1En recourant à un terme forgé par le politologue Arend Lijphart (2014), le système politique de la Hongrie de la première période peut être considéré comme une démocratie consensuelle. Dans de tels régimes, le fonctionnement autonome de maintes institutions (Cour constitutionnelle, syndicats, organes de presse indépendants, pouvoirs locaux, etc.) peut retarder, modifier, voire entraver la réalisation des intentions gouvernementales. Les caractéristiques générales du système politique hongrois de l’époque ont rendu possible, dans le domaine de l’éducation, la création d’une série d’instances consultatives nationales au sein desquelles étaient présents les délégués de plusieurs groupes d’intérêt (syndicats enseignants, associations professionnelles, etc.). Dans certains cas, les acteurs ont réussi à influencer les décisions, sans que ces dernières aient pu modifier considérablement l’évolution de la politique éducative. La multiplicité des conseils, l’opacité de leur fonctionnement et l’absence de ressources autonomes ont pu contribuer au faible impact de ces instances, tout comme le fait qu’en Hongrie, les participants à la vie publique ne sont guère enclins à rechercher des solutions consensuelles (Bajomi, 2011).
2À partir du premier gouvernement de Viktor Orbán (1998-2002), et surtout après l’instauration en 2010 du second gouvernement Orbán, le système politique du pays a évolué vers un système que Lijphart appellerait « majoritaire », au sein duquel la réalisation des intentions gouvernementales est de moins en moins entravée. Dans le cas de la Hongrie, cela était dû à l’affaiblissement ou à la transformation radicale, voire la suppression d’institutions pouvant modifier, atténuer la réalisation des projets de l’équipe au pouvoir. Du renforcement de ces tendances a résulté un système politique de plus en plus autoritaire. Dans le domaine de l’éducation, ces changements se sont manifestés notamment à travers la dissolution de deux instances consultatives (Forum de la conciliation des intérêts de l’enseignement public, Conseil national de la politique éducative), et par le fait que le Conseil national de l’éducation publique est devenu une instance à la fois invisible et insignifiante. Si en 2016, à la suite des premières grandes manifestations des enseignants, le pouvoir a créé une nouvelle instance consultative, la Table ronde de l’éducation publique, la composition de celle-ci a été fortement critiquée par maintes organisations qui ont « dénoncé l’invitation d’institutions proches du pouvoir même si elles n’ont aucune activité réelle dans le domaine de l’éducation […]. Par contre, des associations disciplinaires, etc., ayant critiqué la politique éducative actuelle n’ont pas été invitées » (Bajomi, 2017). Les caractéristiques de la nouvelle instance consultative montrent bien que le gouvernement n’avait pas l’intention d’ouvrir un vrai dialogue.
3Lors du changement de régime, ce sont avant tout les spécialistes de la régulation des contenus et les chercheurs en politique éducative, bien informés des systèmes éducatifs occidentaux, qui avaient formulé des idées concernant la réorganisation du système scolaire. Ils voulaient mettre fin à une période de forte centralisation ayant permis aux autorités d’imposer aux jeunes leur idéologie et certaines valeurs. Fortement inspirés des systèmes éducatifs décentralisés, ils préconisaient la mise en place d’un National Core Curriculum ou Programme national de base, désigné par le sigle hongrois NAT. Alors qu’en Grande-Bretagne, ce mode de régulation introduit en 1988 avait pour objectif d’unifier quelque peu un système fortement décentralisé, les spécialistes hongrois pensaient qu’un tel dispositif pourrait doter les écoles d’une grande autonomie, tout en assurant une cohérence minimale du système en ce qui concerne les valeurs et les connaissances transmises.
4Les premiers variants du NAT laissaient une grande latitude aux écoles, puisqu’ils se limitaient à prescrire des objectifs pédagogiques généraux sans définir des matières scolaires précises. Toutefois, les travaux relatifs à l’élaboration du NAT ont été interrompus en 1992 par le gouvernement d’obédience conservatrice et nationaliste, au motif que ce programme n’insistait pas assez sur les valeurs chrétiennes et nationales. Des travaux visant à élaborer un programme plus conforme aux orientations gouvernementales ont été immédiatement entrepris sans qu’ils aient pu être terminés.
