L’entretien a porté sur la mise en œuvre des projets d’inclusion des élèves handicapés à l’école dans différentes régions du monde, la posture des parents et des autres acteurs, les méthodes d’intervention ainsi que l’impact des projets et actions de l’ONG en matière d’éducation inclusive.

Principes et stratégies d’intervention

Abdeljalil Akkari – Handicap International est une organisation internationale. Quelles sont ses orientations en matière de scolarisation des enfants handicapés ?

Sandra Boisseau – L’ONG intervient dans le secteur de l’éducation inclusive depuis près de vingt ans, avec l’objectif de faire progresser le droit à l’éducation pour tous les enfants. Notre travail vise à améliorer les conditions d’accès et de maintien des enfants et des jeunes handicapés à l’école, car dans l’ensemble des pays où nous intervenons, ces groupes d’enfants font partie des groupes les plus vulnérables et les plus exclus. Nous intervenons aujourd’hui sur des questions d’éducation inclusive dans vingt-sept pays, essentiellement en Afrique de l’Ouest, au Maghreb, en Afrique centrale et en Afrique de l’Est, ainsi qu’au Moyen-Orient et en Asie du Sud-Est. À titre d’exemple, les données dont nous disposons indiquent qu’un tiers des enfants qui sont hors école sont des enfants handicapés. En Afrique de l’Ouest, environ 10 % d’enfants handicapés seulement sont scolarisés et environ 50 % d’entre eux n’atteignent pas la fin de l’école primaire. Ces statistiques ne sont pas toujours très fiables, dans la mesure où beaucoup d’enfants scolarisés ne sont pas identifiés comme en situation de handicap. Nous observons également une forte disparité entre les garçons et les filles handicapés, avec plus de filles en échec ou ayant des difficultés à atteindre les derniers niveaux de l’enseignement primaire, sans parler du post-primaire.

A. A. – Ces dernières années, vos modes d’intervention sur le terrain ont-ils évolué ?

S. B. – Nous nous efforçons en permanence de nous adapter, pour répondre à la constante évolution de nos contextes d’intervention. En Afrique de l’Ouest par exemple, et plus précisément au Sahel, la situation nous amène à opérer des changements importants en termes de stratégies d’éducation. Il s’agit d’approches relatives à l’éducation inclusive en situation d’urgence par exemple. D’autre part, pendant longtemps, nous avons mis l’accent sur un accompagnement des enfants jusqu’à la fin de l’école primaire. Ensuite s’est posée la question du travail au niveau du post-primaire ou de l’enseignement secondaire, puisqu’un certain nombre d’enfants qui étaient accompagnés au primaire avaient ensuite des difficultés à rejoindre les collèges qui eux-mêmes n’étaient pas préparés à les accueillir. Nous avons donc engagé un travail sur le continuum primaire-secondaire, et aujourd’hui, notre investissement porte davantage sur le niveau post-primaire. Depuis cinq ans, nous essayons également d’intervenir au niveau du préscolaire, afin de préparer l’enfant depuis son plus jeune âge.

A. A. – Quels concepts et principes guident votre travail sur le terrain ? Pourquoi ce concept d’éducation inclusive vous intéresse-t-il ? Y a-t-il d’autres principes et concepts qui vous animent ?

S. B. – Tous nos projets d’éducation sont des projets d’éducation inclusive, qui s’appuient sur un certain nombre de principes et d’approches. Le premier principe consiste à reconnaître les potentialités de chaque individu. Il s’agit de ne pas regarder l’enfant handicapé à travers son handicap, mais de considérer qu’il est avant tout un enfant, et que ce n’est pas parce qu’il est handicapé qu’il n’a pas de capacités. Reconnaître les potentialités et les mettre en avant est important dans le cadre de nos interventions. Un autre principe est lié à la différenciation, en considérant la diversité comme un avantage au sein d’une classe, d’une école, dans un environnement, au niveau communautaire par exemple. L’approche holistique est importante dans le cadre de nos actions : il faut tenir compte tout autant des besoins émotionnels et des besoins sociaux que des seuls besoins éducatifs, scolaires et cognitifs. Le principe d’égalité et de non-discrimination est au cœur de nos actions, et suppose de reconnaître que certains enfants et jeunes peuvent avoir des besoins : besoin d’un soutien additionnel pour participer pleinement à la vie d’école, ce qui peut nous amener à mettre en place des dispositifs spécifiques. Évidemment, dans le cadre de la réponse, il est nécessaire de faire intervenir d’autres secteurs, à travers une approche multisectorielle, en faisant parfois intervenir le secteur de la santé, de la protection, le secteur social, par exemple.

