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Actualité internationale
Repères sur les systèmes éducatifs

Le système scolaire arménien à la croisée des chemins : repères, défis et perspectives

Marianna Harutyunyan et Artashes Torosyan
Traduction de Sylvaine Herold
p. 34-41

Notes de la rédaction

Traduit de l’anglais par Sylvaine Herold.

Texte intégral

1L’Arménie est un pays enclavé du Caucase du Sud, limitrophe de la Géorgie, de l’Azerbaïdjan, de l’Iran et de la Turquie, et peuplé d’environ 2,8 millions d’habitants. Sa capitale est Erevan et l’arménien sa langue officielle. En tant que première nation à avoir fait du christianisme une religion d’État en 301 ap. J.-C., son histoire est étroitement liée à celle de l’Église apostolique arménienne. L’économie nationale se développe, tirée par les services, l’industrie et l’agriculture, et le pays est réputé pour ses traditions architecturales, littéraires, musicales et culinaires. La diaspora arménienne exerce une influence significative sur la culture et le commerce à l’échelle internationale. Petit pays, l’Arménie n’en est pas moins confrontée à de nombreux défis, notamment en raison des tensions avec l’Azerbaïdjan au sujet du Haut-Karabakh. Le pays s’est engagé à faire progresser ses ambitions en matière éducative tout en s’alignant sur les tendances internationales dans ce domaine.

La trajectoire éducative de l’Arménie

2L’éducation moderne ne doit pas se contenter d’inculquer des savoirs, mais doit également viser le développement personnel, la socialisation et la compétitivité des individus sur le marché de l’emploi, tout en promouvant des valeurs telles que l’humanisme et l’indépendance individuelle (Topuzyan, 2009) – des idéaux que l’éducation arménienne a fait siens depuis des siècles.

3Dès le ivsiècle, des écoles paroissiales et monastiques ont vu le jour. En 365, le Conseil des évêques d’Ashtishat a ordonné l’ouverture d’écoles dans tous les districts de l’Arménie avec des bourses d’État (Topuzyan, 2009). La création de l’alphabet arménien, en 405, a ouvert la voie aux premières écoles en langue arménienne, promouvant l’égalité en matière d’éducation pour tous les groupes sociaux (Leo, 1914).

4Au ve siècle, les savants et philosophes Eznik Koghbatsi et Davit Anhaght (« David l’Invincible ») ont souligné l’importance de l’apprentissage actif et de la connaissance de soi. Anania Shirakatsi, au viie siècle, a jeté les bases de la didactique, mettant en avant le rôle de l’éducation dans le développement personnel.

5Entre le xe et le xve siècle, il existait ainsi en Arménie des écoles publiques et privées, des séminaires et des universités. Grégoire de Narek (xe siècle), Hovhannes Sarkavag (xie siècle) et Mkhitar Gosh (xiie siècle) ont développé des concepts éducatifs adaptés aux capacités des enfants, tandis que Nerses Shnorhali a souligné l’importance de leur inculquer des valeurs comme la bonté et l’humanité. Au xive siècle, les idées de Grigor Tatevatsi sur l’éducation ont précédé de trois siècles des concepts similaires de John Locke.

6L’éducation des femmes a également connu des avancées, avec le premier livre en langue arménienne, Urbatagirk, publié à Venise en 1512. Du xviie au xixe siècle, la congrégation mekhitariste a créé des écoles dans le monde entier. Au xixe siècle, Khachatour Abovian a plaidé en faveur d’une éducation non discriminante et fondée sur des compétences pratiques. Raphael Patkanyan et Houhannes Hindlian ont, quant à eux, mis l’accent sur l’apprentissage par le travail et l’éducation centrée sur la personne.

7Le génocide arménien, perpétré de 1915 à 1923 par l’Empire ottoman, a conduit à l’extermination de plus de 1 500 000 Arméniens et à la déportation de près de 3 millions de personnes, qui ont trouvé refuge dans différentes parties du monde. De ce fait, la diaspora arménienne à travers le monde est importante, avec un nombre d’Arméniens trois fois supérieur à la population résidant dans le pays. Cet événement tragique a considérablement influencé le paysage éducatif et l’identité des Arméniens, à la fois au sein de la diaspora et dans l’Arménie soviétique. Des établissements éducatifs arméniens ont été fondés dans tous les pays où une communauté arménienne s’était formée, ce qui, au fil du temps, a également eu une incidence sur le système éducatif arménien.

