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Actualité internationale
Notes de lecture

Jacques Attali, Histoires et avenirs de l’éducation

Flammarion, 2022, 480 p.
Jean-Pierre Véran
p. 40-42
Référence(s) :

Jacques Attali, Histoires et avenirs de l’éducation, Flammarion, 2022, 480 p.

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Palabras claves:

historia de la educación
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Texte intégral

1Le titre de cet ouvrage pourra séduire le lecteur, parce que le pluriel d’histoires promet une histoire ni nationale, ni européo-centrée, mais ouverte à la grande diversité des cultures. Le pluriel d’avenirs laisse envisager des scénarios eux-mêmes différents, ne se résumant pas à la fin inéluctable de l’école et des institutions qui lui ressemblent au profit d’un marché plus inégalitaire que jamais, dominé par les majors technologiques de la planète.

  • 1  Chae-Chun Gim (2019). « Efficience et gouvernance : l’exemple de la Corée du Sud », Revue internat (...)

2Dès la table des matières, l’ouvrage se présente en effet comme une invitation au voyage réflexif dans l’espace et le temps, de l’athéisme chinois aux monothéismes juif, chrétien, musulman, des pays de l’Union européenne d’aujourd’hui au Pakistan, du Brésil à Singapour, de l’Argentine à l’Inde, des États-Unis au Japon, à travers trente et un pays et diverses organisations internationales. Il inclut une réflexion à l’échelle mondiale sur le tsunami numérique, l’expérience de l’éducation sans école par temps de Covid, et une tentative d’évaluation de la situation globale en 2022, fortement marquée encore, selon l’auteur, par l’élitisme d’un système en échec. De ce tour du monde des systèmes éducatifs, au chapitre 6, le lecteur retiendra quelques formules qui font mouche : « États-Unis : une éducation à la chaîne, sauf pour les plus riches », « Grande-Bretagne : tous, mais chacun chez soi », « Espagne : un rattrapage express au rabais », « Pakistan : une éducation laïque catastrophique », « Chili : la privatisation absolue ». Bien entendu, il est difficile, en une à deux pages, de nuancer le tableau. Ainsi, pour la Corée du Sud, le constat d’« une concurrence impitoyable avec d’excellents résultats et beaucoup de drames » ne signale pas les efforts visant à associer excellence et bien-être grâce au semestre de liberté, devenu année de liberté, pour tous les lycéens1.

3Si, avant d’entrer dans la lecture linéaire, le lecteur s’attarde sur les seize pages centrales d’illustrations, il notera avec regret que, de la Rome impériale à Charlemagne, du Moyen Âge à la création des universités européennes, des premiers livres imprimés à la Renaissance aux écoles européennes du xviie siècle au xxe siècle, seule une gravure chinoise du xviiie siècle échappe à l’histoire proprement occidentale. Enfin, feuilletant l’ouvrage, il observera que, « pour finir », l’auteur propose vingt recommandations pour le monde, vingt recommandations spécifiques pour la France et vingt autres pour le lecteur. Ce qui ne manquera pas d’aiguiser sa curiosité !

4La lecture détaillée réserve quelques surprises. Au titre des pédagogies de l’avenir, par exemple, Jacques Attali affirme ainsi :

[…] qu’on peut obtenir d’excellents résultats dans l’enseignement primaire avec des programmes très peu coûteux, moins chargés, avec des professeurs bien formés recevant chaque jour par mél un plan d’enseignement.

5Serait-ce cela, enseigner, demain ?

6Mais le lecteur est préparé à cette surprise dès l’introduction : pour l’auteur, l’éducation c’est « transmettre des valeurs et des savoirs » (p. 11) ou, quand on est parents, « transmettre, avec amour, des valeurs et des savoirs » (ibid.), les « enseignants magnifiques » se distinguant par « la passion de transmettre » (p. 12). Cette réduction de l’éducation à la transmission facilite l’élaboration de l’hypothèse de la disparition à venir de l’école :

L’essentiel de la transmission se fera par des moyens numériques, puis génétiques, à des individus solitaires (p. 15).

Bien plus qu’une histoire globale de l’éducation, ce livre est donc une histoire des diverses formes de transmission des savoirs. Et de leurs avenirs (p. 16).

