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Dossier - Choisir ses études

Un regard sur les facteurs qui influencent les choix éducatifs des adolescents en Uruguay

A view on the factors influencing the educational choices of teenagers in Uruguay
Una mirada a los factores que influyen en las elecciones educativas de los adolescentes en Uruguay
Nilia Viscardi Etchart
p. 155-162

Résumés

En Uruguay, à la fin de la quatrième année de l’enseignement secondaire, les élèves doivent définir leur parcours scolaire ultérieur en choisissant des options spécifiques. L’article s’intéresse aux facteurs qui influencent les choix éducatifs des adolescents et le contexte de leurs parcours éducatifs au moment où ce choix doit être fait, c’est-à-dire à l’âge de 15 ans. L’analyse porte sur l’orientation professionnelle proposée dans le cadre des programmes éducatifs ; le rôle des acteurs pédagogiques et des psychologues dans les lycées ; le poids de la famille. Si, ces dernières années, un plus grand nombre de jeunes issus de familles à faibles revenus parviennent à réussir dans le système éducatif, des inégalités persistent et se reproduisent au niveau de l’enseignement secondaire au moment du choix de formation.

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Texte intégral

  • 1  En 2023, selon les données du premier recensement, l’Uruguay comptait 3 444 263 habitants. Avec un (...)

1En Uruguay1, à la fin de la quatrième année de l’enseignement secondaire, les élèves doivent définir leur parcours scolaire ultérieur à l’aide d’options spécifiques. La Loi générale sur l’éducation nº 18.437 (LGE) définit l’éducation comme un bien public et social, dont l’accès doit être garanti tout au long de la vie, et la reconnaît comme un droit de l’homme, facilitant la continuité éducative. Cela place l’apprenant au centre de la politique éducative, en promouvant son développement intégral.

2L’enseignement obligatoire commence à l’âge de 4 ans et dure quatorze ans ; il comprend deux ans d’école préélémentaire, l’enseignement primaire (de 6 à 11 ans), l’enseignement secondaire de base (ESB) (de 12 à 14 ans) et secondaire supérieur (ESS) (de 15 à 17 ans). Le seul cycle d’éducation formelle qui présente une couverture universelle est celui qui correspond à l’enseignement primaire, tandis que l’enseignement secondaire présente un taux de scolarisation inférieur, vestige d’une matrice institutionnelle sélective et segmentée.

Options de formation dans l’enseignement secondaire supérieur

  • 2  Le bachillerato diversificado uruguayen équivaut aux trois dernières années de l’enseignement seco (...)

3Depuis 1941, le bachillerato diversificado2, tel qu’il est appelé en Uruguay, a pour fonction principale de dispenser un enseignement préparatoire à l’enseignement supérieur (Feldman et al., 2015). Il s’agit d’études préliminaires qui fournissent des connaissances théoriques et pratiques et une culture générale et il a été conçu pour permettre de poursuivre des études ultérieures de plus en plus complexes, au fur et à mesure de l’accroissement des connaissances. Il est utilisé pour l’entrée à l’université ou dans les établissements d’enseignement supérieur.

4Il comprend une formation générale commune à toutes les orientations (tronc commun de domaines curriculaires) et quatre options (diversifications), qui sont plus spécifiques en fonction de l’orientation. La première année du secondaire supérieur étant générale – commune à tout le monde et sans particularités ni sélection à faire dans les savoirs –, le choix est fait entre la deuxième et la troisième année de ce cycle, à l’âge de 15 ans, quand les adolescents doivent prendre une décision quant à la poursuite de leur parcours éducatif.

  • 3  Pour la deuxième année d’ESS, les élèves doivent choisir entre les options artistique, biologique, (...)

5Pour ces adolescents, il existe plusieurs options de formation académique ou technique avant d’entrer dans l’enseignement supérieur ou sur le marché du travail. D’une part, des formations conduisant au bachillerato sont proposées dans les lycées publics et privés. Sur les 24 440 élèves inscrits en deuxième année de l’ESS en 2024, 6,2 % avaient choisi l’option artistique, 36,2 % l’orientation biologique, 15,6 % l’option scientifique et 42 % l’option humaniste3. Une autre possibilité est l’enseignement technique dispensé par la Direction générale de l’enseignement technique et professionnel (Université du Travail de l’Uruguay, UTU-DGETP), où la formation offerte facilite une insertion rapide sur le marché du travail.