5De l’arrivée au pouvoir en 1994 d’une coalition sociale-libérale résultera un nouveau mouvement de balancier en matière de régulation. Tandis qu’entre 1992 et 1994, il était question d’introduire une régulation imposant aux écoles l’utilisation de plans-cadres définissant à la fois des matières scolaires précises et des nombres d’heures, le gouvernement a supprimé en 1994 les programmes-cadres et a introduit une régulation conforme aux orientations initiales consistant à laisser une large marge de manœuvre aux écoles, tout en assurant une certaine unité des contenus jugés fondamentaux (ou autrement dit, communs à une classe d’âge). Mais cette réforme ne sera pas pérenne car entre 1994 et 2010, lors de chaque alternance gauche/droite ou droite/gauche, le mode de définition des contenus scolaires changera radicalement (Bajomi, 2003).
6Notons que le gouvernement de droite formé en 1990 a aussi voulu favoriser la diffusion de valeurs qui lui étaient chères en essayant d’imposer l’enseignement du catéchisme comme partie intégrante du programme scolaire, tandis que les élèves non inscrits à un enseignement religieux auraient dû suivre des cours d’éducation morale. Vu l’ampleur des contestations, le pouvoir a dû finalement se contenter de mettre en place une régulation qui autorisait les cours de catéchisme au sein des écoles publiques, mais seulement en dehors des horaires scolaires.
7Par ailleurs, la diversité de l’offre scolaire concernant les enseignements religieux s’est considérablement élargie après le changement de régime. Tandis que précédemment seules huit écoles confessionnelles étaient autorisées, maintes écoles nationalisées au moment de l’instauration du régime communiste ont été restituées, dans la foulée du changement de régime, aux différentes confessions. Notons aussi que plusieurs municipalités auraient souhaité que certaines de leurs écoles deviennent confessionnelles, mais qu’une décision de 1993 de la Cour constitutionnelle a entravé la réalisation d’une partie de ces projets, en obligeant les municipalités à assurer aux enfants la possibilité de fréquenter une école non confessionnelle sans que cela impose une importante charge supplémentaire concernant les trajets entre leur domicile et l’école.
- 1 Parmi les écoles appartenant aux municipalités quelques-unes ont également introduit dans leur pro (...)
8Ajoutons à cela que, durant les deux décennies qui ont suivi le changement de régime, des écoles privées dites « alternatives », s’inspirant des idées des figures emblématiques des pédagogies actives (Steiner, Montessori, Rogers…) ont été créées1. Cependant, au début des années 2000, le nombre de ces établissements restait limité et si, par rapport à ces établissements scolaires, les écoles confessionnelles étaient deux fois plus nombreuses, la part totale des écoles privées restait relativement faible.
9Malgré cela, dans plusieurs villes, l’offre scolaire était très variée à cette époque en raison du fait que les écoles publiques s’efforçaient de se différencier les unes des autres, entre autres pour des raisons démographiques et financières. En effet, dans un contexte à la fois caractérisé par une baisse du nombre d’enfants et par un financement forfaitaire calculé au prorata du nombre d’élèves, les directeurs d’école ont développé diverses stratégies censées attirer des élèves. Ainsi, des lycées de quatre années se sont transformés, avec l’aval du ministère, en établissements de six ou de huit années. De plus, maintes écoles ont tenté d’attirer des élèves en créant différentes options, y compris pour des enfants commençant leur scolarité. Profitant d’un quasi-marché des écoles publiques financées essentiellement par le budget central, les familles des classes moyennes et supérieures ont pu ainsi bénéficier de prestations éducatives spéciales sans devoir payer aucun frais et ont pu avoir accès à une scolarisation de qualité et séparée, permettant d’éviter que leurs enfants soient au contact d’élèves issus de milieux modestes et/ou de la minorité tsigane/rom mal intégrée et souvent frappée de discriminations (Bajomi et al., 2006).
10Le discours pédagogique véhiculé par les écoles alternatives de Hongrie reflète souvent une volonté de se distinguer des autres écoles en mettant en avant le fait que ces établissements s’efforcent de développer chez l’enfant le sens de la créativité et de l’autonomie, tandis que les autres établissements se contenteraient d’une simple transmission des connaissances et cela dans un cadre pédagogique traditionnel hérité de l’école prussienne, caractérisée par une stricte discipline et par l’enseignement frontal d’un maître placé face aux enfants.
