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Editorial

Le vécu de l’expérience doctorale face aux transformations du doctorat : diversification des profils et professionnalisation

Elsa Chachkine et Emmanuelle Annoot

Texte intégral

1Ce numéro spécial sur le vécu de l’expérience doctorale face aux transformations du doctorat est traité par des chercheurs de différents espaces de la francophonie : Belgique, France, Canada et Luxembourg. Nous savons que les parcours doctoraux sont extrêmement diversifiés en fonction des spécificités disciplinaires, des modes de financement du doctorat, de l’encadrement doctoral reçu, de la plus ou moins longue expérience qui précède l’entrée en thèse, des perspectives professionnelles des doctorants (Millet et Annoot, 2017; Skakni, 2018). Le vécu de l’expérience doctorale est également sujet à variation tout au long d’un parcours doctoral.

2Pour comprendre et analyser ces expériences doctorales dans les multiples lieux de recherche francophones, les chercheurs de ce numéro recourent à une palette méthodologique diversifiée et à des échantillons tantôt vastes tantôt réduits, dans les deux cas habilement constitués : analyses statistiques, effectuées à partir de tests de contingence (khi-deux) à partir d’un sous-échantillon aléatoire et stratifié issu de l’Observatoire national de la Vie Etudiante (OVE) pour une recherche française, des analyses séquentielles qualitatives à partir d’entretiens semi-structurés pour une recherche belge qui analyse des trajectoires de doctorants, une recherche comparative de type expérimental entre le Canada et le Luxembourg avec un groupe contrôle et des groupes témoins pour mesurer la santé psychologique des doctorants à l’aide de l’Échelle de Santé Psychologique au Doctorat (ÉSPD) développée et validée en français par Vincent et al. (2022), ou encore l’auto-ethnographie pour raconter les épreuves de l’expérience doctorale vécue par une doctorante en sciences de gestion, non financée, mère de deux enfants, divorcée. Les approches longitudinales proposées dans 3 articles apportent de nouveaux éclairages sur la complexité des dynamiques à l’œuvre tout au long des parcours doctoraux.

3Ces diverses démarches méthodologiques et échantillons de doctorants, décrits sans exhaustivité au paragraphe précédent, permettent de saisir l’objet de recherche qu’est l’expérience doctorale face aux transformations du doctorat selon de multiples facettes. Cet objet de recherche nous semble essentiel pour plusieurs raisons.

4D’une part, le doctorat connait de profondes mutations ces dernières décennies, en Europe, au Canada et plus largement encore. Diplôme essentiellement réservé à l’accès aux fonctions d’enseignant-chercheur dans le champ universitaire durant la période de massification de l’enseignement supérieur dans les années 1960 et 1970, période qui a permis d’employer un nombre exceptionnel de détenteurs de doctorats, lesquels ont pu perpétuer l’idée d’un accès facile à des postes universitaires (Gingras et Gemme, 2006), le doctorat ouvre désormais à de nouvelles perspectives professionnelles dans un contexte concurrentiel pour l’accès aux emplois académiques. Cette ouverture des débouchés professionnels, contrainte ou souhaitable, n’est pas forcément comprise des enseignants-chercheurs comme des doctorants.

5D’autre part, la conséquence de cette ouverture professionnelle à d’autres secteurs professionnels que le monde académique est que les formations doctorales, que celles et ceux qui les accompagnent, sont incités à faire découvrir à leurs doctorants d’autres champs professionnels pour leur insertion professionnelle et doivent permettre de développer d’autres compétences que celles de chercheurs. Ces incitations ont été appuyées en Europe par les déclarations de Bergen (2005), qui ont invité les universités à promouvoir dans leurs programmes doctoraux une « formation interdisciplinaire et le développement de compétences transférables, qui répondent par là-même aux besoins du marché de l’emploi le plus large » (p. 3). Il ne s’agit donc plus de former des chercheurs ou des enseignants-chercheurs mais d’accroitre la part de docteurs dans le secteur privé, dans les organisations internationales, la fonction publique (territoriale, dans des ministères, etc.) ou encore les associations.

6Une autre transformation importante est liée à la massification de l’enseignement supérieur. Pour le doctorat, il s’agit d’une tendance internationale depuis 30 ans, qui conduit à une diversification et à une féminisation des profils. Le profil type du doctorant, qui était traditionnellement plutôt celui d’un homme, jeune, célibataire, a laissé la place à des doctorants plus âgés, dans la trentaine et la quarantaine, en couple et avec des enfants (Taylor, Kiley et Humphrey, 2018).

