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Dossier

Enfance, évangélisation et inculturation catholique en colonie

Le cas de la congrégation des Salésiens en Haut-Katanga
Childhood, Evangelization and Catholic Inculturation in Colony. The case of the Salesian congregation in Haut-Katanga
Edoardo Quaretta
p. 25-45

Résumés

Cet article retrace l’histoire de la congrégation des Salésiens de Don Bosco au Katanga (République démocratique du Congo). À travers le concept de « dispositif » d’inscription sociale, ce texte reconstruit de manière critique les passages les plus importants de l’évolution des discours, des pratiques et des représentations de l’enfance que l’implantation et l’évolution de la congrégation au Congo ont accompagnés. L’idée d’« enfance » introduite par les missionnaires, caractérisée par des discours, des pratiques et des représentations, fut un dispositif d’inscription qui changea considérablement les manières de vivre et d’entendre localement l’enfance. Le dispositif de l’enfance a émergé dans le cadre plus large de l’évangélisation catholique de la colonie belge, appelé dans le jargon catholique processus d’« inculturation ». Pour cela, il est nécessaire de se concentrer sur un trait distinctif de ce processus d’« inculturation » au Congo : l’investissement de la congrégation, entamé depuis l’époque coloniale, dans la prise en charge de l’enfance et de la jeunesse. Cette opération se réalisa à travers l’éducation religieuse et l’institution scolaire.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 Foucault Michel, Histoire de la sexualité. I. La volonté de savoir, Paris, Gallimard, 1976.
  • 2 Le philosophe Valentin Y. Mudimbe, dans ses analyses de la politique coloniale an Afrique, parle d (...)
  • 3 Ibid.
  • 4 Bayart Jean-François, « Les Églises chrétiennes et la politique du ventre : le partage du gâteau e (...)

1En partant du concept de « dispositif » d’inscription sociale1, cet article entend reconstruire de manière critique les étapes les plus importantes de l’évolution des discours et des pratiques relatifs à l’enfance accompagnées par la congrégation salésienne de Don Bosco en Haut-Katanga (aujourd’hui en République démocratique du Congo). Le concept d’« enfance » introduit par les missionnaires constitua un dispositif d’inscription sociale inhérent à la « structure colonisante » belge2. Les techniques de définition et de contrôle de l’enfance (la prise en charge de l’enfance, la politique et les programmes scolaires, les mouvements de jeunes) ont créé au Congo, comme ailleurs en Afrique, des discours radicalement nouveaux sur l’enfance et l’éducation des enfants. Le dispositif de l’enfance faisait partie des méthodes coloniales servant les intérêts des colonisateurs et des missionnaires et visait à « réformer la mentalité des indigènes3 ». Il émergea dans le cadre plus large de l’évangélisation catholique de la colonie belge, appelé dans le jargon missionnaire processus d’« inculturation4 ».

  • 5 Chef-lieu de la province du Haut-Katanga. À partir de 1966, Élisabethville prendra le nom de la ri (...)
  • 6 L’éducation des filles fut confiée à la congrégation des sœurs salésiennes, les Filles de Marie-Au (...)

2Les Salésiens arrivèrent au Congo et au Katanga en 1911, pour répondre à l’exigence de la colonie d’organiser une instruction plus large que celle ayant prévalu sous l’État indépendant du Congo (EIC) de 1885 à 1908. Tout en maintenant à Élisabethville5 des écoles d’élite, les Salésiens furent chargés d’organiser des écoles professionnelles pour garçons dans les missions rurales6. En étudiant l’œuvre missionnaire salésienne à l’époque coloniale, il s’agit de démontrer que le projet d’évangélisation de l’enfance mis en œuvre par cette congrégation au Congo belge visait à retirer progressivement les enfants de leur communauté d’appartenance, pour les orienter vers les lieux de l’évangélisation : école, mission, église et mouvements de jeunesse. Pour comprendre le rôle des missionnaires salésiens dans la « mission civilisatrice » de la colonisation belge, il est nécessaire d’aborder pour commencer les rapports entre les missions catholiques et l’EIC, puis l’administration belge.

  • 7 La présente contribution s’inscrit dans une une recherche sur les enfants des rues et les enfants (...)

3Ce texte s’appuie sur des sources consultées entre 2010 et 2013 aux archives du siège central de la congrégation des Salésiens à Rome, sur l’historiographie relative à la congrégation salésienne au Congo et sur un travail de terrain mené à Lubumbashi depuis 20097.

De l’EIC au Congo belge, les missions catholiques et l’enseignement colonial

  • 8 Vellut Jean-Luc, Congo. Ambitions et désenchantments 1880-1960, Paris, Karthala, 2017, p. 34-59 ; (...)
  • 9 Kita Kyankenge Masandi, Colonisation et enseignement. Cas du Zaïre avant 1960, Bukavu, Éditions du (...)
  • 10 Cité dans Kita Kyankenge Masandi, Colonisation et enseignement…, op. cit., p. 130.
  • 11 André Géraldine, Poncelet Marc, « Héritage colonial et appropriation du “pouvoir d’éduquer”. Appro (...)

4Sous l’EIC8, fut conçue une première politique « scolaire » visant la prise en charge de l’enfance. Elle reposait sur la création des « colonies d’enfants indigènes » par décret du roi-souverain Léopold II du 12 juillet 18909. Imprégné de propagande anti-esclavagiste et humanitariste, ce projet visait à mettre en place des « mesures de protection en faveur d’enfants victimes de la traite », afin d’« assurer la tutelle des enfants abandonnés ou à l’égard desquels les parents ne remplissent pas les obligations qui leur incombent10 ». Ainsi, l’État fournissait aux enfants des moyens de subsistance et une éducation au travail manuel. Ce premier exemple de « tutelle » étatique sur l’enfance est particulièrement important pour l’argumentation qui va suivre, car il constitue une prise en charge de l’enfance qui répondait, en réalité, à un souci d’utilité pratique pour l’État, qui disposait de ses « pupilles » pour des travaux manuels jusqu’à leurs vingt-cinq ans11.

  • 12 Viaene Vincent, « La religion du prince : Léopold, le Vatican, la Belgique et le Congo (1855-1909) (...)
  • 13 Viaene Vincent, « La religion du prince… », op. cit., p. 179-181.
  • 14 Vanthemsche Guy, Belgium and the Congo…, op. cit., p. 5.

5Au lancement des projets congolais de Léopold II, les autorités vaticanes gardèrent une certaine distance12. Cependant, pour le roi belge, le soutien du Vatican était fondamental pour deux raisons principales : afin de donner un caractère national à la mission congolaise, et pour apporter un « capital moral » au projet d’expansion au Congo, notamment vis-à-vis du monde catholique belge13. Le cardinal français Lavigerie, pionnier des missions catholiques en Afrique, se révéla être un intermédiaire essentiel entre le roi et le Vatican, et un allié décisif pour mobiliser les forces catholiques belges et influencer l’opinion publique en faveur du Congo14.

  • 15 Viaene Vincent, « La religion du prince… », op. cit., p. 182.
  • 16 Blondeel William, « Les missionnaires belges en Afrique centrale, fin xixe-xxe siècle », Afrika fo (...)

6Une fois dépassées les résistances du Vatican, l’établissement des premières missions supportant la « mission civilisatrice » du roi au Congo débuta dans les années 1880 : les congrégations des Scheutistes (1887) et des Jésuites (1893) furent les premières à s’y installer15. Le roi opta pour des missions catholiques belges afin de caractériser l’effort missionnaire comme essentiellement national tout en excluant les missions protestantes. Le premier résultat de la politique missionnaire au Congo fut la fondation du Vicariat apostolique du Congo indépendant en 1888. Il fut confié à la congrégation flamande des Scheutistes et comprenait la quasi-totalité du territoire de l’EIC, exception faite de la partie Est du pays qui avait été confiée aux Pères Blancs de Lavigerie16.

  • 17 Kita Kyankenge Masandi, Colonisation et enseignement…, op. cit., p. 151.
  • 18 Convention entre le Saint-Siège et l’État Indépendant du Congo, signée le 26 mai 1906, reproduite (...)
  • 19 Boyle Patrick M., « School Wars: Church, State, and the Death of the Congo », The Journal of Moder (...)

7L’EIC accorda des privilèges spéciaux aux missions catholiques, notamment la concession de terrains, en échange desquels il confia aux religieux la prise en charge des « pupilles de l’État » par l’établissement des « colonies scolaires agréées17 ». La collaboration entre l’État et les missions fut consolidée par une série de conventions ultérieures qui octroyaient des subsides aux missions catholiques. La plus importante fut la convention de 1906, entre le Saint-Siège et l’EIC, qui jeta les bases du développement du système scolaire du futur Congo belge. Dans un passage particulièrement significatif, il était précisé : « L’État du Congo concèdera aux établissements de missions catholiques du Congo les terres nécessaires à leurs œuvres religieuses. » Cette concession engageait les missionnaires à « créer une école où les indigènes recevront l’instruction18 ». Les missions catholiques soutinrent ainsi le projet colonisateur dont « civilisation » et « enseignement » étaient deux piliers fondamentaux. Il convient de rappeler que cette étroite collaboration doit être comprise comme un état permanent de négociation qui a également connu des moments de crise, comme par exemple au cours des « guerres scolaires » des années 195019.

