Introduction

1. Cadre théorique

3En se situant dans le débat mondial entre des vues très sceptiques et des vues plus optimistes de l'Agenda 2030, cet article répond à l’appel de Dalby et al. (2020), pour une recherche guidée par l’analyse institutionnaliste critique, afin d’explorer les ODD comme un « espace de contestation qui est loin d’être idéal mais qui a le potentiel d’initier des changements à différentes échelles » (Dalby et al. 2020: 9). Notre utilisation de ce cadre est ancrée dans une métathéorie constructiviste qui conçoit les processus politiques transnationaux comme étant socialement construits et contestés, en termes normatifs/discursifs et en termes matériels (par exemple, par l’entremise d'allocations budgétaires), dans des espaces qui reflètent des relations de pouvoir intersectionnelles – marquées par des inégalités systémiques où s'entrecroisent le genre, la race, les classes et les capacités (Bilge, 2010). L’attention portée aux OPH, y compris celles des femmes, et à leur agentivité différenciée au sein d’espaces dans lesquels elles représentent des catégories minoritaires, est au cœur de notre perspective intersectionnelle.

4Notre approche se veut « institutionnaliste » parce qu'elle se concentre sur les institutions formelles – à savoir les organes des Nations unies, les États et les réseaux de la société civile – qui présentent des possibilités et des contraintes pour l'action collective. Elle est « critique » dans le sens néo-gramscien de l'étude de l'ordre hégémonique mondial et de ses soutiens, ainsi que de l'agentivité contre-hégémonique qui construit des alternatives émancipatrices à certains moments et en certains lieux (Cox, 1983). Elle s'inspire également des études critiques du handicap qui explorent la contestation de la gouvernementalité et du contrôle mondial par les OPH du Sud (Meekosha & Soldatic, 2011). Finalement, ce cadre institutionnaliste critique est pensé à partir des suggestions de Dalby et al. (2020), ce qui permet d’analyser les possibilités émancipatrices variables du plaidoyer des OPH à l’égard des ODD, en fonction de l’alignement configurationnel des forces qui façonnent ces processus dans chacun des trois contextes considérés.

2. Méthodologie

6Sur ce socle théorique et méthodologique, nous soutenons que le mouvement transnational des OPH a stratégiquement choisi de s'engager sur l'ODD 16 et d'autres ODD parce qu'il les considère comme essentiels pour faire progresser les droits des PSH – y compris leur accès à la voix, à la justice et à la sécurité humaine. Ensuite, nous explorons les principaux débats, au niveau mondial, sur la mesure dans laquelle ces attentes sont réalisées. Le degré d'engagement des OPH et la façon dont leurs attentes sont satisfaites varient aussi en fonction des configurations sur le terrain. Dans l’environnement plutôt favorable du Canada d’aujourd’hui, les OPH utilisent la Convention des Nations unies sur les droits des PSH et, dans une moindre mesure l’ODD 16+, dans leur plaidoyer pour l'inclusion et la justice, mais les activistes soulignent l’écart persistant entre ces normes et les pratiques. Dans l'environnement bien plus contraignant d'Haïti, les crises multiples empêchent l'État et les OPH de donner suite à l'ODD 16, malgré les demandes des PSH en matière de sécurité humaine et de justice. Dans de tels contextes de gouvernance profondément contestée et de violence extrême, les critiques recensés infra ont raison de dire que les ODD ne font pas vraiment avancer les luttes contre les dynamiques qui perpétuent de multiples formes de violence contre les personnes vivant en situation de handicap (et contre bien d’autres citoyen·nes).

3. La littérature sur les ODD et l'activisme des OPH

7La croissance de la littérature sur l'Agenda 2030 et les ODD fait qu'il est risqué de généraliser sur son contenu. Pourtant, une lecture des principaux textes savants suggère que peu de contributeurs prêtent attention aux droits des PSH inscrits dans les ODD ou à la manière dont les OPH ont fait pression pour ces dispositions. La dénonciation précoce de l'Agenda 2030 par Easterly (2015) et l'analyse plus détaillée de ses risques inhérents par Weber (2017) ne sont pas uniques à cet égard. Dans la littérature francophone, la critique d'Egil (2015) des ODD, en tant que projet technocratique qui risque de dépasser les capacités de nombreux États du Sud et de reproduire un ordre mondial néolibéral, n'a pas abordé les rôles des réseaux transnationaux de la société civile qui ont fait pression pour les ODD. Il en est de même de Dalby et al. (2020), malgré leur intérêt pour la contestation de diverses parties prenantes, y compris les réseaux transnationaux de la société civile, puisque leur analyse ne capte pas l’agentivité spécifique aux OPH.