8Au cours de la période soviétique (1920-1991), l’éducation a joué un rôle de premier plan pour façonner le paysage intellectuel et culturel du pays. L’éducation en Arménie soviétique était fortement centralisée et strictement contrôlée par l’État. L’éducation était gratuite et obligatoire pour tous les enfants, généralement à partir de 7 ans. Le taux d’alphabétisation et le niveau d’instruction ont alors considérablement progressé. Le curriculum était le même dans toute l’Union soviétique. Les manuels et les supports de cours étaient standardisés et souvent traduits du russe à l’arménien, leurs contenus étant conçus pour s’aligner sur la vision du monde soviétique. L’histoire et la culture arméniennes étaient intégrées au programme, mais la plupart du temps dans le cadre du récit soviétique. Si le curriculum fournissait des bases solides en sciences, en technologies et en arts, il imposait également un cadre idéologique rigide qui limitait l’expression de points de vue alternatifs et autonomes. Ce système continue de nos jours d’exercer une influence importante sur l’éducation en Arménie.

9En 1988, un puissant séisme a détruit deux villes importantes, Gyumri et Vanadzor, et a eu des conséquences majeures sur l’économie et le secteur éducatif. Les écoles ont été transférées dans des abris temporaires, entraînant d’importantes lacunes dans l’enseignement tandis que le contrôle de la qualité était minime.

10Les années 1990 ont été celles de l’indépendance de l’Arménie, mais aussi du premier conflit dans le Haut-Karabakh (Artsakh), déstabilisant plus encore le système éducatif en raison de la fermeture des frontières et des pénuries d’énergie. Les périodes scolaires ont été écourtées et toute une génération d’Arméniens a reçu une éducation insuffisante.

11Depuis 1998, les enseignants bénéficient de davantage d’opportunités de développement professionnel par l’intermédiaire des organisations internationales, mais le blocus persistant du pays a entravé les progrès en matière éducative, les écoles étant dotées d’équipements obsolètes et de ressources insuffisantes.

12Le cursus scolaire en douze ans (K-12) a été introduit en 2006, remplaçant la durée de scolarité précédente en dix ou onze ans. L’objectif était de se conformer aux normes internationales et de garantir le développement ultérieur du système éducatif. La mise en place de ce système a été achevée en 2008.

13Pour garantir l’accès de tous à l’éducation, l’État a mis en œuvre une politique d’éducation inclusive en 2005, pleinement appliquée au cours de la période 2016-2021, puis dans le préscolaire de 2021 à 2023. Dans ce cadre, des services de soutien pédagogique et psychologique aux élèves ont été mis en place. L’Arménie a notamment introduit les échecs comme matière obligatoire en 2011 puis des clubs d’orientation professionnelle sont prévus en 2024-2025.

14En 2023, une escalade militaire au sujet du Haut-Karabakh avec l’Azerbaïdjan a entraîné des déplacements massifs et une crise humanitaire touchant des milliers de personnes, dont 17 000 enfants, et dépassant la capacité des pouvoirs publics locaux à fournir aux réfugiés un hébergement et à satisfaire leurs besoins fondamentaux. Nombreux sont ceux qui sont arrivés en Arménie avec des ressources limitées et qui se sont trouvés confrontés à des difficultés d’accès au logement, à l’emploi, aux soins de santé et à l’éducation pour leurs enfants. Les transferts démographiques et culturels qui résultent de ces déplacements menacent l’héritage séculaire arménien dans la région et suscitent des inquiétudes quant à un possible nettoyage ethnique et effacement culturel en cours. Cela représente un autre défi de taille pour le système éducatif arménien.

Le système éducatif en Arménie : contexte général

15En Arménie, l’enseignement scolaire débute à l’âge de 6 ans, selon la structure suivante : élémentaire, secondaire inférieur, secondaire supérieur. Il existe trois types principaux d’établissements scolaires : les écoles générales (niveaux 1 à 9), les lycées (niveaux 10 à 12) et les écoles ordinaires (niveaux 1 à 12). Les écoles ordinaires fonctionnent généralement dans les zones rurales. Au total, 1 349 établissements scolaires accueillent 417 872 élèves, dont plus de 14 000 sont des enfants déplacés du Haut-Karabakh.

