1La Suisse est un État fédéraliste qui délègue aux cantons qui la composent d’importantes compétences en matière d’éducation. La Constitution fédérale précise en effet que l’instruction publique est du ressort des cantons, qui sont chargés d’assurer un enseignement de base obligatoire et gratuit dans les écoles publiques. C’est ainsi que pendant plus d’un siècle et demi, la Suisse a connu la coexistence de vingt-six systèmes scolaires, soit autant de systèmes que de cantons et de demi-cantons – sans compter que certains cantons sont bilingues. L’autonomie cantonale en matière d’éducation s’est longtemps traduite par des durées différentes pour les cycles primaires et secondaires et par des variations sensibles dans les grilles horaires (Hertig, 2017). Ce n’est qu’au terme d’un très long processus politique que le peuple a accepté, en 2006, un important accord sur l’harmonisation des systèmes scolaires, qui prévoit notamment des plans d’études harmonisés à l’échelle des régions linguistiques (ibid.).
- 1 Âge normal de scolarisation des élèves : de 4-5 ans à 15-16 ans.
2Cela fait donc moins de quinze ans qu’un plan d’études commun – le Plan d’études romand (PER) – définit les grandes orientations de la scolarité obligatoire1 dans l’ensemble des cantons francophones. Mis en consultation en 2008 et adopté par les instances politiques romandes en 2010, le PER est entré en vigueur progressivement à partir de 2011. Finalisé alors que la Décennie des Nations unies pour l’EDD battait son plein, le PER fait de l’éducation en vue d’un développement durable (EDD) l’une de ses finalités centrales, en affirmant notamment en introduction qu’elle « teinte l’ensemble du projet de formation » :
Enjeux majeurs de ce début du vingt et unième siècle, les problématiques liées au développement durable impliquent d’appréhender de manière systémique la complexité du monde dans ses dimensions sociales, économiques, environnementales, scientifiques, éthiques et civiques.
Une Éducation en vue du développement durable (EDD) poursuit avant tout une finalité citoyenne et intellectuelle : elle contribue à la formation de l’esprit critique en développant la compétence à penser et à comprendre la complexité. L’EDD teinte l’ensemble du projet de formation ; en particulier, elle induit des orientations en sciences humaines et sociales, en sciences de la nature et en formation générale2.
- 3 Pour en savoir plus sur les caractéristiques curriculaires du PER, voir Hertig (2017), qui dévelop (...)
3La place et le rôle attribués à l’EDD et aux autres « éducations à… » (à la citoyenneté, aux médias, à la santé, etc.) dans le PER sont conformes aux tendances de fond des évolutions curriculaires constatées dans les pays occidentaux depuis deux à trois décennies, où ces intentions de formation transversales répondent à ce qu’il est convenu d’appeler la « demande sociale » (Hertig, 2017). Cependant, même s’il est fait référence à des enjeux sociétaux forts tels que la durabilité ou le vivre ensemble, on peut aussi détecter que les choix qui ont conduit à définir les grandes structures du PER obéissent à la visée explicite d’une adaptation du curriculum aux attentes du monde du travail (ibid.)3. Dans sa thèse de doctorat, Curnier (2017) analyse les tenants et aboutissants de cette soumission du curriculum à une idéologie imprégnée des principes du néolibéralisme, en montrant comment les finalités humanistes dévolues à l’EDD dans les textes de l’Unesco, par exemple, sont progressivement réduites à de vagues déclarations d’intentions, alors que les textes servant à l’opérationnalisation des plans d’études (par exemple le « Cadre général de l’évaluation » utilisé dans le canton de Vaud) sont tout entiers orientés vers un pragmatisme et un utilitarisme d’inspiration économiste.
