Navigation – Plan du site

AccueilNuméros23DossierDe Perray-Vaucluse à La Jemmerais

Dossier

De Perray-Vaucluse à La Jemmerais

L’histoire transnationale du modèle de prise en charge asilaire de l’enfance anormale de Théodore Simon
From Perray-Vaucluse to La Jemmerais. The transnational history of Theodore Simon's model of asylum care for abnormal childhood
Alexandre Klein
p. 123-137

Résumés

Pendant les dix années qu’il passa, entre 1920 et 1930, à la tête de la colonie pour enfants arriérés de l’asile de Perray-Vaucluse, le psychiatre Théodore Simon (1873-1961) œuvra à renouveler les modalités de prise en charge de ses jeunes pensionnaires. S’inspirant des travaux psychopédagogiques réalisés au début du siècle avec son mentor le psychologue Alfred Binet (1857-1911), il imposa en particulier l’évaluation scolaire et psychologique régulière des enfants afin de déterminer tant leur capacité d’apprentissage que le rendement de la formation qui leur était offerte. Il développa ainsi un modèle original d’accompagnement des enfants anormaux organisé autour de la pédagogie expérimentale. Ce dernier inspira notamment l’organisation de la première institution pour anormaux éducables du Québec, l’École La Jemmerais ouverte en 1928 et dirigée par l’un de ses élèves, le psychiatre québécois Jean-Charles Miller (1898-1952). C’est sur l’histoire de ce modèle et de sa transmission transatlantique que cet article revient.

Haut de page

Texte intégral

  • 1 Miller Jean-Charles, « Considérations générales sur le traitement des arriérés-mentaux à l’École La (...)

1Le 25 août 1928, le docteur Théodore Simon (1873-1961) est à Cherbourg pour embarquer sur le Duchess of Bedford, le tout nouveau paquebot de la Canadian Pacific Steamship Company. Direction : la ville de Québec. Le célèbre psychiatre français a en effet été convié par le docteur Antoine-Hector Desloges (1874-1941), surintendant général des asiles d’aliénés de la province canadienne, à participer à une journée d’étude sur l’hygiène mentale. Cette rencontre, qui doit avoir lieu le samedi 8 septembre en clôture du Xe Congrès de l’Association des médecins de langue française de l’Amérique du Nord, vise à saluer l’ouverture à venir de l’École La Jemmerais, la première institution pour enfants anormaux éducables de la province. La présence de Simon est d’autant plus requise que le directeur de ce nouvel établissement, le psychiatre québécois Jean-Charles Miller (1898-1952), est l’un de ses anciens élèves. Les deux hommes ont travaillé ensemble à la colonie pour enfants arriérés de Perray-Vaucluse que Simon dirige depuis 1920 à Sainte-Geneviève-des-Bois, au sud de Paris. Dans son allocution d’ouverture de la journée d’étude, Miller se rappelle d’ailleurs « les agréables et utiles journées passées à Perray-Vaucluse dans le service de Monsieur Th. Simon1 ». Utiles, car c’est sur le modèle de cette colonie française que Miller a choisi d’organiser le fonctionnement de son propre établissement. L’histoire de cette transmission transatlantique, que j’entends retracer dans cet article, met ainsi en évidence tant la singularité du modèle de prise en charge de l’enfance anormale établi par le psychiatre français que son importance pour le développement de l’hygiène mentale au Québec. Pour le démontrer, je reviendrai d’abord sur le parcours de Simon afin de mieux cerner l’approche psychiatrico-pédagogique originale qu’il a développée à Perray-Vaucluse. Je m’attarderai ensuite sur l’implantation par Jean-Charles Miller de ce modèle à Beauport avant d’interroger, pour finir, les enjeux de cette transmission transatlantique pour l’histoire psychiatrique de l’enfance irrégulière. Pour ce faire, je m’appuierai principalement sur des articles et des textes de conférences de Simon et de Miller rassemblés suite au dépouillement de diverses publications, notamment des revues tant françaises (Les Annales médico-psychologiques et le Bulletin de la Société Alfred Binet) que québécoises (L’Union médicale du Canada et Le Bulletin médical de Québec).

Théodore Simon, entre aliénisme et psychologie expérimentale

  • 2 Les informations biographiques concernant Simon sont reprises de Klein Alexandre, « Théodore Simon (...)
  • 3 La création de la colonie par le Conseil général de la Seine répond à une volonté des instances du (...)
  • 4 Voir par exemple : Binet Alfred, « Études préliminaires de céphalométrie sur 59 enfants d’intellige (...)
  • 5 Simon Théodore, Documents relatifs à la corrélation entre le développement physique et la capacité (...)
  • 6 Simon Théodore, « Recherches anthropométriques sur 233 garçons anormaux âgés de 8 à 23 ans », L’An (...)

2C’est en 1899 que Simon fit ses premiers pas dans la colonie pour enfants arriérés de l’hôpital psychiatrique de Vaucluse. Le jeune d’homme d’à peine 25 ans, fraîchement marié2, avait choisi d’y réaliser son internat, après des études à la Faculté de médecine de Paris. Sous la supervision du médecin-chef de l’institution, le Dr Emmery Blin (1863-1930), il souhaitait étudier les relations entre le développement physique et les capacités intellectuelles chez les enfants arriérés (c’est-à-dire souffrant de déficience mentale) que la colonie accueillait en son sein, selon la vocation qui était la sienne depuis sa création en 18763. C’est dans le cadre de ces recherches qu’il prit contact avec le psychologue Alfred Binet (1857-1911), alors directeur du Laboratoire de psychologie physiologique de la Sorbonne. Ce dernier menait en effet des recherches sur les capacités intellectuelles des enfants dans des écoles parisiennes4, utilisant des méthodes auxquelles Simon s’intéressait de près. La complémentarité de leurs recherches conduisit les deux hommes à engager rapidement une collaboration sérieuse qui perdura jusqu’à la mort prématurée de Binet en 1911. Simon trouva en effet dans ce savant peu ordinaire son premier véritable maître. Dans les remerciements de sa thèse de doctorat, qu’il soutint en 1900, Simon savait ainsi gré à Binet de lui avoir « permis de donner un aliment nouveau et une direction pleine d’intérêt5 » aux études anthropométriques engagées avec Blin. C’est d’ailleurs dans L’Année psychologique, la revue créée par Binet en 1894, qu’il publia les résultats de cette recherche doctorale6.

  • 7 Ce terme renvoie à une catégorie psychiatrique, la débilité intellectuelle, qui, à l’instar de l’id (...)
  • 8 Dans l’une de ses conférences de la journée d’étude sur l’hygiène mentale, Simon évoquera les « déb (...)
  • 9 Simon Théodore, 1907, L’état mental des dipsomanes, Mémoire inédit soumis au Prix Falret de l’Acad (...)
  • 10 La première version fut présentée à Rome lors du congrès international de psychologie (Binet Alfred (...)
  • 11 Binet Alfred et Simon Théodore, « Le développement de l’intelligence chez les enfants », L’Année p (...)