16L’Arménie met actuellement en œuvre des réformes simultanées dans tous les champs de l’éducation – des contenus aux infrastructures en passant par les mécanismes de financement. La « loi sur le programme d’État pour le développement de l’éducation en République d’Arménie jusqu’en 2030 » a été adoptée par le Parlement le 17 décembre 2022. Le programme d’État pour le développement de l’éducation indique trois directions principales pour les réformes de l’enseignement général, dans la décennie à venir : 1) créer un environnement éducatif accessible à tous et centré sur l’apprenant ; 2) améliorer la qualité globale de l’éducation ; 3) accroître l’efficience des pratiques de gestion au sein du système éducatif.

17Parmi ces réformes, de nouvelles normes d’État pour l’enseignement général ont été adoptées et ont fait l’objet d’une phase d’expérimentation en 2021-2022 dans la région du Tavush pour les niveaux 2, 5, 7 et 10, puis ont été généralisées en 2023-2024. Les premiers élèves diplômés de chaque niveau éducatif (élémentaire, secondaire inférieur, secondaire supérieur) ont passé leurs examens sur la base de ces nouvelles normes et nouveaux modèles, qui seront généralisés au cours des trois à quatre prochaines années.

18Les principales évolutions prévues par ces réformes concernent le passage d’un apprentissage fondé sur des connaissances à un apprentissage fondé sur des compétences, offrant aux élèves davantage de flexibilité et de possibilités de mener des activités indépendantes. Les écoles ont d’abord eu du mal à gérer ce surcroît de liberté, réclamant des curriculums prêts à l’emploi, mais l’expérience menée dans la région du Tavush a montré que ces préoccupations s’atténuaient avec le temps. Les nouvelles normes d’État pour l’enseignement général se fondent sur huit compétences clés, mais les écoles ont éprouvé des difficultés à atteindre les résultats définis par les normes, notamment s’agissant des compétences transversales et de l’atteinte des résultats pendant les heures de cours. Un temps de préparation important est encore nécessaire.

19Pour les programmes de l’enseignement général, les normes reposent sur les piliers de contenu suivants : connaissances, compétences, attitudes et valeurs. Sept domaines d’enseignement sont définis : langue et littérature arméniennes ; études sur la patrie ; langues étrangères ; sciences naturelles, technologies de l’information et de la communication, ingénierie, mathématiques (STIM) ; société et sciences sociales ; arts et artisanat ; sports et vie sûre.

20En suivant le curriculum standard de l’enseignement général de base, les écoles développent des curriculums généraux, spécialisés, adaptés et alternatifs, impliquant les trois composantes suivantes :

  • composante étatique : l’organisme autorisé de gestion de l’enseignement public fixe le nombre d’heures minimum devant être consacré aux matières obligatoires figurant sur la liste définie par l’État pour chaque niveau scolaire et valide la liste des matières des établissements ;

  • composante propre à l’établissement : nombre d’heures consacré à chaque composante des matières, défini par l’école ;

  • composante individuelle : temps consacré aux clubs ou aux projets selon le choix des élèves ; tous les élèves des niveaux 7 à 12 doivent entreprendre chaque année au moins un projet éducatif dans une ou plusieurs matières de leur choix ; deux clubs sont obligatoires : ceux ayant trait aux modes de vie sains et à l’orientation professionnelle, qui visent à préparer les élèves à mener une vie indépendante.

21Chaque domaine d’enseignement défini par la norme comprend une ou plusieurs matières et/ou cours. Le curriculum peut intégrer des matières dont le contenu est lié à plusieurs domaines d’enseignement. La liste des matières est établie par l’école, dans le respect des principes définis par la norme.

