- 1 Voir Caldin R. (2020). Pedagogia speciale e didattica speciale /1. Le origini, lo stato dell’arte, (...)
- 2 La Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF, OMS) fait par (...)
1L’intégration scolaire et sociale en Italie, telle que définie dans la loi 517 de 1977, a nécessité depuis le début un investissement continu dans la recherche de solutions adaptées. Grâce à l’approche systémique, différents facteurs ont imprimé leurs traces sur ce processus continu. La lecture de la situation actuelle ne peut faire abstraction d’une analyse interprétative pour mieux comprendre l’évolution de l’intégration scolaire, ses principaux points de repères, ainsi que les obstacles et menaces inhérents à ce processus. Cela s’avère d’autant plus urgent dans un contexte culturel, social, économique et politique en constante évolution, compte tenu de la récente urgence pandémique ainsi que des nouveaux risques d’exclusion. La nature des freins à l’inclusion scolaire met davantage en évidence de nouveaux défis à relever1. Le modèle conceptuel bio-psycho-social2 permet d’adopter une vision systémique, tout en analysant divers facteurs qui y sont liés.
- 3 La recherche est conduite par Anna Pileri sous la supervision scientifique de Roberto Dainese, dép (...)
- 4 Le décret fournit des lignes directrices pour l’organisation des nouveaux cours de spécialisation (...)
2Notre contribution reviendra sur certains aspects clés du parcours historique et culturel de l’intégration et de l’inclusion des élèves avec handicap en Italie, et notamment la question des enseignants de soutien et celle de la gestion inclusive du groupe-classe, qui reste menacée par certaines positions, représentations et stéréotypes, ainsi que par l’inquiétude créée par la présence de handicaps complexes. Ces aspects seront abordés à la lumière de l’analyse des résultats de groupes de discussion organisés dans le cadre d’un projet de recherche-formation3 qui a impliqué 307 stagiaires participant aux cours pour devenir enseignants spécialisés en activités de soutien didactique des élèves avec handicap, mis en œuvre par l’université de Bologne. Il est intéressant de souligner que 75 % de cet échantillon sont des enseignants qui travaillaient déjà avec des élèves ayant un handicap, mais sans spécialisation. Malgré la création de cours de spécialisation dans de nombreuses universités italiennes, à partir de la publication du décret 249/20104, la reconnaissance de l’enseignant de soutien spécialisé n’est toujours pas garantie.
3Pour comprendre le cadre actuel de l’intégration scolaire en Italie, il est nécessaire de remonter dans le passé en retraçant quelques étapes fondamentales qui ont conduit à son évolution, fortement inspirée des principes de la pédagogie spéciale. Grâce à ce questionnement constant, les différents acteurs opérant dans le domaine de l’éducation inclusive tentent de combattre les discriminations et d’écarter les risques de marginalisation, en prenant en compte toutes les personnes, même les plus limitées fonctionnellement, et en intervenant d’abord sur les contextes puis sur les choix de l’individu, c’est-à-dire en transformant la réponse spécialisée en une réponse ordinaire (Dainese, 2016).
4Cette tendance mise en place dans les années 1970 a été portée par un débat pédagogique et socio-politique qui a conduit à la loi 517/77. Ce texte législatif, qui représente le mieux la voie de l’intégration scolaire dans le contexte italien, a permis à tous les élèves avec handicap d’avoir accès au premier cycle d’enseignement. L’Italie a donc été le premier pays à mener l’expérience des écoles spéciales, en bouleversant la logique institutionnelle ghettoïsante de l’époque, et en mettant fin à l’expérience des classes différenciées. Cela suscite encore aujourd’hui un intérêt considérable au plan international. Il s’agit donc d’une loi révolutionnaire qui date maintenant de quarante ans et reste d’une grande actualité et une référence pour les nombreux pays qui s’en sont inspirés. Beaucoup d’analyses ont été formulées à propos de ce texte de loi, qui a été reconnu par la communauté scientifique (interdisciplinaire et multi-professionnelle) comme l’un des plus avancés au monde.
- 5 Le système scolaire italien comprend l’école maternelle de 3 à 5 ans, l’école primaire de 6 à 10 a (...)
