançois, Le Jeu et l’histoire, op. cit.

61 Alexandre Dars, « Exposition à Paris ... », op. cit.

62 Olympe Lemut, « En immersion… », op. cit.

63 Julien Lalu, « Aux armes, citoyens ! Une lecture politique d’un évènement historique français ? Le cas Assassin’s Creed Unity », Alternative francophone, 2021, vol. 2, nᵒ 8, p. 59. Le concept d’« odeur culturelle » est formulé par Koichi Iwabuchi dans son étude de Pokémon et reprise par Julien Lalu pour analyser la controverse sur Assassin’s Creed: Unity.

64 Karim Benessaieh, « Assassin’s Creed Mirage, “c’est la meilleure reconstitution de Bagdad”... », op. cit.

65 Ibid.

66 Olympe Lemut, « En immersion… », op. cit.

67 Ibid.

68 Mathilde Ragot, « Bagdad au IXe siècle … », op. cit.

69 Ibid.

70 Marc-André Éthier et David Lefrançois, Le Jeu et l’histoire…, op. cit.

71 Julien Lalu, « Aux armes, citoyens ! », op. cit.

72 Douglas N. Dow, « Historical veneers: Anachronism, simulation, and art history in Assassin’s Creed II », Playing with the past: Digital games and the simulation of history, 2013, vol. 215.

73 Michael Perret et Esteban Giner, « Le bruit des controverses vidéoludiques : entre infobésité et mobilisation politique en réseaux », Sciences du jeu, 2022, nᵒ 18, http://journals.openedition.org/sdj/4753

74 Vincent Boutonnet, « Que disent les joueurs ? ... », op. cit.

75 Jane Draycott et Kate Cook (dir.), Women In Classical Video Games, Londres, Bloomsbury Academic, 2022, 276 p.

76 Olympe Lemut, « En immersion dans le Bagdad d’Al-Mansour », op. cit.

77 Ibid.

78 Ibid.

79 Ibid.

80 Edwige Lelièvre, « Story versus history: the contentious creation of the historical videogame Versailles 1685 », Contemporary French Civilization, 2019, vol. 44, n 1, p. 61‑79.

81 Alexandre Dars, « Exposition à Paris : une plongée dans l’âge d’or de Bagdad avec les décors du jeu vidéo Assassin’s Creed », Connaissance des Arts, 8 mars 2024, https://www.connaissancedesarts.com/arts-expositions/paris/exposition-a-paris-une-plongee-dans-lage-dor-de-bagdad-avec-les-decors-du-jeu-video-assassins-creed-11190022/ (consulté le 28 octobre 2024)

82 Youssef Maguid, « Assassin’s Creed Odyssey and Origins Featured ... », op. cit.

83 Janet Murray, Hamlet on the holodeck: The future of narrative in cyberspace, Cambridge, The MIT Press, 1997.

84 Dominic Arsenault et Martin Picard, « Le jeu vidéo entre dépendance et plaisir immersif : les trois formes d’immersion vidéoludique », Actes du colloque Homo Ludens. Le jeu vidéo : un phénomène social massivement pratiqué, Congrès de l’ACTAS, 2008.

85 Hovig Ter Minassian et Manuel Boutet, « Les jeux vidéo dans les routines quotidiennes », Espace Populations Sociétés, 2015, nos 1-2, http://journals.openedition.org/eps/5989

86 Institut du Monde Arabe, « Bagdad : redécouvrir Madinat al-Salam... », op. cit.

87 Joanne Burgess, « Le passé retrouvé. L’interprétation de l’histoire dans les lieux historiques », Cap-aux-Diamants, 2014, nᵒ 116, p. 4-8.

88 Martin Bostal, « L’Histoire face à l’histoire vivante : expérimentation, médiation et représentations à travers la pratique de la reconstitution historique du Moyen Âge », thèse dirigée par Luc Bourgeois, université de Normandie, 2020.

89 La reconstitution en 3D de lieux disparus en est une déclinaison de plus en plus utilisée dans les institutions culturelles. La RMN a ainsi ouvert une exposition sur « Venise Révélée » en septembre 2022.

90 Marco B. Carbone et Paolo Ruffino, « Apocalypse postponed. Discourses on video games from noxious objects to redemptive devices », GAME–Games as Art, Media, Entertainment, vol. 1, n 1, 2012, https://www.gamejournal.it/apocalypse-postponed-discourses-on-video-games-from-noxious-objects-to-redemptive-devices/

91 Mikel Reparaz, « Assassin’s Creed Mirage Introduces History of Baghdad Feature to Bring Players Closer to History », Ubisoft News, 5 juillet 2023, https://news.ubisoft.com/en-gb/article/3q7ANVXHm68MIG99qNrPCl/assassins-creed-mirage-introduces-history-of-baghdad-feature-to-bring-players-closer-to-history (consulté le 28 octobre 2024)

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Pour citer cet article

Référence électronique

Gabrielle Lavenir, « Assassin’s Creed dans la Bagdad abbasside. Enjeux de médiation et d’authenticité dans la mobilisation d’un jeu vidéo historique au musée »Revue d’histoire culturelle [En ligne], 9 | 2024, mis en ligne le 01 novembre 2024, consulté le 10 novembre 2025. URL : http://journals.openedition.org/rhc/13128 ; DOI : https://doi.org/10.4000/1320z

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Auteur

Gabrielle Lavenir

Gabrielle Lavenir est sociologue, titulaire d'un doctorat de l'université Concordia de Montréal, chercheuse associée au laboratoire PACTE et membre de l’OMNSH (Observatoire des Mondes Numériques en Sciences Humaines). Ses recherches portent sur les pratiques et les usager·ères des technologies numériques, en particulier dans le domaine de la culture et des nouveaux médias. gabrielle.lavenir@gmail.com

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