22Dans le cadre de la mise en œuvre de ces nouvelles normes, la méthode d’évaluation des connaissances des élèves a été significativement revue, pour mettre l’accent sur les évaluations formatives et les retours d’information fournis aux élèves. Dans les établissements d’enseignement général, des évaluations continues sont mises en œuvre sous une forme à la fois quantitative (sur la base de notes) et formative (orientée sur l’apprentissage). En ce qui concerne l’évaluation quantitative, une échelle de dix points est utilisée. Aucune note n’est considérée comme insuffisante et chaque score correspond à un certain niveau de réussite des élèves. Dans les premières années (niveaux 1 à 4 et premier semestre du niveau 5), il n’y a pas d’évaluation basée sur les notes. Une évaluation continue est mise en œuvre par le biais de la caractérisation des élèves et l’évaluation synthétique annuelle consiste en une description des progrès de chaque élève, conformément à la procédure établie par l’organisme autorisé de gestion de l’enseignement public. L’évaluation sur la base de notes ne commence qu’au second semestre de la cinquième année. Les informations sur les progrès des élèves figurent également dans le système d’information pour la gestion de l’éducation, qui est également accessible aux parents. Ce système permet de suivre et de contrôler l’efficacité des performances des écoles. Dans le cadre de la réforme, une journée d’enseignement (extracurriculaire) prolongée a été mise en place afin de proposer des cours supplémentaires aux élèves ayant obtenu des résultats insuffisants dans certaines matières.

23La procédure de publication des manuels a également été revue – les processus de conception et de publication des manuels ayant été dissociés, pour permettre un engagement plus grand, notamment des enseignants. Un grand nombre de nouveaux manuels ont ainsi été créés, qui sont effectivement utilisés.

24Dans le cadre des réformes de l’enseignement général, l’amélioration des bâtiments scolaires fait également l’objet d’une attention particulière. Le gouvernement prévoit de construire et d’équiper entièrement 300 écoles et 500 maternelles d’ici 2026. Un programme pour l’équipement complet des écoles met quant à lui l’accent sur la mise en place de laboratoires STIM modernes dans toutes les écoles d’ici 2026.

25Bien entendu, il aurait été impossible de mettre en œuvre des changements d’une telle ampleur sans modifier le système de financement des écoles, qui a évolué en 2023 pour passer d’un financement par élève à un financement par classe, ce qui a notamment eu un impact sur les écoles dotées d’effectifs réduits. La formule de financement prévoit des lignes spéciales pour garantir une éducation universelle et inclusive, par le biais de dotations en faveur de l’accessibilité et des aménagements raisonnables, de l’achat d’équipements de laboratoire, etc.

26Des réformes à grande échelle sont donc en cours dans l’enseignement général en Arménie, portant à la fois sur le contenu, la gestion et l’infrastructure de l’éducation. Des défis et des difficultés émergent dans cette phase de transition, notamment en ce qui concerne :

  • l’évaluation et l’ajustement continus des normes d’État ;

  • l’amélioration du cadre national pour l’évaluation des résultats d’apprentissage ;

  • le renforcement de la gouvernance et des capacités administratives dans le secteur éducatif ;

  • l’évaluation et la réforme des procédures de développement professionnel des enseignants ;

  • la mise en œuvre et l’amélioration des dispositifs et des incitations pour le développement professionnel des enseignants ;

  • la mise en œuvre cohérente de la politique éducative de l’État.

27En matière de gestion, les principaux défis consistent à développer les compétences au sein des établissements d’enseignement et à mettre en œuvre des mécanismes d’incitation efficaces.

Enseignants : exigences et perspectives

28On dénombre actuellement 30 000 enseignants dans les écoles arméniennes. La loi stipule qu’ils doivent disposer d’une formation professionnelle supérieure, pour garantir qu’ils sont aptes à fournir une éducation de qualité. La loi met également l’accent sur la formation continue et le développement professionnel des enseignants ; elle prévoit l’évaluation des besoins en développement professionnel de chaque enseignant et organise en conséquence les remises à niveau et les certifications. Les normes en matière de développement professionnel distinguent quatre catégories d’enseignants : débutants, « compétents », experts et enseignants-chercheurs, qui servent de base à la planification du processus de développement des compétences.