3Après cette année passée à Perray-Vaucluse, Simon rejoignit le service de l’Admission de l’Hôpital Sainte-Anne pour effectuer un second internat auprès de l’aliéniste Valentin Magnan (1835-1916). Le lieu était idéal pour poursuivre ses recherches sur les anormaux, tant les « débiles7 » de toutes sortes s’y retrouvaient en nombre8, avant leur répartition dans les différentes institutions du département. Cette rencontre fut marquante pour le jeune psychiatre au point que, lorsqu’il fut nommé médecin adjoint de l’asile de Dury-lès-Amiens en 1903, il engagea des démarches afin de revenir travailler aux côtés de celui qu’il considérait déjà comme son second maître. Grâce à l’influence de Magnan, Simon était de retour à Paris moins d’un an après sa nomination, ce qui lui permit d’une part de poursuivre son travail avec l’aliéniste, qu’il concrétisa sous la forme d’une étude sur la dipsomanie qui gagna en 1907 le fameux Prix Falret de l’Académie de médecine9, et d’autre part de continuer sa collaboration avec Binet. Les deux hommes, qui n’avaient jamais cessé de travailler ensemble depuis leur rencontre, publièrent en 1905 leur célèbre texte sur les « Méthodes nouvelles pour le diagnostic du niveau intellectuel des anormaux10 », comprenant la première version de l’Échelle métrique de l’intelligence, un outil permettant de diagnostiquer les enfants anormaux et d’en distinguer les différents types. En 1907, ils firent paraître un Guide pour l’admission des enfants anormaux dans les classes de perfectionnement, puis l’année suivante, dans L’Année psychologique, une deuxième version, plus aboutie, de l’Échelle11. Les fameux tests Binet-Simon étaient nés et allaient faire connaitre le nom de leurs créateurs à travers le monde.

  • 12 Voir à ce propos la série d’articles qu’ils firent paraître dans L’Année psychologique de 1910 (vol (...)
  • 13 Créée en 1899 par Ferdinand Buisson (1841-1932), cette association qui réunissait essentiellement d (...)
  • 14 Simon Théodore, Un clinicien, Magnan. Un créateur de la psychologie expérimentale, Alfred Binet : c (...)

4En octobre 1908, Simon quittait finalement Paris pour devenir médecin adjoint à l’asile de Saint-Yon à Saint-Étienne-du-Rouvray en proche banlieue de Rouen, région d’origine de sa belle-famille. De là, il continua à travailler avec Binet, notamment sur l’aliénation mentale12. À la mort de son mentor, en 1911, il envisagea un moment de lui succéder à la tête du laboratoire de la Sorbonne, mais ce fut finalement à la Société libre pour l’étude psychologique de l’enfant (SLEPE13) qu’il prit sa suite, en 1912, à titre de président (poste qu’il occupera pendant près d’un demi-siècle). Quatre ans plus tard, Magnan décédait à son tour, en plein conflit mondial. Simon qui avait été mobilisé parvint néanmoins, dès l’année suivante, à rendre hommage à ses deux maîtres : le 7 mai 1917 lors d’une double conférence donnée à l’Athénée de Genève sous les auspices de l’Institut Jean-Jacques Rousseau, il célébra à la fois le talent de clinicien de Magnan et le rôle de Binet dans la création de la psychologie expérimentale14. Trois ans plus tard, Simon était reçu premier au concours de médecin en chef des asiles de la Seine et choisissait de revenir à la colonie de Perray-Vaucluse pour y développer, à la croisée de ces deux influences majeures – la clinique aliéniste et la psychologie expérimentale –, son propre modèle de prise en charge des enfants anormaux.

Le modèle de Perray-Vaucluse

  • 15 Ils étaient 240 au 1er janvier 1900 (Blin Emmery, « Rapport de la colonie de Vaucluse », Rapport su (...)
  • 16 Dans le rapport que Simon fait en 1922, on apprend que plus de 70 enfants de plus de 16 ans sont pa (...)
  • 17 Le Bras Anatole, « Visages de l’enfance aliénée à la fin du xixe siècle. Parcours d’internés à la c (...)
  • 18 En 1927, sur 265 enfants, 62 étaient placés d’office (Simon Théodore, « Une Colonie d’enfants arrié (...)
  • 19 Blin, « Rapport de la colonie de Vaucluse », 1920, p. 82-83.

5Lorsque Simon remplaça, au courant du mois d’août 1920, Emmery Blin au poste de médecin-chef de la colonie de Perray-Vaucluse, rien n’avait véritablement changé depuis son premier passage vingt ans auparavant. La colonie comptait certes un peu moins de résidents15, mais son fonctionnement était similaire à ce qu’il avait connu et son personnel en grande majorité le même qu’au début du siècle. Elle accueillait toujours en marge de l’asile de Vaucluse des garçons de 6 à 16 ans (du moins en théorie16), arriérés mais éducables (donc, toujours en théorie, ni les gâteux ni les épileptiques17), et admis soit sur placement d’office (c’est-à-dire ordonné par l’autorité publique18), soit sur placement volontaire par les familles. Les plus aptes (soit 88 enfants sur les 201 traités au cours de l’année 1919) fréquentaient l’école de la colonie, les autres travaillaient au jardin ou à l’atelier de tailleur. Certains participaient également à l’école de musique. Ce traitement « médico-pédagogique » articulant suivi médical, enseignement scolaire et travail manuel semblait satisfaire le Dr Blin qui se réjouissait que sur les 201 enfants traités en 1919, 31 étaient sortis améliorés, un guéri et 103 avaient vu leur diagnostic s’améliorer19.

  • 20 Simon Théodore, « Rapport de la colonie de Vaucluse », Rapport sur le service des aliénés du Départ (...)
  • 21 Simon, « Rapport de la colonie de Vaucluse », 1923, p. 112.
  • 22 Le rapport de 1924 présente sous la forme d’un graphique les résultats des enfants entrés au cours (...)
  • 23 Tinat Henri, « L’examen d’instruction des enfants de la Colonie de Perray-Vaucluse (Examen d’entrée (...)
  • 24 Tinat Henri et Remy Madeleine, « Séance du 22 mai 1930 », Société Alfred Binet (Psychologie de l’E (...)
  • 25 Tinat Henri et Simon Théodore, « I. Intelligence et Instruction. II. Intelligence, travail et corre (...)
  • 26 Ibid., p. 165.
  • 27 Ibid., p. 166. Victor Vaney (1859-1938) était le directeur de l’école de la Grange-aux-belles où Bi (...)
  • 28 Tinat et Simon, « I. Intelligence et Instruction… », p. 168-169.
  • 29 Ibid., p. 169.
  • 30 Ibid., p. 171.