8La littérature sur l'ODD 16 est également largement silencieuse sur l'activisme des PSH. Les analyses initiales ont noté que les gouvernements du groupe du g7+ (des États hautement fragiles et touchés par des conflits) ont fait pression pour l'ODD 16+ parce qu'ils le considéraient comme un levier stratégique pour réaliser l'Agenda 2030 dans leurs pays (d'où le « + » dans ODD 16+). Dès le départ, il était pourtant clair que ces contextes fragiles étaient confrontés à d'énormes défis pour mettre en œuvre cet objectif (Donais & McCandless, 2017). Les défis inhérents à ces contextes ont été explorés plus en détail dans des études récentes (Baranyi et al., 2021). Mais à notre connaissance, la seule étude qui aborde le handicap dans la littérature sur l’ODD 16 est l'analyse de Goetz & Jenkins (2016). Elles ne font cependant qu’une petite allusion au handicap, en suggérant que les négociateurs des ODD ont laissé la porte ouverte à l'inclusion de tous les groupes exclus, en n’accordant pas explicitement d’attention à des groupes comme les PSH (Goetz & Jenkins, 2016: 130).

9Pour saisir l'interaction entre l'agentivité des OPH et le changement normatif mondial, il faut se plonger dans la littérature sur ce mouvement. Dans un livre sur le handicap et les droits de l’homme (Katsui & Chalklen, 2020), Katsui retrace le plaidoyer des OPH qui a conduit à l'adoption de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (CRDPH) en 2006. Il montre comment cette convention a permis à la coalition mondiale des PSH d'obtenir un document final solide lors de la réunion de haut niveau de l'ONU en 2013 qui, à son tour, a facilité l'intégration des droits des PSH dans les ODD. Katsui conclut que le mantra des ODD, « Ne laisser personne de côté », « intègre enfin et explicitement les PSH dans le discours sur le développement global » (Katsui, 2020: 14).

10Dans le même ouvrage, Chalklen, un militant sud-africain du handicap et ancien rapporteur spécial des Nations unies sur le handicap, rappelle que les Objectifs de développement du millénaire (OMD) ne comportaient pas de dispositions visant à faire progresser les droits des PSH. Il confirme que l’IDA a contesté cette lacune et fait pression pour l'inclusion du handicap, ce qui a conduit à leur inclusion dans les ODD (Chalklen, 2020). Bien qu'il ne se penche pas sur le rôle des OPH dans l'élaboration des ODD et leur mise en œuvre, sa conclusion selon laquelle « il n'y a pas d'autre choix que de continuer à plaider pour la réalisation progressive des droits contenus dans la CRDPH » (Chalklen, 2020: 131) illustre le pragmatisme stratégique du mouvement mondial sur le handicap.

11D'autres analystes sont moins optimistes. Il y a plus de dix ans, Meekosha et Soldatic (2011) ont soutenu que malgré la vision optimiste de la CRDPH qui prévaut dans le mouvement mondial, la Convention est profondément défectueuse. Ils ont montré comment le rôle ambigu des champions gouvernementaux du Sud, comme le Mexique, et l'influence disproportionnée des militants du handicap du Nord, avec leur vision libérale des droits de l'homme, avaient marginalisé les militants radicaux du Sud qui contestaient les effets historiques du colonialisme et du néolibéralisme sur la (re)production du handicap dans le monde. Sur cette base, les auteurs ont appelé à « une politique émancipatrice différente » qui s'attaque aux causes profondes du handicap dans le Sud (Meekosha et Soldatic, 2011: 1395). Un livre récent de Soldatic et Johnson (2020) actualise cette critique et explore l'activisme alternatif des OPH à différentes échelles. Pourtant, l'ouvrage n'explore pas les débats sur l'ODD 16 ou d'autres objectifs au sein du mouvement transnational des PSH, ni la question de savoir si les ODD perpétuent ou atténuent la marginalisation des voix alternatives.

12En résumé, la littérature sur le handicap comble les lacunes des ouvrages généraux sur les ODD et de la littérature sur l'ODD 16 en montrant pourquoi les militants des OPH ont fait pression pour l'intégration des droits des PSH dans les ODD. Pourtant, elle n'analyse pas pourquoi des ODD spécifiques comme l'objectif 16 sont considérés comme des gains par certaines parties du mouvement transnational ; ni pourquoi et comment certaines OPH tentent d'influencer la mise en œuvre de l'ODD 16+ au niveau mondial ou national. Elle n'explore pas non plus les débats stratégiques au sein du mouvement, ni si la distinction binaire entre les approches libérales et décoloniales est pertinente dans tous les contextes. Le reste de cette étude s’adresse à ces lacunes, en examinant la configuration des liens entre le handicap et les ODD à différentes échelles.