4De fait, si l’on observe le texte du prescrit de manière attentive, on constate que l’EDD est « noyée » dans le plan d’études (Varcher, 2013) : les intentions affirmées dans l’introduction sont certes reprises dans les considérations explicatives relatives aux finalités du domaine disciplinaire des sciences humaines et sociales, mais elles disparaissent peu ou prou lorsque l’on s’intéresse à leur déclinaison dans les différents plans d’études disciplinaires. Sans grande surprise, l’EDD n’est concrètement visible que dans les plans d’études de la géographie, des sciences de la nature (biologie), de l’éducation à la citoyenneté et de l’éducation nutritionnelle.
- 4 Intitulé Our common future, ce document publié en 1987 par la Commission mondiale pour l’environne (...)
- 5 Durabilité faible : conception du développement durable selon laquelle des atteintes à l’environne (...)
- 6 Une EDD dite forte se réfère à la durabilité forte d’une part, et s’ancre dans une optique d’éduca (...)
5La conception du développement durable qui imprègne le PER se fonde sur le modèle classique des trois cercles dérivé du rapport Brundtland4, qui relève tel qu’il est compris aujourd’hui de la durabilité faible5. L’interdépendance des dimensions sociale, économique et environnementale n’est cependant pas suffisamment prise en compte, passant ainsi à côté d’une entrée dans la complexité inhérente au développement durable. De plus, la réflexion autour de possibles pistes de changement se limite à des considérations autour de la responsabilité individuelle de l’ordre de l’écogeste et du consom’acteur, ce qui peut mener à une culpabilisation d’élèves encore peu agents de leurs dépenses. L’articulation entre la dimension individuelle et collective de toute transformation, l’explicitation des valeurs sous-jacentes aux choix sociétaux en discussion, le travail sur la prospective orientée vers des futurs désirables ou l’exercice de l’agir trouvent ainsi peu de place dans le PER, qui ne soutient en ce sens pas le potentiel transformatif d’une EDD dite forte6. Cela peut s’expliquer d’une part par le fait que les enjeux didactiques d’une EDD étaient encore mal compris à l’époque de l’élaboration du plan d’études, d’autre part parce que le document est le produit de négociations politiques enclines à favoriser l’école comme lieu de reproduction plutôt que de transformation sociétale, en cohérence avec les constats de Curnier (2017) évoqués ci-dessus.
- 7 Sterling (2011) distingue trois types de changements possibles dans le contexte de la durabilité : (...)
6Ces enjeux se reflètent en partie dans les moyens d’enseignement se référant au PER, même si ceux-ci ont été créés ultérieurement. Ceux de géographie, par exemple, traitent d’enjeux de durabilité mentionnés comme tels de façon explicite, ce qui constitue un appui important pour les enseignants. Les démarches proposées sont variées et incluent des tâches favorisant la construction d’une opinion raisonnée (Lange, 2011) et le lien au territoire, notamment par le biais de démarches d’enquête. La conception sous-jacente du tout reste néanmoins la durabilité faible, en adéquation avec une logique politique plus que scientifique, et la séparation des dimensions sociale, environnementale et économique reste de mise. Les démarches proposées mettent la focale sur l’analyse de problèmes, même si une ouverture sur des possibles existe de façon plus fréquente que dans la version précédente des manuels. Les pistes de solution abordées présentent des niveaux d’action pluriels, mais restent essentiellement conformatifs, voire réformatifs7 (Lausselet, 2022), et aucun récit sociétal alternatif n’est présenté. Il existe certes d’autres ressources didactiques à disposition des enseignants, notamment celles diffusées par la fondation éducation21, Centre national suisse de compétences et de prestations pour l’EDD. Ces ressources représentent des compléments intéressants mais ne permettent qu’en partie de remédier aux enjeux évoqués. Elles ne sont en effet pas toujours rédigées par des didacticiens au fait de ce qu’est une éducation transformative, et la fondation doit logiquement composer avec une dimension politique au vu de ses sources de financement (cantons et Confédération), le tout menant à une dilution de la conception de l’EDD, comprise comme un maelström à la croisée de diverses éducations à…