6Pourtant, à son arrivée, Simon engagea plusieurs expérimentations afin de bonifier la prise en charge des enfants accueillis dans la colonie. Dès le mois d’octobre, il mit sur pied un atelier de confection de bas et de chaussettes, en vue d’offrir aux enfants « une profession qu’ils puissent continuer à domicile20 ». Il commença également à utiliser la main-d’œuvre des plus arriérés pour des travaux d’entretien de l’établissement, notamment de la peinture et un chantier de nivellement du sol des cours. Mais surtout, il apporta des modifications au programme de l’école (notamment en introduisant des moments de marche dans les plus petites classes), ou du moins le tenta-t-il, car l’arrivée massive en 1922 d’une centaine d’enfants très arriérés envoyés de Bicêtre21 vint rapidement mettre un frein à ses ambitions de réforme. Cet événement lui permit néanmoins de mettre à profit une autre innovation majeure qu’il avait introduite dès sa prise de fonction : la mesure systématique de l’intelligence de tous les enfants accueillis22. Jusqu’alors, seul un examen d’instruction pour « déterminer le niveau d’instruction acquis par chacun des enfants23 » était réalisé, à l’initiative d’Henri Tinat, l’instituteur en chef de la colonie depuis 190024. À son arrivée, Simon consacra donc un mois entier à « prendre individuellement le niveau d’intelligence de chacun des pensionnaires25 ». Il compléta ensuite cet état des lieux par des « contrôles d’orthographes et de lecture dont il connaissait l’équivalence dans quelques écoles parisiennes26 », mais aussi par la soumission des élèves de l’école au « barème de calcul de M. Vaney27 ». Simon insistait sur l’importance de cette double méthode, « psychologique et scolaire » pour pouvoir rassembler dès le départ les enfants « de même intelligence et de même savoir28 », mais aussi pour pouvoir « connaitre la valeur réelle des résultats qu’on obtient29 ». Cela permettait également de distinguer les éducables de ceux qu’il appelait les « rebelles30 ».

  • 31 Ibid., p. 172. Pour mener à bien ce travail, Simon créa même un test collectif, qu’il nomma test P (...)
  • 32 La colonie comprenait un quartier des petits, un quartier des moyens de niveau inférieur, un quarti (...)
  • 33 Bonnis Lucie, Le développement de l’intelligence chez les arriérés, Thèse de médecine, Paris, 1926.

7Cette double méthode était en fait le cœur de son approche pédagogique : « […] pour juger de ce que donne une éducation d’enfants anormaux », affirmait-il, « […] deux éléments sont nécessaires, indispensables – et pour ainsi dire jamais fournis – le niveau précis d’intelligence des sujets au moment où on les observe et l’indication exacte du travail qu’ils accomplissent31 ». Cette généralisation des tests sur les enfants s’inscrivait ainsi dans une volonté d’adapter au mieux la prise en charge au sein de la colonie (en optimisant la répartition des enfants dans les différents groupes32), mais aussi de pouvoir évaluer, pas uniquement d’un point de vue pédagogique, l’efficacité du traitement. Cette approche fit d’ailleurs elle-même l’objet d’une évaluation. En 1926, Lucie Bonnis (1889-1974) réalisa une thèse de doctorat en médecine sous la supervision de Simon, dans laquelle elle étudiait cet usage systématique des tests Binet-Simon sur les enfants de la colonie33. Elle en montra notamment le rôle dans l’amélioration de l’accompagnement des enfants et s’en servit pour établir des courbes du développement intellectuel permettant de pronostiquer l’évolution des pensionnaires selon leur degré d’arriération.

  • 34 Simon, « Une Colonie d’enfants arriérés », p. 23.
  • 35 Ibid., p. 29.
  • 36 C’est tout l’objet de la communication qu’Henri Tinat et Théodore Simon présentent à la Société Alf (...)
  • 37 Simon, « Une Colonie d’enfants arriérés », p. 32.
  • 38 Simon Théodore, Pédagogie expérimentale. Écriture. Lecture. Orthographe, Paris, Armand Colin, 1924, (...)

8Ce n’était en effet pas tant, à ses yeux comme aux yeux de Simon, l’éducation qui leur était proposée que le juste classement des enfants dans la catégorie où ils auraient le plus de chance de s’épanouir qui pouvait leur assurer un avenir. D’ailleurs, la soixantaine d’enfants qui fréquentaient alors l’école recevaient un enseignement qui n’avait « rien de bien original34 ». À l’exception de la section préparant le certificat d’études, il n’y avait pas « de programme à proprement parler » : l’essentiel est « de faire connaître à l’enfant le monde dans lequel il vit, de lui apprendre comment les choses se nomment […], et à cette occasion, de l’encourager à parler35 ». L’important pour Simon était surtout que les élèves reçoivent une instruction équivalente à leur intelligence (du moins celle qui a été évaluée par les tests menés à leur arrivée dans la colonie36) dans des classes spécialisées et avec des maîtres aimant leur profession. C’est cela qui leur permettait de retrouver la vie civile (en particulier pour les normaux qui sortaient à plus de 75 %, là où seulement 25 % des « imbéciles » connaissaient un jour le retour à une vie hors institution37). Pour le dire autrement, la pédagogie propre aux anormaux relève moins, aux yeux de Simon, de cette « pédagogie traditionnelle » qui peut être mise en place par les maîtres et maîtresses dans leurs classes, que de la pédagogie expérimentale, cette « étude méthodique des réactions des élèves aux procédés d’enseignement38 » à laquelle il consacra un livre en 1924.

  • 39 Déjà dans leur Guide de 1907, Binet et Simon critiquaient déjà les résultats de Bourneville à Bicêt (...)
  • 40 Simon le précise en introduction de son volume sur la pédagogie expérimentale en rappelant que « la (...)
  • 41 Distinction rapportée notamment par Nadine Lefaucheur dans son article « Psychiatrie infantile et d (...)
  • 42 Notamment dans son rapport sur la prise en charge des enfants idiots et dégénérés présenté en 1894 (...)

9L’éducation des anormaux n’est en effet pas une question médicale pour lui, mais une question pédagogique39, et pour être menée à bien, elle doit se fonder sur les résultats de la science pédagogique et donc de la pédagogie expérimentale. Et si cette dernière puise dans les méthodes de la psychologie (tests d’intelligence), voire de la psychiatrie (nosologie de l’anormalité) ou encore de la médecine (anthropométrie), elle ne peut en aucun cas s’y réduire40. Ainsi, au-delà de la distinction usuelle41 entre une conception médico-pédagogique (portée par Désiré-Magloire Bourneville (1840-1909)42) et une conception psycho-pédagogique (défendue par Binet) de la prise en charge des enfants anormaux, Simon développe, autour de la notion de pédagogie expérimentale, une approche tout à la fois synthétique et transversale.

  • 43 Simon mène d’ailleurs, lui-même ou en partenariat, des études dans les écoles en parallèle de son t (...)
  • 44 Miller, « Considérations générales sur le traitement… », p. 280.

