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Hommages

Jean-Claude Farcy (1945-1920)

Jean-Jacques Yvorel
p. 15-19

Dédicace

Jean-Claude Farcy est l’un des premiers universitaires à avoir adhéré à l’Association pour l’histoire de la protection judiciaire des mineurs (AHPJM). Quand l’AHPJM et l’École nationale de protection judiciaire de la jeunesse ont créé la Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière » (RHEI), nous lui avons tout naturellement proposé d’intégrer le comité scientifique de la revue. Il a décliné notre offre, car il avait trop de travail… mais il n’a jamais refusé d’évaluer un article. Il le faisait avec une minutie et une exigence mêlée de bienveillance. Jean-Claude Farcy faisait autorité dans deux grands domaines : l’histoire rurale et l’histoire de la justice et de la déviance (y compris juvénile). Son œuvre scientifique est d’une ampleur considérable, marquée par sa rigueur méthodologique et nourrie d’une érudition impressionnante. Elle se distingue aussi par la mise au point de nombreux instruments de recherche mis au service de la communauté scientifique, notamment au travers du portail Criminocorpus dont il fut un des artisans les plus actifs. Cette formidable contribution au développement de la recherche historique mérite d’être fortement soulignée, aussi, avons-nous décidé de présenter, non pas un article inédit ou difficile d’accès comme nous le faisons habituellement, mais l’ensemble des outils et bases de données réalisés par notre ami.

Texte intégral

1992 : Guide des archives judiciaires et pénitentiaires 1800-1958

1C’est avec ce guide qu’est née, en 1992 une nouvelle expression linguistique propre au petit monde des directeurs de thèses, maîtrises et autres DEA (diplômes universitaires de l’époque) : Vous voulez travailler sur la justice, la prison, la délinquance… commencez par voir « le Farcy ». Aujourd’hui, ce conseil engendrerait bien des confusions car « le guide » a été suivi par bien d’autres instruments de travail et il faudrait se montrer plus précis.

2Publié en 1992 par le CNRS, sur la base d’un rapport de recherche ronéoté, ce volume de 1175 pages est plus qu’un récolement des séries judiciaires et pénitentiaires des dépôts d’archives publiques. C’est un véritable manuel de recherche historique qui permet de comprendre les conditions de production des archives et donc leurs intérêts et leurs limites.

3Ce guide a joué aussi pour nous le rôle de lanceur d’alertes. En effet, il ne manquait pas de citer la circulaire AD-87-7 du 19 novembre 1987 sur le Règlement des archives des services extérieurs de l'Éducation surveillée et du secteur associatif concourant à la Protection judiciaire de la jeunesse. Un simple coup d’œil aux inventaires départementaux permettait alors de voir que cette circulaire n’avait pas reçu le début d’un commencement d’application et que les services extérieurs de l’Éducation surveillée ne versaient pas leurs archives qui restaient « confiées » aux sous-sols, caves et greniers des établissements [https://criminocorpus.org/​media/​filer_public/​61/​7e/​617e883f-946f-41e8-99e4-9558a6876940/​farcy_guide_des_archives_judiciaires.pdf].

1996 : Deux siècles d’histoire de la Justice en France. Notices bibliographiques

4La Bibliographie d'histoire de la Justice française (1789-2011) comprend 68 819 références portant sur les institutions et le personnel judiciaire, la procédure et les procès, la criminalité et les pénalités, la répression politique et les polices. Issue d’un dépouillement des ouvrages comme des articles de périodiques parus sur deux siècles, elle distingue les publications des contemporains (sources) des travaux de caractère historique. Publié par le CNRS en 1996, sous le titre Deux siècles d’histoire de la Justice en France. Notices bibliographiques, cet énorme travail est complété et mis en ligne en 2005 lors de l’ouverture du portail Criminocorpus [https://criminocorpus.org/​fr/​outils/​bibliographie/​presentation/​]. Il a été depuis cette date régulièrement mis à jour par son auteur pour les références antérieures (signalement des nouvelles éditions) et pour l’ajout limité aux nouvelles références de caractère historique. La dernière intervention a été réalisée en juin 2011. Une actualisation de la bibliographie est à l’étude.

5Toute recherche historique sur l’enfant de justice commence par une « visite à cette biblio » où des entrées thématiques comme « Justice des mineurs », « Établissements de jeunes détenus » « De l’Éducation surveillée à la Protection judiciaire de la jeunesse » proposent des centaines de références.

1998 : Magistrats en majesté : les discours de rentrée aux audiences solennelles des Cours d’appel, xixe-xxe siècle

6Les discours de rentrée des cours d’appel, encore appelées mercuriales, constituent un éclairage de premier ordre sur le fonctionnement de la justice et sur les représentations que les hauts magistrats se font de leur métier, du droit et de la société. Dans cette analyse des 4 150 discours, chacun peut trouver matière à nourrir sa réflexion notamment l’historien de l’enfance irrégulière.

7Magistrats en majesté : les discours de rentrée aux audiences solennelles des Cours d’appel, xixe-xxe siècle, Paris, CNRS édition, 791 p. [https://gallica.bnf.fr/​ark:/12148/​bpt6k3337099f/​f820.item] (accès libre à 15 % de l’ouvrage).