5Afin de mieux comprendre ses répercussions, il est nécessaire de revenir sur le contexte historique et culturel qui a présidé à sa genèse, alimenté par un processus pédagogique et didactique auquel se réfère encore aujourd’hui chaque établissement de l’enseignement obligatoire, quel que soit le niveau5. Il faut souligner que dans les années 1970, il existait déjà plusieurs instances socio-culturelles, nées de l’implication des familles et d’une communauté politique attentive au processus de scolarisation des élèves avec handicap.
6En lien avec la pensée de nombreux pédagogues italiens (Canevaro, Ianes, Caldin, Pavone, D’Alonzo, etc.), la tension vers l’intégration scolaire qui a conduit à la loi a été alimentée par les acteurs eux-mêmes : en premier lieu, les familles, les associations ainsi qu’une orientation de politique communautaire – à l’époque très participative – de la part des maires et des conseillers d’éducation, qui sont devenus les porte-parole des instances communautaires et ont permis l’adhésion gouvernementale. Cependant, la réalisation de l’intégration scolaire obligatoire prévue par la loi a nécessité un délai de mise en œuvre imprévu, dans un contexte qui n’était pas encore prêt à accueillir cette innovation. Si nous analysons le processus qui a abouti à la loi 517, l’inclusion des élèves avec handicap dans les classes ordinaires a commencé avec la loi 118 de 1971, mais à l’exclusion des élèves ayant des déficits sensoriels. Les classes ont été ouvertes aux élèves aveugles cinq ans plus tard, en 1976, avec la loi 360 et, grâce à la loi 517 de 1977, elles ont finalement été ouvertes aux élèves sourds, donc finalement à tous les élèves en situation de handicap. En remontant ainsi le cours du temps, nous ne pouvons éviter de remarquer une fragilité qui caractérise l’intégration scolaire italienne, dans la mesure où cette législation innovante a en fait été développée pour interagir avec un système scolaire peu préparé.
La directive des années 1970 tente d’aborder de manière globale la délicate question, en touchant à une pluralité d’aspects : économiques, éducatifs et professionnels, transports, suppression des barrières architecturales. Rétrospectivement, nous pensons qu’elle a anticipé la fragilité typiquement italienne du modèle intégratif, qui voit coexister un appareil législatif avancé et des pratiques et procédures opérationnelles dysfonctionnelles, parfois incompatibles avec l’ouverture de la direction de l’école (Pavone, 2017)6.
- 7 Déclaration de Salamanque et cadre d’action pour les besoins éducatifs spéciaux (1994). https://bi (...)
- 8 Reconnus comme présentant un handicap par le corps médical (NdlR).
7Actuellement, la loi 517 coexiste avec d’autres réglementations et décrets ministériels nés en réponse à des instances et des besoins ultérieurs, à la lumière des évolutions socio-culturelles et scientifiques nationales et internationales. Ces textes s’inspirent notamment de la Déclaration de Salamanque7 et, plus tard, du paradigme conceptuel bio-psycho-social révolutionnaire introduit par la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF) en 2001, qui a profondément innové sur plusieurs points : les aspects relatifs au plan éducatif individualisé et à la perspective d’inclusion qui y est liée – et qui a fait du contexte l’axe de planification, sans négliger la centralité des besoins des élèves certifiés8 –, ainsi que la nécessité d’actions connexes qui bénéficient non pas seulement aux élèves avec handicap, mais à l’ensemble de la classe.
8La législation italienne la plus récente élargit, en outre, les possibilités d’actions spécifiques et ciblées sur les besoins particuliers des élèves présentant des troubles de l’apprentissage (loi 170 de 2010) et de ceux qui, même s’ils n’ont pas de certificat clinique, sont reconnus comme ayant un besoin éducatif particulier, y compris de manière temporaire ou en raison d’une situation de désavantage économique, social, culturel, etc. Cette avancée législative majeure, suscitée par un débat constant sur la pédagogie spéciale, a permis d’élargir la perspective inclusive et de s’éloigner du « spécialisme », en reconnaissant les besoins supplémentaires des élèves qui, par le passé, ne trouvaient pas de réponses formelles en l’absence de certification clinique.