29L’application des nouvelles normes implique ainsi d’améliorer les opportunités de développement professionnel continu pour les enseignants et de rendre la profession enseignante plus attrayante. À compter de 2024, la certification régulière des enseignants permettra d’évaluer les besoins en développement professionnel et les résultats de la formation à travers les différents savoirs disciplinaires, méthodologies d’enseignement et compétences pédagogiques. Les enseignants et les chefs d’établissement devront enregistrer avec précision les besoins de formation et sélectionner les formations adaptées. Sur la base de l’évaluation de leurs besoins, les enseignants peuvent suivre une remise à niveau en plusieurs cycles selon quatre échelons : un cycle d’un an pour les enseignants débutants, un cycle de trois ans pour les enseignants « compétents » et un cycle de cinq ans pour les enseignants experts et les enseignants-chercheurs.

30Au-delà du système d’attestation périodique obligatoire, un système d’attestation volontaire a également été instauré depuis 2011. En participant à ce système et en obtenant de bons résultats, les enseignants peuvent multiplier par trois ou quatre leur salaire. Ce système vise à encourager le développement professionnel des enseignants par la mise en place d’un système de récompense, plutôt que par une simple augmentation mécanique de salaire. Il existe en outre un système de certification pour le développement professionnel des enseignants, qui encourage également la formation continue et l’application de mécanismes d’augmentation salariale.

31Compte tenu du fort besoin d’enseignants de sciences, un programme d’incitation spécial a été mis en place sous la forme d’un supplément de salaire de 25 %. Un programme similaire a été mis en œuvre pour les petites écoles rurales (jusqu’à cent élèves), qui peinent souvent à recruter des enseignants qualifiés. Afin d’améliorer la qualité de l’enseignement dans ces petites écoles rurales, un autre programme de consolidation des écoles a été mis en place, qui permet de regrouper les petites écoles rurales au sein de nouveaux complexes éducatifs qui offriront un enseignement préscolaire, scolaire et extrascolaire.

Infrastructure scolaire et système de gestion

32Afin de garantir des changements qualitatifs dans l’enseignement général et d’accroître le rôle des chefs d’établissement à cet égard, le système de gestion des écoles a été modifié pour distinguer gestion éducative et gestion administrative et financière. La procédure de sélection des chefs d’établissement a également évolué, les candidats devant désormais faire approuver un projet de développement de l’établissement à cinq ans pour pouvoir exercer. Un processus de délégation des fonctions administratives et financières à des organisations spécialisées est également en cours, ce qui permettra aux établissements de se concentrer sur leurs activités éducatives premières.

33Le système de gestion des établissements d’enseignement général est un autre élément important pour l’efficacité du secteur. Actuellement, cette gestion est assurée par les organismes autorisés – le ministère de l’éducation, des sciences, de la culture et des sports, les administrations régionales et la municipalité d’Erevan. Certaines différences d’approche et d’interprétation peuvent apparaître, ce qui affecte parfois la mise en œuvre homogène des décisions prises.

34Ainsi, des réformes à grande échelle ont été mises en place dans l’enseignement général en Arménie, portant à la fois sur le contenu de l’enseignement, l’évolution des mécanismes de gestion et le développement des infrastructures. Il semble bien naturel qu’au cours de cette période des problèmes et des difficultés émergent. Voici quelques-unes des priorités devant absolument être mises en avant :

  • l’évaluation continue de l’efficacité de la mise en œuvre des nouvelles normes d’État pour l’enseignement général, et leur adaptation si nécessaire ;

  • le renforcement du système national d’évaluation des acquis de l’apprentissage ;

  • l’élaboration et la mise en œuvre de mécanismes visant à renforcer les capacités de gestion des établissements d’enseignement général ;

  • l’évaluation, le suivi et la réforme éventuelle des procédures de formation professionnelle continue des enseignants de l’enseignement général pour une mise en œuvre effective ;

  • la mise en place, l’analyse et l’amélioration continue de mécanismes cohérents et de mesures incitatives en faveur du développement professionnel des enseignants ;

  • le développement de dispositifs pour assurer la mise en œuvre efficace et homogène de la politique éducative nationale.