7En résumé, ces transformations, décrites dans ce numéro, ont de profondes répercussions sur les raisons pour lesquelles les doctorants s’engagent aujourd’hui en doctorat, vivent le doctorat et le valorisent. En outre, nous employons dans le titre le terme « d’expérience doctorale » en référence aux travaux de Denis Berthiaume, Mélanie Bosson, Verity Eltson et Isabelle Skakni (2020). Les auteurs insistent à travers cette terminologie sur le caractère multidimensionnel du doctorat. L’expérience doctorale réfère au diplôme de doctorat, au programme de formation, aux articles produits, à l’accompagnement doctoral reçu, mais aussi plus largement aux conditions dans lesquelles s’effectue la recherche.

8L’expérience doctorale et le dispositif vécu, au sens d’Albero (2018), présentent certaines similitudes. Tous les deux concernent ce que vivent les différents acteurs qui sont toujours des sujets actifs animés par des valeurs, des manières de penser, de faire et d’être singulières. Le dispositif doctoral (les formations, l’activité de recherche, les socialisations à la recherche), dans sa dimension vécue, renvoie, au socio-relationnel, aux émotions, au subjectif des différents acteurs dans leurs actions et leurs interactions, au cours de sa mise en œuvre au quotidien (Albero, 2018).

  • 1 En France, c’est le terme « d’encadrement doctoral » dans le langage courant qui est utilisé pour p (...)

9Les contributions des auteurs à ce numéro thématique s’appuient sur les témoignages ou sur l’expression de doctorantes et de doctorants. Ce n’est donc pas le point de vue de ceux qui orientent les politiques institutionnelles relatives au doctorat, ni celui des directrices1 et directeurs de recherches sur leur manière d’accompagner les doctorants (Chachkine, 2023), ni même celui des concepteurs de parcours doctoraux qui est analysé, mais bien le point de vue des principaux acteurs, doctorants et doctorantes vivant leur expérience doctorale dans un contexte en transformation. Plus précisément, les articles de ce numéro portent soit sur l’expérience doctorale, cette dernière étant susceptible d’inclure l’ensemble des expériences vécues personnelles, professionnelles de la doctorante, du doctorant, soit sur le dispositif vécu par les doctorants. L’expérience doctorale n’est pas la somme des seules expériences valorisables dans un parcours doctoral ou un dispositif doctoral. En cela, elle peut inclure une maternité, un divorce, au même titre que l’activité d’écriture d’un article ou d’un chapitre de livre.

10Les cinq premiers articles apportent des réponses aux questions relatives aux transformations du doctorat telles qu’elles sont vécues par les doctorants. Comme souligné plus haut, on note depuis 30 ans une diversification des profils de doctorants. De plus nombreux candidats sont issus de milieux socio-économiques moins avantagés qu’auparavant (Wakeling et Harpden-Thomson, 2013). Or, les bourses doctorales en sciences humaines sont peu nombreuses, nécessitant, bien souvent, pour celles et ceux qui s’engagent dans un doctorat, de cumuler, en plus de la recherche doctorale, un emploi sans forcément de lien avec la recherche menée. Le financement du doctorat est-il un paramètre essentiel pour le bien-être et la satisfaction des doctorants? Pour l’accomplissement de leur recherche? Plus généralement, quels sont les éléments essentiels pour les doctorants dans leur trajectoire doctorale, qu’ils soient allés au bout ou non de leur doctorat?

11Le premier article, de Marion Tavant, Julien Berthaud et Jean-François Giret est intitulé « Conditions de vie et expérience doctorale en France ». Alors que les transformations de l’enseignement supérieur et la professionnalisation du doctorat ont fait émerger de nouveaux profils de jeunes chercheurs, cet article vise à étudier l’hypothèse d’une forte segmentation des expériences doctorales. La satisfaction du doctorat et la santé mentale mesurée pour cette dernière selon les indicateurs du Mental Health Inventory composés de cinq signes (Heureux, Calme et détendu, Très nerveux, Triste et abattu, Si découragé que rien ne remonte le moral) sont étudiées à partir des conditions de vie des doctorants en tenant compte du mode de financement de la thèse et en proposant six profils de doctorants. Le terrain empirique, s’appuyant sur l’enquête « Conditions de vie des étudiants 2020 » de l’observatoire de la vie étudiante en France (OVE), présente l’intérêt, avec son échantillon de 636 doctorants universitaires, de corroborer certains résultats obtenus dans l’enquête française du Réseau National des Collèges Doctoraux (Pommier et al. 2023), en les précisant et les nuançant.