2001 : L’histoire de la justice française de la Révolution à nos jours. Trois décennies de recherches

8Cet extraordinaire bilan de la recherche historique sur la justice est une suite logique de la bibliographie. En effet, Jean-Claude Farcy avait une conception particulière du travail bibliographique : il ne se contentait pas de recopier une référence, mais minima, parcourait l’ouvrage ou l’article. Il avait notamment lu toutes les références de caractère historique de sa base. L’ouvrage, qui soulignait les vides de la recherche, a inspiré ces vingt dernières années bien des doctorants, des organisateurs de colloques ou des responsables de revues… à commencer par le comité de rédaction de la RHEI.

9L’histoire de la justice française de la Révolution à nos jours. Trois décennies de recherches, Paris, PUF, 2001, 494 p.

2004 : L’édition historique du Code civil

10En collaboration avec Alain Wyffels, Jean-Claude Farcy a entrepris une édition historique du Code civil. Elle offre une présentation de l’ensemble des modifications ayant affecté le Code civil sur deux siècles, en permettant au lecteur d’avoir aussi bien le code valide à n’importe quelle date sélectionnée entre 1804 et 2004 que de suivre l’évolution d’un article sur deux siècles. On peut, par exemple, suivre toutes les transformations de l’article 375 depuis la correction paternelle initiale jusqu’à la protection judiciaire d’aujourd’hui. Ce travail est accessible sous forme d’un CD-Rom publié en 2004 par LexisNexis sous le titre Code civil 1804-2004. Toutes les versions du Code civil depuis deux siècles, ou sur le portail Criminocorpus [https://criminocorpus.org/​fr/​reperes/​legislation/​code-civil/​].

2006 : Débats parlementaires sur la peine de mort

11Jean-Claude Farcy a retranscrit, indexé et annoté les trois grands débats sur la peine de mort de 1791, 1908 et 1981. (Il a accompagné ce travail d’une exposition virtuelle sur la peine capitale et d’un article de synthèse très éclairant.) La lecture des débats de 1908 permet notamment de saisir l’importance donnée à la délinquance juvénile et au phénomène « apache » dans le rejet de l’abolition à la Belle Époque. Ce travail est consultable sur Criminocorpus [https://criminocorpus.org/​fr/​expositions/​peine-de-mort/​la-peine-de-mort-en-france-de-la-revolution-a-labolition/​].

2010 : Annuaire rétrospectif de la magistrature

12Cette base de données, réalisée avec la collaboration de Rosine Fry, nous permet de suivre la carrière de tous les magistrats de France métropolitaine et d’Outre-mer de 1827 à 1987. C’est un extraordinaire outil pour travailler, par exemple, sur les juges des enfants [https://annuaire-magistrature.fr/​].

2013 : Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851

13Cette base de données rassemble les informations nominatives disponibles sur les 26 848 individus poursuivis à l’occasion de l’insurrection de décembre 1851 et des diverses formes de protestations contre le coup d’État de Louis Napoléon Bonaparte et jugés par les commissions mixtes et les commissions militaires de la première division militaire de Paris. Les enfants sont l’objet d’une liste particulière et peuvent être classés par âges ou par professions. Outre l’âge et la profession, chaque fiche nous informe sur l’adresse et résultat initial des poursuites et la date de la grâce éventuelle [http://poursuivis-decembre-1851.fr/​index.php?page=presentation/​accueil].

2018 : Inculpés de l’insurrection de Juin 1848

14Nous avons là les informations nominatives disponibles sur les 11 662 inculpés jugés par 8 commissions militaires à la suite de l'insurrection parisienne de Juin 1848. Les enfants sont, là aussi, l’objet d’une liste particulière où l’on retrouve les mêmes informations [http://inculpes-juin-1848.fr/​index.php?page=fiches/​notice&individu=12183&liste=enfants].

2019 : La répression judiciaire de la Commune de Paris : des pontons à l’amnistie (1871-1880)

15Cette base rassemble des données nominatives sur 41 375 personnes inculpées par la justice militaire et le tribunal correctionnel de la Seine pour avoir participé à la Commune de Paris, à l’exclusion des mouvements communalistes de province. Là encore, les enfants de moins de 16 ans peuvent être isolés.

16Avec ces trois bases, nous disposons d’un outil exceptionnel pour étudier la participation des enfants aux grandes insurrections du xixe siècle. Gavroche cesse d’être un cas singulier, seul enfant sur la barricade, pour rejoindre des milliers de compagnons d’infortune [https://communards-1871.fr/​index.php].

2020 : Le registre des enfants de la Commune

17Dernier « cadeau » de Jean-Claude Farcy à la communauté des historiens, ce registre des 651 enfants de 9 à 16 ans jugés par le 4e conseil de guerre pour leur participation à la Commune de Paris est une publication posthume. La base « Excel » est présentée dans un article de la revue hypermédia Histoire de la justice, des crimes et des peines. Construite à partir d’un registre détenu par un collectionneur, elle vient compléter et préciser la base « communards » [https://journals.openedition.org/​criminocorpus/​7417].

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Pour citer cet article

Référence papier

Jean-Jacques Yvorel, « Jean-Claude Farcy (1945-1920) »Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière », 23 | 2021, 15-19.

Référence électronique

Jean-Jacques Yvorel, « Jean-Claude Farcy (1945-1920) »Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière » [En ligne], 23 | 2021, mis en ligne le 09 septembre 2023, consulté le 14 février 2025. URL : http://journals.openedition.org/rhei/5540 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rhei.5540

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Auteur

Jean-Jacques Yvorel

Historien, chercheur associé au CESDIP et CRH19. Co-rédacteur en chef de la Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière »

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