4. L’activisme mondial des OPH sur l'ODD 16+

13La pierre angulaire du mouvement mondial sur le handicap est l’International Disability Alliance, une alliance de réseaux créée en 1999, qui regroupe plus de 1 100 OPH (IDA, 2022), à travers des réseaux mondiaux (par exemple l'Union mondiale des aveugles) et régionaux tels que l’African Disability Forum. Cette alliance est soutenue par le Consortium international sur le handicap et le développement (IDDC), un réseau mondial de vingt-six ONG et d’OPH travaillant dans plus de cent pays (IDA & IDDC, 2015: 2). Sur la base de leur collaboration qui a conduit à la CRDPH, l'ONU a reconnu l'IDA et l'IDDC comme le groupe de parties prenantes sur le handicap. Ce groupe a rejoint le grand groupe et parties prenantes, le mécanisme de représentation des Organisations de la société civile (OSC) auprès de l'ONU, sur les ODD. Le grand groupe comprend aussi les peuples autochtones, les femmes, les jeunes, etc.

14Le groupe des OPH a représenté le mouvement mondial sur le handicap lors des négociations qui ont abouti à l'Agenda 2030 et aux ODD. Pourquoi se sont-ils engagés dans ces processus ? Ces réseaux confirment que les PSH « n'ont pas été incluses dans les [OMD] et ont donc été exclues de nombreuses initiatives de développement et de flux de financement » (IDA & IDDC, 2015: 8). Ce rappel met en évidence les enjeux matériels de ces processus. Qu'ont-ils gagné ? Le mouvement a obtenu de nombreuses références aux PSH : onze références générales, sept références et cibles spécifiques et deux références sur la désagrégation des données. Plus fondamentalement, le groupe affirme que tous les ODD s'appliquent aux PSH « par la simple vertu du principe d'universalité, qui s'applique à tous, et du principe primordial de “ne laisser personne de côté” » (IDA & IDDC, 2015: 36). Au cours des entretiens, un représentant d’IDA explique que l'intégration des droits des PSH dans les ODD « a été un grand pas en avant » obtenu par l’implication profonde du mouvement dans le suivi et la mise en œuvre de la CRDPH et dans l'élaboration des ODD, de sorte que le mouvement « savait ce qu'il fallait revendiquer », dans les objectifs clés et dans leurs indicateurs.

15L'ODD 16 ne contient pas de références explicites aux PSH. Pourtant, le Groupe explique qu’il est tout aussi vital que l’objectif 1 sur la pauvreté, par exemple, car il pourrait contribuer à une importante réduction de la violence et de la discrimination à l’égard des PSH, à leur accès à l’enregistrement légal à la naissance et aux services publics, comme la justice, au cours de leur vie (IDA & IDDC, 2015: 66-67). Il cite Maryanne Diamond, présidente de l'IDA pendant les négociations, qui explique pourquoi le mouvement doit s'engager dans le suivi de tous les ODD :

Les PSH ont joué un rôle déterminant dans la création de cette feuille de route transformatrice vers un avenir meilleur… [Elles] doivent être des leaders, guidant le monde vers la réalisation de ces objectifs pour tous. Ce voyage exige de notre part un devoir constant et inébranlable de demander des comptes à nos gouvernements… Notre engagement total dans le mécanisme de suivi et d'examen est fondamental. Nous ne pouvons pas nous permettre de rester à la traîne une fois de plus (IDA & IDDC, 2015: 72).

16Dans son document de discussion pour le premier Forum politique de haut niveau (FPHN) sur la mise en œuvre de l'Agenda 2030, le groupe des OPH signale deux priorités pour l'ODD 16 : la réduction de la violence contre les PSH, notamment les femmes et les filles ; et l'habilitation des institutions de justice, de droit et de police à appliquer la CRDPH « afin de mettre fin à l'impunité pour les violations des droits » (Major Groups and other Stakeholders [MGoS], 2016: 58). Il affirme que « l'intégration explicite des PSH dans le courant dominant du développement ne sera pas seulement bénéfique pour nous, elle permettra au monde de se rendre compte qu'il existe un immense potentiel inexploité pour transformer le monde en un endroit meilleur pour tous » (MGoS, 2016: 58). Notons la foi du groupe dans la transformation par l'inclusion, ainsi que dans la convergence de leurs propres intérêts et d'intérêts plus cosmopolites.

17L'optimisme du réseau des OPH s'est quelque peu estompé lors de la pandémie de Covid-19. Prenant acte de la crise et de son « impact disproportionné » sur ces personnes, le groupe s'est joint au grand groupe pour la société civile et à l'ONU, pour approuver « l'action accélérée et les voies de transformation » comme thème du FPHN 2020 (Stakeholder Group of Persons with Disabilities [SGPwD], 2020a: 1). À l'issue de ce forum, le groupe des OPH a déploré l'incapacité des États à se mettre d'accord sur une déclaration ministérielle et l'absence d'actions concrètes, notant que cela « crée un risque que les PSH soient négligées, et donc laissées encore plus à la traîne » (SGPwD, 2020b: 5). Son rapport a aussi établi un lien entre la difficulté de parvenir à un consensus sur les principaux points du FPHN et les débats entre les OSC, évoquant « une lutte interne à la société civile entre les réseaux émergents de la société civile et le mécanisme officiel du grand groupe » et notant que « les nouveaux réseaux d'OSC ne reconnaissent pas le mécanisme du grand groupe » (SGPwD, 2020b: 9).