6Des options d’apprentissage à distance, en ligne et en mode hybride, sont également disponibles pour les étudiants qui, pour des raisons professionnelles ou d’éloignement, ne peuvent pas se rendre régulièrement à l’école. La Direction générale de l’enseignement secondaire (DGES4) et l’UTU-DGETP5 proposent ces options à distance pour plusieurs orientations techniques et carrières professionnelles.

  • 6  Un diplôme de premier cycle à l’Université de la République dure en moyenne quatre ans, ce qui équ (...)

7Au niveau universitaire, les nouveaux plans de l’Université de la République tiennent compte de la flexibilité des programmes et de la mobilité entre les services, en reconnaissant les connaissances acquises au moyen de crédits et en permettant leur accréditation, le cas échéant, pour différentes professions. En décembre 2009, le Conseil central d’orientation de l’Université de la République a décidé qu’après avoir terminé et validé une année d’études universitaires et obtenu 80 crédits6, tout étudiant de l’Université de la République, quel que soit son domaine d’études, peut accéder à d’autres formations universitaires.

8De façon générale, le bachillerato diversificado aujourd’hui, bien qu’il ait subi des changements de structure depuis trente ans, montre des lignes de continuité et des caractéristiques qui persistent. Si la tendance est à la structuration d’offres curriculaires « plus larges, plus polyvalentes et plus flexibles » (Feldman et al., 2015), les logiques préparatoires et de division perdurent. D’autre part, la tradition de filières fait en sorte que les choix s’orientent surtout vers les options préparant à l’enseignement supérieur à l’université plutôt qu’aux formations professionnelles, dans le cas des étudiants les plus pauvres ou issus des classes populaires (Rama, 1989). Quelques expériences sont menées afin d’adapter les compétences des jeunes aux exigences du marché tout en offrant une formation plus pratique alignée sur le monde du travail, dans le but de contribuer à améliorer l’employabilité des jeunes et à réduire le fossé entre l’éducation et l’emploi7.

L’orientation professionnelle

  • 8  L’Administration nationale de l’éducation publique (ANEP) est l’organe étatique le plus important (...)

9En Uruguay, l’orientation professionnelle a pour but d’aider les étudiants et les jeunes à explorer leurs intérêts, leurs compétences et leurs options en matière d’éducation et de carrière afin de prendre des décisions éclairées quant à leur avenir. Ces dernières années, des ressources et des services d’orientation professionnelle ont été mis en place dans le pays. Dans les établissements d’enseignement, les lycées de la DGES et les centres de l’UTU-DEGTP, l’orientation professionnelle est proposée dans le cadre des programmes éducatifs. Les conseillers d’orientation ou les psychologues de ces établissements organisent des ateliers, des conférences et des activités qui aident les élèves à explorer leurs intérêts et leurs talents, et à s’informer sur les possibilités d’études et d’emploi. L’Administration nationale de l’enseignement public (ANEP)8 propose également des services d’orientation professionnelle pour les jeunes et les adultes dans ses centres éducatifs. Plusieurs universités disposent de services d’orientation qui conseillent les futurs étudiants sur les carrières qu’elles proposent, organisent des salons d’orientation et des tests d’intérêt professionnel.

10Aujourd’hui, les psychologues jouent un rôle important dans l’enseignement secondaire, bien que leur présence varie selon les établissements et les programmes. Le rôle des psychologues à ce niveau d’enseignement est axé sur l’accompagnement émotionnel et scolaire des élèves, en travaillant directement sur l’orientation professionnelle, le soutien en cas de difficultés psychosociales et le développement émotionnel. Cependant, tous les établissements scolaires ne disposent pas de psychologues affectés régulièrement, car cela dépend de la taille de l’établissement et des ressources disponibles9.

  • 10  Institut national de la jeunesse (INJU) (2019). Balance 2019 del Plan de Acción de Juventudes 2015 (...)

11Parmi les autres programmes gouvernementaux, l’Institut national de la jeunesse (INJU10) propose des ateliers et des programmes d’orientation pour les jeunes, afin d’explorer leurs compétences, leurs intérêts et leurs valeurs personnelles. Il fournit également des informations sur les bourses et les programmes d’emploi pour les jeunes.

  • 11  L’Institut national pour l’emploi et la formation professionnelle (INEFOP) est chargé de coordonne (...)