10En opérant ce déplacement de l’éducation des anormaux du proprement médical vers l’essentiellement pédagogique, Simon relie en effet, par le biais des questions de pédagogie, la prise en charge des enfants anormaux dans l’espace asilaire de la colonie avec celle des enfants normaux dans les écoles43. Ce sont les tests (d’intelligence, d’orthographe, de lecture, de calcul, etc.) qui assurent ici la continuité épistémologique entre ces deux espaces : les enfants subissent les mêmes épreuves à Paris ou à Perray-Vaucluse et c’est la mise en correspondance des résultats qui permet d’affiner les stratégies éducatives d’un côté comme de l’autre des murs de l’asile. On comprend mieux pourquoi Jean-Charles Miller pourra parler d’« une autre assistance que la vie d’asile44 » lorsqu’il reproduira, sur le terrain de l’asile de Beauport en banlieue de Québec, l’expérience de Simon à Perray-Vaucluse.

Jean-Charles Miller et l’hygiène mentale de l’enfance

  • 45 Les éléments biographiques présentés ici sont repris de Sœur Marie-de-Montciel, Le docteur Jean-Cha (...)
  • 46 Ibid., p. xvi.
  • 47 Ibid.
  • 48 Miller Jean-Charles et Simon Théodore, « Les enfants internés à la colonie de Perray-Vaucluse pour (...)
  • 49 Miller Jean-Charles, Simon Théodore et Vié J., « Un cas d’athétose double », Annales médico-psychol (...)
  • 50 Miller Jean-Charles, « L’École La Jemmerais pour les enfants anormaux éducables », Potvin, Textes d (...)

11Né en 189845 dans le petit village de Sainte-Émélie-de-l’Énergie, à 120 kilomètres au nord de Montréal, Jean-Charles Miller avait choisi de suivre les traces de son père en devenant médecin. Après des études à la succursale de l’Université Laval à Montréal, il effectua son internat à l’Hôpital Dupont en 1920-1921, puis à l’Hôpital Notre-Dame l’année suivante. Il partit ensuite se spécialiser en psychiatrie aux États-Unis, en particulier au Danvers State Hospital au Massachusetts. En 1924, il fut nommé chef de service de la section messieurs de l’Hôpital Saint-Michel-Archange, le grand asile de Québec. Mais deux ans plus tard, « les contingences de sa profession46 » le conduisirent à retourner étudier, à New York notamment, mais aussi au Laboratoire de psychotechnique de Genève, et enfin à Perray-Vaucluse aux côtés de Simon. C’est « auprès de lui », affirme sa biographe, « qu’il apprend la clinique des maladies mentales47 ». Ensemble, ils travaillent surtout sur des enfants atteints d’encéphalite léthargique48, cette « maladie du sommeil européenne » alors épidémique, mais aussi sur un cas d’athétose double49, un trouble neurologique héréditaire engendrant des mouvements involontaires. De retour au Québec en 1928, Miller est nommé directeur médical de la toute nouvelle École La Jemmerais qui doit ouvrir en octobre « en arrière de l’Hôpital St-Michel-Archange près de Québec50 ».

  • 51 Miller Jean-Charles, « L’École La Jemmerais pour les anormaux éducables », Le Bulletin médical de Q (...)
  • 52 Miller Jean-Charles, « L’École La Jemmerais pour les anormaux éducables », L’Union médicale du Cana (...)
  • 53 Miller, « L’École La Jemmerais pour les enfants anormaux éducables », p. 284.
  • 54 Miller, « L’École La Jemmerais pour les anormaux éducables », p. 543.
  • 55 Ibid.
  • 56 Ibid.
  • 57 Ibid.

12Cette nouvelle institution destinée « aux arriérés mentaux et aux anormaux en général » et qui peut accueillir à son ouverture « 4 à 500 malades51 » répond aux mêmes besoins que la colonie de Perray-Vaucluse lors de sa création : il s’agit de fournir aux anormaux, ici des filles et des garçons, jusqu’alors « abandonnés à leur sort » dans les écoles de quartier, à l’asile ou dans des maisons de détention, « un genre d’éducation plus ralenti et plus adéquat à leurs capacités intellectuelles52 ». Les pensionnaires accueillis sont pour l’essentiel des débiles, car les idiots et les imbéciles sont, selon Miller, inéducables53 et sont donc directement envoyés à l’Hôpital Sainte-Anne de Baie-Saint-Paul alors en charge des cas chroniques. L’éducation y porte « à la fois sur le côté intellectuel, moral et physique54 » : « la surveillance, la discipline et le bon exemple » ont, selon le psychiatre, « une heureuse influence sur leur caractère », tandis que les classes, les ateliers et les jeux fournissent « leur éducation intellectuelle et physique55 ». Comme à Perray-Vaucluse, seuls les enfants « jeunes et ayant un niveau intellectuel suffisant » vont en classe, les autres sont « dirigés sur la ferme et dans les ateliers56 ». Enfin, un cours de « culture sportive et d’enseignement sportif » est également offert, car « tout en délassant », il agit sur « l’ensemble de la personnalité57 ».

  • 58 Ibid., p. 544.
  • 59 Lambert Jules, Mille fenêtres, Québec, Centre Hospitalier Robert-Giffard, 1995.
  • 60 Miller, « L’École La Jemmerais pour les anormaux éducables », p. 544.
  • 61 Miller, « L’École La Jemmerais pour les enfants anormaux éducables », p. 282.

13Comme pour la colonie française, l’accent est mis sur le recrutement d’un personnel armé d’abord et avant tout « de patience et de dévouement58 ». Les Sœurs de la Charité, qui possèdent et gèrent l’asile de Saint-Michel-Archange depuis 189359, font à cet égard bonne œuvre. Certaines d’entre elles sont d’ailleurs parties au Massachusetts, État américain pionnier dans l’implantation des écoles pour « feebleminded », afin de s’instruire sur les méthodes qui y sont employées. L’objectif est ici encore de permettre à un maximum d’enfants, « après un stage à l’école de quelques années, [d’]être rendus à la société et [de] pourvoir à leurs besoins60 ». De même qu’à Perray-Vaucluse, les méthodes d’enseignement « sont à peu près les mêmes que celles employées dans les écoles ordinaires, sauf que les programmes sont plus restreints et les cours plus ralentis61 ».

  • 62 Sœur Marie-de-Montciel, Le docteur Jean-Charles Miller…, p. xix.
  • 63 Ibid.
  • 64 Miller Jean-Charles et Pelletier Alphonse, « L’éducation des enfants anormaux », Le Bulletin médica (...)
  • 65 On trouve aussi régulièrement des références à Henri Colin (1860-1930), à Ernest Dupré (1862-1921) (...)