18Ces tensions se sont poursuivies lors du FPHN de 2021 où l'ODD 16 était une priorité pour les examens nationaux volontaires. À cette occasion, le groupe des OPH a souligné l'urgence de prendre en compte les personnes handicapées dans les réponses aux pandémies et la mise en œuvre des ODD. Son analyse des enjeux liant la pandémie et l'ODD 16 est poignante :

Même avant la pandémie, les obstacles à l'égalité d'accès pour les PSH étaient nombreux… par exemple, les systèmes judiciaires ne proposaient pas d'interprétation en langue des signes lorsque cela était nécessaire, ou ne fournissaient pas d'accès aux fauteuils roulants. Pendant la pandémie, les sessions des tribunaux se sont déroulées virtuellement, sans tenir compte des besoins fondamentaux des PSH en matière d'accessibilité. Face à un accès inégal à la justice, les PSH sont plus susceptibles d'être condamnées et surreprésentées dans les prisons. Avec des installations de mauvaise qualité et une distanciation sociale minimale, le risque de contracter le virus pour les PSH institutionnalisées est élevé (SGPwD, 2021a: 14).

19Les États membres se sont mis d'accord sur une déclaration ministérielle lors du FPHN 2021, avec des engagements tels que l'intensification des réformes des institutions judiciaires. Dans un rapport post-FPHN, le groupe des OPH a marqué sa « reconnaissance du fait que les PSH font partie des personnes les plus […] marginalisées touchées par la crise du Covid-19 » (SGPwD, 2021b: 8). Pourtant, d'autres grands groupes et parties prenantes ont été moins impressionnés. Pour le grand groupe des OSC, « le FPHN de cette année n'a pas réussi à formuler des recommandations d'action audacieuses et transformatrices » pour combattre les effets directs et indirects de la pandémie (MGoS, 2021: 1). La tension entre l'évaluation discrète du groupe des OPH et la critique plus forte d'autres groupes – en particulier le groupe majeur des femmes et son appel au « changement de système » – s'est poursuivie au FPHN 2022. Notons la convergence de la critique systémique des groupes majeurs et des autres parties prenantes, avec celle des mouvements sociaux radicaux que Meekosha & Soldatic (2011) avaient analytiquement situés en dehors du courant dominant :

Nous sommes consternés de ne voir dans cette résolution ministérielle aucune piste d'action pour répondre aux défis mondiaux urgents actuels et aucune orientation politique pour changer les paradigmes existants qui creusent les inégalités, violent les droits de l'homme et détruisent l'environnement… en toute impunité (MGoS, 2022: 1).

20En somme, cette analyse montre comment les OPH menées par IDA ont travaillé avec des alliés au sein des institutions de l'ONU, pour contester l'absence de dispositions relatives aux PSH dans les OMD, puis pour aligner les ODD sur les gains normatifs obtenus grâce à la CRDPH. L'étude montre comment la configuration de ces acteurs et leurs luttes ont apporté l'inclusion discursive des droits des PSH. Elle montre également comment, pendant la pandémie de Covid-19, des tensions sont apparues entre le leadership pragmatique du mouvement des PSH et certaines parties prenantes plus critiques, désillusionnées par ce qu'elles considéraient comme le manque de volonté, des États de l'ONU, de s'attaquer aux racines systémiques d'un développement excluant, répressif et non durable. Avant de revenir sur ces questions dans la conclusion, nous examinons comment elles se posent dans les cas du Canada et d'Haïti.

5. Canada : activisme des OPH et politique fédérale

21Une littérature sur l'interaction entre le militantisme des OPH, les normes internationales et les politiques canadiennes émerge au Canada. Stienstra & Estey (2016) ont documenté les hauts et les bas de l’activisme des PSH canadiennes et de la politique fédérale depuis les années 1980, en se concentrant sur le domaine du développement international. Ils juxtaposent l’âge d'or de cette interaction dans les années 1980, avec le rétrécissement de la coopération en appui aux PSH au cours des années 1990. Ils montrent comment cette dynamique s'est améliorée lorsque les militants et les fonctionnaires canadiens ont participé aux négociations pour la CRDPH en 2001, mais aussi comment cet espace s'est rétréci après la ratification de la Convention par le Canada en 2010, en raison des priorités néolibérales du gouvernement conservateur.