  • 20 Morel Edmund D., Red Rubber: The Story of the Rubber Slave Trade Flourishing on the Congo in the Y (...)
  • 21 Vangroenweghe Daniel, Du sang sur les lianes. Léopold II et son Congo, Bruxelles, Didier Hatier, 1 (...)

8Au tournant du siècle, en 1903, l’EIC fut l’objet d’une campagne internationale sur les exactions commises au Congo dont les principaux promoteurs furent R. Casement et E. D. Morel et dans laquelle les missionnaires protestants jouèrent un rôle de premier plan20. Sous la pression internationale, Léopold II dut accepter en 1904 une enquête internationale sur les atrocités du système d’exploitation du caoutchouc rouge21. La dénonciation des atrocités commises, confirmées par la commission d’enquête, obligea le Roi à accepter, en 1908, que le Congo soit annexé à la Belgique : l’État indépendant du Congo devint le Congo belge.

  • 22 Young Crawford, Introduction à la politique congolaise, Bruxelles, CRISP, 1968, p. 12.
  • 23 Briffaerts Jan, « When Congo Wants To Go To School. Educational Organisation In The Belgian Congo (...)
  • 24 Kita Kyankenge Masandi, Colonisation et enseignement…, op. cit., p. 154.
  • 25 Ibid., p. 155.
  • 26 Briffaerts Jan, « When Congo Wants… », op. cit.

9Le Congo belge reposait essentiellement sur l’interrelation de ce que C. Young a appelé « la triade coloniale », à savoir l’Église, les entreprises privées et l’État22. La collaboration de ces trois forces se refléta également dans la politique scolaire. L’administration belge opéra essentiellement en continuité avec la politique en vigueur sous l’EIC, en confiant aux missions catholiques la tâche de développer un réseau d’écoles, jugé nécessaire pour le développement économique de la colonie23. À la date de l’annexion, il existait deux réseaux d’écoles : les écoles de l’État et les écoles missionnaires. Les premières étaient des colonies scolaires et des écoles professionnelles qui avaient pour but de former des artisans et des fonctionnaires subalternes dont l’administration avait besoin ; les missionnaires, en revanche, visaient à éduquer le plus grand nombre d’enfants possible, puisque leur objectif primordial était l’évangélisation24. Le développement de l’administration coloniale et l’exploitation de la colonie entraînèrent un besoin de formation agricole et professionnelle d’un plus grand nombre d’enfants que prévu. La première initiative de l’administration du Congo belge pour répondre à cette nécessité fut l’élaboration du « Plan d’extension » de 190925. L’administration encouragea les missions à s’engager dans la construction de nouvelles écoles tout en leur dispensant de larges subventions afin de mieux les contrôler. Par rapport au Concordat de 1906, l’administration belge consolida donc les relations entre l’État colonial et les « missions nationales » (les missions catholiques belges) en instituant un régime de subventions pendant vingt ans en échange de la gestion du secteur de l’éducation26.

  • 27 Projet d’organisation de l’enseignement libre au Congo belge avec le concours des missions nationa (...)
  • 28 Kita Kyankenge Masandi, Colonisation et enseignement…, op. cit., p. 158-63.

10Dans les années 1920, l’État lui-même s’engagea à multiplier le nombre d’établissements d’enseignement et indiqua l’orientation du secteur scolaire par une nouvelle convention, le « Projet d’organisation de l’enseignement libre au Congo belge avec le concours des missions nationales » publié en 192427. L’organisation du cycle scolaire fut redéfinie. Les écoles avaient une grande liberté d’organiser leurs programmes d’enseignement en fonction des besoins de leur lieu d’implantation. Le secteur scolaire continua à être divisé entre enseignement pour les enfants européens et pour les enfants « indigènes » pour lesquels prédominait toujours l’éducation morale et manuelle sur l’éducation dite « classique ». Les enfants congolais accédaient à l’école primaire et professionnelle où seule une petite minorité d’enfants obtenaient un diplôme. Le choix et la limitation de la formation des Congolais étaient éminemment politiques, dans le but de maintenir une différenciation raciale marquée28.

  • 29 Briffaerts Jan, « When Congo Wants… », op. cit.
  • 30 Kita Kyankenge Masandi, Colonisation et enseignement…, op. cit., p. 214-218.

11Ce n’est que dans les années 1950, à l’initiative des libéraux de la métropole, que l’étroite collaboration entre l’administration et les missions fut remise en cause. Le gouvernement belge imposa un système d’enseignement pour les Congolais calqué sur le modèle de la métropole29. En ce qui concerne l’instruction des garçons, qui incombait aux Salésiens, le principe du « double objectif » entra en vigueur : une formation de base, et une formation préparatoire en vue de la poursuite des études30. Ce second objectif qui visait un niveau d’enseignement supérieur symbolisait l’objectif de la réforme coloniale : former et contrôler une « élite » locale.

  • 31 Zana Etambala Mathieu, « L’État colonial et les missions catholiques face au mouvement kimbanguist (...)
  • 32 Tshimanga Charles, Jeunesse, formation et société au Congo-Kinshasa, 1890-1960, Paris, L’Harmattan (...)
  • 33 De Schaetzen A., « Action missionnaire catholique », Problèmes d’Afrique Centrale, 36, 1957, p. 12 (...)

12L’appropriation de l’éducation des enfants et du système scolaire était un élément essentiel de la stratégie du travail missionnaire au Congo. Le quasi-monopole du secteur de l’éducation permit aux missions catholiques de contenir leurs rivales protestantes et, plus tard, le mouvement kimbanguiste31. Le contrôle de l’éducation était une condition essentielle pour la transmission de la foi, pour la construction d’un environnement pédagogique, pour l’orientation idéologique vers les valeurs chrétiennes. De surcroît, il permettait l’exploitation du travail dans l’intérêt des missionnaires, comme démontré par le cas des fermes-chapelles32. La mission civilisatrice était pour l’Église avant tout l’expansion de la doctrine chrétienne et de l’évangélisation. Les missionnaires comprirent rapidement que l’école était le moyen le plus efficace pour atteindre ce but et ne conçurent pas l’école autrement jusqu’à la fin de la colonisation33.

  • 34 Stengers Jean, Congo. Mythes et réalités. Cent ans d’histoire, Louvain-La-Neuve, Duculot, 1989.
  • 35 Fetter Bruce, The Creation of Élisabethville (1910-1940), Stanford, Hoover Institution Press, 1976
  • 36 Dibwe dia Mwembu Donatien, Bana Shaba. Abandonnés par leur père : structure de l’autorité et histo (...)
  • 37 Rubbers Benjamin, Le paternalisme en question. Les anciens ouvriers de la Gécamines face à la libé (...)
  • 38 Dibwe dia Mwembu Donatien, Bana Shaba. Abandonnés…, op. cit., p. 22-40.
  • 39 Rubbers Benjamin, Faire fortune en Afrique. Anthropologie des derniers colons du Katanga, Paris, K (...)

13La province du Haut-Katanga, province méridionale du Congo, resta longtemps à la périphérie des intérêts du roi Léopold II car en dehors de la zone du caoutchouc34. La région attira ensuite l’attention des Européens en raison de la richesse en cuivre de son sous-sol. En 1906, lors des débuts de l’exploitation du minerai au profit de la métropole, fut fondée l’Union minière du Haut-Katanga (UMHK), ce qui suscita le développement d’une agglomération qui deviendra Élisabethville35. Puissance économique de la région, l’UMHK créa les premiers camps pour les travailleurs migrants, principalement des ressortissants des zones rurales, d’autres provinces du pays et des colonies britanniques voisines36. À partir de 1920, l’UMHK mit aussi en place une politique de « stabilisation du travail37 ». Cette politique devait réduire les coûts et développer une main-d’œuvre plus stable et mieux intégrée. Un système d’hébergement fut mis en place dans les camps de travailleurs où tout était organisé et contrôlé, de la protection sociale aux relations conjugales38. Au cours de la même période, le développement d’Élisabethville se caractérisa par un plan d’urbanisme ségrégationniste soutenu, depuis les années 1920, par une « moralisation » de la frontière entre « Blancs » et « Noirs »39.

  • 40 Kita Kyankenge Masandi, Colonisation et enseignement…, op. cit., p. 47.
  • 41 Fetter Bruce, L’Union Minière du Haut-Katanga, 1920-1940 : la naissance d’une sous-culture totalit (...)