7En ce qui concerne les degrés scolaires post-obligatoires (secondaire supérieur), le plan d’études cadre fédéral actuellement en vigueur date de 1994-1995 et n’intègre pas le développement durable de manière explicite. Les plans d’études cantonaux francophones se référant à ce document fédéral sont pour la plupart plus anciens que le PER et n’évoquent le développement durable que s’ils ont connu des mises à jour partielles. Lorsque c’est le cas, ils se fondent sur le modèle Brundtland et tendent majoritairement vers une durabilité faible, sans que cela soit explicité. Un nouveau plan d’études cadre fédéral est en voie de finalisation et devrait entrer en vigueur en août 2024. Celui-ci se réclame officiellement de la durabilité forte et d’une éducation transformative, l’EDD étant considérée comme une approche transversale au même titre que l’éducation à la citoyenneté ou au… numérique. Dans les plans d’études disciplinaires, on constate que de nombreuses mentions du développement durable (DD) relèvent plutôt de la durabilité faible, que le lien aux disciplines, certes explicité, reste peu convaincant et que la dimension transformative reste très superficielle. Quant aux écoles professionnelles (équivalent suisse des lycées professionnels en France), la majeure partie de leurs plans d’études fait allusion au développement durable ou à la durabilité, fréquemment dans une perspective techniciste et conforme au modèle économique dominant. Il est cependant à noter qu’une évolution commence à être perceptible au niveau de quelques plans d’études métiers, qui déclinent les implications du DD (plus que de l’EDD) à un niveau concret et spécifique à une branche.
- 8 Cette dénomination permet de se démarquer de l’orientation du développement durable dans sa concep (...)
8Il est intéressant de relever que le canton de Vaud, pour l’instant le seul parmi les cantons francophones, a choisi de promouvoir dès le début des années 2020 la durabilité forte dans toute une série de textes légaux, en évoquant le rôle important de l’éducation dans l’accompagnement au changement. Cela se concrétise par la mise en place d’une politique « École vaudoise durable », qui s’oriente de manière affirmée vers une éducation pour la durabilité8 plutôt qu’à une EDD. Le pilotage du processus se fait par une cellule durabilité, affiliée au Département de l’enseignement et de la formation professionnelle (DEF), qui dispose depuis peu d’un financement spécifique bien qu’encore modeste. Cela ne va pas sans résistances politiques (manifestées essentiellement par les partis de droite), mais ce choix maintenant validé implique des orientations fortes en matière de formation des enseignants, de « référents durabilité » en voie d’être nommés dans chaque établissement scolaire, et des équipes de direction cherchant à les soutenir.
- 9 Élaboré par les scientifiques du Stockholm Resilience Centre, le modèle des limites planétaires dé (...)
- 10 Proposé par l’économiste anglaise Kate Raworth dès 2012, le modèle du donut combine la prise en co (...)
9En écho à ce contexte, la Haute École pédagogique du canton de Vaud (HEP Vaud) a développé récemment un curriculum de formation regroupant la formation initiale, la formation continue et une offre postgrade destinée aux référents durabilité et aux équipes de direction des établissements scolaires. Elle s’appuie pour cela sur les travaux émanant du champ d’étude de la durabilité, en collaboration avec l’université de Lausanne, en prenant en compte d’une part les modèles des limites planétaires9 (Rockström et al., 2009) et du donut (Raworth, 2018)10, ce dernier intégrant l’idée de justice sociale, d’autre part un ancrage dans les conceptions inhérentes à l’Anthropocène (Crutzen et Stoermer, 2000). Les implications didactiques et pédagogiques de ces aspects sont traitées en tenant compte de la littérature relative à l’EDD transformative (ou forte) et d’études réalisées dans le cadre du Laboratoire international de recherche sur l’éducation à la durabilité (LirED) : travaux de mémoires, recherches collaboratives et enquêtes auprès des futurs enseignants, des étudiants ou d’anciens étudiants. Les paragraphes ci-dessous esquissent les grandes lignes des enjeux rencontrés au niveau de la formation initiale et de la formation postgrade, la formation continue étant pour l’heure peu étudiée.
- 11 Ce modèle européen regroupe une série de douze compétences pour les formateurs en EDD (et les acti (...)
