1La question de la formation et de l’accompagnement pédagogique des enseignants de l’enseignement supérieur est devenue une priorité à l’échelle internationale (Berthiaume et Rege Colet, 2013), plus spécialement encore au cours des dernières années (Demougeot-Lebel et Lison, 2022). Elle est liée entre autres à la focalisation des institutions sur la qualité des apprentissages des étudiants et sur la cohérence des programmes de formation (Bernard, 2011). Du point de vue des enseignants et des enseignants-chercheurs, leur parcours de développement professionnel, que l’on peut définir comme « un processus dynamique et récurrent, intentionnel ou non, par lequel, dans ses interactions avec l’altérité, [...] une personne développe ses compétences et ses attitudes [...] et par là enrichit et transforme son identité professionnelle » (Donnay et Charlier, 2006, p. 13), s’axe désormais non plus uniquement sur leurs compétences de chercheurs mais aussi sur leurs compétences pédagogiques (Demougeot-Lebel et Lison, 2022; Poteau, 2013).

2Pour les soutenir dans ce développement, les institutions proposent différentes mesures et actions (Daele et Sylvestre, 2016) : formations courtes, conseils individuels, financement de projets d’innovation pédagogique, accompagnement pour publier des recherches, parfois collaboratives, à propos d’expériences d’enseignement, évaluation des enseignements, organisation de communautés de pratique et de groupes d’analyse de pratiques, mise à disposition de ressources pédagogiques variées, etc. Ces différentes initiatives, souvent combinées entre elles, forment ce que nous pourrions appeler des « environnements de développement professionnel » où les enseignants et enseignants-chercheurs sont invités à développer leurs compétences par l’action, la réflexion et l’interaction avec des collègues. Cependant, la conception, la mise en œuvre, et surtout les effets de ces environnements sont encore relativement peu étudiés (De Ketele, 2010; Demougeot-Lebel et Lison, 2022; Poteau, 2013).

3Afin de réfléchir à ces enjeux, nous avons proposé un symposium dans le cadre des Rencontres du Réseau international francophone de recherche en éducation et formation. Dans le cadre de celui-ci, nous avons abordé les questions suivantes : comment définir plus précisément le développement professionnel pédagogique des enseignants du supérieur? Quelles en sont les composantes et les conditions? Pourquoi et comment des environnements de développement professionnel sont-ils conçus et mis en œuvre dans l’enseignement supérieur? Quels en sont les fondements et quels sont les dispositifs et actions qui les composent? Comment les enseignants et enseignants-chercheurs s’approprient-ils ces environnements? Quels sont les effets de ces environnements sur leur développement professionnel, ainsi que sur leurs institutions? À l’issue de nos échanges, nous avons souhaité poursuivre la réflexion. C’est ainsi qu’est né ce projet de publication commune. La pandémie étant passée par là, nous avons rencontré quelques obstacles. Toutefois, notre spécial est là! Nous vous proposons donc de découvrir le fruit de notre réflexion à travers huit articles.

4Le premier article, proposé par Amaury Daele, Annick Rossier et Silvia Sá de la Haute Ecole Pédagogique Vaud en Suisse, est intitulé « Construction de l’identité professionnelle des formateurs d’enseignants : études de cas en formation continue diplômante ». À travers des entretiens, leur recherche vise à définir l’identité professionnelle de formateurs d’enseignants du milieu scolaire dans un contexte de formation continue certifiante et à comprendre comment ces formateurs se préparent à exercer cette fonction. Ils en arrivent à relever les ruptures identitaires vécues par les formateurs, notamment par rapport à leur sentiment de légitimité face à des enseignants en formation, mais aussi par rapport à leur trajectoire personnelle.

5Le deuxième article, celui d’Isabelle Nizet, Josée-Anne Côté et Christelle Lison de l’Université de Sherbrooke au Québec, a pour titre « Le développement professionnel en évaluation des apprentissages d’enseignants du supérieur ». Par leur recherche, les auteurs souhaitaient outiller le repérage de traces de développement professionnel chez des enseignants-chercheurs de différentes disciplines, se formant en évaluation par le biais d’un cours crédité portant sur l’évaluation, offert en ligne. Les artefacts provenant de trois tâches complexes, réalisées dans le cadre de ce cours, ont été analysés en référant aux paramètres du modèle dynamique de développement professionnel de Clarke et Hollingsworth (2002) et aux dimensions identitaires et culturelles propres aux compétences évaluatives des enseignants universitaires (Nizet, 2015).