14L’UMHK définit également l’orientation de l’éducation et de l’enseignement pour les enfants de ses travailleurs. Il s’agissait d’une politique scolaire visant à inculquer à ces derniers les connaissances professionnelles élémentaires et les aptitudes morales pour leur permettre de devenir à leur tour de bons travailleurs40. Le paternalisme, base de la politique de « stabilisation », définit donc une éducation scolaire visant à produire une main-d’œuvre semi-qualifiée et éduquée selon les valeurs occidentales pour répondre à la demande interne de la colonie. À cet effet, l’instruction à l’intérieur des camps de travailleurs de l’UMHK fut confiée à la congrégation catholique des pères bénédictins. Il ne s’agissait pas seulement de donner un enseignement de base aux travailleurs, mais aussi de mener une campagne visant à les persuader que le bien-être était garanti par le travail salarié et industriel41.

15Avant d’exposer plus dans le détail la politique de prise en charge de l’enfance des Salésiens, il est utile d’introduire des notions relatives à la place de l’enfance et de l’éducation des enfants en époques précoloniale et coloniale. Ce passage permettra de mettre en évidence les évolutions dans la prise en charge des enfants par les Salésiens jusqu’en 1960.

L’enfance au Katanga : ruptures et préjugés coloniaux

  • 42 Guyer Jane, « Wealth in people and self-realization in equatorial Africa », Man, 28, 1993, p. 243- (...)

16L’hypothèse selon laquelle les populations de l’Afrique centrale d’époque précoloniale valorisaient la « richesse en hommes » est étayée par une littérature abondante42. Néanmoins, le problème auquel on est confronté lorsqu’on étudie la société précoloniale est le manque de sources sur la famille et sur l’enfance. Malgré cette absence, on peut tenter d’esquisser des caractéristiques qui ressortent des études ethnographiques produites sur ces sociétés rurales.

  • 43 Dibwe dia Mwembu Donatien, « Les espaces de socialisation de l’enfant au Katanga, de l’époque anci (...)
  • 44 Dibwe dia Mwembu Donatien, « Les espaces de socialisation… », op. cit., p. 25.
  • 45 Richards Audrey, Chisungu: A Girl’s Initiation Ceremony Among the Bemba of Zambia, London, Routdle (...)

17Les sociétés précoloniales intégraient tôt les enfants dans la vie économique de la famille43. Cela relevait plutôt d’une nécessité liée à une économie de subsistance que d’un calcul « assurance-vieillesse » pour l’avenir. Les enfants bénéficiaient d’une certaine liberté dans les activités du travail de la famille et de la communauté. Dès leur plus jeune âge, ils apprenaient la division du travail selon qu’ils étaient fille ou garçon. Les garçons accompagnaient les hommes à la chasse ou à la pêche alors que les filles apprenaient les travaux domestiques aux côtés des femmes44. Les populations bemba, du sud du Katanga, pratiquaient le chisungu : une période d’initiation à laquelle participaient tous les membres de la communauté et durant laquelle les femmes enseignaient aux jeunes filles tous les aspects de la vie familiale45.

  • 46 Doke Clement, The Lambas of Northern Rhodesia: A study of their customs and beliefs, Forbes Press, (...)

18D’une manière générale, les rites d’initiation enfantine, tels que le chisungu pour les filles ou la circoncision pour les garçons, visaient à transformer un enfant en adulte. Dans ces contextes ruraux, l’agentivité des enfants était liée à une forme d’apprentissage de la productivité dans la mesure où les enfants remplissaient une fonction fondamentale pour la famille et la société : ils aidaient les parents et les aînés, apprenant à réaliser les tâches de subsistance nécessaires à la communauté, et apportaient ensuite leur contribution. Chez les Lambas du sud du Katanga, par exemple, lorsque les garçons devenaient assez grands, ils étaient employés pour des tâches telles que puiser de l’eau, ramasser et couper du bois, construire des ustensiles en bois. De leur côté, les filles étaient censées moudre, cuisiner, préparer le poisson et balayer la maison46. Les enfants apprenaient très tôt à être autonomes dans leurs tâches, attendant le moment où la communauté les jugerait en mesure de labourer un champ et de se construire une case. Ils seraient alors prêts à se marier.

  • 47 Doke Clement, The Lambas of Northern Rhodesia…, op. cit., p. 140.

19D’une manière générale, il est intéressant de souligner que, dans la vie précoloniale et rurale, la vie sociale avait un caractère communautaire et l’éducation des enfants et des jeunes était une affaire collective dans la mesure où le clan, et non pas la famille restreinte, accomplissait cette tâche. Chez les Lambas du Sud, la grand-mère maternelle était la figure censée prendre en charge ses petits-enfants et c’était elle qui jouait le rôle de première éducatrice. Les parents biologiques lui confiaient la tâche de les nourrir, de les protéger et de les héberger après le sevrage47.

  • 48 Projet d’organisation de l’enseignement libre au Congo belge avec le concours des sociétés de miss (...)

20Les conceptions locales de l’enfance, et en particulier les lieux de la première socialisation, ont fait l’objet d’une vaste littérature d’époque coloniale, littérature qui devint l’arrière-fond des politiques coloniales et qui légitima, aux yeux des missionnaires, le bien-fondé des dispositifs pour le retrait des enfants congolais de leur famille et de leur communauté. En effet, l’autorité coloniale et les missionnaires méprisaient le milieu familial et communautaire des enfants congolais. Cette attitude n’était nullement cachée au point que ce qui peut être considéré comme le projet le plus important de réforme scolaire au Congo colonial, le « POE48 » de 1924, débutait par ces mots :

  • 49 Ibid., p. 1.

« Le milieu familial, qui est le foyer de l’éducation en Europe, exerce en Afrique une influence déprimante : cases en ruines, hommes en guenilles si pas nus, parents frustes et sans retenue, préoccupations qui ne vont pas beaucoup au-delà des besoins de la vie animale, tout cela ne constitue pas précisément un milieu éducatif49. »

  • 50 Ruytinx Jacques, La morale bantoue et le problème de l’éducation morale au Congo, Bruxelles, Insti (...)
  • 51 Kalanda Mabika, La remise en question : base de la décolonisation mentale, Bruxelles, Remarques af (...)

21La littérature coloniale sur l’enfance insistait sur le problème de l’éducation morale en milieu coutumier50. Le clan était représenté comme un « organe de moralité » dont l’intérêt surpassait celui de l’individu. Pour les colonisateurs et les missionnaires, la primauté du clan dans l’éducation de l’enfant créait un contexte social de « dépendance » de l’enfant africain envers un protecteur, un parent ou une personne le prenant en charge51. Les théories sur la psychologie de l’enfant de l’époque coloniale ont constitué les bases théoriques sur lesquelles la mission « civilisatrice » du colonialisme et l’œuvre missionnaire ont été légitimées. Par exemple, l’hypothèse de la « dépendance sociale » de l’enfant africain vis-à-vis de son milieu communautaire fut l’objet d’une instrumentalisation politique : compte tenu de cette dépendance « inhérente » à l’enfance congolaise, le paternalisme et l’asservissement coloniaux étaient considérés comme légitimes dans la mesure où ils permettaient la substitution du clan par les structures éducatives missionnaires.

22Ainsi, les missionnaires remplacèrent progressivement les formes d’encadrement communautaire par des dispositifs d’inscription sociale, notamment par l’école et l’enseignement. L’introduction de la conception missionnaire de l’enfance et de programmes d’enseignement eut comme conséquence, parmi d’autres, la redéfinition des tâches à confier aux enfants. Leur place n’était plus avec les adultes, milieu méprisé par les missionnaires, mais à l’école. Aussi le travail admis pour les enfants changea : il fallait enseigner l’« esprit du travail continu », mais dans un sens pédagogique, c’est-à-dire un travail qui visait à inculquer le respect des places sociales attribuées par l’ordre colonial.

L’installation des Salésiens au Katanga

23Les six premiers missionnaires salésiens arrivèrent à Élisabethville en 1911, conduits par le père belge Joseph Sak. La lutte contre l’analphabétisme et l’encadrement de la jeunesse délaissée étaient les fondements inspirant le travail de la congrégation, comme l’exprima d’ailleurs le père Sak :

  • 52 Cité par Ntambwe Beya Ngindu, « L’enseignement salésien et son impact au Shaba (1911-1949) », Prob (...)

« Ce serait manquer à l’un des plus grands devoirs qui nous incombent comme colonisateurs que de penser que, pour les pauvres délaissés, nous n’avons qu’à les laisser vivre au soleil et que nous pouvons les abandonner à eux-mêmes. L’enseignement professionnel est un grand moyen de rapprocher le jeune indigène de la vraie colonisation ; car cet enseignement possède en soi ces mille occasions de favoriser en même temps que l’instruction, l’éducation morale du jeune Noir52. »

  • 53 « L’opera di Don Bosco è opera di fede », Bollettino salesiano, 2, 1926, p. 32. Traduit de l’itali (...)

