Résumés
L’historiographie a souvent mis en relation la vogue de la démonologie avec un changement général dans la religiosité du Haut-Empire, qui tendrait au syncrétisme et à l’hénothéisme sous l’effet des politiques impériales. Or, au profit exclusif de documents produits par l’aristocratie lettrée, cette historiographie néglige souvent l’épigraphie, qui montre pourtant que le daimon garde ses fonctions traditionnelles et que la globalisation culturelle reste limitée à une certaine élite. La présence du thème du démon dans la philosophie sophistique résulte d’une tentative de re-politisation de la parole aristocratique, que le régime impérial a largement dépossédée de son pouvoir. La démonologie peut dès lors être pensée comme une religiosité d’élite mettant en abyme la fonction sociale de cette même élite.
The vogue of demonology has often been linked in historiography with a broad evolution of religiosity in the High Roman Empire, i.e., a trend to syncretism and henotheism under the influence of imperialism. This historiography, however, focuses exclusively on documents produced by the well-read aristocracy, and often neglects epigraphic sources; the latter show that the daimon retained its traditional functions and that cultural globalisation remained limited to a certain elite. The presence of the demonic theme in sophistic philosophy is the result of an attempt to re-politicise aristocratic speech, which had been largely stripped of its power by the imperial regime. Demonology can therefore be seen as an elite religiosity that mirrors the social function of this very elite.
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Plan
Le lien historiographique entre la démonologie et l’hénothéisme
La démonologie impériale : histoire des religions ou histoire de la philosophie ?
Épigraphie et textes classiques : une dichotomie sociale et fonctionnelle
Une culture globalisée et abstraite
Démonologie littéraire et hénothéisme épigraphique ?
Le discours démonologique comme mise en abyme de la parole aristocratique
La parole des orateurs-sophistes durant le Haut-Empire
Les sophistes philosophes, intermédiaires de l’empereur
Une mise en abyme politique et religieuse de la fonction d’intermédiaire
Remarques conclusives
Aperçu du texte
Le lien historiographique entre la démonologie et l’hénothéisme
La période du Haut-Empire apparaît comme particulièrement féconde en discours démonologiques, c’est-à-dire en développements écrits sur le statut et le rôle des démons (δαίμονες ou daemones). De fait, le thème du démon (daimon), notamment le démon de Socrate, est au cœur de nombreux ouvrages, depuis Plutarque (Περὶ τοῦ Σωκράτους δαιμονίου) jusqu’à Apulée (De deo Socratis), en passant par Dion de Pruse (Chrysostome), qui y consacre plusieurs passages (notamment dans l’Oratio 25 Loeb), ou encore Maxime de Tyr, qui s’y intéresse dans ses « conférences » (διάλεξεις) 8 et 9 (éd. Trapp, 1994). De façon concomitante, on trouve chez ces auteurs l’usage du substantif « dieu » (deus ou θεός) au singulier, c’est-à-dire une forme d’hénothéisme. Par ce terme, il faut entendre non pas l’unité ni l’unicité d’un dieu, mais la mise en avant d’un dieu par rapport aux autres : afin d’éviter cette ambiguïté, Angelos Chaniotis a forgé le ter...
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Pour citer cet article
Référence papier
Cyril Rouanet, « L’essor de la philosophie démonologique dans l’Empire romain : biais historiographiques et usages sophistiques », Revue de l’histoire des religions, 2 | 2025, 147-174.
Référence électronique
Cyril Rouanet, « L’essor de la philosophie démonologique dans l’Empire romain : biais historiographiques et usages sophistiques », Revue de l’histoire des religions [En ligne], 2 | 2025, mis en ligne le 02 janvier 2028, consulté le 14 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/rhr/13689 ; DOI : https://doi.org/10.4000/141v6
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