1Conformément à la Loi d’orientation du système éducatif nigérien (LOSEN) n° 98-12 du 1er juin 1998 et aux engagements internationaux auxquels le Niger a souscrit, l’éducation est un droit pour tout citoyen. L’État garantit l’éducation aux enfants de 4 à 18 ans. L’enseignement public et gratuit favorise l’accès de millions d’enfants et de jeunes à l’éducation. L’école nigérienne est mixte et accueille les élèves sans aucune distinction. Selon la LOSEN, les structures du système éducatif nigérien sont :
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l’éducation formelle, qui comprend l’enseignement de base, l’enseignement moyen, l’enseignement technique et professionnel, l’enseignement supérieur ;
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l’éducation non formelle, qui est assurée dans les centres d’alphabétisation et de formation des adultes, les écoles confessionnelles, les centres de formation partagée et diverses structures occasionnelles de formation et d’encadrement ;
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l’éducation informelle qui a pour principaux canaux : la cellule familiale, la communauté, les groupes sociaux, les médias communautaires et les autres instruments de communication ainsi que les divers mouvements associatifs ;
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l’éducation spécialisée assurée par les établissements pour handicapés physiques ou mentaux et les centres de rééducation des jeunes.
2Dans le présent article, nous dressons un état des lieux de l’éducation formelle et de l’éducation non formelle, en montrant les faiblesses et les enjeux de ces structures du système éducatif nigérien.
3Selon le Plan de transition du secteur de l’éducation et de la formation (PTSEF) 2020-2022, la croissance des effectifs scolarisés au Niger est extrêmement rapide et elle est également variable selon le cycle de scolarité considéré. Entre 2010 et 2019, le taux d’accroissement annuel moyen des différents cycles se décline ainsi (tableau 1) :
Tableau 1. Taux d’accroissement annuel moyen des effectifs par cycle, 2010-2019
Source : Plan de transition du secteur de l’éducation et de la formation 2020-2022.
4Le maintien de ces taux impliquerait un doublement des effectifs du primaire tous les douze ans, ceux du préscolaire et du secondaire tous les six à sept ans, ceux du supérieur tous les cinq ans et ceux de la formation technique et professionnelle tous les deux ans. Ces éléments tiennent à la fois à la vigueur de la démographie et à l’amélioration de la demande sociale d’éducation, et ont une incidence directe sur les conditions d’encadrement des élèves et des étudiants. En dépit de cette croissance très accélérée des effectifs, les taux bruts de scolarité restent modestes. La distribution des individus scolarisés dans les différents niveaux d’enseignement est marquée une assez forte pénalisation à l’encontre des filles. Les disparités de genre, de zone de résidence et de richesse se cumulent pour une partie des enfants, de sorte que la probabilité pour une jeune fille pauvre de milieu rural de terminer le cycle primaire n’est finalement que de 24 %.
5Les effectifs des enfants au préscolaire ont crû de façon continue depuis 2014. Le taux de préscolarisation est passé de 11,3 % en 2014 à 12,9 % en 2018. L’éducation préscolaire s’étend de plus en plus en zone rurale, avec l’émergence des jardins d’enfants communautaires. La contribution du communautaire aux effectifs globaux du préscolaire reste faible en 2018, même si on enregistre une petite augmentation par rapport à 2016. Cette situation est due, entre autres, à la fermeture de nombreux jardins communautaires et à la transformation de certains en jardins publics. Le même scénario est observé en ce qui concerne la part du privé.
6Entre 2014 et 2018, le nombre d’écoles primaires est passé de 17 749 à 17 793, soit un taux d’accroissement annuel moyen de 2,9 %. Les écoles primaires publiques, qui constituent plus de 98 % du total des écoles, ont crû de la même manière sur la même période. Sur cette même période, on enregistre un taux d’accroissement de 3,2 % des écoles en zone rurale. Cela est imputable à la mise en œuvre des mesures sur la réforme du système de gestion, notamment le regroupement des écoles à faibles effectifs dans les zones nomades ou à habitats dispersés. Le taux brut de scolarité du cycle de base 1 se situe à 73 %, selon le rapport d’enquête auprès des inspections primaires 2019-2020.
7L’enseignement secondaire est organisé en deux cycles, à savoir : le cycle de base 2, d’une durée de quatre ans, qui est sanctionné par l’obtention du BEPC et donne accès à l’enseignement moyen (général, technique et professionnel) ou à la vie active ; et le cycle moyen général, d’une durée de trois ans, qui a pour mission non seulement de consolider les acquis de l’éducation de base, mais aussi de préparer les élèves à l’enseignement supérieur ou à la vie active. Les études sont sanctionnées par le baccalauréat. La progression accélérée de la demande de services éducatifs constatée ces dernières années n’a cependant qu’un effet limité sur l’extension de la couverture éducative, en raison du nombre encore plus important de jeunes à scolariser. La qualité de l’enseignement au cycle de base 2 n’est pas satisfaisante. L’évaluation conduite par le projet « Amélioration de l’enseignement des mathématiques et sciences au Niger, au secondaire » (SMASSE-Niger, 2010) a révélé que 86 % des élèves n’obtiennent pas la référence moyenne au test de mathématiques et de sciences. En français, aucun élève n’a atteint le seuil de maîtrise souhaité (75 items sur 100) et seuls 1,4 % d’élèves ont atteint le score de 50 sur 100.