A. A. – Intervenez-vous également dans le privé, selon les contextes ?

S. B. – Dans l’ensemble, notre positionnement est de favoriser l’école publique. Mais cela dépend des contextes. En République démocratique du Congo, par exemple, la plupart des écoles identifiées sont privées, mais elles n’ont pas forcément plus de moyens, car malgré la politique de gratuité de l’enseignement primaire, les parents restent largement mis à contribution, dans le public comme dans le privé. La seule limite très claire que nous nous fixons concerne le caractère religieux de certains types d’enseignement, comme dans les écoles coraniques. Mais cette question se pose de plus en plus dans certaines régions du Mali (nord du Mali) et du Burkina Faso (région du Sahel), où la demande des familles est très forte pour ce type d’offre éducative, dans des contextes où l’école publique, qui est perçue comme très occidentale, est menacée, et où la plupart des écoles officielles sont fermées comme c’est le cas actuellement dans les communes aux alentours de Djibo, au Burkina Faso.

Freins et obstacles d’ordre socioculturel, technique et politique

A. A. – Depuis plus de vingt ans, les discours officiels évoquent la nécessité d’intégrer davantage les enfants porteurs de handicap, mais on voit que sur le terrain, notamment dans les Suds, les changements sont lents. L’intégration des enfants et des jeunes adultes handicapés à l’école reste limitée. Quels seraient les leviers de changement pour faire évoluer cette situation sur deux ou trois décennies ?

S. B. – Pour répondre à cette question, on peut commencer à identifier les obstacles à l’accès et au maintien des enfants handicapés à l’école. Dans nos interventions, nous constatons que ces barrières sont de trois ordres : socioculturel, technique et politique.

En ce qui concerne les obstacles d’ordre socioculturel, l’exclusion de l’éducation des enfants handicapés est enracinée dans des idées fausses sur leur capacité à participer et à bénéficier réellement de l’éducation. Cela est lié à des comportements ou à des attitudes négatives, qui viennent souvent de croyances elles-mêmes négatives d’ordre religieux et culturel, y compris chez le personnel éducatif. Il existe énormément de préjugés autour du handicap dans toutes les sociétés. Ils constituent, dans les pays où nous intervenons, un véritable obstacle à l’inclusion effective des enfants handicapés dans les systèmes éducatifs. L’ignorance et la méconnaissance de ces situations se rencontrent aussi chez les acteurs avec lesquels nous devons travailler. En termes de levier de changement, il me semble donc important de réfléchir à toutes les activités en lien avec la sensibilisation, la mobilisation et l’implication de toutes les parties prenantes au niveau communautaire et du grand public. Ce travail peut être mené par des organisations locales, des associations de personnes handicapées ou de parents d’élèves, par exemple. Contribuer à mieux faire comprendre ce que recouvre le handicap est un levier important. Certaines sessions de sensibilisation peuvent être ciblées, par exemple, sur les familles, afin de leur faire prendre conscience des besoins de leurs enfants, de leur donner aussi des conseils en matière de comportement à tenir. Très souvent, la réticence vient du fait que les familles ne comprennent pas bien ce que signifie le handicap et n’ont pas conscience que l’enfant handicapé peut tout à fait avoir sa place à l’école, dans un contexte où elles veulent le protéger de la violence, qui est un autre obstacle, et des comportements des autres enfants ou au niveau de la communauté. Il arrive souvent que le souhait de voir son enfant protégé amène une famille à le retenir à la maison, à le cacher en quelque sorte.