12L’Institut national pour l’emploi et la formation professionnelle (INEFOP) s’adresse principalement aux jeunes à la recherche d’un emploi ou d’une formation technique. Il organise des cours et des formations dans différents domaines et aide les participants à définir leurs objectifs professionnels11.

13Le portail Uruguay Educa12 offre des informations sur l’accès aux bourses et sur toutes les carrières disponibles en Uruguay, ainsi que des outils pour explorer les options éducatives et des guides d’orientation. Il existe également des salons d’orientation professionnelle tels que la Feria de la Universidad de la República et l’Expo Educa. Il s’agit d’événements qui ont lieu chaque année dans différentes villes, où les établissements d’enseignement présentent leurs propositions, organisent des conférences et offrent des conseils sur les carrières et les possibilités d’emploi.

14Une autre expérience est celle de la Fondation Chamangà13, qui opère en Uruguay depuis 2000 et dont la mission est de soutenir les jeunes Uruguayens en leur offrant de meilleures conditions pour développer leurs vocations.

15Il existe donc une pluralité d’actions qui montrent l’attention donnée à l’apprenant, ces dernières années. Ces programmes agissent lentement sur la structure traditionnelle en filières éducatives qui orientait et guide encore la plupart des étudiants vers l’enseignement secondaire général et l’université, la formation pour le travail restant le choix des élèves les plus défavorisés. Entre 2013 et 2020, le pourcentage d’élèves en situation de vulnérabilité économique et sociale a augmenté dans l’enseignement secondaire et, plus largement, dans l’enseignement technique14.

L’état des choix pour les jeunes générations

16Ces dernières années, un plus grand nombre de jeunes issus de familles à faibles revenus parviennent à réussir dans le système éducatif, mais des inégalités persistent15. Si l’on considère la période 2006-2022, le pourcentage de jeunes âgés de 12 à 15 ans ayant achevé l’enseignement primaire est passé de 93,4 % en 2006 à 99 % en 2022. D’autre part, alors qu’en 2006, 63,7 % des jeunes âgés de 17 à 18 ans avaient achevé l’enseignement secondaire de base, ce pourcentage est passé à 83,4 % en 2022. C’est donc dans le cycle secondaire supérieur que les défis sont les plus importants, notamment à partir de 14 ans, quand les inégalités d’accès à l’éducation s’accentuent16. Bien que le pourcentage de jeunes de 21 à 22 ans diplômés de l’enseignement secondaire soit passé de 35,2 % en 2006 à 43,9 % en 202217, la lenteur de l’évolution est patente et plus de la moitié des jeunes Uruguayens ne terminent pas la scolarité obligatoire.

17Le niveau socio-économique continue d’être un facteur important dans l’analyse des inégalités, en termes de finalisation de l’enseignement obligatoire. Selon le ministère du développement social (MIDES), le pourcentage de jeunes ayant terminé le deuxième cycle de l’enseignement secondaire à l’âge de 21-22 ans en 2022 était de 25,4 % dans le quintile de revenu le plus bas et atteignait 85 % dans le quintile le plus élevé18. Cette disparité montre que les étudiants issus de milieux favorisés ont beaucoup plus de chances d’obtenir un diplôme que ceux des quintiles de revenus les plus bas. De plus, en Uruguay, le système éducatif est fortement ségrégué entre le secteur public et le secteur privé, ce qui renforce encore les inégalités en matière de circuit scolaire et de qualité.

18Le genre et les facteurs de ségrégation résidentielle influent également sur la répartition des diplômes. En 2017, 75,9 % des filles de la cohorte des 17-18 ans étaient diplômées de l’enseignement secondaire de base, contre 67,7 % des garçons de cette tranche d’âge. Si l’on considère la cohorte des 21-22 ans, on observe que 48,4 % des femmes sont diplômées de l’enseignement secondaire supérieur, alors que ce pourcentage est de 33,6 % pour les hommes (Martinis et al., 2020). En 2022, si le taux d’achèvement du deuxième cycle de l’enseignement secondaire chez les 18-20 ans était d’environ 41,2 %, celui-ci restait nettement plus élevé à Montevideo qu’à l’intérieur du pays, et les femmes tendaient davantage que les hommes à terminer le deuxième cycle de l’enseignement secondaire, avec une différence de 11 points de pourcentage cette année-là19.

  • 20  Montero, V. (1996). Liceos rurales y propensión emigratoria en los jóvenes: un estudio de caso [te (...)