24Il s’agissait d’ailleurs du système classique d’implantation des missions salésiennes. Le projet pédagogique salésien, façonné à Turin au xixe siècle, visait à l’éducation de la masse d’enfants provenant des campagnes piémontaises, mais fut élaboré à titre universel. Les missions à l’étranger, comme celles du Congo, représentaient la réalisation de cette vocation universelle dirigée vers « les sauvages, les enfants les plus pauvres, les désœuvrés des sociétés53 ». La congrégation s’occupait en premier lieu, partout où elle implantait ses écoles, des immigrants européens et de leurs enfants. En second lieu venait la formation des jeunesses autochtones.

  • 54 Verbeek Léon, Ombres et clairières…, op. cit., p. 27.

25Si le Congo dans son ensemble a toujours été conçu par la Belgique comme une colonie d’exploitation, et le moins possible comme une colonie de peuplement, il fallait néanmoins permettre à des fonctionnaires de s’y installer pendant le temps de leur carrière coloniale ; et aussi à d’autres métiers de s’implanter plus durablement pour y développer des entreprises privées, à commencer par les planteurs et autres fermiers nécessaires à l’approvisionnement des agglomérations urbaines. Le colonat fut principalement encouragé au Kivu et au Katanga54. Il fallait donc dans ces provinces créer un enseignement pour les enfants des colons européens, tandis que le développement économique et industriel de la région nécessitait l’organisation d’un enseignement pour la formation d’une main-d’œuvre africaine.

  • 55 Ibid., p. 30.
  • 56 Ntambwe Beya Ngindu, « L’enseignement salésien… », op. cit., p. 151.

26Aux débuts de leur œuvre, dès 1912, les Salésiens furent affectés à Élisabethville, à la direction du collège Saint-François-de-Sales, premier collège pour les enfants des Européens, ainsi qu’à la direction d’une école professionnelle annexe pour élèves congolais qui comportait des ateliers de menuiserie et de couture55. L’enseignement élémentaire salésien suivait l’organisation de la colonie, c’est-à-dire un enseignement en cinq ans : écoles du premier degré rurales et centrales, d’une durée de deux ans ; les écoles du deuxième degré, apparues vers 1930, pour garçons et pour filles, s’étendaient sur trois ans. Ensuite, fut organisé l’enseignement post-primaire, dit « spécial », lequel comprenait l’école professionnelle, l’école normale, le petit séminaire et l’école d’agriculture. À l’école professionnelle primait l’enseignement du travail manuel pour former des imprimeurs, relieurs, menuisiers et mécaniciens. L’école d’agriculture fournissait des chefs de ferme et des fermiers. Le petit séminaire était destiné à la formation des auxiliaires congolais du clergé salésien belge résidant au Katanga56.

  • 57 « Cinquantenaire des œuvres de Don Bosco en Afrique centrale » par Pierre Frans Lehaen, évêque de (...)
  • 58 Rapports annuels (« Rendiconto dell’ispettore al Rettor Maggiore ») qu’un inspecteur salésien, env (...)
  • 59 Jusqu’en 1958, à la veille de l’Indépendance, les Salésiens étaient inquiets de l’expansion des mo (...)

27Les premières années de l’œuvre missionnaire donnèrent somme toute de maigres résultats. Les rapports rédigés par les premiers missionnaires arrivés au Katanga indiquent que les efforts pour scolariser la population locale rencontrèrent des obstacles de différentes natures. Selon les Salésiens débarqués au Congo, la population congolaise, encore largement rurale, peinait à comprendre l’utilité de l’enseignement européen57. Les missionnaires déploraient également des obstacles d’ordre structurel : la carence de moyens de transport et de routes carrossables et les maladies comme la malaria rendaient difficile la fréquentation de l’école58. Les églises protestantes et les missions méthodistes rivales installées en ville constituaient un autre obstacle. La lutte pour le pouvoir religieux, qui cachait en réalité des enjeux fonciers et d’influence politique, fut prolongée par la présence de sectes secrètes, formellement interdites par le gouvernement colonial. La présence de mouvements syncrétiques et antagonistes au christianisme fut un facteur important de la multiplication des écoles salésiennes dans la partie sud de la province59.

  • 60 Ntambwe Beya Ngindu, « L’enseignement salésien… », op. cit., p. 150.

28En effet, la première phase d’expansion du réseau salésien (1914-1930) eut pour but d’occuper le plus possible les territoires frontaliers avec la Rhodésie du Nord (actuelle Zambie). Par l’implantation à Kiniama et Sakania d’écoles rurales de premier degré caractérisées par un esprit « chrétien-patriote », les prêtres salésiens visèrent à maintenir leur influence sur ces zones exposées au risque d’ingérence extérieure60. En outre, en s’occupant des populations rurales, ils pouvaient enfin réaliser leur vocation d’aider les jeunes défavorisés, vocation qui avait été déviée au commencement de leur mission évangélisatrice à Élisabethville.

  • 61 Ibid, p. 152.
  • 62 Verbeek Léon, Ombres et clairières…, op. cit., p. 330-340.

29La deuxième phase de la politique scolaire salésienne (1930-1940) visa à consolider les écoles rurales. La politique scolaire salésienne s’aligna alors sur la réforme de l’enseignement scolaire de 1924. Les écoles rurales sélectionnaient désormais les éléments capables de poursuivre leurs études dans une école centrale. À leur tour, à partir de 1930, les écoles centrales, considérées comme le niveau le plus élevé des écoles dans les campagnes, visèrent à former des éléments capables de fréquenter une école normale61. L’enseignement du deuxième degré comptait en 1940 neuf écoles situées dans les principaux postes de missions (Sakania, Kafubu, Musoshi, Kipusha). Elles formaient des moniteurs du premier degré (pour les écoles rurales) et les cadres auxiliaires des services publics et privés (administration, justice, service d’hygiène, agriculture, commerce, etc.). Les principales écoles spéciales salésiennes étaient l’école agricole de Kafubu (1923), l’école professionnelle de Kafubu, l’école normale toujours à Kafubu, associée au petit séminaire jusqu’en 1939, l’école d’application pédagogique (EAP) de Sakania, qui formait des moniteurs de premier degré62. La politique scolaire salésienne, dans cette deuxième phase, généra d’une part, une augmentation du nombre d’écoles de premier degré et de leurs effectifs ; d’autre part l’enseignement du deuxième degré et spécial devint fondamentalement sélectif et minoritaire.

  • 63 Merlier Michel, Le Congo, de la colonisation belge à l’indépendance, Paris, La Découverte, 1962, p (...)

30La politique scolaire salésienne, et plus précisément l’attention portée à l’instruction élémentaire d’un plus grand nombre d’enfants, était justifiée par le fait de vouloir atteindre, par l’intermédiaire des plus jeunes, les familles. Les missionnaires considéraient l’enfant africain comme un pion sur l’échiquier du jeu d’assujettissement des adultes. Ils regardaient les enfants comme des sujets facilement manipulables en vue de transmettre la foi chrétienne aux adultes. Ces derniers, contrairement aux enfants, étaient dans la plupart des cas considérés comme « incivilisables63 ». Le vif intérêt de la congrégation pour la prise en charge de l’enfance s’expliquait, à ce stade de l’œuvre missionnaire, par la tentative d’ingérence dans les communautés locales pour favoriser l’émergence d’une éthique chrétienne de l’enfance. Les enfants, et les instituteurs africains préposés à leur formation, étaient considérés comme les seuls sujets en mesure d’assurer une influence et une éducation des masses rurales. Les missionnaires voyaient en eux des traits d’union entre la mentalité européenne et la mentalité congolaise. Pour atteindre ce but, ce projet devait nécessairement commencer par la destruction des coutumes et des habitudes des populations visées par l’évangélisation. Ce qui émerge bien dans les mots que Mgr Joseph Sak prononça au cours d’une visite à la maison-mère salésienne de Turin en 1933 :

  • 64 « Un’ora con Mons. Sak. Prefetto Apostolico dell’Alto Luapula », Bollettino salesiano, 11, 1933, p (...)

« Pensez à l’immense effort qu’impose une conversion dans les terres africaines. L’intelligence, l’imagination, le cœur, on les conquiert facilement à notre religion, car elle est si parlante, mais les sens ? Il s’agit de siècles d’habitudes – et quelles habitudes ! – qu’il faut contraster, retordre, anéantir. La tâche est surhumaine. Seule la grâce de Dieu peut réaliser ce miracle de lente destruction64. »

  • 65 Dibwe dia Mwembu Donatien, Bana Shaba abandonnés…, op. cit.,

31En ce sens, les missionnaires salésiens opéraient dans le même sens que le système d’ingénierie sociale qui allait être inauguré par la politique de stabilisation de la main-d’œuvre de l’UMHK, à partir de 1928. Les entreprises privées mirent sur pied, et cela grâce à l’appui des missions, un système éducatif visant à créer dès le plus jeune âge des sujets obéissants et répondant à leurs besoins de force de travail65.