12Le deuxième article de Mariane Frenay, Gentiane Boudrenghien, Christelle Devos, Nicolas Van der Linden, Olivier Klein, Assaad Azzi, Benoit Galand est intitulé « Et si j’avais choisi mon sujet de thèse? Analyse de trajectoires menant à l’obtention ou l’abandon au doctorat ». L’article s’attache à comprendre les différentes trajectoires de doctorat qui peuvent, selon les cas, se terminer par un abandon. De nombreuses études explorent les variables potentiellement explicatives, souvent de manière isolée ou sans mesurer de manière fine leurs interactions ou encore sans prendre en compte le temps long du doctorat. Or, l’article répond à ce manque en se basant sur 21 entretiens approfondis d’anciens doctorants dont 13 n’ont pas été jusqu’au bout du parcours. L’analyse qualitative de ces parcours fait émerger sept trajectoires différentes, qui se déclinent dans toute leur complexité et leur temporalité et qui permettent, toutes trajectoires confondues, d’identifier les éléments les plus importants d’un parcours pour les doctorants.

13Par ailleurs, les doctorants, tout au long de leur parcours, doivent non seulement se former à la recherche en suivant des formations, en fréquentant divers lieux où la recherche s’effectue, etc. et produire des savoirs - et plus seulement être consommateurs de savoirs. Ces savoirs doivent être communiqués selon plusieurs canaux, en français comme en anglais : articles, communications dans des colloques, par exemple, ces diverses manières de communiquer devant être apprises. Comment ces exigences plurielles de l’activité doctorale sont-elles vécues sur le plan émotionnel par les doctorants? Quelles émotions lors du processus d’acquisition et de création de savoirs complexes par les doctorants tout au long d’un parcours? On note, par ailleurs, en plus de la diversification socio-économique des doctorants, une féminisation des profils en Europe et en Amérique du Nord, remarquée par Halse et Mowbray (2011) ou encore Okahana et al.(2016). Quels sont les obstacles auxquels sont confrontées les femmes qui s’engagent dans ce qui s’annonce souvent comme un parcours éprouvant face à la pression sociale liée au travail lorsqu’elles sont salariées et aux rôles familiaux? (Aitchison et Mowbray, 2013). Enfin, lorsque les femmes parviennent à être docteures, le nombre de docteures effectivement employées comme chercheuses est nettement inférieur à celui des hommes, comme c’est par exemple le cas en Europe avec 28 % de docteures contre 53 % de docteurs (Eurostat, 2021). Comment ces différences sont-elles vécues? Y at-il des obstacles liés au genre durant le parcours doctoral?

14Le troisième article est celui de Line Fischer et Marc Romainville intitulé « Ma thèse en 7 émotions » et porte sur les émotions épistémiques – qui sont en lien avec le processus d’acquisition et de création d’informations complexes – ressenties par les doctorants durant leur parcours de thèse, dont le rôle n’a que peu été étudié jusqu’à aujourd’hui. A partir de huit entretiens menés auprès de doctorants en sciences humaines et sociales analysés, la recherche vise à explorer la manière dont les sept émotions épistémiques répertoriées dans la littérature sont vécues par cet échantillon de doctorants ainsi que les dispositifs d’accompagnement doctoraux qu’ils perçoivent comme contribuant, ou non, à leur régulation.

15Le quatrième article de Céline Mahieu et d’Emmanuelle Annoot est intitulé « L’expérience doctorale de femmes : analyse à la lumière de l’engagement ». Dans le contexte actuel d’universitarisation, un intérêt est porté à l’engagement croissant en doctorat des sages-femmes enseignantes françaises, groupe professionnel quasi-exclusivement féminin (97,2 % des sages-femmes françaises sont des femmes). Dans cet article, l’engagement en doctorat de ces femmes est évalué en référence à leur expérience vécue et les auteures identifient les facteurs ayant une influence sur cet engagement. L’étude repose sur une méthodologie qualitative longitudinale comprenant deux séries d’entretiens auprès de 15 sages-femmes enseignantes doctorantes à un an d’intervalle. L’analyse montre un engagement fort de cette population tant au niveau comportemental, que cognitif et émotionnel.

16Aux obstacles liés aux responsabilités parentales pendant la thèse peuvent s’ajouter le fait de s’atteler à un nouveau format de thèse, telle que la thèse sur travaux. Trouver une cohérence épistémologique à une thèse sur travaux est complexe, de même que légitimer ce format de thèse dans certaines communautés scientifiques. Le cinquième article de Sandrine Le Pontois et de R. Duncan M. Pelly intitulé « ‘"Telle est ma quête, suivre l’étoile" : auto-ethnographie d’une expérience doctorale en management » relate, selon une approche auto-ethnographique, diverses épreuves de l’expérience doctorale d’une apprentie-chercheuse. La construction de l’identité professionnelle académique est décrite au prisme de ces épreuves traversées pendant la thèse mais aussi l’après thèse.