19Une étude de cas réalisée en 1996 indiquait que les lycées des petites villes rurales du pays ne pouvaient pas faire grand-chose pour lutter contre l’abandon scolaire et l’émigration, et que l’école secondaire n’aidait pas les adolescents à changer leur projet de vie. Ils avaient des difficultés à maintenir un parcours éducatif pour les adolescents lors de la transition de l’école au lycée, puis du lycée à l’université. Les jeunes qui entraient au lycée ne le faisaient que pour émigrer et chercher un autre avenir (surtout les femmes)20.

  • 21  Sànchez, M. (2020). Descentralización de la oferta Educativa Superior Universitaria e inequidades (...)
  • 22  Acevedo, F. (2017). La oferta de estudios terciarios en el noreste de Uruguay y sus efectos en la (...)

20De plus, il existe encore un décalage entre l’offre d’enseignement supérieur dans le pays et la demande des étudiants, car l’offre se concentre sur les diplômes techniques plutôt que sur les diplômes de premier cycle21. Le modèle actuel de décentralisation ne parvient pas à attirer ceux qui ne sont pas sûrs de leur vocation et l’avenir des étudiants est plutôt défini par la connaissance qu’eux et leurs familles ont de cette offre22. Il ressort également que la majorité des bacheliers ne connaissent pas les options décentralisées que l’Université de la République propose dans leur département et que ceux qui les connaissent ne trouvent pas le cursus qu’ils souhaitent poursuivre (Méndez et al., 2018).

  • 23  Pierre Bourdieu soutient que la jeunesse « n’est qu’un mot ». Dans son ouvrage Questions de sociol (...)

21Les résultats des travaux de Filardo (2018) lui permettent de formuler un diagnostic complet de la diversité des situations et des itinéraires des jeunes dans leur processus d’entrée dans la vie adulte, tout en montrant que la fin de l’enseignement secondaire supérieur, qui accompagne la dernière étape de l’adolescence et représente l’entrée dans la jeunesse, n’est pas réussie par tous. Pour les adolescents, la finalisation du lycée signifie l’adieu à tout un cycle de dépendance et l’entrée dans la liberté, alors qu’ils sont sur le point d’atteindre l’âge de la majorité et de la transition vers la vie adulte. Mais cette entrée est réservée à certains seulement. Rama (1989) abordait la question du moratoire social23 (suspension temporaire d’obligations ou de responsabilités de travail en particulier), il y a plus de trente ans déjà, comme la période pendant laquelle les jeunes consacrent une partie de leur vie à étudier ou non et restent dépendants de leur famille. Pour les jeunes des campagnes et des petites villes du pays qui doivent se déplacer à Montevideo afin d’entrer à l’université ou qui ne peuvent pas suivre cette voie, la chance de pouvoir « être jeune » – c’est-à-dire de profiter de la suspension d’obligations jusqu’à la fin des études secondaires supérieures ou de troisième cycle – diminue. Cette période de moratoire est donc réservée aux jeunes issus de familles à revenus moyens ou élevés et les inégalités de destin scolaire sont telles que de nombreux jeunes n’ont pas la possibilité de connaître ce carrefour de choix que représentent les deux dernières années de lycée ou un parcours de formation universitaire.

Entre famille, institution et dispositifs psychologiques

22Deux études récentes, néanmoins, montrent des résultats éclairants pour comprendre le ressenti et le point de vue des étudiants face aux options de formation. D’une part, des pratiques de résistance sont identifiées par une recherche sur l’expérience scolaire24 vécue par les étudiants du bachillerato option artistique, laquelle est relativement récente. Ses débuts remontent à 2007, lorsque les programmes ont été réécrits. L’art et toutes les carrières possibles dans ce secteur ont tendance à être marginalisés dans la société et les institutions d’importance, et l’éducation formelle ne fait pas exception à la règle. Bien que les différentes disciplines artistiques fassent partie des programmes d’enseignement depuis des années, le chemin vers leur formalisation en tant que spécialités dans les programmes d’enseignement s’est avéré beaucoup plus compliqué. Cela amène les jeunes qui ont une préférence et une facilité pour l’art à accorder la priorité à d’autres enseignements. Les élèves évoquent la stigmatisation de l’art, considéré socialement comme une voie « moins sérieuse ». Leur choix est vécu comme une forme de résistance envers la famille, la société ou le marché du travail.