14C’est l’approche de Simon qui a été appliquée, dès l’ouverture le 1er octobre 1928, aux enfants accueillis : Miller a en effet expérimenté « les connaissances acquises en se servant des “Tests d’Intelligence de Binet et Simon”, ainsi que des “Tests de Culture de la Société Alfred Binet”, de Paris62 ». Sa biographe précise que ces examens psychométriques furent ensuite réalisés « annuellement » montrant ainsi « un progrès individuel satisfaisant63 ». Dans un article sur l’éducation des enfants normaux, qu’il signe avec le médecin adjoint de l’École, le docteur Alphonse Pelletier, Miller précise qu’ils utilisent les tests d’intelligence fondés sur les travaux de Binet et Simon pour effectuer le diagnostic des enfants accueillis à La Jemmerais, mais aussi les courbes de développement intellectuel créées par Lucie Bonnis pour le pronostic64. Ainsi, et même si Miller s’inspire également des réalisations des écoles pour enfants anormaux ouvertes au Massachusetts, Simon et l’école française restent sa principale référence théorique65. En fait, les initiatives menées au Massachusetts, en particulier à la Wrentham State School, ne prévalent que quand il s’agit de penser la place de ce dispositif de prise en charge qu’est l’École La Jemmerais au sein d’un plus vaste mouvement de prise en charge des enfants anormaux dans la société.

  • 66 Voir à ce propos Wallace George L., « Un programme d’ensemble pour une campagne d’hygiène mentale » (...)
  • 67 Miller Jean-Charles et Pelletier Alphonse, « Le traitement des maladies mentales, ce qu’il était – (...)
  • 68 Miller Jean-Charles, « Considérations générales sur le traitement… », p. 281.
  • 69 Miller Jean-Charles, « Le Comité d’hygiène mentale de la cité de Québec », Le Bulletin médical de Q (...)
  • 70 Ibid., p. 401.
  • 71 Ibid., p. 396.
  • 72 L’opposition de Toulouse et Simon, qui n’entretiennent pas de très bonnes relations et appartiennen (...)
  • 73 Pour reprendre l’expression des historiens québécois Pâquet Martin et Jérôme Boivin (« La mesure fa (...)

15Contrairement à Simon et dans la lignée des initiatives américaines où les écoles pour anormaux sont pensées en lien avec d’autres dispositifs d’hygiène mentale comme les cliniques publiques d’information et des cliniques mobiles de dépistage66, Miller envisage en effet d’emblée son institution dans le cadre d’un vaste programme d’hygiène mentale67 : « L’École La Jemmerais semble être le pilier d’une œuvre d’hygiène mentale de l’enfance », affirme-t-il dans son intervention à la journée d’étude du 8 septembre. Avant de poursuivre : « […] nous souhaiterions pouvoir dépister, le plus à bonne heure possible ces arriérés mentaux ; tant à la société qu’aux malades eux-mêmes, notre École rendrait ainsi les services les plus appréciables68 ». Là encore « les célèbres Tests mentaux » de Binet et Simon sont au cœur du dispositif puisqu’ils permettent de « démasquer à bonne heure les troubles du développement de l’enfant, souvent en reconnaître la cause et instituer une thérapeutique efficace, parce que précoce69 » : « classe ordinaire, classe spéciale, École d’Arriérés Mentaux ou Hôpital70 ». Miller s’engagera d’ailleurs rapidement dans la création d’un comité local d’hygiène mentale pour organiser à Québec « le dépistage précoce des Anormaux » et ainsi leur « procurer les méthodes de traitements et d’éducation appropriées à leur état71 ». Si Simon souscrit pleinement à cette ambition, on ne retrouve chez lui ni la volonté d’établir un tel programme global d’hygiène mentale, ni d’ailleurs le vocabulaire propre à ce mouvement, qui reste davantage nord-américain, malgré les tentatives d’Édouard Toulouse (1865-1947) de l’importer en France72. Pourtant, Miller et Simon partagent cette même conviction qui organise leur travail d’un côté comme de l’autre de l’Atlantique : en matière de prise en charge des enfants anormaux, « la mesure fait loi73 ».

Risques et périls d’une traversée

  • 74 Qui apparaît déjà dans sa communication au Congrès de 1928 : Miller, « L’École La Jemmerais pour le (...)

16Ainsi, la transmission du modèle de prise en charge des enfants anormaux développé par Simon à Perray-Vaucluse ne fut pas une simple transplantation. Tout en restant fidèle à ce qu’il avait appris en France, Miller a en effet organisé son institution et pensé son développement en fonction de la réalité du terrain québécois et donc de l’influence importante des modèles américains sur les pratiques psychiatriques de la province. L’accent qu’il mit sur les problèmes de délinquance en jeu dans le dépistage puis le traitement des enfants anormaux74 comme sa volonté d’inscrire d’emblée son institution dans un plus vaste programme social et politique d’hygiène mentale témoignent d’une adaptation des théories françaises aux pratiques nord-américaines. Le fait n’était d’ailleurs pas propre au Québec.

  • 75 Simon Théodore, « De Cherbourg au Havre par Québec, Montréal, Winnetka et Chicago, New York, New H (...)
  • 76 Simon Théodore, « L’école de la Jemmerais à Québec. Les enfants de justice, les cliniques mobiles, (...)
  • 77 Voir à ce propos, Vergnon Marie et Klein Alexandre, « Théodore Simon en Amérique du Nord : retour s (...)
  • 78 Bandeira de Melo Carolina Silva, Freitas Campos Régina et Gutierrez Laurent, « Théodore Simon : pro (...)
  • 79 Voir à ce propos, Simon Théodore, « Dois meses em Belo Horizonte », Revista do Ensino, 44, 1930, p. (...)

17Lorsque Simon se rendit, après son séjour à Québec et un rapide passage à Montréal, aux États-Unis pour visiter plusieurs écoles pour enfants arriérés à New York, Boston, Chicago et Winnetka, il fut surpris de la réception et de l’usage des tests Binet-Simon qu’il y observa. Si ces derniers avaient été, selon lui, adoptés « avec un enthousiasme et une ampleur qui ne paraissent pas […] s’être démentis75 », permettant à l’assistance des enfants anormaux de prendre une « extension considérable76 », il regrettait que leur passation soit réalisée à la chaîne, sans prendre le temps d’établir, comme il le pratiquait et le préconisait, une relation clinique individuelle avec l’enfant testé77. Comme il le constatera à nouveau au Brésil78 quelques mois plus tard, le succès de son approche et de ses tests sur le continent américain n’allait pas sans une nécessaire adaptation à la réalité culturelle locale ; adaptation relevant parfois de la trahison lorsque les méthodes de passation n’étaient pas respectées ou lorsque les conceptions de l’intelligence sous-jacentes aux nouveaux tests produits ne correspondaient plus aux siennes (comme dans le cas du test Binet-Stanford créé par Lewis Terman (1877-1956)79).

  • 80 Brissot Maurice, « Un nouveau service de neuro-psychiatrie infantile à l’Asile de Vaucluse », L’Ali (...)
  • 81 Sur les 1265 enfants mis en congé définitif, 880 étaient sortis améliorés dont 491 (soit 38,9 % des (...)
  • 82 Lambert, Mille fenêtres, p. 68.