10Dans des enquêtes par questionnaires menées en 2014 et en 2015 auprès de futurs enseignants secondaires de géographie, on a constaté que la notion même de DD n’était pas claire pour une majorité d’étudiants (Curnier, 2017). Une autre enquête menée auprès des futurs enseignants primaires en 2017 et 2018 a conduit à un constat similaire et a surtout mis en évidence le fait que l’EDD était peu connue et peu pratiquée dans les établissements où ils effectuaient leurs stages, malgré son inscription explicite dans le PER ; en outre, pour plus de la moitié des personnes qui ont répondu à cette enquête, l’EDD était réduite à l’éducation à l’environnement ou à des gestes de sensibilisation (Mouttet, 2019). Ces résultats corroborent les observations faites dans divers modules de formation, qui montrent des enjeux de formation à de multiples niveaux : les différents modèles de DD en tant que finalité d’une EDD étaient effectivement peu connus ; leurs implications sur la pratique d’une EDD plus ou moins transformative n’étaient pas identifiées ; la construction d’un savoir complexe autour d’un enjeu de durabilité, qui inclut une dimension prospective avec des ouvertures sur des possibles et des types de changements qui vont au-delà du réformatif, restait non maîtrisée voire impensée ; et les pédagogies potentiellement transformatives étaient peu voire pas maîtrisées (Lausselet, 2022). Il s’est également avéré qu’un travail par compétences considérées comme relevant de l’EDD, selon le modèle « A rounder sense of purpose »11, semble insuffisant à l’acquisition de ces dernières dans le laps de temps imparti, soit un semestre à hauteur de deux heures par semaine (Pache et Lausselet, 2022).
11C’est sur la base des constats liés au curriculum prescrit et à cet état des lieux des « déjà-là » des étudiants qu’un curriculum de formation initiale en EDD a été mis en place, dans un premier temps pour la filière primaire. Il commence par un module transversal obligatoire pour l’ensemble des étudiants (environ quatre cents par volée), abordant différents modèles de durabilité et les bases nécessaires à l’appréhension de divers enjeux de durabilité. Il est suivi en deuxième année par un module de didactique des sciences humaines et sociales qui aborde les différentes compétences relevant de l’EDD, mais ne touche que la moitié des étudiants environ. En troisième année, une série de modules optionnels permet de concrétiser l’ensemble de ces éléments dans le cadre d’un dispositif d’enseignement-apprentissage développé par un collectif d’étudiants puis testé dans des établissements partenaires. Pour les filières secondaires, divers modules optionnels existent, et des didactiques disciplinaires ont été réorientées pour intégrer l’EDD, mais les travaux sont encore en cours pour tenter d’améliorer la cohérence du parcours de formation en EDD offert.
12Bien que ces éléments semblent encourageants dans une optique d’intégration d’une EDD dans les cursus de formation initiale, une enquête en cours ouvre de nouvelles questions à prendre en considération. Cette enquête est menée auprès d’enseignants expérimentés ayant étudié à la HEP et a priori intéressés par l’EDD puisqu’ils avaient réalisé un mémoire professionnel sur cette approche lors de leur formation de base. Les premiers résultats montrent que ces enseignants, pourtant parmi les mieux formés en EDD, en sont souvent restés à une approche de la durabilité faible et qu’ils n’ont pas vraiment le temps de mettre en place des pédagogies transformatives. Les raisons qu’ils évoquent sont essentiellement de deux ordres : le premier relève de défis généraux liés à l’enseignement qui laissent peu de place à la pratique d’une EDD, défis tels que la difficulté à prendre en compte l’hétérogénéité des classes et la priorité donnée aux formations y afférentes, ou l’introduction de nouveaux moyens d’enseignement en mathématiques et en français impliquant une évolution des pratiques pour l’ensemble du corps enseignant ; le deuxième concerne plus spécifiquement la concrétisation de l’EDD, avec la difficulté à identifier les contributions des disciplines scolaires ou encore l’absence de moyens d’enseignement clé en main, que ce soit pour un travail en classe ou extra muros.