9Aujourd’hui, les interventions pédagogiques sont mises en œuvre pour promouvoir la réussite scolaire et le bien-être, dans une perspective didactique inclusive qui implique des aspects tels que la participation, la citoyenneté active, l’apprentissage par des stratégies coopératives, la méthodologie de laboratoire et, enfin et surtout, l’implication de la famille (Pavone, 2009).
- 9 L’Institut national de la statistique est une institution de recherche publique italienne.
10Dans ce contexte de défis constants posés par les processus d’intégration, aujourd’hui mieux définis comme inclusion scolaire, l’enseignant de soutien occupe une place essentielle. Sa formation est capitale car, actuellement, en Italie, les enseignants travaillant pour le soutien scolaire des élèves avec handicap ne sont pas tous spécialisés. Bien que la carence en enseignants spécialisés reste un problème critique, on observe certains signaux positifs : au cours des trois dernières années, la proportion d’enseignants de soutien spécialisés a augmenté de manière significative, passant de 63 % pour l’année scolaire 2019-2020 à 68 % pour l’année scolaire 2021-2022, selon l’ISTAT9.
11Après avoir fait l’expérience des classes différenciées, l’enseignant spécialisé est l’un des personnels professionnels les plus récents de l’école italienne, dans un contexte législatif qui a ouvert les écoles ordinaires aux élèves avec handicap.
12Ces enseignants étaient formés dans des écoles de méthodologie pour aveugles et sourds, où ils suivaient des cours de physiopathologie du développement physique et psychique, ainsi que dans des écoles d’orthophonie pour suivre les « enfants anormaux » (décret 577/28, article 230). Les cours duraient généralement un an et les spécialisations mentionnées présentaient un caractère monovalent qui a nécessité une révision lors de l’arrivée d’élèves avec handicap dans les classes ordinaires (décret ministériel du 3 juin 1977, puis loi 517 de la même année).
13Quelques années plus tard, les formes d’intégration et de soutien des élèves avec handicap dans la scolarité obligatoire, définies dans une circulaire ministérielle de 1979, sont rapidement devenues une réalité dans toute l’Italie, en faisant ressortir certaines difficultés encore présentes aujourd’hui, au premier chef en ce qui concerne la définition des tâches des enseignants. Dès leurs débuts dans les classes ordinaires, les enseignants de soutien ont été confrontés à une complexité qui n’avait pas encore été résolue.
14Cette circulaire ministérielle 199/79 précise ainsi que les « tâches de l’enseignant spécialisé ne doivent pas être interprétées de manière réductive, c’est-à-dire comme une subordination à l’enseignant de la classe. Au contraire, il doit être pleinement impliqué dans la programmation didactique, en participant à plein titre à l’élaboration et à la vérification des activités ». L’enseignant spécialisé représente, encore aujourd’hui, l’une des principales ressources pour l’intégration scolaire, pour faciliter la réalisation du droit à l’étude et la pleine formation de la personnalité des élèves. Il s’agit de tous les élèves, et pas seulement des élèves avec handicap, notamment parce que la spécialisation offre un ensemble de ressources en matière de connaissances et de pratiques favorables à l’ensemble de la classe et du corps enseignant.
- 10 Selon l’enquête ISTAT, pour l’année scolaire 2021-2022, plus de 316 000 élèves avec handicap fréqu (...)
15D’autres décrets et innovations pédagogiques et didactiques ont par la suite concerné la formation des enseignants (décret 249/2019), y compris la formation des enseignants impliqués dans les activités de soutien scolaire aux élèves avec handicap. Cela répond, d’une part, au besoin d’une formation spécifique à ce rôle professionnel et, d’autre part, à une demande urgente des écoles où, au niveau national, seuls 20 % des enseignants assurant un soutien aux élèves avec handicap10 sont spécialisés.
- 11 Les cours sont réglementés par des décrets ministériels annuels qui précisent les orientations, le (...)