17L’exigence de professionnalisation des doctorants, en Europe sous l’impulsion du processus de Bologne, en France avec les arrêtés sur le doctorat de 2016 et 2019, ou encore au Canada avec le développement des doctorats professionnels, a nécessité de « (re)penser » les dispositifs de formation doctorale. Les dispositifs doctoraux peuvent inclure des formations, une socialisation à la recherche, une valorisation d’activités de recherche ou encore des accompagnements par d’autres chercheurs que le superviseur ou le directeur de thèse. Les deux derniers articles portent une attention particulière à certains dispositifs d’accompagnement des doctorants et à la manière dont ceux-ci les perçoivent : des dispositifs qui visent le bien-être des doctorants pour renforcer leur sentiment d’appartenance à une communauté scientifique, condition de la réussite de leur parcours et des dispositifs qui incitent les doctorants à penser leur avenir professionnel en envisageant d’autres carrières que les carrières académiques. Dans ces deux cas, les superviseurs ou directeurs de thèse ne sont plus les seuls à accompagner les apprentis-chercheurs dans la construction de leur posture de chercheur pour les professionnaliser aux métiers de chercheur ou encore pour les aider à développer des compétences transférables et valorisables hors du champ académique. De quelle manière les doctorants perçoivent-ils cette nouvelle offre de formation? Le fait d’envisager le doctorat comme un moyen d’insertion professionnelle hors du champ académique se heurte-t-il aux représentations des doctorants qui s’engagent dans un parcours doctoral notamment en sciences humaines et sociales? Une fois le parcours doctoral traversé, comment est vécue la transition de l’après doctorat? L’après thèse est-il facilité?

18Le sixième article est celui de Cynthia Vincent et d’Eve Lejot, il est intitulé « Des groupes de rédaction académique pour favoriser la professionnalisation scientifique des doctorants ». Le doctorat implique des exigences grandissantes en termes de professionnalisation scientifique. Il est notamment attendu des doctorants qu’ils contribuent à la communauté scientifique, un défi majeur pour ces derniers qui éprouvent un manque de soutien, qui peut être à l’origine d’une faible santé psychologique. En réponse à cette problématique, divers dispositifs d’accompagnement doctoral sous forme de groupes de rédaction académique ont récemment été conçus au Canada et en Europe, dont les retraites de rédaction Thèsez-vous canadiennes et les séminaires de rédaction de l’Université du Luxembourg. La présente étude vise à comparer comment ces deux dispositifs d’accompagnement doctoral peuvent influencer le sentiment de communauté scientifique et la santé psychologique de doctorants.

19Le septième article est celui de Teele Tõnismann et d’Alexandre Bran, il est intitulé « Rationalité des transitions postdoctorales : conflits entre les représentations, ressources, et vécus des doctorants et des titulaires de doctorat ». La formation doctorale, désormais orientée vers la préparation à des carrières variées au-delà du milieu académique, a fait l'objet de réformes visant à diversifier ses débouchés. Cependant, des incertitudes persistent quant à la perception, la préparation, et l'expérience de la transition postdoctorale, ainsi qu'aux ressources et contraintes qui y sont associées. Dans la lignée des approches institutionnelles (Ecclestone et al., 2010; Gale et Parker, 2014), les auteurs conceptualisent la transition postdoctorale et montrent l’écart significatif entre les objectifs et dispositifs des politiques publiques et les aspirations et pratiques des doctorants et docteurs, notamment en sciences humaines et sociales.

20Les articles de ce numéro apportent une contribution essentielle à la recherche en pédagogie universitaire sur le doctorat, un champ longtemps peu exploré au profit des premiers cycles en francophonie. Dès 2015, la conférence de consensus sur la réussite dans l’enseignement supérieur en France (Annoot, 2016) soulignait la nécessité d’explorer les enjeux spécifiques des troisièmes cycles, marqués par des parcours diversifiés et des facteurs institutionnels déterminants. Au cours de ces dernières années, de telles recherches se sont déployées, en considérant la diversité des publics inscrits pour la préparation d’un doctorat, les travaux des équipes belges ayant été précurseurs avec leurs travaux sur la supervision doctorale (Frenay et Romainville, 2013; Devos et al., 2015) ou les travaux québécois sur la direction de thèse (Lison, 2016).