Missions salésiennes et prise en charge de l’enfance au Katanga

32La « méthode préventive » est au cœur de la prise en charge de l’enfance par les Salésiens au Congo. Jean Bosco, fondateur de la congrégation des Salésiens, indique en 1877 qu’elle :

  • 66 Bosco Giovanni, « La méthode préventive dans l’éducation de la jeunesse », dans Desramaut Francis,(...)

« s’appuie entièrement sur la raison, la religion et l’affection. Elle exclut par là tout châtiment brutal et veut même bannir les punitions légères… […] Il s’agit du développement de la spiritualité intérieure du jeune, du respect de sa liberté, de sa maturité progressive et graduelle dans une expérience humaine et chrétienne66. »

33Le modèle éducatif salésien repose en grande partie sur la biographie de Jean Bosco et sur le contexte historique dans lequel il débuta son œuvre. En 1841, année de son ordination, Turin était une ville en pleine révolution industrielle, ce qui provoqua d’importantes vagues d’exode rural, notamment d’un grand nombre d’enfants à la recherche d’un moyen de survie. Don Bosco commença ainsi son œuvre au contact d’enfants et de jeunes travailleurs qui exerçaient des petits métiers de fortune. Les premières structures visant l’accueil de la jeunesse pauvre et défavorisée furent les oratorio, des centres d’accueil pour enfants abandonnés où les enfants pouvaient se nourrir et trouver refuge pour la nuit. À l’intérieur des centres, les jeunes étaient sensibilisés à l’hygiène, étudiaient et apprenaient un métier. Il ne s’agissait pas d’une éducation laïque, l’accent était plutôt mis sur les aspects moraux et religieux de la formation des jeunes.

  • 67 Pour une étude plus approfondie de la trajectoire du système pédagogique salésien de Turin au Kata (...)

34Le modèle éducatif appliqué à la jeunesse turinoise de la fin du xixe siècle fut exporté dans le monde entier dans des contextes culturels différents67. La présence des Salésiens se concrétisa, avant tout, par un projet éducatif centré sur les jeunes, surtout dans des pays comme le Congo où ils représentaient une proportion importante de la population. Ce projet éducatif se réalisait avant tout par l’édification de lieux à la fois concrets, pour la mise en place de l’œuvre missionnaire, et symboliques. Partout les Salésiens installèrent des oratoires, des noviciats, des collèges, des écoles professionnelles, des centres d’accueil. La question de l’application de ce système fortement enraciné dans le milieu social et culturel qui l’avait engendré reste toutefois problématique. À la base de l’orientation salésienne vers l’évangélisation au Congo se trouve un projet d’expansion qui appartenait plus largement à l’Église catholique et qui fut appliqué, en premier lieu, à travers l’inculturation.

35L’intérêt des Salésiens pour la culture congolaise marquait une volonté de connaître en profondeur la culture autochtone afin d’en saisir les aspects qui pouvaient s’adapter le mieux au message et aux valeurs catholiques. La transmission des valeurs chrétiennes donnait lieu à une connaissance incarnée dont les enfants étaient porteurs dans leurs milieux ainsi que tout au long de leur vie. Ces valeurs étaient celles représentées par la figure de Don Bosco qui, après sa mort, avaient été développées à partir de ses écrits et les nombreuses biographies du futur saint : sens de l’abnégation, dévouement au travail et à l’effort continu, sens de la famille, respect de l’autorité.

  • 68 « Cinquantenaire des œuvres de Don Bosco… », op. cit., p. 1.
  • 69 Poncelet Marc, André Géraldine et De Herdt Tom, « La survie de l’école primaire congolaise (RDC) : (...)

36Durant la période coloniale, l’enseignement dans les écoles salésiennes se distinguait difficilement de l’évangélisation. Les objectifs des missionnaires salésiens au Katanga étaient « l’enseignement primaire et secondaire pour enfants blancs et l’enseignement professionnel pour la jeunesse noire68 ». Là où elles s’installaient, les missions monopolisaient l’ensemble du champ scolaire en le divisant en un système dual : d’une part les Européens, de l’autre les Congolais69. Au Katanga, la formation des enfants autochtones suivait, dans la première phase de l’évangélisation, la même logique que la prise en charge des enfants pauvres à Turin : la lutte contre l’analphabétisme et l’encadrement professionnel de la jeunesse délaissée.

  • 70 Merlier Michel, Le Congo, de la colonisation…, op. cit., p. 217.

37Aux enfants européens des expatriés qui travaillaient au Katanga, les missionnaires entendaient donner un enseignement selon les lignes du gouvernement belge, c’est-à-dire de qualité, laïque et calqué sur le programme de la métropole. La première école installée à Lubumbashi, le collège Saint-François-de-Sales, était subventionnée par le gouvernement belge et gérée par la congrégation religieuse. Les enfants congolais étaient, à l’opposé, objet d’une prise en charge « victimisante » – à l’instar de celle des enfants orphelins – qui devaient être arrachés à la pauvreté et à leur environnement social et familial jugé, par les missionnaires, nocif pour leur éducation70.

  • 71 Langue locale parlée par les populations du sud de la province.
  • 72 Projet d’organisation de l’enseignement libre au Congo belge avec le concours des missions nationa (...)

38L’objectif de discipliner une enfance nullement habituée à l’enseignement scolaire de type européen fut toutefois difficile à atteindre. Attirer les enfants à l’école et les y maintenir n’étaient pas choses faciles. Les missionnaires recoururent ainsi aux moyens les plus divers tels que la fanfare, le scoutisme, les jeux, les pièces de théâtre jouées en kibemba71. L’objectif était d’abord de familiariser les enfants avec la mission et par la suite d’entamer l’apprentissage de quelques rudiments de lecture, d’écriture et de religion. Dans un second temps, les missionnaires formèrent des instituteurs congolais. Le rôle éducatif joué par ces derniers était considéré comme fondamental. Ils devaient incarner des modèles pour les gens de la communauté de manière à faire « rayonner autour d’eux la civilisation72 ».

39L’enseignement salésien renforça ainsi une forte distinction raciale entre enfants « noirs » et enfants « blancs » calquée sur l’imaginaire racial promu par la propagande coloniale belge. La distinction raciale était très concrète dans la première école professionnelle pour enfants congolais construite en 1912 en annexe au collège Saint-François-de-Sales d’Élisabethville.

  • 73 Verbeek Léon, Ombres et clairières…, op. cit., p. 30.

40En premier lieu, une séparation des espaces et la qualité des constructions. L’école Saint-François-de-Sales était divisée en deux sections : une école primaire pour les enfants des Européens et une école professionnelle pour les enfants congolais. Les deux complexes scolaires étaient construits l’un à côté de l’autre, mais malgré leur proximité les espaces étaient strictement séparés. L’école primaire était constituée de bâtiments en dur et avait un internat, tandis que des constructions en pisé formaient l’école professionnelle avec un orphelinat73. La figure de l’orphelin était une vision largement répandue des enfants congolais, appuyée par l’État colonial dès la période de Léopold II, même si beaucoup d’enfants n’étaient pas des orphelins.

  • 74 Poncelet Marc, André Géraldine et De Herdt Tom, « La survie de l’école… », op. cit., p. 27.
  • 75 Verbeek Léon, Ombres et clairières…, op. cit., p. 28-29.

41En second lieu, un programme d’enseignement différencié. Les écoles des Salésiens étaient des écoles officielles, c’est-à-dire reconnues par l’État74. La distinction des programmes demeurait à deux niveaux : la nature de l’enseignement et son contenu. En effet, dès leur installation au Katanga, les Salésiens, bien que membres d’une congrégation religieuse, avaient été chargés de l’organisation d’un enseignement neutre et laïc. Si l’enseignement laïc pour les enfants européens était un problème brûlant pour l’administration coloniale, l’enseignement confessionnel pour les enfants congolais ne posa pas de souci75. Les contenus des programmes scolaires étaient également fort différents. L’instruction pour les Congolais demeurait élémentaire et essentiellement religieuse. L’essence de l’enseignement salésien se basait sur le travail manuel dans le but de développer l’une des premières vertus professées par Don Bosco : l’esprit de travail. L’enseignement dit classique (littéraire ou mathématique) était considéré comme peu utile.

42 L’objectif d’éduquer des jeunes congolais pour en faire de bons travailleurs était partagé tant par les missionnaires que par les administrateurs coloniaux. Les présupposés sur les Congolais étaient des stéréotypes du même type que ceux appliqués aux classes prolétaires européennes. Le docteur Mottoulle, haut responsable de l’Union minière du Haut-Katanga, affirmait que :

  • 76 Merlier Michel, Le Congo de la colonisation…, op. cit., p. 225.