16La formation est aujourd’hui dispensée par les universités italiennes dans des cours de spécialisation11 qui durent un an, avec une approche partagée par la Société italienne de pédagogie spéciale et le ministère de l’éducation et de la recherche, qui convergent sur la pertinence d’une spécialisation universitaire, afin de professionnaliser les enseignants.
Trop souvent encore, nous voyons l’enseignant de soutien relégué à des rôles d’assistanat, de piétisme maternel, ou d’instrument d’expulsion de l’élève avec handicap des activités scolaires normales, avec une certaine complicité des enseignants curriculaires, qui le considèrent comme un enseignant délégué à l’élève avec handicap, c’est-à-dire un enseignant de seconde catégorie. L’enseignant de soutien, au contraire, est un enseignant de première catégorie, qui partage avec tous ses collègues les tâches et les responsabilités professionnelles pour l’ensemble de la classe12 (Ianes, 2004).
17Il s’agit donc d’un profil professionnel toujours en devenir, qui nécessite encore des travaux de recherche fondamentale afin de repérer les besoins de formation, d’y répondre efficacement et, surtout, de comprendre les aspects qui peuvent entraver la formation puis la prise de poste.
18Un projet de recherche-formation en cours vise à connaître le profil actuel de l’enseignant de soutien et les conséquences qui en découlent en termes d’intégration et d’inclusion scolaire. En complément de l’analyse des réglementations et des politiques qui ont contribué à initier et à concevoir le parcours de formation et d’emploi des enseignants spécialisés, certaines études et recherches nationales (Canevaro et al., 2011 ; Dainese, 2016, etc.) et internationales13 constituent le cadre théorique de référence. Ces études ont le mérite d’avoir mis en évidence les variables qui affectent le plus le professionnalisme de ces professionnels, c’est-à-dire les perceptions, les représentations et les attitudes associées. Ces variables affectent, inévitablement, la gestion intégrée et inclusive du groupe-classe et exigent, par conséquent, d’assumer un engagement constant dans la recherche, afin d’identifier les indicateurs de risque.
19Les motivations pédagogiques de cette recherche tiennent également au « tam tam d’urgence » constant, et que les contextes scolaires mettent en évidence, concernant le manque et la précarité des enseignants spécialisés et les représentations les concernant. Ces personnels restent malheureusement considérés comme un simple point de référence pour les élèves en situation de handicap et non comme un support didactique pour la classe, ce qui contraste fortement avec l’inclusion scolaire et sociale souhaitée par le modèle conceptuel bio-psycho-social. Or ce modèle conceptuel peut être considéré comme une carte essentielle pour aider à repérer les situations particulières de difficulté des élèves et les ressources de l’école pour y faire face. Le prisme bio-psycho-social permet de mieux comprendre les difficultés rencontrées, qui pour certaines sont de nature biologique, physique ou psychique, ou bien sont liées au contexte et à l’environnement, aux compétences et à la participation, ou encore relèvent d’un contexte social peu favorable.
- 14 Le groupe de travail opérationnel pour l’inclusion des élèves avec handicap est mis en place au ni (...)
- 15 Ce document d’identification de chaque établissement, conforme aux directives nationales et aux be (...)
- 16 Le plan d’inclusion est un document de chaque établissement structuré comme suit : locaux et référ (...)
20L’enseignant spécialisé, en prenant en charge le fonctionnement du groupe-classe, est donc appelé à prendre en compte cette perspective systémique en travaillant en équipe avec tous les enseignants et responsables de l’établissement, en lien avec la famille et le groupe opérationnel territorial14. Un plan éducatif individualisé, dans ce cadre, doit être élaboré et mis en œuvre en étroite correspondance avec les objectifs curriculaires de l’ensemble de la classe, le Plan triennal d’offre formative (PTOF)15 et le Plan d’inclusion (PI)16.