Les barrières d’ordre technique concernent l’environnement scolaire, l’école, avec l’absence ou le manque de formation des enseignants, qui engendre des attitudes négatives ou des méthodes pédagogiques inadaptées. Souvent, le personnel éducatif n’est pas préparé, même s’il en a la volonté, à accueillir un élève handicapé. Il se sent peu outillé, dépourvu et préfère dans ces conditions ne pas accueillir l’enfant. Donc il y a un travail important à faire en matière de formation.

Le manque d’accessibilité des écoles, que ce soit au niveau architectural ou organisationnel et pédagogique, est également un frein important à la scolarisation des enfants handicapés. Il faut investir ou travailler sur cette réadaptation – par exemple, la réhabilitation des infrastructures scolaires – pour améliorer l’accessibilité des écoles. Ce ne sont pas nécessairement des projets de construction de rampes, très coûteux, mais des projets susceptibles d’améliorer le vécu de l’enfant lui-même et qui peuvent servir à l’ensemble des élèves. Par exemple, suite à un audit sur l’accessibilité, on peut repérer certains aspects dans la classe, tels qu’une luminosité insuffisante qui peut poser un problème aux élèves qui ont des difficultés à voir. À partir du moment où on améliore la luminosité, cela procure un confort supplémentaire aux autres élèves de la classe.

Le changement politique suppose d’arriver à poursuivre un travail de renforcement de la compréhension des décideurs, afin qu’ils puissent disposer de solides capacités institutionnelles, en termes de cadrage, de pilotage et de coordination, qui font encore cruellement défaut dans nos pays d’intervention. Les ministères de l’éducation restent nos premiers partenaires pour la mise en œuvre de projets d’éducation inclusive : les autorités et les techniciens au sein des différentes directions. Évidemment, nous intervenons aussi aux côtés des acteurs associatifs, de la société civile.

L’impact des projets sur les enfants et les familles

A. A. – Quant aux enfants et aux parents qui bénéficient de vos actions, quelle est leur expérience ? Observez-vous des changements ?

S. B. – Nous menons assez régulièrement des enquêtes ou des études, afin d’avoir des remontées d’informations de la part des enfants, des jeunes bénéficiaires de nos actions et de leurs parents. Ce qui ressort, c’est d’abord une amélioration en termes de bien-être, de confiance en soi – pour ceux qui sont accompagnés. Nous y mettons un point d’honneur, avant même de rechercher une progression en termes de résultats scolaires. Le public auquel nous nous adressons est très large avec des enfants aux difficultés nombreuses auxquels nous essayons d’apporter des réponses adaptées. Nous travaillons par exemple sur des réponses spécifiques vis-à-vis d’enfants qui ont des déficiences sensorielles modérées à sévères, ou de ceux qui présentent une déficience intellectuelle… Les handicaps sont multiples et divers mais l’objectif de socialisation est pour nous une priorité, pour permettre à chaque enfant de progresser, de se sentir mieux et de participer pleinement à la vie de l’école, à la vie dans sa communauté. C’est le plus important, car cela permet ensuite une meilleure interaction, à la fois avec les camarades de classe et avec les frères et sœurs.

Les parents constatent de leur côté un changement de regard des autres – de la communauté ou des parents d’enfants non handicapés – vis-à-vis d’eux et de leur famille. C’est un aspect extrêmement important, qui a un impact également sur la relation enfant/parent. Aujourd’hui, certaines familles s’engagent réellement, car elles ont compris l’importance de considérer l’enfant handicapé dans la famille au même titre que les autres enfants, et d’investir autant pour l’enfant handicapé. Ce n’était pas le cas auparavant. Les enfants étaient largement négligés. Ils continuent à l’être mais lorsque l’on accompagne des enfants et leur famille pendant plusieurs années, on constate des changements importants en termes de comportement dans les familles, de choix qui sont faits.

A. A. – Comment parvenez-vous à accroître la participation des parents dans certains contextes, par exemple dans certains pays d’Afrique ? Êtes-vous parfois considérés comme des acteurs qui imposeraient des modèles de fonctionnement du Nord ?

