Résumés
La révélation d’abus sexuels systémiques en contexte ecclésial impose de revenir aux sources qui peuvent les documenter dans le temps, notamment aux dossiers inquisitoriaux pour sollicitation. Alors que le crime a donné lieu à de nombreux travaux, les violences subies par des victimes restent à comprendre. L’article étudie la dénonciation, devant le tribunal de Sienne, d’actes violents commis par des confesseurs, pendant un long xviie siècle. La délation attendue concerne l’abus du sacrement. Mais les récits des délateurs (essentiellement des femmes) font dériver la sollicitation vers un crime de chair. L’article montre que, si la procédure recadre leurs propos dans l’abus du sacrement, les déposants persistent à faire du Saint-Office un lieu où dénoncer les violences sexuelles.
The revelation of systemic sexual abuse in an ecclesial context requires us to return to the sources that can document it over time, in particular the inquisitorial files for solicitation. Whereas the crime of solicitation has given rise to a great deal of research, the violence suffered by victims remains to be understood. The article examines the denunciation of violent acts committed by confessors, before the court of Siena, during a long seventeenth century. The expected denunciation concerned the abuse of the sacrament. But the accounts of the denouncers (mainly women) made the solicitation drift towards a crime of the flesh. The article shows that, while the procedure reframed their statements in terms of an abuse of the sacrament, the witnesses persisted in using the Holy Office as a place to denounce sexual violence.
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Plan
En amont de la délation
Le crime à dénoncer : l’abus du sacrement
Une dénonciation obligée et cadrée
Un témoignage féminin, nécessaire et soupçonné
Dénoncer la sollicitation sans dire les « choses indécentes »
La dénonciation des violences sexuelles au Saint-Office
Les « demandes » en confession
Les récits de viol autour de la confession
Des violences enclenchées par la charité et la direction spirituelle
« Persécution », en confession comme hors confession
Traitement des violences sexuelles déclarées
L’information de la dénonciation
Le premier examen : cadrer le témoignage sur la confession et le confessionnal
En cas d’erreur parmi les témoins laïcs : expliquer la « sollicitation »
L’expression des violences sexuelles dans les examens
Par l’inquisiteur : des questions explicites dans les procès des années 1580‑1600
Par certains vicaires forains : pendant l’information préalable
À l’initiative de la victime et à côté de la question posée
La violence neutralisée
Des procédures majoritairement arrêtées à l’information
Dans de rares verdicts, des actes déplorés, sans être qualifiés
Conclusion
Aperçu du texte
Selon les mots de Claude Langlois, jusqu’à la fin du xxe siècle, « on savait » qu’il y avait des « abus » dans le clergé catholique, sans en mesurer la portée. La justice parallèle instituée par l’Église pour traiter les affaires des confesseurs agresseurs sexuels, en particulier, était couverte par le secret des procédures et par le latin des publications. La levée du secret, qui s’accélère depuis une vingtaine d’années, s’accompagne de la diffusion de textes dont la connaissance était réservée aux spécialistes du droit canon. En 2003, la publication d’une instruction secrète du Saint-Office, à l’initiative de deux avocats états-uniens, a contribué à faire connaître, hors des cercles informés, l’existence d’un crime au nom opaque : la sollicitation.
Pour un canoniste, la sollicitation qualifie l’« incitation à des actes honteux » (sollicitatio ad turpia) par un confesseur autour du sacrement de pénitence. Ce crime d’hérésie, défini à partir de 1559, concerne la provocation du pénite...
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Pour citer cet article
Référence papier
Marie Lezowski, « Sollicitation en confession et dénonciation de violences sexuelles devant le Saint-Office (Sienne, 1589‑1730) », Revue de l’histoire des religions, 3 | 2024, 427-476.
Référence électronique
Marie Lezowski, « Sollicitation en confession et dénonciation de violences sexuelles devant le Saint-Office (Sienne, 1589‑1730) », Revue de l’histoire des religions [En ligne], 3 | 2024, mis en ligne le 03 janvier 2027, consulté le 09 octobre 2024. URL : http://journals.openedition.org/rhr/13212
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