11Dans le cas de certaines écoles alternatives, et en particulier au sein des écoles Waldorf, outre la volonté de développer chez l’enfant la créativité et l’autonomie, les idées écologiques sont également présentes. Par ailleurs, non seulement des écoles privées non confessionnelles, mais aussi nombre d’autres établissements se réclament de ces valeurs. En effet, un important réseau d’écoles vertes s’est développé en Hongrie, grâce à un programme mis en place et soutenu par le Centre pour la recherche et l’innovation dans l’enseignement (CERI) de l’OCDE. Le pays y participe depuis l’an 2000. Bénéficiant du soutien d’un institut pédagogique officiel, le nombre des écoles affiliées au réseau s’est rapidement accru. En 2016, environ 900 établissements détenaient la qualification d’école verte, soit un quart des écoles primaires ou secondaires du pays.
12Entre 1990 et 2010, la diversification des valeurs transmises au sein des écoles était aussi favorisée par le développement d’un marché des manuels. Au fil du temps, les écoles et les enseignants avaient à leur disposition un éventail de plus en plus large de livres scolaires pouvant refléter des valeurs ou des idéologies différentes. Il est à noter que certains gouvernements n’hésitaient pas à promouvoir l’utilisation scolaire de publications contenant des affirmations basées sur des partis pris idéologiques. Ainsi, dans un précédent article pour la Revue internationale d’éducation de Sèvres, nous avions noté :
Comme, à l’époque, aucun manuel scolaire disponible ne correspondait aux attentes du ministère, celui-ci finança en 1992 la distribution gratuite dans les écoles d’une brochure rédigée par un professeur d’histoire en poste dans un lycée catholique. […] Plusieurs passages de ce texte pouvaient être interprétés comme une approbation sans réserve de la politique hongroise officielle de l’entre-deux-guerres, qui avait été menée sous le régime semi-autoritaire de l’amiral Horthy. (Bajomi, 2018).
- 2 Les deux sections suivantes de ce texte sont fondées sur des résultats obtenus dans le cadre de la (...)
13Après l’arrivée au pouvoir en 2010 d’un gouvernement populiste de droite, les responsables des questions scolaires ont exprimé leur intention de rompre avec le paradigme de politique éducative imputé à la précédente coalition socialiste-libérale. Ils ont souligné à plusieurs reprises que, contrairement aux idéologies éducatives « libérales », ils considèrent que les valeurs (chrétiennes) doivent de nouveau jouer un rôle important dans l’éducation et que l’identité nationale doit être renforcée dans le cadre de la scolarisation (Neumann et Mészáros, 2019). Une vision hiérarchique et paternaliste des relations scolaires apparaît dans les déclarations des responsables de la politique éducative, et celles-ci témoignent aussi du fait que ces acteurs conçoivent la transmission des connaissances selon un schéma traditionnel centré sur l’enseignant. La volonté de restaurer le respect envers les enseignants est également un élément constant de ce type de discours (Jakab, 2019 ; Neumann, à paraître).
14Ces nouvelles orientations se sont traduites par des mesures concrètes. Ainsi, dès 2010, une Journée de la solidarité nationale a été introduite dans le calendrier scolaire, afin de rappeler le traumatisme national causé par les pertes territoriales de la Hongrie imputables au traité de Versailles de 1920. La loi sur l’enseignement public de 1993 a été remplacée en 2011 par une loi sur l’éducation publique, dont le nom indiquait de façon symbolique le changement de cap survenu en matière de politique scolaire. L’introduction en 2014 du choix obligatoire entre l’éthique et l’éducation religieuse doit aussi être signalée.