  • 25  L’enseignant assistant est l’un des principaux acteurs pédagogiques dans les établissements. Ses t (...)

23Enfin, Cordano (2020) a étudié les options éducatives et les tensions à l’œuvre chez les élèves d’un établissement privé de Montevideo. Après avoir analysé des données issues d’entretiens avec des bacheliers, l’étude distingue différentes catégories qui regroupent les modalités de choix d’un parcours diversifié au bachillerato. Dans la constellation de relations sociales que les étudiants entretiennent tout au long de leur parcours éducatif, il est constaté que les éléments les plus influents sont la famille, le discours de l’institution éducative, les équipes psychologiques et pédagogiques de l’établissement – psychologues et enseignants assistants25 – et le désir d’atteindre un certain niveau économique grâce à une profession. En même temps, il existe une influence déguisée, renforcée par le lien entre la famille et l’institution éducative. Il en ressort que la famille influence plus fortement que l’institution, les enseignants ou les revenus attendus sur la définition de l’orientation que le jeune doit suivre. Cela peut être subtil, comme le fait de renforcer au cours de la trajectoire de vie de l’élève ou de l’étudiant un projet qu’il a exprimé dans son enfance et qu’il souhaite poursuivre à l’âge adulte. Il peut s’agir aussi de la création d’un environnement de l’enfant fondé sur le milieu social et professionnel de la famille. En somme, la famille guide subtilement le chemin vers des orientations spécifiques, voire le balise radicalement.

24Les enseignants et le goût pour certaines disciplines sont une autre composante qui influence la décision des adolescents, qui accordent une grande importance au charisme de l’enseignant et à la relation qu’il entretient avec eux. Dans de nombreux cas, on constate que cette relation contribue à éveiller un goût pour certains domaines de connaissance, avec lesquels les jeunes se familiarisent, ce qui les amène à fonder leur choix en fonction de ces facteurs. Les figures de l’enseignant assistant et du psychologue, en tant que parties intégrantes du système scolaire, renforcent le choix de l’élève, en le guidant sur le chemin que l’institution éducative a choisi pour lui. Le rôle de ces derniers a évolué : ils sont devenus des alliés dans le travail éducatif, alors qu’ils étaient à l’origine principalement concernés par les problèmes de violence à l’école (Viscardi et Alonso, 2013).

Choisir ses études dans un petit pays d’Amérique latine

25À 15 ans, la plupart des adolescents sentent qu’ils ne sont pas encore prêts à prendre une décision. L’orientation professionnelle, qui fournit des informations à grande échelle sur les carrières et les cours techniques qui existent dans le pays, ainsi qu’une variété d’autres options d’études, s’avère importante pour eux, au moment du choix d’un parcours de formation, choix lui-même marqué par l’influence de la famille et qui sera la base de la continuité des études dans un contexte de faibles politiques publiques en matière d’orientation.

26On peut en conclure qu’il existe, au sein du système scolaire uruguayen, une structure de domination autour des élèves, qui influence leurs choix d’orientation et, par conséquent, de profession future. Pour ceux qui n’ont pas la possibilité de choisir – c’est-à-dire près de la moitié des adolescents du pays –, le chemin des études est un court trajet vers le travail, souvent précaire et informel.

27Globalement, les différences structurelles liées aux inégalités scolaires, au poids de la famille et à la difficulté des institutions à développer une politique active d’orientation professionnelle et de soutien aux plus vulnérables montrent la nécessité fondamentale d’une politique éducative visant à faire évoluer les parcours proposés aux jeunes à différents niveaux. Il s’agit de favoriser la continuité des études pour les plus vulnérables, et de réduire la pression des familles sur les choix de carrière des adolescents issus des classes moyennes ou aisées. Ce défi de la liberté de choix, informé et conscient, des élèves et des jeunes émerge dans un contexte où le système éducatif a fait sienne l’idée de la protection des parcours, de la continuité éducative et de la promotion de la flexibilité dans les choix des jeunes.

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Bibliographie

Cordano, M. N. (2020). La interacción entre el sistema escolar y la elección de la trayectoria académica de los jóvenes. El caso del Colegio Santa María [mémoire de licence en education, Facultad de Humanidades y Ciencias de la Educación].

De Armas, G. et Retamoso, A. (2010). La universalización de la educación media en Uruguay: Tendencias, asignaturas pendientes y retos a futuro. Unicef.