8Les effectifs du second cycle du secondaire ont progressé, passant de 17 000 élèves en 2001 à 33 000 en 2010. Les écoles privées jouent un rôle crucial et accueillent 38 % des effectifs de l’enseignement moyen. Le taux brut de scolarisation est d’environ 4 %, comparativement à une moyenne de 14 % dans la sous-région ouest-africaine. Le taux d’achèvement de ce cycle se situait à 2,9 % en 2011. Cette performance apparaît très faible, tant dans l’absolu qu’en termes de comparaisons internationales. La situation est globalement moins problématique qu’au cycle de base 2. La rétention y est meilleure (53 % en 2010) bien que clairement améliorable, mais les redoublements sont nombreux, notamment en classe terminale (22,5 % en 2010). La taille moyenne des classes est acceptable (36 élèves par classe) et les dépenses de fonctionnement sont à un niveau meilleur qu’au cycle de base 2 mais restent insuffisantes. Cependant, le taux de réussite au baccalauréat est très faible : en 2021, seuls 22,75 % des candidats ont obtenu ce diplôme, toutes séries confondues.
9Comparé à l’enseignement secondaire général, l’enseignement professionnel et technique reste peu développé. Une proportion assez grande des formations cible le secteur de l’emploi moderne. Les formations pour le secteur informel, agricole et non agricole sont très limitées, alors que ce secteur est prédominant dans l’économie nigérienne, avec plus de 90 % des emplois au sein de la population active mais avec une productivité du travail faible et qui demande à être améliorée.
10La couverture de l’enseignement supérieur au Niger (135 étudiants pour 100 000 habitants en 2010) est l’une des plus faibles parmi les pays à faible revenu d’Afrique subsaharienne. En effet, la moyenne régionale de cette statistique est estimée à 600 pour 100 000. On note aussi le développement d’une offre privée, qui compte pour environ 33 % des effectifs scolarisés dans l’enseignement supérieur. La distribution des effectifs entre types d’études et disciplines d’enseignement est très déséquilibrée. Près des deux tiers des effectifs de l’université Abdou Moumouni sont inscrits dans une filière littéraire, juridique ou économique, alors que les étudiants dans les disciplines scientifiques ne comptent que pour 13 % des effectifs. Les formations à finalité professionnelle sont peu développées. La politique globale et la coordination de la recherche scientifique sont insuffisantes. Le système licence-master-doctorat (LMD) est en expérimentation dans les universités du pays. Le Niger compte une douzaine d’universités, dont deux privées.
11Le Niger est l’un des pays ayant le taux d’analphabétisme le plus élevé de la sous-région ouest-africaine (plus de 70 % de la population âgée de 15 ans et plus). L’expérience de la modalité du « faire-faire », stratégie consistant à confier la mise en œuvre des activités à un opérateur autre que l’État, est appropriée mais il convient de renforcer d’une part le cadre de concertation et d’autre part la capacité des acteurs chargés de sa mise en œuvre.
12Traditionnellement, la tranche d’âge visée en alphabétisation est celle qui va de 15 à 45 ans. Les projections indiquent que 50 % des adultes de cette tranche seraient analphabètes en 2024. Il sera difficile de satisfaire l’intégralité de cette population potentielle. En conséquence, l’option consiste à donner la priorité aux groupes d’adolescents et de jeunes adultes (15-29 ans) pour un plus grand effet. Il est anticipé que le programme d’alphabétisation comporterait 65 % de femmes. S’agissant de l’offre d’éducation non formelle courte, elle repose sur une remise à niveau ou une préparation à la vie active. L’éducation non formelle va cibler les jeunes (9-14 ans) non scolarisés ou précocement déscolarisés. En 2024, environ 10 % de ces jeunes bénéficieront d’une prise en charge dans une formule d’éducation non formelle, 75 % d’entre eux seront intégrés dans la formule dite « passerelle » et 25 % dans la formule « éducation alternative ». Ces deux formules en usage au Niger, les classes « passerelle » et les « centres d’éducation alternative », seront améliorées dans le cadre du Programme sectoriel de l’éducation et de la formation (PSEF).
- 1 PASEC (2016). PASEC2014 – Performances du système éducatif nigérien. Compétences et facteurs de ré (...)