7Les leçons tirées du passé sont cohérentes avec cette approche : ainsi « se sont distingués progressivement huit cadres de transmission : la famille, le clan, le travail, l’église, l’armée, l’école, les médias et les réseaux sociaux » (p. 371), « transmettre est devenu progressivement une compétence quasi exclusive de professionnels, enseignants et autres ». Les scénarios d’avenir, évoqués au chapitre 7, reposent aussi sur la réduction de l’éducation à la transmission. Au pire, ce sera soit « la barbarie de l’ignorance » (p. 381) par l’effondrement de tous les systèmes de transmission, soit « la barbarie de l’artefact » (p. 385) par la fin de l’école à laquelle seront substitués des artefacts numériques (p. 387) ou des prothèses neuronales (p. 393) puis génétiques (p. 396). Au mieux, nous parviendrons à l’hyper-conscience collective (p. 399) grâce à « un système idéal de transmission des savoirs ». Sa pierre angulaire sera un nouveau quadrivium : sciences, éthique, art et écologie, auquel il convient d’ajouter la culture de la mémoire, les savoirs nécessaires à la vie quotidienne et à l’empathie et la pratique sportive quotidienne. Il ira de pair avec une réinvention de l’école, hybride, hospitalière et moins coûteuse :

les professeurs seraient assistés en permanence par des contenus et méthodes pédagogiques envoyés quotidiennement (p. 411).

8Le lecteur aura sans doute un peu de mal à trouver cohérente cette proposition avec la seizième recommandation pour le monde formulée par l’auteur :

valoriser la profession enseignante, et celle de tous ceux qui, d’une façon ou d’une autre, assistent les enfants.

  • 2  Brian Annan, Mary Wootton et Micaela Westrupp (2022). « La collaboration à l’école : l’exemple de (...)

9Cet ouvrage constitue un état de l’art assez ouvert de la question de la transmission, hier, aujourd’hui et demain sur quatre continents (l’Océanie manque à l’appel, et les lecteurs de cette revue savent pourtant ce que la civilisation maorie a apporté au renouvellement de l’éducation en Nouvelle-Zélande2). Il est l’occasion pour les lecteurs de disposer, avec cette somme, d’une information utile sur l’histoire de la transmission et de son extension progressive à toutes et tous « pour le meilleur et pour le pire ». Si Jacques Attali ne pouvait récrire une histoire mondiale de l’éducation, publiée à partir de 1981 en quatre tomes aux Presses universitaires de France sous la direction de Gaston Mialaret et Jean Vial, il a tenu le pari des histoires plurielles de la transmission et de ses possibles scénarios d’avenir. Les lecteurs lui seront reconnaissants de ce tableau comparatiste… et reconnaissants à la Revue internationale d’éducation de Sèvres de leur permettre, par ses dossiers et ses articles, d’en nuancer les détails.

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Notes

1  Chae-Chun Gim (2019). « Efficience et gouvernance : l’exemple de la Corée du Sud », Revue internationale d’éducation de Sèvres [en ligne]. https://doi.org/10.4000/ries.7731

2  Brian Annan, Mary Wootton et Micaela Westrupp (2022). « La collaboration à l’école : l’exemple de la Nouvelle-Zélande – Aotearoa », Revue internationale d’éducation de Sèvres, no 90, p. 139-149. https://doi.org/10.4000/ries.13033

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Pour citer cet article

Référence papier

Jean-Pierre Véran, « Jacques Attali, Histoires et avenirs de l’éducation »Revue internationale d’éducation de Sèvres, 92 | 2023, 40-42.

Référence électronique

Jean-Pierre Véran, « Jacques Attali, Histoires et avenirs de l’éducation »Revue internationale d’éducation de Sèvres [En ligne], 92 | avril 2023, mis en ligne le 01 avril 2023, consulté le 07 février 2025. URL : http://journals.openedition.org/ries/13654 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ries.13654

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Auteur

Jean-Pierre Véran

Jean-Pierre Véran est membre professionnel du laboratoire Bonheurs, CY Cergy Paris Université. Inspecteur d’académie honoraire, membre du comité de rédaction de la Revue internationale d’éducation de Sèvres et expert auprès de France Éducation International en coopération éducative, il intervient sur les questions de gouvernance des organisations éducatives, de politiques éducatives et d’éducation aux médias et à l’information. Auteur de plusieurs ouvrages, il tient également un blog consacré à l’éducation sur Mediapart (http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-pierre-veran/). Courriel : jeanpierreveran2[at]gmail.com

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