Feldman, D., Palamidessi, M., Armendàriz, C., Del Río, A. B., Constanzo, M. et Gild, M. (2015). Continuidad y cambio en el currículo: Los planes de estudio de educación primaria y media en Uruguay. INEEd. https://dgxy.link/crsdo

Filardo, V. (2018). Transiciones a la adultez y educación. UNFPA. https://dgxy.link/6Dpf1

Martinis, P., Viscardi, N., Gutiérrez, J.-M., Duffau, P., Arias, S. et Batista, P. (2020). Aportes para un Plan Nacional de Educación. Facultad de Humanidades y Ciencias de la Educación.

Méndez, C., Rodriguez, A. et Castro, I. (2018). ¿Cómo perciben distintos actores del sistema educativo la descentralización de la Udelar? Tacuarembó y Rivera. Universidad de la República (Uruguay), Facultad de Ciencias Sociales.

Montero, V. (1996). Liceos rurales y propensión emigratoria en los jóvenes: un estudio de caso [thèse de doctorat, Universidad de la República (Uruguay), Facultad de Ciencias Sociales, Departamento de Sociología]. https://dgxy.link/2XF7M

Rama, G. (1989). La situación de la juventud y los problemas de su inserción en la sociedad. Políticas sociales en Uruguay. Educación y juventud, 100-144. Instituto Nacional del Libro-PAHO-ECLAC-PNUD.

Viscardi, N. et Alonso, N. (2013). Gramàticas de la convivencia. ANEP.

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Notes

1  En 2023, selon les données du premier recensement, l’Uruguay comptait 3 444 263 habitants. Avec une superficie de 176 215 km², c’est l’un des plus petits pays d’Amérique du Sud, avec une densité de sa population relativement faible. https://lstu.fr/8J1evo2V

2  Le bachillerato diversificado uruguayen équivaut aux trois dernières années de l’enseignement secondaire. La première année de ce bachillerato diversificado (quatrième année de l’enseignement secondaire) est une année d’orientation générale. En deuxième année du bachillerato, les élèves commencent à se spécialiser en fonction de leur domaine de prédilection (sciences, lettres, arts, etc.). La dernière année aboutit à la préparation du bachillerato, l’examen final donnant accès à l’enseignement supérieur. D’une manière générale, les deux étapes préparent les élèves à l’université ou à une formation technique/professionnelle, mais avec quelques différences dans les approches curriculaires et les domaines de spécialisation.

3  Pour la deuxième année d’ESS, les élèves doivent choisir entre les options artistique, biologique, scientifique ou humaniste ; ce choix est suivi en troisième année des options suivantes : social économique ; social humaniste ; physique, option mathématiques ; mathématiques, option design ; sciences biologiques ; sciences agricoles ; art et expression. https://lstu.fr/XDVnxrkw/

4https://lstu.fr/8gbdcQkf

5https://www.utu.edu.uy/educacion-terciaria ; https://lstu.fr/UHPNRWnA

6  Un diplôme de premier cycle à l’Université de la République dure en moyenne quatre ans, ce qui équivaut à 320 crédits – soit 80 crédits par an – auxquels peut s’ajouter un mémoire de fin d’études de 40 crédits. Avec ce niveau, il est possible de poursuivre des études de troisième cycle (master et doctorat).

7https://dgxy.link/S4RVL

8  L’Administration nationale de l’éducation publique (ANEP) est l’organe étatique le plus important et le plus étendu d’Uruguay. En 2023, elle comptait 682 000 étudiants. Ces données reflètent une légère diminution par rapport aux années précédentes, un phénomène lié à divers facteurs sociaux et démographiques (ANEP, 2023). L’ANEP dispose d’un réseau de 2 277 écoles, 308 lycées, 201 écoles techniques et 33 centres de formation des enseignants répartis dans tout le pays (https://www.anep.edu.uy/). Pour en savoir plus sur l’ANEP, voir Larrouqué, D. (2018). L’Administration nationale de l’éducation publique en Uruguay : une institution unique au monde, Revue internationale d’éducation de Sèvres, 78, 17-22. https://doi.org/10.4000/ries.6326 (NdlR).