13L’enseignement primaire souffre d’une qualité insuffisante. Les résultats aux tests du Programme d’analyse des systèmes éducatifs des pays de la CONFEMEN (PASEC1) et de la Division de l’évaluation et du suivi des acquis scolaires (DESAS) en fin du cycle de base 1 montrent que les élèves ne maîtrisent en moyenne que moins de la moitié des contenus des programmes. Les résultats de l’évaluation des acquis scolaires conduite par la direction de l’évaluation du ministère de l’éducation nationale (MEN/A/PLN) en 2011 confirment les mêmes observations : au cours primaire, le score moyen en lecture est de 42,4 points sur 100 ; au CM2, plus de 72 % d’élèves sont au-dessous du seuil minimal en français.
14La faiblesse des taux d’achèvement dans les différents cycles d’enseignement est en lien avec un niveau d’accès encore peu élevé, mais elle est aussi liée aux capacités réduites des écoles nigériennes à limiter les abandons scolaires et le redoublement, qui les précède souvent. Les taux de redoublement restent proches de 20 % à l’école primaire comme au collège.
15L’augmentation rapide des capacités d’accueil et des taux de scolarité n’empêche pas la présence de très nombreux enfants et adolescents déscolarisés ou non scolarisés. Plus de 50 % des enfants de 7 à 12 ans sont hors de l’école ; pour les jeunes de 13 à 16 ans, ce pourcentage s’élève à 60 % ; au total, 2 634 271 enfants et adolescents sont hors de l’école.
16La couverture de l’enseignement supérieur au Niger est faible. L’enseignement professionnel et technique reste peu développé. De manière générale, l’offre de formation est mal répartie selon le genre et les régions. Dans le non-formel, les centres de formation en développement communautaire (CFDC), structures de formation à la base de niveau 1 dédiées aux déscolarisés et non-scolarisés, ainsi qu’aux populations rurales, ne sont pas nombreux. Pour l’ensemble du système, la qualité des enseignements/apprentissages mérite d’être rehaussée.
17L’amélioration du capital humain est l’un des enjeux majeurs identifiés dans le Plan de développement économique et social 2017-2021 du Niger, dont le programme 3 précise que le développement du capital humain vise particulièrement l’amélioration du niveau d’instruction et de formation de la population.
18Pour le préscolaire, il s’agira d’une extension progressive orientée vers le milieu rural et portée par les jardins d’enfants publics, du renforcement de la qualité de services, de nouvelles dispositions gestionnaires et institutionnelles et d’un plaidoyer renforcé en faveur de la prise en charge de la petite enfance.
19Pour les cycles d’éducation de base 1 et 2, les enjeux restent le redéploiement des enseignants en surnombre dans les écoles en zone urbaine, le recours systématique à la multigradation pour les classes à petit effectif des écoles à effectifs réduits, la mise en place d’une politique enseignante (en cours d’élaboration) susceptible de rendre la profession enseignante plus attrayante.
20Dans l’enseignement professionnel et technique, il faudra s’attacher à l’ouverture et au développement des filières de formation destinées à accueillir les sortants du cycle d’éducation de base ; dans la formation professionnelle et technique, à renforcer l’apprentissage et les dispositifs de formation dans le secteur agricole. La réorganisation des formations formelles, leur diversification et leur ciblage sur les besoins du marché du travail sont des enjeux de taille.
21La modernisation de l’enseignement supérieur et son adaptation aux mutations sociales, économiques, scientifiques et techniques du pays dans un contexte de forte pression démographique sont des enjeux soutenus par une stratégie de développement des filières courtes professionnalisantes en lien avec les secteurs d’activités porteurs.
22Pour l’ensemble du système éducatif, la qualité des enseignements/apprentissages reste un enjeu cardinal. La croissance soutenue des effectifs scolarisés doit se poursuivre pour tous les cycles d’études. La gestion de cette augmentation constitue un enjeu pour les ministères en charge de l’éducation. L’un des enjeux majeurs est de pouvoir accompagner la gestion décentralisée des structures de l’éducation formelle. La déconcentration et la décentralisation deviennent alors des enjeux réels, dont le champ déborde celui du secteur éducatif. Néanmoins, dans le secteur de l’éducation, les premiers textes de décentralisation datent de 2016. Pour bien accomplir leurs nouvelles missions, les acteurs locaux doivent pouvoir élaborer un diagnostic régional et définir des stratégies d’action contextualisées. Le pilotage du système demeure inefficient avec une gestion des ressources perfectible.
23Les grandes lignes de la politique éducative du gouvernement et les réformes envisagées pendant les cinq prochaines années ont été minutieusement déclinées par le chef de l’État. Selon le président de la République, les réformes qui seront engagées doivent être l’affaire de tous les acteurs. Aussi a-t-il appelé les associations de parents d’élèves et tous les autres partenaires à être plus présents dans l’éducation, à accompagner l’administration et les enseignants dans la prise en charge éducative des enfants. L’éducation, a-t-il poursuivi, ne doit pas être l’affaire des seuls enseignants et de l’État, mais celle de toute la société.