S. B. – Nous travaillons à faire des parents des pairs éducateurs. Dans beaucoup de pays où nous intervenons, les parents d’enfants handicapés qui ont fait la démarche de scolariser leurs enfants se mettent ensuite, bénévolement, au service de la communauté, à la fois pour sensibiliser leurs pairs, les autres parents, à la scolarisation de leurs enfants, et pour s’assurer, au travers de différentes activités d’appui, de la réussite des parcours des enfants. Le « projet éducatif individualisé » est un outil très important pour amener autour de la table une collaboration entre différents acteurs, et notamment les parents. Ce n’est pas toujours facile à mettre en place, mais c’est très souvent le point de départ pour que les parents se sentent associés au projet, comprennent leur responsabilité et les engagements à prendre dans le cadre du parcours éducatif de l’enfant. La communication sur le projet revêt une importance capitale à cet égard. Il faut, en amont, préparer les réponses que l’on va proposer : avec qui on va échanger, discuter. Il est important pour nous de prendre en compte la voix des parents, des familles, dans le cadre des besoins qui sont collectés en amont. C’est toute l’étape du design, de la définition d’une intervention, qui permet que personne ne se sente tenu à l’écart, et donc non partie prenante de l’intervention.

L’impact des projets sur les politiques menées

A. A. – Qu’attendez-vous des pouvoirs publics et des responsables de l’éducation, dans les contextes où vous intervenez ?

S. B. – Nous attendons qu’ils puissent aller au-delà de la volonté politique affichée. La plupart des États ont signé les grands engagements internationaux relatifs à l’éducation pour tous, au développement durable, ou la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées. Mais il faut qu’il y ait, par la suite, un réel engagement, un investissement plus fort dans le secteur de l’éducation. Les États doivent prendre leurs responsabilités. Il ne s’agit pas seulement de reconnaître l’importance d’une meilleure prise en compte de la dimension de l’inclusion, du handicap dans le cadre des politiques éducatives, mais d’agir réellement – ce qui se perçoit finalement assez peu aujourd’hui.

Nous rappelons souvent aux décideurs que les enfants handicapés sont avant tout des enfants. On sent parfois une forme de désengagement des ministères de l’éducation, qui considère que la responsabilité des enfants handicapés incombe au ministère des affaires sociales, et ce probablement du fait d’un déficit de connaissances sur le handicap. Souvent, il règne une grande confusion entre l’éducation spéciale ou spécialisée et l’éducation inclusive. Dans la plupart des pays, en Afrique de l’Ouest, par exemple au Mali, les autorités considèrent qu’elles ont bien avancé sur la route de l’éducation inclusive, et pourtant l’essentiel de l’offre éducative se fait en milieu spécialisé, comme si c’était la seule solution possible. Il y a là un travail à poursuivre pour mieux faire comprendre les enjeux autour de la question.

Par ailleurs, nous observons très souvent un fort cloisonnement entre les différentes entités gouvernementales. Nous essayons donc de faire en sorte qu’il y ait une plus grande collaboration, ou en tout cas plus efficace, entre différents ministères : l’éducation, la santé, les affaires sociales, les finances… Cette collaboration est encore très rare.

A. A. – Vous avez le sentiment que le thème de l’éducation inclusive est partagé en termes de discours un peu partout, mais qu’en fait l’opérationnalisation et la prise de décision ne suivent pas ?

S. B. – Dans bon nombre de pays d’Afrique, des ministères de l’éducation nous demandent de les accompagner pour développer des politiques, des stratégies, au risque que l’intervention d’autres acteurs, en l’occurrence une ONG internationale, n’entraîne une forme de déresponsabilisation. Les priorités sont extrêmement nombreuses dans certains pays. Selon les contextes, les constats sont sans doute différents. La situation s’est améliorée dans certains pays du Moyen-Orient, notamment au Liban, en Jordanie et en Palestine. Le Rwanda et le Népal ont, au cours des dernières années, non seulement élaboré des politiques et des stratégies en matière d’éducation inclusive, mais fait de réels efforts en termes de mobilisation de ressources financières, qui démontrent leur engagement en termes de politique et d’organisation du système éducatif. Il existe maintenant dans ces pays, au sein des directions régionales et au niveau local, des points focaux, des remontées d’informations et de statistiques qui permettent d’identifier les enfants handicapés. En Afrique de l’Ouest, le Ghana, un pays dans lequel nous n’intervenons pas, est une exception. Le ministre de l’éducation actuel, qui est en poste depuis plusieurs années, s’est véritablement emparé du sujet et parvient à faire en sorte qu’un certain nombre d’investissements soient consacrés au secteur de l’éducation inclusive.