22Stienstra (2020) a récemment approfondi son analyse de l'activisme des OPH canadiennes, en abordant les changements intervenus depuis l'élection du gouvernement libéral de Justin Trudeau en 2015. L’autrice analyse les tensions entre deux courants du mouvement canadien des PSH : l'adhésion du mouvement principal à l'approche libérale et fondée sur les droits codifiés dans la CRDPH, illustrée par le Conseil des Canadiens avec déficiences (Council of Canadians with Disabilities [CCD]) ; et les voix plus radicales illustrées par DAWN Canada, qui interrogent les liens historiques entre le colonialisme, le néolibéralisme, le patriarcat et la reproduction de handicaps. Stienstra suggère que la politique canadienne d'aide internationale féministe (PAIF), adoptée en 2017, reflète le point de vue du courant dominant, bien que l'ouverture du gouvernement Trudeau à l'activisme des PSH offre des perspectives de changement.

23L'étude de Stienstra met en lumière les débats au sein du mouvement canadien des PSH – entre les approches libérales pragmatiques et les approches décoloniales – qui semblent refléter les débats au niveau mondial évoqués dans la section précédente. Puisqu'elle se concentre sur le domaine international, son étude n'explore pas les retombées nationales de ces débats. Elle n'aborde pas non plus l'interaction entre l'activisme des PSH, les politiques publiques et les processus reliés aux ODD. Le reste de cette section s’adresse à ces brèches.

24L'examen national volontaire (ENV) sur les ODD soumis par le Canada en 2018 reconnaissait que, malgré la prospérité du Canada, certaines parties de la société comme les peuples autochtones et les PSH, étaient « laissées-pour-compte » et qu’elles faisaient « face à des obstacles qui augmentent leur risque de vivre dans la pauvreté » (Government of Canada [GoC], 2018: 19). Le gouvernement indiquait qu'il avait déposé le projet de loi C-81 sur l'accessibilité, pour répondre à ces injustices historiques.

25Le CCD et d'autres réseaux d'OPH n'ont pas commenté publiquement le premier ENV du Canada. À l'époque, leur priorité stratégique était de faire en sorte que le gouvernement fédéral aille au-delà des directives volontaires en adoptant « une législation exécutoire avec une réelle volonté d’éliminer les nombreux obstacles que les PSH rencontrent au quotidien » (CCD, 2018: 1). Plutôt que les ODD, leurs déclarations publiques citaient la CRDPH comme la base normative internationale de la législation canadienne. Le Conseil équilibrait ses louanges pour le projet de loi C-81 avec des demandes pour le renforcer. Certaines déclarations du CCD comprenaient également une lentille intersectionnelle. Par exemple en 2019, le Conseil notait :

Dans le cadre du projet de l'Alliance pour un Canada inclusif et accessible, nous avons consulté des PSH de tout le Canada sur le contenu de la législation sur l'accessibilité. Elles ont demandé une approche qui tienne compte des obstacles multiples et croisés, comme ceux auxquels sont confrontées les femmes et les filles handicapées, les personnes autochtones handicapées et d'autres personnes (CCD, 2019: 2).

26Depuis des années, DAWN utilisait une optique intersectionnelle dans son plaidoyer, par exemple pour la décriminalisation du traitement des femmes et surtout des femmes autochtones handicapées – qui, selon ses études, représentaient 40 % des femmes dans les prisons canadiennes (DAWN, 2017). Cette approche intersectionnelle a progressivement influencé le travail du mouvement dans son ensemble, notamment la réaction du CCD à la pandémie de Covid-19 et ses impacts sur diverses PSH. Au début de la pandémie, DAWN et d'autres OPH ont félicité la ministre Carla Qualtrough (avocate des droits humains et ancienne paralympienne), pour la création d'un comité consultatif chargé de façonner des réponses inclusives des PSH (McQuigge, 2020). À la fin de l'année 2020, le CCD a réclamé l'élargissement de la prestation ponctuelle accordée aux PSH. Il a également exhorté le gouvernement à « veiller à ce que sa réponse [au Covid] soit inclusive des PSH racialisées et des peuples autochtones handicapés » (CCD, 2020: 2).

27Le plaidoyer stratégique et intersectionnel des OPH semblait porter ses fruits, avec l’adoption de la Loi sur l’accessibilité en 2019 et la promesse du gouvernement fédéral de créer une prestation d'invalidité canadienne permanente – soit un revenu annuel garanti pour les PSH. Lors de la Semaine nationale de l'accessibilité en 2021, la ministre Qualtrough a annoncé un processus de consultation visant à élaborer un plan d'action pour l'inclusion des PSH ; le gouvernement fédéral a lié cette annonce au mot d’ordre des ODD, de « ne laisser personne de côté » (GoC, 2021: 2).