21L’enseignant spécialisé doit ainsi :
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faciliter différents apprentissages en fonction des caractéristiques individuelles (méthodes centrées sur l’amélioration et le renforcement des stimuli aux techniques métacognitives, constructivistes, actives, etc.) ;
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- 17 Pour en savoir plus, voir Pavone M. (dir.) (2004). « L’insegnante di sostegno in prospettiva europ (...)
organiser différentes typologies de médiateurs d’apprentissage (linguistiques, visuels, symboliques, etc.) (Pavone, 2004)17 ;
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utiliser une large gamme de matériels didactiques en essayant de les adapter, de les enrichir, d’innover (papier, logiciels et autres technologies) ;
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impliquer les ressources pédagogiques réciproques des élèves, sous des formes coopératives et de tutorat par les pairs ;
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mettre en œuvre des interventions visant les aspects comportementaux, sociaux et psycho-affectifs et, surtout, promouvoir une pédagogie du possible, qui croit en l’éducabilité de chaque élève.
- 18 Jean-Marc Gaspard Itard (1774-1838), médecin, pédagogue et éducateur français. Il s’est spécialisé (...)
22Le principe d’éducabilité, qui marque les débuts de la pédagogie spéciale (Jean-Marc Gaspard Itard18) reste indispensable dans le travail éducatif et didactique avec les élèves avec handicap.
Croire en l’éducabilité du sujet implique de sortir de la fermeture, de s’ouvrir, de ne pas créer des situations de dépendance et d’assistanat. L’éducabilité n’est pas seulement, ni même tant une caractéristique du sujet que de notre façon de comprendre l’éducation et l’enseignement : pour éduquer quelqu’un, nous devons croire qu’il est éducable, en acceptant de courir le risque et [de relever] le défi de contribuer à l’évolution de son humanité de manière positive19 (Pavone, 2014).
- 20 Voir Jean-Pierre Pourtois et Huguette Desmet, L’éducation émancipatrice : de la co-éducation école (...)
23Le processus d’éducabilité suppose nécessairement l’engagement des familles dans la vie scolaire de leur enfant. Pensons, par exemple, aux parents migrants qui ont un enfant présentant un handicap complexe ou des handicaps multiples, circonstances dans lesquelles la famille risque de vivre un « drame dans la solitude » (Dainese, 2016), loin de son pays et des réseaux familiaux et amicaux, dans un contexte culturel différent, au risque d’une double exclusion (Pileri et Friso, 2019). Même dans ces situations mentionnées, le rôle de l’enseignant spécialisé est fondamental pour construire des passerelles d’alliance avec les familles, qui sont tout à fait conscientes que leur participation est fondamentale pour l’inclusion et la réussite scolaire de leurs enfants20.
24Ces raisons motivent un projet de recherche-formation qui, d’une part, vise à comprendre la façon dont la formation affecte les connaissances et les pratiques d’inclusion, d’équité et la perception d’auto-efficacité de l’enseignant spécialisé (pendant et après la formation) et, d’autre part, à détecter les aspects relatifs aux contextes scolaires qui peuvent favoriser ou entraver la perspective inclusive que ce professionnel doit mettre en œuvre une fois en poste à l’école.
- 21 Voir Vannini I. (2020). « Dentro i processi della didattica. Osservare e valutare per la professio (...)
- 22 Voir Silverman D. (2008), Manuale di ricerca sociale e qualitativa, édition italienne, Gobo G. (di (...)
- 23 Cours A.A. 2021-2022.
25Notre recherche-formation, selon cette méthodologie orientée vers la transformation des connaissances et des pratiques éducatives et didactiques et la promotion de la réflexivité21, privilégie une approche mixte22, combinant matrices d’analyse qualitative et quantitative ainsi que différentes techniques d’enquête (focus groups, questionnaires, observations situées). En accord avec Bogdan et Biklen (2007), nous pensons qu’il est possible de corréler les deux typologies (approches ascendantes et descendantes) en comprenant la possibilité de les intégrer et de rendre plus « complète » et moins « subjective » l’analyse du corpus de données concernant 307 étudiants et étudiantes impliqués dans la sixième édition du cours de spécialisation pour les activités de soutien scolaire aux élèves handicapés, assuré par le département des sciences de l’éducation de l’université de Bologne23.