La formation des enseignants

A. A. – Existe-t-il des actions en matière de formation des enseignants sur le sujet du handicap ou de l’inclusion ?

S. B. – La formation initiale et continue des enseignants est une composante importante de nos projets. Nous avons, par exemple, accompagné des ministères pour développer des modules de formation sur l’éducation inclusive, ou la création de pôles de formateurs nationaux, locaux. Ces personnels issus du ministère de l’éducation, des techniciens souvent, peuvent à leur tour former les enseignants. Dans de nombreux pays où nous intervenons, comme au Burkina Faso, ces modules de formation sont désormais ceux du ministère de l’éducation. Notre action porte surtout sur la formation continue, notamment dans les pays où les instituts de formation des maîtres fonctionnent peu voire ne fonctionnent plus depuis bon nombre d’années. La formation continue des enseignants que nous mettons en place ne consiste pas à former directement les enseignants, ce n’est pas le rôle de Handicap International, mais plutôt à mettre en place des dispositifs susceptibles d’être mobilisés ensuite par les pays eux-mêmes.

L’articulation avec la recherche

A. A. – Utilisez-vous des recherches pour soutenir vos actions ? Avez-vous des partenariats formels avec certaines universités ?

S. B. – Nous reconnaissons le besoin de production de données fiables, de connaissances, que nous envisageons à travers des collaborations, selon différentes modalités, avec des universités, ou sous forme de consultance. Mais il reste difficile de financer ces collaborations. Il y a quelques années, au Mali, nous avons mené une collaboration avec l’Université de Grenoble, dans le cadre de l’éducation positive. Au Népal, avec un institut de recherche, nous avons également travaillé à améliorer la collecte de données au niveau des écoles, par exemple. Il existe des outils permettant de mesurer la qualité de vie des enfants, « ScoPeO » et « ScoPeO Kids », qui ont été conçus en collaboration avec une université québécoise. Nous avons également collaboré avec l’Institut national supérieur de formation et de recherche pour l’éducation des jeunes handicapés et les enseignements adaptés (INSHEA) à Paris. De plus, nous participons régulièrement à des colloques ou à des rencontres scientifiques et il nous arrive souvent de répondre à des appels d’offres avec des instituts de recherche.

A. A. – Dans votre travail sur le terrain, les productions des chercheurs vous sont-elles utiles ou les chercheurs doivent-ils travailler autrement en termes de langage, d’écriture ?

S. B. – Cela dépend des expériences. Lors d’une étude sur la situation éducative des filles handicapées, les chercheurs ont formulé des recommandations très ancrées dans les réalités des contextes d’intervention, ce qui était réellement intéressant pour nous. Dans d’autres cas, la recherche est restée très théorique et difficile à opérationnaliser ensuite, peut-être parce qu’elle s’adressait surtout à d’autres chercheurs et non à des acteurs de terrain.

A. A. – Nous vous remercions de cet échange. À travers cet entretien, nous avons pu voir le rôle clé de la société civile pour changer le regard des acteurs sur l’expérience de handicap à l’école. Par les interactions et les partenariats qu’elles permettent de nouer, les ONG ont un effet d’entraînement sur les acteurs. Elles placent les décideurs politiques devant leurs responsabilités à l’égard des enfants handicapés ; elles parviennent à construire un rapport de confiance avec les parents et les enfants handicapés ; des outils concrets d’action pédagogique peuvent émerger pour les enseignants ; elles signalent aux chercheurs la nécessité de traduire leurs résultats de recherche en nouvelles connaissances sur le handicap.