« La loyauté professionnelle est une qualité difficile et lente à obtenir de l’artisan noir ; l’indigène en général – n’en est-il pas de même chez beaucoup de nos ouvriers européens – s’applique plus à accomplir sa tâche avec un minimum d’efforts qu’avec un maximum de soins76. »

  • 77 Comptes rendus du Congrès Scientifique d’Élisabethville, Bruxelles, Comité Spécial du Katanga, 195 (...)

43Dans les écoles rurales, l’enseignement classique était sommaire. Les élèves congolais étaient jugés incapables de formuler une pensée abstraite et de maîtriser la logique d’une démonstration77. Les enfants fréquentant les écoles rurales devaient donc plutôt consacrer plusieurs heures à l’éducation rurale et à l’exploitation de petits lots cultivables. Chaque jour à l’école, les enfants étaient examinés avec soin. À l’instar des oratoires de Turin, une grande importance était donnée à la morale religieuse et à l’hygiène personnelle, avec une attention particulière aux leçons sur l’hygiène corporelle, le soin des plaies, une alimentation correcte et la propreté des vêtements.

  • 78 Rubbers Benjamin, Faire fortune en Afrique…, op. cit., p. 49.
  • 79 Verbeek Léon, Ombres et clairières…, op. cit., p. 334.

44Durant les deux premières décennies de la colonisation, les rapports coloniaux entre Africains et Européens étaient vécus au quotidien dans une relative proximité. Mais à partir des années 1920 une politique raciale de mise à distance des « Noirs » et un processus de « moralisation de la société coloniale78 » furent imposés par le gouvernement belge et l’administration coloniale. La mission salésienne au Congo participa, à partir de ces années-là, à cette radicalisation de la ségrégation raciale. La coexistence de deux écoles dans le complexe scolaire Saint-François-de-Sales fut considérée comme nuisible à l’« épanouissement des élèves », ce qui amena Mgr J. Sak, en 1927, à transférer l’école professionnelle à la Kafubu, dans une zone rurale à 15 kilomètres de la ville. Le supérieur salésien avança comme raison de ce déplacement des motivations « d’ordre moral79 ».

  • 80 Le mouvement scout fut fondé en 1908 en Angleterre par l’officier anglais Robert Baden-Powell. Le (...)
  • 81 Tilman Samuel, « L’implantation du scoutisme au Congo Belge », Vellut Jean-Luc (dir.), Itinéraires (...)

45Les écoles missionnaires n’étaient pas le seul système éducatif de l’enfance congolaise. L’institution de mouvements de jeunesse était l’un des axes privilégiés de la prise en charge de l’enfance et de la jeunesse katangaises. À ce titre, le mouvement des scouts mérite une attention particulière80. Contrairement à d’autres groupes de jeunesse qui sont l’expression directe de l’Église catholique, le scoutisme, depuis sa fondation en Europe, ne fut jamais officiellement reconnu par l’Église catholique. Pour cette raison, entre le début des années 1920 et la fin des années 1930, le scoutisme était au Congo, somme toute, un phénomène marginal en raison des réticences de la hiérarchie catholique envers un mouvement aux origines laïques. N’étant pas issu d’une initiative directe de l’Action catholique, contrairement par exemple aux mouvements Kiro ou Xavérien, le scoutisme ne fut jamais complètement contrôlé par les missionnaires. Toutefois, l’implantation du mouvement au Congo, et l’essor qu’il connut à partir des années 1940, tient à l’action de certains missionnaires (grâce notamment à l’appui de Mgr Hemptinne) et de laïcs influents (entre autres le commissaire fédéral Jacques Sohier) qui l’imposèrent en comprenant bien le potentiel éducatif du mouvement. Par conséquent, et malgré les réticences d’une bonne partie de la hiérarchie catholique belge, l’installation du scoutisme fut exclusivement catholique. La raison en est assez simple : le mouvement était lié au réseau scolaire qui était entre les mains des missionnaires81.

46Le scoutisme congolais se présentait, en continuité du système scolaire, comme un mouvement élitiste très exigeant sur les critères d’adhésion :

  • 82 Tilman Samuel, « Le scoutisme au Congo Belge (1922-1960) : une école de l’élite pour les jeunes in (...)

« une scolarisation obligatoire des membres et, partant, une bonne connaissance du français, des attitudes morales calquées sur le modèle occidental (le concubinage et l’ivresse publique sont réprimés tandis que la progression morale personnelle est encouragée par le biais de la promesse et des badges), un “degré” d’occidentalisation culturelle élevée sensible, par exemple, dans les paramètres ethniques que l’on tente d’effacer, des contraintes financières inhérentes à la formule (uniforme, excursions, matériel)82 ».

  • 83 Tilman Samuel, « L’implantation du scoutisme… », op. cit.
  • 84 Ibid., p. 118.
  • 85 « Tre virtù maggiormente inculcate da D. Bosco », Bollettino salesiano, 8, 1924, p. 197-200.

47Le gouverneur général Pierre Ryckmans soulignait que le scoutisme rejoignait les aspirations du colonisateur dans son désir de former une « élite indigène » et de citoyens modèles83. Du côté de l’Église catholique, la fédération catholique des scouts s’investit dans des responsabilités pratiques et morales de l’encadrement de la jeunesse désœuvrée. Les caractéristiques du scoutisme congolais s’inspiraient du mouvement européen et étaient proches de l’éthique de l’enfance prônée par les missionnaires salésiens. Par exemple, le scoutisme congolais valorisait « l’idéal de “service” et de “contribution sociale” par le biais de la “bonne action” largement encouragée84 ». Ce qui est très proche des vertus promues par la pédagogie salésienne incarnées par la figure de Don Bosco, c’est-à-dire « l’esprit de travail », « la tempérance » et « l’humilité »85.

48Le scoutisme, mais on pourrait dire de même pour d’autres mouvements de jeunesse semblables et pour le sport, fit partie d’un système éducatif plus large qui était exercé par plusieurs acteurs dans le régime colonial, y compris les missionnaires salésiens. Ce système d’encadrement fut consolidé à partir des années 1940 et vit converger les trois principaux acteurs (administration coloniale, entreprises privées, missions catholiques) intéressés par l’établissement d’un nouveau gouvernement de l’enfance et de la jeunesse.

Conclusion

  • 86 Dibwe dia mwembu Donatien, Bana Shaba abandonnés…, op. cit.

49L’analyse de la méthode pédagogique salésienne et des modes de prise en charge de l’enfance au Congo éclaire la combinaison qui se réalisa, au Katanga, entre l’évangélisation catholique et le projet « civilisateur » du colonialisme. La méthode salésienne d’inculturation, dont les principales cibles furent les enfants, a posé les bases de l’individuation de l’enfance comme catégorie discrète de la société, dans les communautés à économie rurale et les populations colonisées. Par rapport aux conceptions précoloniales, les missionnaires ont produit et reproduit une image de l’enfance basée sur des critères discrets. La séparation des enfants du monde des adultes les a relégués dans les espaces de l’éducation scolaire et de l’éducation chrétienne. En éloignant les enfants des sphères de socialisation et de production des adultes, cette conception de l’enfance a retiré l’enfant du milieu communautaire. Cela a façonné, par conséquent, une image de l’enfant comme un sujet immature physiquement et intellectuellement. Finalement, la dépendance des enfants vis-à-vis de leurs parents a été favorisée, renversant l’idéologie rurale qui faisait du travail enfantin un revenu essentiel du budget familial et un élément de reconnaissance de la place occupée par les enfants de la famille86.

50La prise en charge de l’enfance et le système éducatif salésien furent efficaces dans la mesure où les missionnaires mêlèrent, dans leurs centres et écoles, scolarisation et évangélisation en exerçant de fait un contrôle sur l’éducation des enfants selon une éthique et une morale chrétiennes. La spécificité de la pédagogie de Don Bosco réside dans le caractère systématique donné à l’éducation. La « méthode préventive » révèle l’individuation systématisée des éléments qui devait être inculqué dans la culture congolaise.

  • 87 Bayart Jean-François, « Les Églises chrétiennes… », p. 16.

51Un aspect qui mérite d’être souligné est que la politique de l’enfance des Salésiens fut étroitement attachée à l’histoire du pays et à l’évolution de la congrégation au Congo. Au cours du xxe siècle, l’Église catholique, et la congrégation salésienne plus spécifiquement, furent au centre des événements marquants de l’histoire du pays. La congrégation salésienne repensa, à chaque tournant historique, le sens de sa présence et de sa mission dans le pays. Dans ce sens, on peut être d’accord avec Jean-François Bayart sur le fait que les Églises chrétiennes ont poursuivi, au siècle passé, une réflexion critique sur l’« adaptation de leur mission en terrain africain87 ».