18Reste que La Jemmerais devint rapidement la seule et unique trace directe et concrète du modèle original de prise en charge de l’enfance anormale pensé et développé par Théodore Simon à Perray-Vaucluse. En effet, en 1930, Simon, alors âgé de 60 ans, quittait Perray-Vaucluse pour prendre la tête de l’admission de Sainte-Anne. Il était remplacé à la colonie par Maurice Brissot (1882-1963), un ancien élève de Toulouse qui ne tarda pas à instaurer, en lieu et place de l’approche simonienne axée sur la pédagogie expérimentale, une approche centrée sur la neurologie et les questions d’hérédité80, influencée par les travaux de Georges Heuyer (1884-1977). Bien qu’il n’abandonna pas la question des enfants anormaux, restant une référence dans le domaine, Simon n’était désormais plus à même de poursuivre ses travaux dans une institution qui leur soit dédiée. Miller, lui, s’imposait au contraire dans le même temps comme le chef de file de l’hygiène mentale de l’enfance au Québec. L’École La Jemmerais, exemple vivant du modèle établi par Simon à Perray-Vaucluse, poursuivit son développement au point de multiplier par deux le nombre de ses pensionnaires. Dix ans après son ouverture, elle pouvait ainsi se prévaloir de résultats plus qu’encourageants81. Malheureusement, l’incendie qui ravagea l’hôpital Saint-Michel-Archange le 16 février 193982 mit fin à cette expérience unique, contribuant à faire oublier le modèle simonien de prise en charge asilaire de l’enfance anormale et son rôle dans l’histoire de la psychiatrie infantile au Québec comme en France.

Haut de page

Notes

1 Miller Jean-Charles, « Considérations générales sur le traitement des arriérés-mentaux à l’École La Jemmerais », Potvin A. Rosario (dir.), Textes des mémoires du Dixième congrès de l’Association des médecins de langue française de l’Amérique du Nord, Québec, Imprimerie Laflamme, 1929, p. 278-281, ici, p. 278.

2 Les informations biographiques concernant Simon sont reprises de Klein Alexandre, « Théodore Simon (1873-1961). Itinéraire d’un psychiatre engagé pour la professionnalisation des infirmiers et infirmières d’asile », Recherche en soins infirmiers, 135, décembre 2018, p. 91-106 et Gutierrez Laurent, « Théodore Simon et les mystères de l’âme humaine », La Pensée, vol. 391, no 3, 2017, p. 80-91.

3 La création de la colonie par le Conseil général de la Seine répond à une volonté des instances du département d’offrir un encadrement particulier aux enfants dans le cadre du modèle asilaire. Elle avait pour but de compléter la section pour petits garçons de l’hôpital Bicêtre en accueillant des garçons de la seconde enfance et de l’adolescence. Voir à ce propos, Le Bras Anatole, « Visages de l’enfance aliénée à la fin du xixe siècle. Parcours d’internés à la colonie de Vaucluse (1876-1914) », Perspectives Psy, vol. 58, no 3, 2019, p. 242-250.

4 Voir par exemple : Binet Alfred, « Études préliminaires de céphalométrie sur 59 enfants d’intelligence inégale choisis dans les écoles primaires de Paris », L’Année psychologique, 7, 1901, p. 369-374 ; Binet Alfred, « Recherches de céphalométrie sur des enfants d’élite et arriérés des écoles primaires de Paris », L’Année psychologique, 7, 1901, p. 412-429.

5 Simon Théodore, Documents relatifs à la corrélation entre le développement physique et la capacité intellectuelle, Paris, Georges Carré et C. Naud éditeurs, 1900, p. 4.

6 Simon Théodore, « Recherches anthropométriques sur 233 garçons anormaux âgés de 8 à 23 ans », L’Année psychologique, 6, 1900, p. 191-247 ; Simon Théodore, « Expérience de suggestion sur des débiles », L’Année psychologique, 6, 1900, p. 441-84 ; Simon Théodore, « Expériences de copie. Essai d’application à l’examen des enfants arriérés », L’Année psychologique, 7, 1901, p. 490-518.

7 Ce terme renvoie à une catégorie psychiatrique, la débilité intellectuelle, qui, à l’instar de l’idiotie et de l’imbécillité, décrit un stage d’infériorité mentale. Cette classification fait l’objet d’importants débats dans la dernière partie du xixe siècle et les premières années du xxe siècle, débats qui conduiront notamment à la création de l’Échelle métrique de l’intelligence par Binet et Simon. Voir à ce propos, Klein Alexandre, « Alfred Binet et l’Échelle métrique de l’intelligence », Bibnum, décembre 2016 [en ligne] : https://www.bibnum.education.fr/sites/default/files/167-binet-analyse.pdf.

8 Dans l’une de ses conférences de la journée d’étude sur l’hygiène mentale, Simon évoquera les « débiles passant à l’Admission » comme des sources « d’observation minutieuse » (Simon Théodore, « La mesure du développement de l’intelligence par l’échelle B.S. avec démonstration », Potvin, Textes des mémoires du Dixième congrès…, p. 288-296, ici, p. 292).

9 Simon Théodore, 1907, L’état mental des dipsomanes, Mémoire inédit soumis au Prix Falret de l’Académie de médecine, 69 p., Archives de l’Académie nationale de médecine.

10 La première version fut présentée à Rome lors du congrès international de psychologie (Binet Alfred et Simon Théodore, « Méthodes nouvelles pour diagnostiquer l’idiotie, l’imbécillité et la débilité mentale », De Sanctis Sante (dir.), Atti del V congresso internazionale di psicologia tenuto in Roma dal 26 al 30 aprile 1905 sotto la presidenza del Prof. Giuseppe Sergi, Roma: Forzani, 1905. p. 507-510). Une version plus complète fut ensuite publiée dans l’Année psychologique : Binet Alfred et Simon Théodore, « Méthodes nouvelles pour le diagnostic du niveau intellectuel des anormaux », L’Année psychologique, 11, 1905, p. 191-244, suivie de : Binet Alfred et Simon Théodore, « Application des méthodes nouvelles au diagnostic du niveau intellectuel des enfants normaux et anormaux d’hospice et d’école primaire », L’Année psychologique, 11, 1905, p. 245-336.

11 Binet Alfred et Simon Théodore, « Le développement de l’intelligence chez les enfants », L’Année psychologique, 14, 1908, p. 1-94.

12 Voir à ce propos la série d’articles qu’ils firent paraître dans L’Année psychologique de 1910 (vol. 16), mais aussi Binet Alfred et Simon Théodore, « Définition de l’aliénation », L’Année psychologique, 17, 1911, p. 301-350.

13 Créée en 1899 par Ferdinand Buisson (1841-1932), cette association qui réunissait essentiellement des instituteurs.trices et des directeurs.trices d’école fut développée par Binet qui en devint le président en 1902. Voir à ce propos, Avanzini Guy, « La société et ses présidents », Recherches & éducations, 5, 2011, p. 77-83.

14 Simon Théodore, Un clinicien, Magnan. Un créateur de la psychologie expérimentale, Alfred Binet : conférence faite à l’Athénée de Genève sous les auspices de l'Institut Jean-Jacques Rousseau, le 7 mai 1917, Paris, É. Bougault, 1918.