15Plus récemment, la révision du programme national de base (NAT) survenue entre 2018 et 2020 a été confiée à un petit groupe d’experts qui était surtout motivé par des préoccupations idéologiques qui se sont prioritairement manifestées dans le domaine de l’enseignement de l’histoire et de la littérature. Dans cette nouvelle version, des œuvres écrites par des auteurs proches des Croix fléchées, un mouvement similaire aux nazis allemands, ont été intégrées dans le programme de littérature et au même moment, des passages offrant une réinterprétation mythique des origines des tribus « magyares » et de la langue hongroises – qui sont des thèses fortement contestées dans les milieux académiques – ont été introduits dans un manuel d’histoire officiel. Notons par ailleurs que l’apparition de contenus reflétant des valeurs autrefois largement répandues dans la société mais fortement remises en cause au cours du xxe siècle a pu être observée dans des manuels d’État édités bien avant la dernière révision du programme national de base. Ainsi, durant la dernière décennie, on a pu lire plusieurs articles de presse dénonçant le fait que certains manuels d’État véhiculaient une vision patriarcale des relations de genre.
16Alors que depuis 1990, la grande majorité des écoles étaient gérées par les municipalités, le gouvernement a accru son contrôle sur ces écoles publiques, c’est-à-dire sur la majorité des écoles, en créant d’abord un office d’administration scolaire centralisé, similaire au système académique en France, puis en nationalisant les écoles municipales. Le contrôle gouvernemental s’est aussi accru, en 2013, par des mesures qui ont réduit l’autonomie professionnelle des écoles et des enseignants, et en 2014 par la nationalisation du marché des manuels scolaires, ainsi que par la centralisation du système de formation continue des enseignants.
17En contradiction avec l’idée de neutralité de l’État, à partir de 2010, les écoles gérées par les Églises ont été beaucoup plus généreusement subventionnées que les écoles publiques. Les chercheurs ont constaté que les municipalités de plusieurs localités, surtout dans le cas de communes défavorisées, souhaitaient que leurs écoles échappent à la nationalisation par le biais de leur prise en charge par des Églises. Le transfert aux Églises d’un nombre important d’écoles municipales fonctionnant dans des communes relativement petites a renforcé la polarisation sociale et la ségrégation ethnique entre les écoles, tandis que dans plusieurs petits villages, seule une école confessionnelle fonctionne désormais, ce qui restreint le droit constitutionnel des élèves de suivre une éducation laïque.
18De la participation accrue des Églises à l’instruction des élèves que l’on a pu observer parallèlement à la centralisation de l’administration scolaire a résulté le développement d’un « système sans système » et la fin de l’éducation publique (Lawn, 2013). En d’autres termes, s’il existe de nos jours un important réseau d’écoles placées sous le contrôle de l’État, en raison du rôle croissant des autres réseaux non publics gérés de manière indépendante, les processus observables au niveau local dans le domaine de la scolarisation ne peuvent être contrôlés, les écoles des différents réseaux évoluant selon des objectifs et des intérêts divergents. Certes, au niveau de l’État, il existe une forte volonté de définir des valeurs communes, mais comme, au sein des réseaux non étatiques, les écoles et leur personnel jouissent d’une certaine autonomie, cette situation permet aux établissements scolaires confessionnels et à leurs enseignants d’interpréter différemment les valeurs définies au niveau de l’État.
19Dans ce qui suit, nous tenterons de décrire certaines différences de fonctionnement observables entre les écoles publiques, confessionnelles et privées non confessionnelles.
20Le secteur public fonctionne sous le contrôle étroit d’une administration scolaire centralisée. Les enseignants de ce réseau ne peuvent choisir qu’entre deux manuels édités par l’État, et doivent suivre le programme national de base (NAT), qui ne leur laisse qu’une autonomie restreinte. Toutefois, en 2016, les protestations des enseignants ont abouti à certains compromis : par exemple, la proportion du temps scolaire dont les écoles pouvaient décider de manière indépendante est passée de 10 à 20 %. Notons aussi que les écoles publiques restent gravement sous-financées et continuent de lutter contre le manque de personnel enseignant.
21Les écoles confessionnelles jouissent d’une grande autonomie financière et d’une plus grande liberté dans le choix des manuels. Grâce à la réglementation préférentielle mise en place par le gouvernement, entre 2010 et 2018, la part des écoles confessionnelles est passée de 9,4 à 16,4 % pour les écoles fondamentales de huit années et de 10,4 à 24,5 % pour les écoles secondaires.
- 3 Ce groupe comprend environ 15 % de lycées et 9 % d’écoles fondamentales de huit années.