52Il est aussi utile de rappeler que la méthode préventive est, elle-même, le résultat de la combinaison d’une série de facteurs socio-économiques d’une époque donnée. Elle naquit comme réponse à la situation de l’enfance et de la jeunesse turinoises désœuvrées de la fin du xixe siècle, au cours d’une forte expansion industrielle. La méthode salésienne fut ensuite exportée, à l’échelle mondiale, dans des mondes culturels différents. La politique de l’enfance promue par les Salésiens se prêtait à la diffusion dans des contextes culturels différents mais qui, d’un point de vue socio-économique (industrialisation, urbanisation, croissance démographique), présentaient des similitudes avec le contexte dans lequel le système préventif était né.

53Le projet des missions salésiennes ne consistait pas simplement à prendre en charge les enfants. L’évangélisation salésienne poursuivit, avant et après l’indépendance du Congo, un double objectif, à savoir une construction intégrale de la personne et l’émergence d’une société nouvelle selon des principes chrétiens. Le projet d’« éduquer et évangéliser » était, avant tout, une politique de développement individuel et collectif, social et économique, spirituel et temporel. Il produisit un dispositif d’inscription sociale, une éthique de l’enfance dominante au détriment des conceptions locales.

54À la lumière des considérations exposées ici, la politique mise en œuvre a renforcé non seulement l’image d’une enfance dépendante et vulnérable, mais également la marginalisation des enfants qui n’intégraient pas son périmètre. Cette dynamique eut des répercussions évidentes dans la période postcoloniale. La restriction du concept d’enfance entamée depuis l’époque coloniale n’occupe pas, bien évidemment, tous les espaces sociaux de la société congolaise. Néanmoins, il semble que ces dynamiques aient participé à tracer des limites plus marquées des catégories marginales de l’enfance. Les enfants des rues et les enfants accusés de sorcellerie, catégories apparues au Congo dans les années 1990, sont des exemples patents de catégories marginales contemporaines. Ces « enfances irrégulières » tombent en dehors du périmètre des définitions institutionnalisées de l’enfance dont les origines sont largement coloniales.

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Notes

1 Foucault Michel, Histoire de la sexualité. I. La volonté de savoir, Paris, Gallimard, 1976.

2 Le philosophe Valentin Y. Mudimbe, dans ses analyses de la politique coloniale an Afrique, parle de « colonizing structure ». Mudimbe Valentin Y., The Invention of Africa. Gnosis, Philosophy, and the Order of Knowledge, London, James Currey, 1988, p. 15.

3 Ibid.

4 Bayart Jean-François, « Les Églises chrétiennes et la politique du ventre : le partage du gâteau ecclésial », Politique africaine, 35, 1989, p. 3-26.

5 Chef-lieu de la province du Haut-Katanga. À partir de 1966, Élisabethville prendra le nom de la rivière qui se situe à proximité, Lubumbashi.

6 L’éducation des filles fut confiée à la congrégation des sœurs salésiennes, les Filles de Marie-Auxiliatrice, installée au Congo dès 1922. Voir Verbeek Léon, Ombres et clairières : histoire de l’implantation de l’Église catholique dans le diocèse de Sakania (Zaïre 1910-1970), Roma, LAS, 1970, p. 50-51.

7 La présente contribution s’inscrit dans une une recherche sur les enfants des rues et les enfants accusés de sorcellerie en Haut-Katanga avec, entre 2010 et 2018, quinze mois de recherche sur le terrain et une centaine d’entretiens. Voir Quaretta Edoardo, Enfances ambigües. Anthropologie des enfants accusés de sorcellerie au Katanga (RDC), Paris, L’Harmattan, 2017. Archives centrales salésiennes (Archivio Salesiano Centrale), section « Archivio Storico », « Fondo Missioni » du siège central de la congrégation des Salésiens à Rome.

8 Vellut Jean-Luc, Congo. Ambitions et désenchantments 1880-1960, Paris, Karthala, 2017, p. 34-59 ; Vanthemsche Guy, Belgium and the Congo 1885-1980, Cambridge, Cambridge University Press, 2012 [2007], p. 19-21.

9 Kita Kyankenge Masandi, Colonisation et enseignement. Cas du Zaïre avant 1960, Bukavu, Éditions du CERUKI, 1982, p. 130.

10 Cité dans Kita Kyankenge Masandi, Colonisation et enseignement…, op. cit., p. 130.

11 André Géraldine, Poncelet Marc, « Héritage colonial et appropriation du “pouvoir d’éduquer”. Approche socio-historique du champ de l’éducation primaire en RDC », Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs, 12, 2013, p. 274-275.

12 Viaene Vincent, « La religion du prince : Léopold, le Vatican, la Belgique et le Congo (1855-1909) », dans Dujardin Vincent, Rosoux Valérie, de Wilde d’Estmael Tanguy, Planche Stéphanie, Plasman Pierre-Luc, Léopold II. Entre génie et gêne, Bruxelles, Éditions Racine, 2009, p. 173.

13 Viaene Vincent, « La religion du prince… », op. cit., p. 179-181.

14 Vanthemsche Guy, Belgium and the Congo…, op. cit., p. 5.

15 Viaene Vincent, « La religion du prince… », op. cit., p. 182.

16 Blondeel William, « Les missionnaires belges en Afrique centrale, fin xixe-xxe siècle », Afrika focus, 2, 1986, p. 95.

17 Kita Kyankenge Masandi, Colonisation et enseignement…, op. cit., p. 151.

18 Convention entre le Saint-Siège et l’État Indépendant du Congo, signée le 26 mai 1906, reproduite intégralement par Kita Kyankenge Masandi, Colonisation et enseignement…, op. cit., p. 268-269.

19 Boyle Patrick M., « School Wars: Church, State, and the Death of the Congo », The Journal of Modern African Studies, 33, 3, 1995, p. 451-468.

20 Morel Edmund D., Red Rubber: The Story of the Rubber Slave Trade Flourishing on the Congo in the Year of Grace 1906, New York, Nassau Print, 1906, 213 p. ; Le rapport Casement : Rapport de R. Casement, consul britannique, sur son voyage dans le Haut-Congo (1903), Introduction et notes par Vangroenweghe Daniel, préface et édition par Vellut Jean-Luc, Louvain-la-Neuve, Centre d’Histoire de l’Afrique, Université catholique de Louvain, 1985.

21 Vangroenweghe Daniel, Du sang sur les lianes. Léopold II et son Congo, Bruxelles, Didier Hatier, 1986.

22 Young Crawford, Introduction à la politique congolaise, Bruxelles, CRISP, 1968, p. 12.

23 Briffaerts Jan, « When Congo Wants To Go To School. Educational Organisation In The Belgian Congo (1908-1958) », Rozenberg Quarterly, http://rozenbergquarterly.com/when-congo-wants-to-go-to-school-educational-organisation-in-the-belgian-congo-1908-1958/.

24 Kita Kyankenge Masandi, Colonisation et enseignement…, op. cit., p. 154.

25 Ibid., p. 155.

26 Briffaerts Jan, « When Congo Wants… », op. cit.

27 Projet d’organisation de l’enseignement libre au Congo belge avec le concours des missions nationales, Bruxelles, Weissenbruck, 1924.

28 Kita Kyankenge Masandi, Colonisation et enseignement…, op. cit., p. 158-63.

29 Briffaerts Jan, « When Congo Wants… », op. cit.

30 Kita Kyankenge Masandi, Colonisation et enseignement…, op. cit., p. 214-218.

31 Zana Etambala Mathieu, « L’État colonial et les missions catholiques face au mouvement kimbanguiste à la veille de l’indépendance du Congo belge – 1944-1960 », Annales Aequatoria, 25, 2004, p. 95-149.

32 Tshimanga Charles, Jeunesse, formation et société au Congo-Kinshasa, 1890-1960, Paris, L’Harmattan, 2001.

33 De Schaetzen A., « Action missionnaire catholique », Problèmes d’Afrique Centrale, 36, 1957, p. 127.

34 Stengers Jean, Congo. Mythes et réalités. Cent ans d’histoire, Louvain-La-Neuve, Duculot, 1989.

35 Fetter Bruce, The Creation of Élisabethville (1910-1940), Stanford, Hoover Institution Press, 1976.

36 Dibwe dia Mwembu Donatien, Bana Shaba. Abandonnés par leur père : structure de l’autorité et histoire sociale de la famille ouvrière au Katanga – 1910-1997, Paris, L’Harmattan, 2001.

37 Rubbers Benjamin, Le paternalisme en question. Les anciens ouvriers de la Gécamines face à la libéralisation du secteur minier katangais, Paris, l’Harmattan, 2013, p. 41-45.