13Deux offres de formation postgrade ont été développées pour offrir un accompagnement à des référents durabilité, nommés dans chaque établissement scolaire d’ici à l’été 2024, ainsi qu’aux membres des directions d’établissement. La finalité de ces deux formations est d’offrir un soutien à l’implémentation de la durabilité et de ses enjeux pédagogiques dans les écoles vaudoises au niveau de l’enseignement, de l’école comme lieu de vie (infrastructures par exemple) et de modalités de gouvernance soutenantes. Le tout s’ancre dans une logique d’approche institutionnelle globale, en cohérence avec la demande du Département de l’enseignement et de la formation professionnelle de proposer un « concept global de durabilité » par établissement d’ici à 2030. Ces deux offres de formation consistent en un CAS (Certificate of Advanced Studies, certificat d’études supérieures avancées) « Agir pour la durabilité en milieu scolaire » d’environ vingt-cinq journées réparties sur deux ans, destiné aux référents, et en un module d’approfondissement professionnel de six jours répartis sur environ six mois, proposé alternativement soit comme élément d’un DAS (Diploma of Advanced Studies, diplôme d’études supérieures avancées) pour les directions d’école, soit comme formation continue.
14La première volée du CAS a été lancée durant l’été 2022 et se terminera en juin 2024, suivie d’une deuxième volée initiée à l’été 2023. Une douzaine de journées par année, validées par 15 crédits ECTS, regroupe cinq modules de formation avec les focales suivantes :
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intégrer l’éducation à la durabilité dans l’enseignement ;
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intégrer la durabilité dans son établissement ;
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accompagner le changement dans un établissement scolaire ;
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savoirs de référence sur les enjeux de durabilité ;
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concrétiser un projet d’éducation à la durabilité et/ou de durabilité dans son établissement (module certificatif).
15Le CAS s’ancre dans une logique de co-construction avec les participants, qui ont au moins trois années de pratique en tant qu’enseignants. Les dispositifs de formation cherchent ainsi à effectuer un aller-retour entre quatre niveaux de travail : la mobilisation de la pratique des référents, des exemples plus généraux à discuter conjointement (par exemple, la visite d’établissements scolaires), une mise en perspective théorique qui permet une clarification conceptuelle et la discussion d’outils, soit didactiques soit de gestion de projet, qui cherchent à soutenir une concrétisation des éléments abordés et la communication avec la direction et les collègues. Les premiers résultats de l’évaluation font ressortir les éléments suivants :
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la pertinence d’articuler les quatre niveaux de formation évoqués, même si une place encore plus importante peut être laissée aux participants, dont certains pourraient devenir co-intervenants au vu de leur expérience ;
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l’utilité de mobiliser des outils concrets de gestion de projet, dont les enseignants ne bénéficient pas, même si la démarche proposée est parfois considérée comme trop rigide ;
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l’échange avec les autres référents, soulignant l’importance de disposer d’un réseau de co-développement professionnel soutenant, notamment lorsqu’il s’agit de composer avec les résistances au changement inhérentes aux enjeux abordés.
16Parmi les points à améliorer, les participants ont mentionné la possibilité d’intégrer encore plus leur expertise et de partir plus rapidement sur des exemples concrets d’un enseignement orienté vers une EDD transformative. Ils ont également évoqué l’intérêt qu’il y aurait à pouvoir débattre avec un plus large panel d’acteurs du paysage éducatif (directions, municipaux, ONG, etc.) pour mieux identifier les freins et leviers au changement. Les formatrices ont en outre constaté que le passage de responsable de projet, qui est souvent ce par quoi les référents commencent, à garant d’un processus dans lequel d’autres personnes réalisent des projets est trop peu travaillé, tout comme l’est le fait que leur fonction de référent est un nouveau métier, et qu’il y a donc une nouvelle identité professionnelle à construire.