22Au sein de ce secteur, il faut faire la distinction entre les écoles qui ont été restituées aux Églises dans les années 1990 ou qui ont été créées avant 20103 et les écoles qui dépendaient à partir du changement de régime des municipalités et qui sont devenues confessionnelles après 2010. Pour ce qui est des établissements scolaires appartenant au premier groupe, les traditions institutionnelles et les valeurs religieuses se reflètent en général de façon relativement intense dans le fonctionnement de ces écoles catholiques, calvinistes ou luthériennes. Le plus souvent, ces établissements exigent des enseignants et des élèves un comportement témoignant d’un attachement religieux.
23Après 2010, maints dirigeants municipaux et chefs d’établissement avaient le sentiment que l’avenir des écoles communales était en danger, soit en raison des difficultés financières des municipalités dont elles dépendaient, soit à cause d’éventuelles rationalisations pouvant aboutir à des fusions ou des suppressions d’écoles. À la suite de ces craintes, maintes écoles autrefois municipales sont passées sous le contrôle des Églises. La plupart de ces établissements scolaires sont d’obédience catholique ou calviniste, mais nombreuses sont aussi les écoles qui ont été reprises par de nouveaux acteurs tels que l’Église baptiste ou l’Église gréco-catholique. Au sein de ces établissements scolaires, on observe une certaine tolérance en ce qui concerne les exigences relatives aux attitudes ou comportements aussi bien dans le cas des élèves que du personnel enseignant, ce qui montre que les responsables des Églises essayent de tenir compte des sensibilités. Ainsi tentent-ils de mettre en place graduellement les transformations et sont-ils moins exigeants envers les enseignants et les familles en ce qui concerne leur engagement religieux. Il en résulte que la vie quotidienne de ces établissements est moins imprégnée de valeurs et de traditions religieuses.
24Tandis que dans le secteur des écoles contrôlées par l’État et dans le secteur confessionnel, la politique éducative nationaliste et chrétienne joue un rôle prédominant, les classes moyennes urbaines cosmopolites tentent de trouver des solutions de rechange. S’efforçant de se distinguer du discours gouvernemental dominant, les écoles primaires privées non confessionnelles s’identifient généralement aux pédagogies centrées sur l’enfant et aux discours européens sur les aptitudes et compétences. Ces références sont attrayantes pour les membres des classes moyennes urbaines, pour lesquelles les écoles confessionnelles apparaissent comme dogmatiques, tandis qu’ils considèrent les écoles publiques comme sous-financées et dominées par les approches pédagogiques traditionnelles héritées de l’école prussienne. Désormais, les familles qui ne veulent pas inscrire leurs enfants dans des écoles directement contrôlées par l’État ou par les diverses Églises ne doivent pas nécessairement opter pour des écoles privées non confessionnelles. En effet, au cours des années 2010, des groupes de parents ont créé un nombre croissant de « cercles d’enseignement », qui sont des écoles informelles assurant une éducation en groupe, à l’aide d’un ou deux enseignants. Toutefois, ces pratiques restent marginales, tandis que, selon les statistiques, la part des écoles fondamentales privées non confessionnelles n’a augmenté que lentement au cours de la dernière décennie (de 4,5 à 5,1 % entre 2010 et 2018). Cela est dû au fait que le gouvernement a réduit le financement public des écoles fondamentales et des écoles maternelles privées non confessionnelles, la scolarisation dans ces établissements devenant dès lors de plus en plus coûteuse pour les parents. En raison des changements intervenus dans la réglementation, il est désormais extrêmement difficile pour les parents d’organiser légalement l’enseignement à domicile ou de faire fréquenter par leurs enfants les « cercles d’enseignement » récemment créés.
25Au cours de la dernière décennie, on a pu constater d’importants efforts gouvernementaux visant à appliquer au sein de tout le système scolaire une politique éducative basée sur des valeurs traditionnelles, nationales et chrétiennes. Si l’on analyse la situation actuelle en reprenant les termes de Hirschman (1970), on constate que les stratégies de loyauté et de sortie se manifestent clairement. Par contre, les voix individuelles de la contestation ou de l’insatisfaction ne s’agrègent que rarement. Les conditions favorables à une telle réaction n’ont été réunies que pendant une courte période en 2016, lorsqu’un certain nombre de parents se sont joints au mouvement de protestation des enseignants dont il a été fait mention au début de ce texte.