28À part cette référence et une subvention accordée à l'OPH Eviance pour la recherche sur les ODD et le handicap, le dialogue entre les OPH et l'État reste ancré dans la CRDPH. Il fait rarement allusion aux liens entre l'ODD 16 et le handicap, malgré le plaidoyer de DAWN sur l'incarcération des femmes et d'autres PSH. Néanmoins, en 2022 le gouvernement fédéral a publié son plan d'action, lequel a reçu l’approbation d'OPH historiquement critiques comme DAWN et Indigenous Disability Canada (GoC, 2022). Enfin en 2023, le parlement fédéral a adopté la loi créant la prestation d’invalidité canadienne. Certaines OPH partagent l’opinion de la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) selon laquelle « cette loi historique […] contribuera à faire valoir les droits des personnes en situation de handicap » (CCDP, 2023).

6. Haïti : activisme des OPH et politiques publiques

30Malgré les crises récurrentes en Haïti, les mouvements sociaux ont obtenu d’importants acquis en liant l'activisme de rue à l'engagement avec l'État et avec les institutions internationales. Le mouvement haïtien des PSH porte une partie importante de cette histoire, comme le documentent Baranyi & Louis (2016). Apparu dans le contexte des luttes contre la dictature de Duvalier, ce mouvement a obtenu des dispositions pour l'inclusion des PSH dans la Constitution de 1987. Dans les années 1990, il s'est appuyé sur les normes de l'ONU pour proposer une loi favorisant l'inclusion des PSH. Cette loi n'a pas été adoptée mais le mouvement s'est développé et dans un contexte plus favorable, il a obtenu la création du Bureau du secrétaire d'État à l'Intégration des personnes handicapées (BSEIPH) en 2007. Le tremblement de terre catastrophique de 2010 a fait remonter les préoccupations de ces citoyen·nes à l'ordre du jour et a permis d'obtenir la loi sur l'intégration des PSH en 2012, inspirée de la CRDPH.

31Néanmoins, Masson et al. (2021) expliquent comment une nouvelle génération d'OPH dirigées par des femmes en situation de handicap a affirmé que les besoins de leurs membres avaient été ignorés lors des négociations sur la loi de 2012 ayant conduit à la Politique nationale pour l'égalité entre les femmes et les hommes en 2014. Les années suivantes, l'appui du Disability Rights Fund a permis à ce sous-mouvement d’influencer l’examen du dossier d’Haïti par le Comité CRDPH de l’ONU et par le Comité pour la convention sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. Son plaidoyer a également conduit à une certaine reconnaissance des femmes en situation de handicap et de leurs revendications par l’État, y compris la nomination en 2020 d’une dirigeante de ce sous-mouvement, Soinette Désir, à titre de première femme Secrétaire d’État à l’Intégration des personnes handicapées (Masson et al., 2021). Pourtant, dans le contexte d’une grave crise politique, socio-économique et sécuritaire, Mme Désir et d’autres secrétaires d’État ont été limogés par le Premier ministre par intérim fin 2021. Un nouveau secrétaire d’État a été nommé début 2022, mais il n’a pas relancé la collaboration avec les organisations dirigées par ces femmes ou avec le mouvement des OPH au sens large.

32La crise multidimensionnelle qui a embrasé Haïti depuis 2018 a énormément compliqué le suivi des engagements nationaux et internationaux. Haïti est l’un des six membres parmi les vingt États extrêmement fragiles et touchés par des conflits faisant partie du g7+ qui n’a pas encore soumis un examen national volontaire sur les ODD (Baranyi et al., 2021). L’ONU et l’État ont élaboré des plans de mise en œuvre des ODD, mais ces plans ne sont pas accessibles et aucun rapport de suivi n’a été rendu public. À défaut de pouvoir les utiliser pour examiner les liens entre le handicap et les ODD, nous explorons ces dynamiques par procuration, en revisitant l’examen d’Haïti par le Comité CRDPH de l’ONU et en jetant un coup d’œil à l’actuel examen périodique universel (EPU) d’Haïti.

33Dans son rapport initial au premier examen d’Haïti par le Comité CRDPH, le gouvernement d’Haïti (Gouvernement d’Haiti [GoH], 2014) soulignait les avancées pour les PSH telles que la loi de 2012 et les initiatives dans les domaines de la protection sociale, de l’éducation et de la participation politique. En revanche, les rapports alternatifs des OPH soulignaient les écarts entre la Convention et les conditions de fait des PSH. Les OPH spécifiques aux femmes étaient préoccupées par les violences contre les femmes et les filles ayant un handicap, ainsi que par leur manque d’accès à la protection policière ou aux recours juridiques (Masson et al., 2021). Le Comité (ONU CRDPH, 2018) s’est fait l’écho de ces préoccupations dans ses conclusions, en recommandant des mesures visant, entre autres : à modifier la loi de 2012 pour la rendre conforme à la CRDPH ; à adopter et mettre en œuvre une loi pour garantir l’accès universel aux infrastructures publiques, aux transports et aux communications, y compris dans le système judiciaire ; à veiller à ce que toutes les PSH soient enregistrées à la naissance et reçoivent leurs documents de citoyenneté ; et à consulter les OPH lors de la formulation de lois et de politiques qui les concernent. Le Comité ancrait souvent ses recommandations dans la CRDPH et occasionnellement dans les ODD.