26Les premières étapes de l’analyse des groupes de discussion montrent que le rôle professionnel de l’enseignant spécialisé, comme l’indiquent des études précédentes, reste menacé par des postures dichotomiques et hiérarchiques entre enseignants du curriculum et enseignants spécialisés. Sont constatées des résistances culturelles, des représentations et la persistance de points critiques dans la co-construction d’alliances non seulement verticales entre les enseignants, entre les enseignants leaders et le personnel administratif mais aussi d’alliances horizontales entre l’école, les familles et le territoire (Caldin et Pileri, 2021).
27La majorité des enseignants affirme que la participation au cours de spécialisation a considérablement modifié leurs opinions et leurs croyances concernant les élèves avec handicap, leurs familles et la valeur du travail d’équipe :
« La manière de regarder l’élève avec handicap a complètement changé depuis le cours, je pense moins à la catégorie et je vois P. dans son ensemble et pas seulement son diagnostic. » (Enseignant 3, 2022)
« Je dois admettre qu’avant le cours, je percevais certains types de handicap avec plus de difficulté et en parlant avec mes collègues de cours, je sais que cela leur est arrivé aussi. » (Enseignant 10, 2022)
« J’avais l’habitude de percevoir les parents comme envahissants ou absents, c’est-à-dire que je leur donnais une étiquette, maintenant j’essaie de comprendre avant de juger. » (Enseignant 12, 2022)
« En suivant le cours, je suis plus conscient de la valeur du travail en équipe et j’essaie toutes les stratégies possibles pour partager le plan d’éducation individualisé de l’enfant certifié et je n’accepte plus de travailler seul. » (Enseignant 7, 2022)
28Outre de nombreuses affirmations concernant la perception d’avoir gagné en confiance dans les compétences d’enseignement inclusif, s’exprime une inquiétude généralisée concernant le contexte, lors de la prise de fonction à l’école, et la nécessité d’être accompagné dans cette étape où la formation acquise doit interagir avec les particularités de l’établissement, sachant que certains aspects peuvent favoriser les connaissances acquises et les pratiques inclusives, et d’autres entraver leur progression.
« Je suis inquiète lorsque je prendrai mes fonctions en septembre : qu’est-ce que mes collègues attendront de moi maintenant que je suis spécialisée ? » (Enseignant 1, 2022)
« Lorsque je serai en service en tant que spécialiste, si l’on m’invite à quitter la classe avec l’élève avec handicap, je refuserai, ce sera difficile, mais je pense avoir les outils pour m’y opposer. » (Enseignant 6, 2022)
« J’espère qu’il sera possible de vous contacter lorsque nous aurons terminé le cours, car nous aurons des questions, des doutes et rencontrerons peut-être des obstacles. » (Enseignant 8, 2022)
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29Cette recherche-formation met en évidence un impact considérable du cours de spécialisation, en termes de transformation des représentations, des savoirs, des pratiques et de perception de l’auto-efficacité, ainsi que la préoccupation liée à la possibilité de « perdre » ce qui a été acquis une fois en poste, devant des obstacles éventuels tels que la résistance au projet, les positions hiérarchiques et dichotomiques des enseignants du curriculaire, les difficultés à travailler en équipe, les différents styles qui pourraient entraver la gestion inclusive du groupe-classe, etc.
30Un nombre significatif d’enseignants en service avant le cours (75 %) se perçoit comme inadéquat, anxieux de la rencontre avec le handicap complexe ou le multi-handicap et de la gestion et l’élaboration du plan éducatif individualisé. Ces aspects doivent nécessairement être pris en considération et trouver des réponses, non seulement au niveau des cours de spécialisation universitaires, mais aussi dans les contextes scolaires où de nombreux enseignants non spécialisés coresponsables des plans éducatifs individualisés travaillent encore sans spécialisation.
31Un autre aspect relevé dans plusieurs réponses concerne le besoin d’être accompagné pendant la période de prise de fonction à l’école. Le paradigme de recherche-formation adopté nous amène à promouvoir des actions transformatrices à partir de la lecture des données recueillies dans les groupes de discussion. Afin de répondre à ce besoin détecté, nous envisageons un suivi de recherche six à huit mois après la prise de service, pour comprendre les éventuels obstacles/menaces liés au contexte et accompagner ces professionnels en termes de formation. Selon nous, ce moment délicat reste insuffisamment exploré par la recherche.
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