15 Ils étaient 240 au 1er janvier 1900 (Blin Emmery, « Rapport de la colonie de Vaucluse », Rapport sur le service des aliénés du Département de la Seine pendant l’année 1900, Montévrain, Imprimerie typographique de l’École d’Alembert, 1901, p. 105-117, ici, p. 105) et 163 au 31 décembre 1919 (Blin Emmery, « Rapport de la colonie de Vaucluse », Rapport sur le service des aliénés du Département de la Seine pendant l’année 1919, Paris, Imprimerie nouvelle, 1920, p. 81-89, ici, p. 82).

16 Dans le rapport que Simon fait en 1922, on apprend que plus de 70 enfants de plus de 16 ans sont partis (Simon Théodore, « Rapport de la colonie de Vaucluse », Rapport sur le service des aliénés du Département de la Seine pendant l’année 1922, Paris, Imprimerie nouvelle, 1923, p. 111-112, ici, p. 112). En 1924, ce sont 37 autres enfants de plus de seize ans qui sont évacués vers Vaucluse, Ville-Evrard ou Villejuif (Simon Théodore, « Rapport de la colonie de Vaucluse », Rapport sur le service des aliénés du Département de la Seine pendant l’année 1924, Paris, Imprimerie nouvelle, 1925, p. 90-94, ici, p. 93).

17 Le Bras Anatole, « Visages de l’enfance aliénée à la fin du xixe siècle. Parcours d’internés à la colonie de Vaucluse (1876-1914) ».

18 En 1927, sur 265 enfants, 62 étaient placés d’office (Simon Théodore, « Une Colonie d’enfants arriérés », Société Alfred Binet (Psychologie de l’Enfant et Pédagogie expérimentale), no 221-222, octobre-novembre 1927, p. 4-33, ici, p. 9).

19 Blin, « Rapport de la colonie de Vaucluse », 1920, p. 82-83.

20 Simon Théodore, « Rapport de la colonie de Vaucluse », Rapport sur le service des aliénés du Département de la Seine pendant l’année 1921, Paris, Imprimerie nouvelle, 1922, p. 85-86, ici, p. 86.

21 Simon, « Rapport de la colonie de Vaucluse », 1923, p. 112.

22 Le rapport de 1924 présente sous la forme d’un graphique les résultats des enfants entrés au cours de l’année dans la colonie. Simon, « Rapport de la colonie de Vaucluse », 1925, p. 92.

23 Tinat Henri, « L’examen d’instruction des enfants de la Colonie de Perray-Vaucluse (Examen d’entrée) », Société Alfred Binet (Psychologie de l’Enfant et Pédagogie expérimentale), no 251-252, avril-mai 1930, p. 113-123, ici, p. 113.

24 Tinat Henri et Remy Madeleine, « Séance du 22 mai 1930 », Société Alfred Binet (Psychologie de l’Enfant et Pédagogie expérimentale), no 251-252, avril-mai 1930, p. 109-112, ici, p. 109.

25 Tinat Henri et Simon Théodore, « I. Intelligence et Instruction. II. Intelligence, travail et correspondance », Société Alfred Binet (Psychologie de l’Enfant et Pédagogie expérimentale), no 171, juin-juillet 1923, p. 161-172, ici, p. 163.

26 Ibid., p. 165.

27 Ibid., p. 166. Victor Vaney (1859-1938) était le directeur de l’école de la Grange-aux-belles où Binet et Simon avaient ouvert en 1905 leur laboratoire-école (voir à ce propos, Ouvrier-Bonnaz Régis, « Le laboratoire de pédagogie expérimentale de la Grange-aux-Belles », Recherches & éducations, 5, 2011, p. 131-147). En 1905, il établit une échelle d’instruction en calcul (Vaney Victor, « Nouvelles méthodes de mesure applicables au degré d’instruction des élèves. Étude spéciale de calcul », Bulletin de la Société libre pour l’étude psychologique de l’Enfant, 23, 1905, p. 653-660).

28 Tinat et Simon, « I. Intelligence et Instruction… », p. 168-169.

29 Ibid., p. 169.

30 Ibid., p. 171.

31 Ibid., p. 172. Pour mener à bien ce travail, Simon créa même un test collectif, qu’il nomma test P.V., du « nom de la localité où il a été mis sur pied », pour pallier les difficultés des test collectifs américains ; test qu’il fera ensuite appliquer dans des écoles primaires à travers la France (Simon Théodore, « Quelques précisions sur le test collectif P.V. (Perray-Vaucluse) », Société Alfred Binet (Psychologie de l’Enfant et Pédagogie expérimentale), no 204-205, avril-mai 1926, p. 128-148).

32 La colonie comprenait un quartier des petits, un quartier des moyens de niveau inférieur, un quartier de « moyens moyens », c’est-à-dire les écoliers, et enfin deux quartiers de grands, l’un pour ceux de niveau mental inférieur et l’autre pour ceux de niveau mental moyen. Chaque quartier avait son dortoir, sa cour, sa salle de réunion et son réfectoire. L’ensemble était complété par une école, une infirmerie, un pavillon d’isolement et une cour d’honneur, ainsi qu’un jardin maraicher. (Voir le plan reproduit dans Simon, « Une Colonie d’enfants arriérés », p. 20).

33 Bonnis Lucie, Le développement de l’intelligence chez les arriérés, Thèse de médecine, Paris, 1926.

34 Simon, « Une Colonie d’enfants arriérés », p. 23.

35 Ibid., p. 29.

36 C’est tout l’objet de la communication qu’Henri Tinat et Théodore Simon présentent à la Société Alfred Binet le 29 mars 1923 (en particulier sa première partie) et qui est reprise dans le bulletin de la Société quelques semaines plus tard : Tinat et Simon, « I. Intelligence et Instruction… ».

37 Simon, « Une Colonie d’enfants arriérés », p. 32.

38 Simon Théodore, Pédagogie expérimentale. Écriture. Lecture. Orthographe, Paris, Armand Colin, 1924, p. 18.

39 Déjà dans leur Guide de 1907, Binet et Simon critiquaient déjà les résultats de Bourneville à Bicêtre (p. 177-187).

40 Simon le précise en introduction de son volume sur la pédagogie expérimentale en rappelant que « la pédagogie expérimentale ne se confond pas avec la psychologie » (Simon, Pédagogie expérimentale…, p. 6).

41 Distinction rapportée notamment par Nadine Lefaucheur dans son article « Psychiatrie infantile et délinquance juvénile » paru dans Mucchielli Laurent (éd.), Histoire de la criminologie française, Paris, L’Harmattan, p. 313-332 (voir ici, p. 319-322), mais aussi par Pelicier Yves et Thuillier Guy, « Pour une histoire de l’éducation des enfants idiots en France (1830-1914) », Revue Historique, vol. 261, no 1 (529), 1979, p. 99-130.

42 Notamment dans son rapport sur la prise en charge des enfants idiots et dégénérés présenté en 1894 au Congrès national d’assistance (Bourneville Désiré-Magloire, Assistance, traitement et éducation des enfants idiots et dégénérés, Paris, Alcan, Progrès médical, 1895).