34Dans son rapport au troisième EPU d’Haïti par le Comité des droits de l’homme de l’ONU, l’État a souligné ses efforts pour améliorer la situation des droits de l’homme dans le pays, malgré la pandémie (GoH, 2022). La section sur les droits des PSH note les progrès réalisés depuis les recommandations du Comité CRDPH en 2018, par exemple la création d’un fonds de solidarité nationale pour l’inclusion des PSH. Néanmoins, les PSH n'ont pas été mentionnées dans les autres sections (comme celles sur les droits à la vie et la non-discrimination) qui les concernent. À la fin du rapport, le gouvernement a indiqué qu’il avait adopté une feuille de route pour implémenter onze ODD prioritaires (GoH, 2022: 16). Le résumé de l’ONU des soumissions des parties prenantes à l’EPU indique que de nombreuses OSC ont contesté les affirmations positives du gouvernement, que ce soit sur le droit à la vie, à la sécurité de la personne, ou le droit à la justice – qui sont au cœur de l’ODD 16. Pourtant, contrairement à l’EPU de 2016 où une coalition d’OPH a soumis un rapport, aucune OPH n’a fait de soumission lors de ce cycle. Cela peut expliquer pourquoi, selon le résumé de l’ONU, seul un rapport d’OSC a mentionné les droits des PSH (UN WG UPR, 2021: 4).

35En somme, les ODD commencent seulement à être considérés dans le travail de l'État et des OPH en Haïti. Malgré les incitatifs financiers offerts par le Disability Rights Fund en 2020, pour travailler sur les ODD, le travail des OPH reste ancré dans la CRDPH – peut-être en raison des exigences de rapports institutionnels associés à ces mécanismes, comparé aux examens volontaires pour les ODD. En Haïti, nous retrouvons également des débats stratégiques entre les OPH traditionnelles et celles dédiées aux femmes, concernant l'exclusion persistante de ces dernières. La crise qui paralyse le pays a accentué les écarts entre certaines avancées et la marginalisation des PSH dans la vie quotidienne. Elle a aussi rendu tout plaidoyer presque impossible : selon l’un de nos intervenants, le plaidoyer « n’est pas possible dans l’enfer ». Selon une autre : « On fait le plaidoyer avec qui et pour qui ? Est-ce qu’on a un État qui fonctionne ? ». Dans ce contexte et contrairement au Canada, les OPH haïtiennes ne s'engagent pas non plus dans des mouvements plus larges qui contestent les injustices maintenues par les (f)acteurs néocoloniaux et néolibéraux. Selon nos intervenant·es, cela est dû à leur pragmatisme historique ainsi qu’à l’extrême vulnérabilité et la prudence de leurs membres, notamment dans la rue, où les grands mouvements contestataires sont actifs depuis 2018.

Conclusion

36Tout en reconnaissant l'importance des critiques qui considèrent les ODD comme reproduisant un modèle néocolonial et néolibéral, détournant les mouvements sociaux de luttes potentiellement plus transformatrices, cet article s'est appuyé sur Dalby et al. (2020) et la théorie institutionnaliste critique, constructiviste et intersectionnelle, pour explorer pourquoi certains réseaux de PSH considèrent les ODD – notamment l'objectif 16 sur la paix, la justice et les institutions – comme un espace pour faire avancer leurs luttes.

37Dans cette logique, nous avons documenté la façon dont l’IDA, qui s’inscrit dans le courant dominant, s'est battue pour l'intégration des droits des PSH dans les ODD, y compris l'objectif 16, parce qu'elle était déterminée à éviter le silence sur les droits des PSH dans les OMD et les opportunités de financement perdues en raison de ce vide normatif. La CRDPH, adoptée en 2006, a grandement facilité le plaidoyer des OPH dans la construction des ODD. L'IDA et ses alliés estiment que le principe d'universalité et les références aux droits des PSH codifiées dans les ODD renforcent leurs efforts pour assurer la mise en œuvre et le financement de la CRDPH au niveau national et mondial. Ils offrent une analyse pointue de chaque ODD, notamment comment l'ODD 16 peut aider les OPH à faire pression pour des mesures visant à diminuer la violence contre les femmes handicapées et à augmenter l'accès des PSH aux recours juridiques. Cette compréhension du positionnement stratégique de IDA devrait nous empêcher de qualifier ces OPH comme des réseaux transnationaux dont le pragmatisme et le libéralisme alimentent leur cooptation par l'ONU.