6Le troisième article, celui de Cyrille Gaudin de l’Université de Limoges en France, est intitulé « Analyse de l’expérience d’enseignants-chercheurs stagiaires dans un dispositif de vidéo-formation à la pédagogie universitaire ». Dans celui-ci, l’auteur présente les résultats d’une recherche menée auprès de sept enseignants-chercheurs stagiaires volontaires de disciplines variées. Les résultats montrent que divers types de vidéos et de contenus constituent des ressources « capacitantes » pour les enseignants-chercheurs stagiaires en termes d’immersion-projection, de satisfaction et d’apprentissage-développement professionnel. Ils confirment également l’importance de les scénariser et de respecter des principes de conception de vidéo-formation tels que l’accompagnement, l’individualisation et la progressivité.

7Le quatrième article, celui de Julitte Huez de Toulouse INP-ENSIACET en France, a pour titre « La réflexivité dans la formation des enseignants-chercheurs : quelle place dans leur développement professionnel? » Quand il est question de former les enseignants du supérieur apparaît régulièrement une référence à la démarche réflexive. Cependant, quel sens cela a pour les enseignants-chercheurs? Dans son article, l’auteure analyse comment il leur est proposé de développer la posture réflexive à travers les ressources mises à leur disposition, de même qu’un dispositif mis en place à l’échelle locale, soit l’Université Fédérale Toulouse Midi-Pyrénées.

8Le cinquième article, celui d’Anaïs Loizon et Marie David de l’Institut Agro Dijon en France, est intitulé « Environnement de travail en évolution : quel potentiel d’apprentissage et de développement pour les enseignants-chercheurs? ». Les auteures y présentent les résultats d’une recherche-intervention auprès d’enseignants-chercheurs dans le cadre de la mise en œuvre d’une pédagogie de l’alternance. Il apparaît que si la formation suivie permet de premières re-conceptualisations de l’action, elle ne saurait lever certains freins relatifs à des représentations tenues pour vraies, liées, pour exemple, au métier et rôle de l’enseignant-chercheur, à la nature des savoirs à transmettre de même que certaines limitations de l’action liées à l’environnement de travail (logique organisationnelle, institutionnelle, statutaires).

9Le sixième article, celui de Sylvia Heurtebize et Luc Ria de l’ENS-IFÉ de Lyon en France, a pour titre « Concevoir un Environnement Numérique pour la pédagogie universitaire : le programme NéopassSup ». Les auteurs y rendent compte des étapes de conception d’un environnement numérique d’aide à la compréhension et à la transformation des situations. Ils y présentent concrètement l’environnement en contextualisant sa création et en mettant à jour les présupposés théoriques et méthodologiques. Ils identifient également les composantes d’une scénarisation médiatique permettant le passage de ressources vidéo à un environnement potentiellement capable de favoriser le développement professionnel pédagogique d’enseignants du supérieur.

10Le septième article, celui de Catherine Aubouin et Gilles Monceau de CY Cergy Paris Université en France, est intitulé « La réflexivité infirmière en formation, entre injonction et allant-de-soi ». Dans les études infirmières, on retrouve principalement deux catégories de formateurs, ceux exerçant en institut de formation en soins infirmiers d’une part et les infirmiers en poste chargés du tutorat des stages d’autre part. Ils ont la charge de l’accompagnement du processus réflexif par lequel l’étudiant doit construire son auto-formation en alternance entre institut de formation et terrain de stage. Se perçoivent-ils compétents pour le faire? Les résultats font apparaître que la posture des uns et des autres a évolué, parfois les mettant en porte-à-faux, au point d’en amener certains à réinterroger leur métier et les compétences attendues pour l’exercer.

11Le huitième article, celui d’Aurélie Baudier (Haute École Francisco Ferrer), Emilie Wilmet, (Haute École Francisco Ferrer) et Sylviane Bachy (Université Libre de Bruxelles), toutes droit de Belgique, a pour titre « Implication et développement professionnel des enseignants dans de nouveaux dispositifs pédagogiques favorisant l’apprentissage du métier d’étudiant ». Cet article présente et analyse la mise en œuvre de nouveaux dispositifs pédagogiques d’aide à la réussite qui ont contribué au développement professionnel des enseignants d’un établissement de l’enseignement supérieur en Belgique francophone. Un double impact se dégagerait de ce retour d’expérience : les apprenants s’engageraient davantage dans leurs études et les enseignants changeraient leur conception du métier d’étudiant, leur approche pédagogique et leur niveau d’interaction.