38 Dibwe dia Mwembu Donatien, Bana Shaba. Abandonnés…, op. cit., p. 22-40.

39 Rubbers Benjamin, Faire fortune en Afrique. Anthropologie des derniers colons du Katanga, Paris, Karthala, 2009, p. 48.

40 Kita Kyankenge Masandi, Colonisation et enseignement…, op. cit., p. 47.

41 Fetter Bruce, L’Union Minière du Haut-Katanga, 1920-1940 : la naissance d’une sous-culture totalitaire, Bruxelles, CEDAF, 1973, p. 25.

42 Guyer Jane, « Wealth in people and self-realization in equatorial Africa », Man, 28, 1993, p. 243-265.

43 Dibwe dia Mwembu Donatien, « Les espaces de socialisation de l’enfant au Katanga, de l’époque ancienne à la période moderne. Rupture ou continuité ? », dans Rubbers Benjamin, La reconfiguration de l’enfance au Katanga, Lubumbashi, rapport de l’observatoire du Changement Urbain, 2007, p. 24-36.

44 Dibwe dia Mwembu Donatien, « Les espaces de socialisation… », op. cit., p. 25.

45 Richards Audrey, Chisungu: A Girl’s Initiation Ceremony Among the Bemba of Zambia, London, Routdledge, 1982.

46 Doke Clement, The Lambas of Northern Rhodesia: A study of their customs and beliefs, Forbes Press, Milton Keynes 2011 [1931], p. 140.

47 Doke Clement, The Lambas of Northern Rhodesia…, op. cit., p. 140.

48 Projet d’organisation de l’enseignement libre au Congo belge avec le concours des sociétés de missions nationales, Bruxelles, Weissenbruck, 1924.

49 Ibid., p. 1.

50 Ruytinx Jacques, La morale bantoue et le problème de l’éducation morale au Congo, Bruxelles, Institut de Sociologie Solvay, 1960.

51 Kalanda Mabika, La remise en question : base de la décolonisation mentale, Bruxelles, Remarques africaines, 1967, p. 139.

52 Cité par Ntambwe Beya Ngindu, « L’enseignement salésien et son impact au Shaba (1911-1949) », Problèmes sociaux zaïrois, 124-125, p. 147-156, p. 148.

53 « L’opera di Don Bosco è opera di fede », Bollettino salesiano, 2, 1926, p. 32. Traduit de l’italien par l’auteur.

54 Verbeek Léon, Ombres et clairières…, op. cit., p. 27.

55 Ibid., p. 30.

56 Ntambwe Beya Ngindu, « L’enseignement salésien… », op. cit., p. 151.

57 « Cinquantenaire des œuvres de Don Bosco en Afrique centrale » par Pierre Frans Lehaen, évêque de Sakania, document dactylographié, 8 p., non publié, rédigé à la Kafubu (Élisabethville) le 31 mai 1961. Archivio Salesiano Centrale, section « Archivio Storico », « Fondo Missioni », Classifica : S 3120, Nome : Africa Centrale, Oggetto : documenti.

58 Rapports annuels (« Rendiconto dell’ispettore al Rettor Maggiore ») qu’un inspecteur salésien, envoyé d’Europe, faisait au recteur majeur de la congrégation. Ces rapports étaient composés de plusieurs rubriques dont les plus importantes, pour ce qui nous concerne, étaient : « Stato religioso e morale » (état religieux et moral), « cura degli allievi » (soin des élèves), « scuole e rispettive decurie » (écoles et parroisses). En ce qui concerne ce texte je me réfère au rapport de l’année 1913-1914. Archivio Salesiano Centrale, section « Archivio Storico », « Fondo Missioni », Classifica : S 3123, Nome : Africa Centrale, Oggetto : rendiconti annuali.

59 Jusqu’en 1958, à la veille de l’Indépendance, les Salésiens étaient inquiets de l’expansion des mouvements syncrétiques d’inspiration protestante dans le sud de la province. Dans une lettre confidentielle, Mgr Bruniera, depuis Bruxelles, écrivait ces mots au Provincial des Salésiens au Congo : « J’ai l’intention de proposer à la Propaganda une augmentation du territoire du V. A. [Vicariat Apostolique] de Sakania. […] Le Gouvernement de la Colonie et les Autorités religieuses sont inquiètes de l’avancée des “kitawala” (secte politique – religieuse – nationaliste) née de “watch tower” sur les frontières de la Rhodésie, le long du Luapula ». Document dactylographié, Woluwe-Saint-Pierre, 23 avril 1958. Archivio Salesiano Centrale, section « Archivio Storico », « Fondo Missioni », Classifica : S 3121, Nome : Africa Centrale, Oggetto : corrispondenza con D. Fedrigotti.

60 Ntambwe Beya Ngindu, « L’enseignement salésien… », op. cit., p. 150.

61 Ibid, p. 152.

62 Verbeek Léon, Ombres et clairières…, op. cit., p. 330-340.

63 Merlier Michel, Le Congo, de la colonisation belge à l’indépendance, Paris, La Découverte, 1962, p. 219.

64 « Un’ora con Mons. Sak. Prefetto Apostolico dell’Alto Luapula », Bollettino salesiano, 11, 1933, p. 347. Traduit de l’italien par l’auteur.

65 Dibwe dia Mwembu Donatien, Bana Shaba abandonnés…, op. cit.,

66 Bosco Giovanni, « La méthode préventive dans l’éducation de la jeunesse », dans Desramaut Francis, Saint Jean Bosco : textes pédagogiques, Namur, Éditions du Soleil levant, 1958, p. 143-153.

67 Pour une étude plus approfondie de la trajectoire du système pédagogique salésien de Turin au Katanga, voir Quaretta Edoardo, « De Turin au Katanga : la globalisation d’un saint italien (saint Jean Bosco) », EtnoAntropologia, 7(2), 2019, p. 161-181.

68 « Cinquantenaire des œuvres de Don Bosco… », op. cit., p. 1.

69 Poncelet Marc, André Géraldine et De Herdt Tom, « La survie de l’école primaire congolaise (RDC) : héritage colonial, hybridité et résilience », Autrepart, 53, 2010, p. 23-41.

70 Merlier Michel, Le Congo, de la colonisation…, op. cit., p. 217.

71 Langue locale parlée par les populations du sud de la province.

72 Projet d’organisation de l’enseignement libre au Congo belge avec le concours des missions nationales, Bruxelles, Weissenbruck, 1924, p. 3.

73 Verbeek Léon, Ombres et clairières…, op. cit., p. 30.

74 Poncelet Marc, André Géraldine et De Herdt Tom, « La survie de l’école… », op. cit., p. 27.

75 Verbeek Léon, Ombres et clairières…, op. cit., p. 28-29.

76 Merlier Michel, Le Congo de la colonisation…, op. cit., p. 225.

77 Comptes rendus du Congrès Scientifique d’Élisabethville, Bruxelles, Comité Spécial du Katanga, 1950, vol. VI.

78 Rubbers Benjamin, Faire fortune en Afrique…, op. cit., p. 49.

79 Verbeek Léon, Ombres et clairières…, op. cit., p. 334.

80 Le mouvement scout fut fondé en 1908 en Angleterre par l’officier anglais Robert Baden-Powell. Le scoutisme est né comme organisation laïque qui avait pour objectif principal de faire de l’individu un citoyen actif et heureux. C’est par son succès mondial que, dans différents contextes, le mouvement fut progressivement et partiellement absorbé, à des degrés différents, par l’Église catholique.

81 Tilman Samuel, « L’implantation du scoutisme au Congo Belge », Vellut Jean-Luc (dir.), Itinéraires croisés de la modernité Congo Belge (1920-1950), Paris, L’Harmattan, 2001, p. 103-140.

82 Tilman Samuel, « Le scoutisme au Congo Belge (1922-1960) : une école de l’élite pour les jeunes indigènes », The Journal of Belgian History, 3-4, 1998, p. 363-404.

83 Tilman Samuel, « L’implantation du scoutisme… », op. cit.

84 Ibid., p. 118.

85 « Tre virtù maggiormente inculcate da D. Bosco », Bollettino salesiano, 8, 1924, p. 197-200.

86 Dibwe dia mwembu Donatien, Bana Shaba abandonnés…, op. cit.

87 Bayart Jean-François, « Les Églises chrétiennes… », p. 16.

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Pour citer cet article

Référence papier

Edoardo Quaretta, « Enfance, évangélisation et inculturation catholique en colonie »Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière », 22 | 2020, 25-45.

Référence électronique

Edoardo Quaretta, « Enfance, évangélisation et inculturation catholique en colonie »Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière » [En ligne], 22 | 2020, mis en ligne le 25 novembre 2022, consulté le 19 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/rhei/5107 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rhei.5107

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Auteur

Edoardo Quaretta

Chargé d’enseignement au département Culture, Politica e Società, université de Turin

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Droits d’auteur

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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