38L’article a également exploré les débats au sein des OPH, ainsi qu'entre elles et d’autres OSC dans le grand groupe et parties prenantes, montrant comment la pandémie a accru le scepticisme de certains réseaux d'OSC quant à la capacité des ODD à contrer les dynamiques d'exclusion induites par le système des États, l'économie capitaliste, le patriarcat et d'autres facteurs structurels. Le groupe de parties prenantes des PSH n'est pas l'une des parties prenantes les plus critiques du MGoS, comparé au grand groupe des femmes et à son appel au « changement de système ». En tant qu’analystes indépendants, nous comprenons les critiques plus pointues de ce grand groupe et d’autres activistes. Cependant nous comprenons aussi, comme nous l’a dit un dirigeant des OPH en Afrique, que certains réseaux d’OPH sentent qu’ils « n’ont pas le luxe » de rejeter des instruments internationaux comme les ODD : puisque leur objectif est d’améliorer les conditions de vie de leurs membres, ils affirment que « nous avons besoin du financement des bailleurs et nous avons besoin des cadres normatifs comme le CRDPH et les ODD » pour avancer dans ce sens.

39En s'appuyant sur les études de cas du Canada et d'Haïti, l’article a documenté la manière dont ces dynamiques se manifestent dans des contextes nationaux très différents. Au Canada – un pays de l'OCDE dirigé par le parti libéral – le gouvernement fédéral a assuré le suivi des ODD dans ses examens nationaux volontaires et a pris des initiatives majeures comme la loi sur l'accessibilité de 2019 et la loi de 2023, créant la prestation permanente d’invalidité. Le CCD et DAWN se sont davantage concentrés sur la CRDPH que sur l'ODD 16, malgré le plaidoyer de DAWN sur des questions comme l'incarcération disproportionnée des femmes autochtones handicapées.

40En dépit de leurs différences, le CCD s'est joint à l'analyse et au plaidoyer intersectionnels de DAWN, pour assurer que le gouvernement fédéral adopte ces lois historiques. Bien que les ODD soient en marge de cette convergence politique, ils s'alignent sur la vision de Dalby et al. (2020) de l'Agenda 2030 comme un espace de contestation qui peut contribuer à un changement dans certains contextes. Pourtant, les militant·es nous rappellent qu'il reste beaucoup à faire pour mettre en œuvre les engagements du Canada envers les PSH en vertu de la CRDPH et des ODD.

41En revanche, en Haïti – un État extrêmement fragilisé dans une société polarisée avec une économie dépendante et à faible revenu – les ODD ont attiré beaucoup moins d'attention de la part de l'État et des OPH. Les deux parties continuent à s'engager dans les processus de l'ONU liés à la CRDPH et à d'autres instruments, mais la grave crise multidimensionnelle a sapé leur capacité à apporter des réponses pratiques appropriées. En fait, nous sommes extrêmement sceptiques par rapport à l’idée que les processus de l'ODD 16 contribueront à faire avancer les luttes basées sur les droits des PSH en Haïti au cours des prochaines années, étant donné ces contraintes primordiales.

42Cet article suggère que de nouvelles recherches sont nécessaires sur les politiques d'engagement de l'État et des OPH dans les processus des ODD 16+. Comment les divergences entre l'évaluation relativement positive de la SGPwD et la critique forte de MGoS sont-elles liées aux « luttes internes » entre les OSC émergentes et le mécanisme officiel de MGoS, observées au HPLF 2020 et depuis lors ? Reflètent-elles l'émergence de coalitions contre-hégémoniques au sein du MGoS, peut-être dirigées par le Grand groupe des femmes ? Dans quelle mesure et pourquoi les OPH utilisent-elles l’ODD 16 pour faire avancer les luttes pour l'inclusion et la justice dans d'autres régions, notamment dans l'Union européenne, en Afrique et en Asie ?

43En attendant que des réponses plus claires émergent de nouvelles recherches, il peut être opportun de lancer des conversations entre chercheurs, sur la question de savoir s'il est toujours utile de diviser les OPH en voix « pragmatiques/libérales » travaillant au sein des institutions et de voix « radicales/décoloniales » travaillant à l'extérieur de celles-ci – étant donné que les appels au changement structurel surgissent à la fois au sein et à l'extérieur de ces institutions. En explorant les tensions dialectiques entre ces points de vue d'une manière empiriquement rigoureuse et normativement respectueuse, les chercheurs et les chercheuses peuvent approfondir notre compréhension des dynamiques hégémoniques et contre-hégémoniques en jeu dans le cadre des ODD. De surcroît, nous pourrons peut-être contribuer au dialogue entre les OPH et les autres OSC qui s'engagent dans ces processus, souvent pour des raisons sensées et contextualisées, et celles qui luttent dans d’autres cadres ou qui, comme en Haïti aujourd’hui, luttent pour leur survie.