17Pour les membres de directions d’établissement (directeurs, doyens), le module de formation a déjà été dispensé deux fois en 2022 et en 2023. Les thèmes suivants ont été abordés :
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les principaux concepts (durabilité, éducation à la durabilité, approche globale institutionnelle, limites planétaires, etc.) ;
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le pilotage par la durabilité (1) : les attentes institutionnelles, le développement d’une stratégie, la gouvernance ;
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le pilotage par la durabilité (2) : les dimensions pédagogiques et organisationnelles ;
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les synergies et champs de tension entre la durabilité, le numérique et l’inclusion ;
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le monitoring et l’évaluation ;
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la valorisation des projets.
18L’approche se veut résolument critique par rapport au fonctionnement habituel des établissements scolaires. Il s’agit en effet d’inscrire l’établissement dans un territoire apprenant et d’en faire un véritable lieu de vie intégrant les enjeux de durabilité à tous les niveaux de son fonctionnement (enseignement, infrastructures, gestion des ressources humaines, finances, etc.). En effet, comme cela a déjà été indiqué, chaque établissement scolaire vaudois devra se doter d’un « concept global de durabilité » allant en ce sens à l’horizon 2030.
19Les premiers éléments d’évaluation ressortant de ces modules de formation mettent en évidence plusieurs points forts :
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la nécessité de se mettre d’accord sur les principaux concepts ;
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la nécessité, pour les cadres scolaires, de réaliser parfois un « pas de côté » pour s’intéresser, par exemple, à la manière dont les enjeux de durabilité sont pris en compte dans les entreprises ou encore dans certaines filières spécifiques (biologie, médecine, etc.) ;
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l’importance d’entrer en contact, durant la formation, avec différents acteurs de la durabilité (déléguée cantonale, représentants de l’université de Lausanne, directrices ou directeurs ayant déjà mis en place un concept dans leur établissement, ONG qui fournit un accompagnement, etc.).
20Parmi les points à améliorer, les participants relèvent la difficulté de passer à la mise en œuvre, notamment afin d’affronter et de gérer la résistance au changement. Ils souhaiteraient un accompagnement spécifique dans cette perspective. Ils soulignent par ailleurs la spécificité de certains établissements, comme les écoles professionnelles par exemple. Enfin, ils relèvent l’importance de coordonner le travail des directions avec celui des référents durabilité, afin de viser une clarification des rôles et une complémentarité.
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21Le prescrit actuellement en vigueur concernant l’EDD en Suisse romande a été élaboré au cours de ces quinze dernières années. Ce prescrit a le mérite d’exister, mais l’EDD n’y a pas toujours été déclinée de manière pertinente pédagogiquement parlant, et ne tient pas compte des évolutions récentes relatives à une EDD transformative. De plus, l’EDD reste dans l’ensemble présente de manière plutôt marginale dans les pratiques et est très peu connue des futurs enseignants en formation. La politique « École vaudoise durable » menée par le canton de Vaud depuis trois ans a facilité la mise en place d’un curriculum de formation des enseignants cherchant à s’appuyer de façon pertinente sur le prescrit, tout en le complétant pour améliorer la qualité de l’EDD pratiquée dans les classes. En ce qui concerne la formation initiale, un travail supplémentaire reste à fournir pour expliciter la plus-value d’une l’EDD au-delà de l’injonction qu’elle représente, pour répondre aux défis généraux rencontrés par les enseignants dans le cadre d’une EDD (par exemple avec un accent mis sur la différenciation possible dans le cadre du travail de la pensée complexe) et pour élaborer des supports pédagogiques orientés vers une EDD transformative, cela dans différentes disciplines scolaires. Ces constats sont valables également pour les très récentes formations postgrades, avec en complément un accent sur l’accompagnement au changement qui reste à développer de manière plus approfondie, en tenant notamment compte des implications que cela représente au niveau de l’identité professionnelle, à la base enseignante, des personnes impliquées. Les enjeux de formation sont donc à la fois épistémologiques, axiologiques, didactiques et pédagogiques (Lausselet et Hertig, 2024).
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