Les défis actuels

35Le système éducatif arménien reste actuellement confronté aux défis suivants :

  • des infrastructures scolaires inadaptées, avec des bâtiments scolaires vétustes, construits pour la plupart dans les années 1970-1980 ;

  • des ressources techniques et matérielles dépassées : mobilier vétuste, laboratoires obsolètes, manque de moyens informatiques ;

  • des difficultés de gestion : les chefs d’établissement se concentrent principalement sur les tâches administratives et financières plutôt que sur l’amélioration de la qualité de l’enseignement ;

  • le manque d’implication, d’organisation et de compétences des parents en matière de gouvernance et de suivi du processus éducatif de leurs enfants ;

  • l’insuffisance des compétences professionnelles des enseignants : les approches pédagogiques modernes ne sont que peu appliquées et un nombre important d’enseignants approche de l’âge de la retraite ;

    • 1  Ce cadre fondé sur la recherche dans la théorie de l’apprentissage, y compris les neurosciences co (...)

    la faible motivation scolaire des élèves : une dépendance à l’égard des outils informatiques et une capacité insuffisante des enseignants à dispenser des cours modernes et attrayants fondés sur les principes de la conception universelle de l’apprentissage (Universal Design for Learning1) ;

  • une mise en œuvre difficile des nouveaux programmes, normes et manuels.

36L’État arménien fait face à de nombreux défis pour mettre en œuvre une éducation équitable, de qualité et centrée sur l’apprenant tout au long de la vie. Les relever implique d’adopter des mesures pertinentes et systémiques pour assurer la continuité des réformes entreprises. Les disparités en termes de ressources, notamment dans les zones rurales, complexifient encore davantage la mise en œuvre d’une éducation équitable, les écoles manquant fréquemment de personnel et d’équipements de qualité. L’implication des parties prenantes varie également fortement, ce qui affecte la cohérence des politiques menées. Les mécanismes de suivi et de retour d’expérience sont souvent entravés par une collecte de données inadéquate.

37La référence aux systèmes internationaux peut être utile pour guider les améliorations. Mettre en évidence et répliquer les succès enregistrés localement permettra également de garantir des progrès cohérents dans l’ensemble du système éducatif arménien.

38Des réformes éducatives d’envergure sont en cours en Arménie. Il est essentiel de suivre leurs progrès, par le biais de mécanismes de suivi clairement définis, afin non seulement de prévenir les problèmes émergents, mais également de procéder aux ajustements nécessaires en cours de processus.

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Bibliographie

Asatryan, A., Asatryan, Zh., Hakobyan, A. et Safaryan, N. (2020). History of Pedagogy: From Ancient Times to Our Days. Textbook. Tigran Mets.

Leo (1914). History of the Armenian Diocesan School of Yerevan 1837-1912. Tiflis.

Topuzyan, A., (2009). The Problem of Humanistic Education in Pedagogy. Lingua.

World Bank (2024). Curriculum and Learning: Towards a Competency-based Science, Technology, Engineering, and Mathematics (STEM) Curriculum Reform in Armenia.

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Notes

1  Ce cadre fondé sur la recherche dans la théorie de l’apprentissage, y compris les neurosciences cognitives, guide le développement d’environnements et d’espaces d’apprentissage flexibles qui peuvent s’adapter aux différences d’apprentissage individuelles (d’après Wikipédia : https://dgxy.link/htcVY) (NdlR).

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Pour citer cet article

Référence papier

Marianna Harutyunyan et Artashes Torosyan, « Le système scolaire arménien à la croisée des chemins : repères, défis et perspectives »Revue internationale d’éducation de Sèvres, 97 | 2024, 34-41.

Référence électronique

Marianna Harutyunyan et Artashes Torosyan, « Le système scolaire arménien à la croisée des chemins : repères, défis et perspectives »Revue internationale d’éducation de Sèvres [En ligne], 97 | décembre 2024, mis en ligne le 01 décembre 2024, consulté le 21 mars 2025. URL : http://journals.openedition.org/ries/15949 ; DOI : https://doi.org/10.4000/139bs

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Auteurs

Marianna Harutyunyan

Marianna Harutyunyan est professeure associée à la chaire de logopédie et de rééducation et directrice de la gestion des ressources humaines et des affaires internationales à l’Université pédagogique arménienne d’État Khachatur Abovian. Courriel : marianna.harutyunyan[at]aspu.am

Artashes Torosyan

Artashes Torosyan est le directeur par intérim du Centre national pour le développement et l’innovation dans l’éducation, en Arménie. Courriel : artashestorosian[at]gmail.com

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Droits d’auteur

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