9https://dgxy.link/ItQ22

10  Institut national de la jeunesse (INJU) (2019). Balance 2019 del Plan de Acción de Juventudes 2015-2025. Punto y seguido. https://dgxy.link/sFxHc

11  L’Institut national pour l’emploi et la formation professionnelle (INEFOP) est chargé de coordonner l’orientation et la formation des jeunes en matière d’emploi. Il collabore avec le ministère du travail et de la sécurité sociale (MTSS) pour proposer des programmes de formation et d’orientation professionnelle aux jeunes en situation de vulnérabilité, et pour promouvoir l’employabilité par la formation et le soutien technique à diverses entreprises et institutions du pays. En outre, le programme « J’étudie et je travaille » facilite l’insertion professionnelle des jeunes âgés de 16 à 20 ans qui suivent un cursus scolaire, en leur offrant une première expérience professionnelle. Ce programme est le fruit d’un partenariat entre le MTSS, le ministère de l’éducation et de la culture, le ministère du développement social, l’ANEP et l’Institut uruguayen de l’enfance et de l’adolescence.

12https://uruguayeduca.anep.edu.uy/

13https://fundacionchamanga.org.uy

14https://dgxy.link/TjvrS

15  Les inscriptions dans l’enseignement secondaire en 2023 ont été de 223 223 à la DGES et d’environ 100 895 élèves à la DGETP (enseignement technique). En 2022, la couverture de l’enseignement secondaire de base atteignait environ 92,3 % chez les adolescents âgés de 15 à 17 ans, ce qui témoigne d’une amélioration aussi continue que lente.https://dgxy.link/QA5m5

16https://dgxy.link/yHRam

17https://dgxy.link/ttvsh

18https://dgxy.link/v8ugc

19https://dgxy.link/tt4mL

20  Montero, V. (1996). Liceos rurales y propensión emigratoria en los jóvenes: un estudio de caso [tesis de grado, Universidad de la República (Uruguay), Facultad de Ciencias Sociales, Departamento de Sociología].

21  Sànchez, M. (2020). Descentralización de la oferta Educativa Superior Universitaria e inequidades de acceso [tesis de grado, Universidad de la República (Uruguay), Facultad de Ciencias Sociales].

22  Acevedo, F. (2017). La oferta de estudios terciarios en el noreste de Uruguay y sus efectos en la persistencia estudiantil. XVI Jornadas de Investigación : la excepcionalidad uruguaya en debate : ¿como el Uruguay no hay? https://dgxy.link/X6ZlL ; https://dgxy.link/YEeLo

23  Pierre Bourdieu soutient que la jeunesse « n’est qu’un mot ». Dans son ouvrage Questions de sociologie (1980), il analyse les différences entre les jeunesses en montrant que les « générations » sont constituées de groupes très hétérogènes. En éducation, ce « moratoire » marque des clivages de classe entre les héritiers et les jeunes sans avenir.

24https://dgxy.link/tQsUn ; https://dgxy.link/8f4C3

25  L’enseignant assistant est l’un des principaux acteurs pédagogiques dans les établissements. Ses tâches d’enseignement sont réalisées en équipe et en coordination avec les autres membres de l’école. Il joue un rôle de soutien permanent à l’équipe de direction, ce qui lui permet d’accompagner le processus global d’éducation des élèves. Il fait le lien entre l’établissement, la famille et d’autres institutions, et favorise la communication entre les différents acteurs.

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Pour citer cet article

Référence papier

Nilia Viscardi Etchart, « Un regard sur les facteurs qui influencent les choix éducatifs des adolescents en Uruguay »Revue internationale d’éducation de Sèvres, 97 | 2024, 155-162.

Référence électronique

Nilia Viscardi Etchart, « Un regard sur les facteurs qui influencent les choix éducatifs des adolescents en Uruguay »Revue internationale d’éducation de Sèvres [En ligne], 97 | décembre 2024, mis en ligne le 01 décembre 2024, consulté le 21 mars 2025. URL : http://journals.openedition.org/ries/16272 ; DOI : https://doi.org/10.4000/139c2

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Auteur

Nilia Viscardi Etchart

Nilia Viscardi Etchart est professeure agrégée au département de pédagogie, politique et société de la faculté des sciences humaines et de l’éducation, ainsi qu’au département de sociologie à la faculté des sciences sociales de l’Université de la République (Montevideo), en Uruguay. Docteure en sociologie, elle est chercheuse au Système national de chercheurs de l’Agence nationale de recherche et d’innovation de l’Uruguay, où elle est responsable du groupe de recherche « Violences, jeunesses et criminalité en Amérique latine ». Courriel : nilia.viscardi[at]cienciassociales.edu.uy

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