43 Simon mène d’ailleurs, lui-même ou en partenariat, des études dans les écoles en parallèle de son travail à Perray-Vaucluse. Voir à ce propos ses nombreux articles publiés à la même époque, seul ou en collaboration, dans le bulletin de la Société Alfred Binet.

44 Miller, « Considérations générales sur le traitement… », p. 280.

45 Les éléments biographiques présentés ici sont repris de Sœur Marie-de-Montciel, Le docteur Jean-Charles Miller. Médecin-psychiatre. 1898-1952. Bibliographie, Québec, Université Laval, 1963, p. xv-1.

46 Ibid., p. xvi.

47 Ibid.

48 Miller Jean-Charles et Simon Théodore, « Les enfants internés à la colonie de Perray-Vaucluse pour accidents consécutifs à une atteinte d’encéphalite léthargique », Bulletin mensuel de l’Office international d’hygiène publique, tome XIX, Fascicule 6, juin 1927, p. 778-788.

49 Miller Jean-Charles, Simon Théodore et Vié J., « Un cas d’athétose double », Annales médico-psychologiques, Séance du 18 juillet 1927, octobre 1927, p. 234-242.

50 Miller Jean-Charles, « L’École La Jemmerais pour les enfants anormaux éducables », Potvin, Textes des mémoires du Dixième congrès…, p. 282-287, ici, p. 282.

51 Miller Jean-Charles, « L’École La Jemmerais pour les anormaux éducables », Le Bulletin médical de Québec, 1928, p. 218-220, ici, p. 218.

52 Miller Jean-Charles, « L’École La Jemmerais pour les anormaux éducables », L’Union médicale du Canada, juillet 1928, p. 542-544, ici, p. 542.

53 Miller, « L’École La Jemmerais pour les enfants anormaux éducables », p. 284.

54 Miller, « L’École La Jemmerais pour les anormaux éducables », p. 543.

55 Ibid.

56 Ibid.

57 Ibid.

58 Ibid., p. 544.

59 Lambert Jules, Mille fenêtres, Québec, Centre Hospitalier Robert-Giffard, 1995.

60 Miller, « L’École La Jemmerais pour les anormaux éducables », p. 544.

61 Miller, « L’École La Jemmerais pour les enfants anormaux éducables », p. 282.

62 Sœur Marie-de-Montciel, Le docteur Jean-Charles Miller…, p. xix.

63 Ibid.

64 Miller Jean-Charles et Pelletier Alphonse, « L’éducation des enfants anormaux », Le Bulletin médical de Québec, 1929, p. 231-239.

65 On trouve aussi régulièrement des références à Henri Colin (1860-1930), à Ernest Dupré (1862-1921) ou encore à Joseph Roques de Fursac (1872-1942).

66 Voir à ce propos Wallace George L., « Un programme d’ensemble pour une campagne d’hygiène mentale », Potvin, Textes des mémoires du Dixième congrès…, p. 430-436.

67 Miller Jean-Charles et Pelletier Alphonse, « Le traitement des maladies mentales, ce qu’il était – ce qu’il est », Le Bulletin médical de Québec, Décembre 1929, p. 121-126.

68 Miller Jean-Charles, « Considérations générales sur le traitement… », p. 281.

69 Miller Jean-Charles, « Le Comité d’hygiène mentale de la cité de Québec », Le Bulletin médical de Québec, décembre 1931, p. 396-404, ici, p. 400.

70 Ibid., p. 401.

71 Ibid., p. 396.

72 L’opposition de Toulouse et Simon, qui n’entretiennent pas de très bonnes relations et appartiennent, en quelque sorte, à deux écoles rivales, n’est peut-être pas sans lien avec cet état de fait. Voir à ce propos Huteau Michel, Psychologie, psychiatrie et société sous la Troisième République. La biocratie d’Édouard Toulouse (1865-1947), Paris, L’Harmattan, 2002.

73 Pour reprendre l’expression des historiens québécois Pâquet Martin et Jérôme Boivin (« La mesure fait loi. La doctrine de l’hygiène mentale et les tests psychométriques au Québec pendant l’entre-deux guerres », The Canadian Historical Review, 88(1), 2007, p. 149-179).

74 Qui apparaît déjà dans sa communication au Congrès de 1928 : Miller, « L’École La Jemmerais pour les enfants anormaux éducables », p. 287.

75 Simon Théodore, « De Cherbourg au Havre par Québec, Montréal, Winnetka et Chicago, New York, New Haven et Boston. Impressions de voyage et de retour », Bulletin de la Société Alfred Binet, décembre 1928-janvier 1929(a), no 235-236, p. 62-78, ici, p. 62.

76 Simon Théodore, « L’école de la Jemmerais à Québec. Les enfants de justice, les cliniques mobiles, les classes spéciales de l’État de Massachusetts, L’établissement de Waverley. Conclusion », Bulletin de la Société Alfred Binet, avril-mai 1929(b), no 239-240, p. 120-126, ici, p. 120.

77 Voir à ce propos, Vergnon Marie et Klein Alexandre, « Théodore Simon en Amérique du Nord : retour sur la fortune de l’Échelle métrique de l'intelligence outre-Atlantique », Bulletin de psychologie, à paraître.

78 Bandeira de Melo Carolina Silva, Freitas Campos Régina et Gutierrez Laurent, « Théodore Simon : promoteur des tests psychologiques dans la formation des maîtres brésiliens (Belo Horizonte, 1929) », Penser l’éducation, 39, 2017, p. 9-22.

79 Voir à ce propos, Simon Théodore, « Dois meses em Belo Horizonte », Revista do Ensino, 44, 1930, p. 102-112.

80 Brissot Maurice, « Un nouveau service de neuro-psychiatrie infantile à l’Asile de Vaucluse », L’Aliéniste français, octobre 1934, p. 507-519.

81 Sur les 1265 enfants mis en congé définitif, 880 étaient sortis améliorés dont 491 (soit 38,9 % des sorties) réadaptés à la vie sociale (Miller Jean-Charles et Pelletier Alphonse, « Dix années d’activités médico-pédagogiques », Annales de l’ACFAS, 1939, p. 122).

82 Lambert, Mille fenêtres, p. 68.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Alexandre Klein, « De Perray-Vaucluse à La Jemmerais »Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière », 23 | 2021, 123-137.

Référence électronique

Alexandre Klein, « De Perray-Vaucluse à La Jemmerais »Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière » [En ligne], 23 | 2021, mis en ligne le 09 septembre 2023, consulté le 01 décembre 2023. URL : http://journals.openedition.org/rhei/5770 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rhei.5770

Haut de page

Auteur

Alexandre Klein

Philosophe et historien des sciences, Alexandre Klein est actuellement professeur auxiliaire à l’École des sciences infirmières de l’Université d’Ottawa au Canada et membre associé au Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Search OpenEdition Search

You will be redirected to OpenEdition Search