21Nous nous réjouissons que ces questions vives fassent l’objet de publications internationales par des chercheurs de cultures disciplinaires différentes. C’est à cette condition que les multiples dimensions des expériences apprenante et de réussite des doctorants peuvent être analysées en profondeur et selon des angles différents. Les articles s’appuient implicitement sur deux autres constats effectués par le jury de la conférence de consensus. D’une part, le terme de réussite est polysémique (Annoot, 2016) : réussir son parcours doctoral, c’est à la fois soutenir sa thèse et devenir docteur, c’est-à-dire « être diplômé », « effectuer un apprentissage en profondeur » et « s’enrichir d’apports intellectuels » pour produire de la connaissance, se développer pour « s’insérer professionnellement » (Annoot, 2016, p. 6) et plus largement, en tant qu’adulte, donner du sens à son parcours dans un contexte social et économique donné. D’autre part, tout comme le rapport du jury de la conférence, les articles accordent de l’importance « aux situations de fragilité des étudiants susceptibles d’avoir un impact sur leur réussite académique : santé (notamment psychologique), difficultés financières aggravées, impact de la mobilité quotidienne » (Annoot, 2016., p. 9) mais aussi inégalités liées au genre. Mettre au jour cet envers du décor de la réussite; en avoir conscience, c’est continuer de travailler à la mise en place d’environnements facilitants la réussite et de peser sur les politiques institutionnelles.

22Pour conclure, nous espérons que ce numéro apportera une contribution significative à la compréhension du vécu des expériences doctorales des doctorants face aux transformations du doctorat, car cette compréhension est essentielle pour penser la formation doctorale et l’accompagnement des doctorants. Une autre transformation du doctorat, effleurée dans ce numéro, mériterait d’être explorée dans les travaux sur le doctorat : l’abandon progressif des thèses monographiques au profit d’autres formats de thèse, celui de la thèse par articles notamment. Cet abandon progressif de la thèse monographique pose des questions de fond sur la conception de la recherche et de sa valorisation dans nos sociétés, telles que l’importance accordée à l’évaluation bibliométrique de la recherche et la dévalorisation de certains types de publications ainsi qu’une possible logique productive au détriment d’une logique formative des parcours doctoraux. Les « nouveaux » formats de thèse posent par ailleurs leur lot de questions pratiques, sur la définition de critères de qualité partagés, de reconnaissance variable dans la société, y compris dans les établissements d’enseignement supérieur et de recherche, ou encore sur la durée de la thèse du fait que les thèses par articles sont soumises aux exigences des revues et à leurs délais de publication. Cette évolution des formats de thèses appelle de nouvelles réflexions approfondies sur ce qu’elle implique pour la formation et l’accompagnement à la recherche, le vécu de l’expérience doctorale et postdoctorale.

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Bibliographie

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Wakeling, P. et Hampden-Thompson, G. (2013). Transition to higher degrees across the UK: an analysis of national, institutional and individual differences. Higher Education Adademy.

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Notes

1 En France, c’est le terme « d’encadrement doctoral » dans le langage courant qui est utilisé pour parler de la pratique des directeurs et directrices de thèse. En Belgique, c’est le terme de « supervision doctorale », emprunté à l’anglais doctoral supervision mais c’est le terme de promoteur ou promotrice de thèse qui est choisi pour désigner la personne qui accompagne. En Suisse, l’université de Genève opte pour le terme de « supervision doctorale », l’université de Fribourg pour celui d'« encadrement doctoral » et toutes deux adoptent le terme de superviseur pour la personne qui supervise le travail de recherche. Le Luxembourg semble avoir, lui, pleinement intégré la dimension collective de la formation et l’accompagnement à la recherche et c’est le terme de « comité d’encadrement » qui a été choisi; chaque membre du comité est nommé « directrice ou directeur de recherche ». Au Québec, le terme « d’encadrement doctoral » à l’écrit semble dominer mais, à l’oral, celui de « supervision doctorale » l’emporte, sous l’influence probable de l’anglais; la personne qui encadre est une directrice ou directeur de recherche.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Elsa Chachkine et Emmanuelle Annoot, « Le vécu de l’expérience doctorale face aux transformations du doctorat : diversification des profils et professionnalisation »Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur [En ligne], 41(1) | 2025, mis en ligne le 13 mars 2025, consulté le 15 mars 2025. URL : http://journals.openedition.org/ripes/5965 ; DOI : https://doi.org/10.4000/13gp1

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Auteurs

Elsa Chachkine

Laboratoire Formation et Apprentissages Professionnels (FoAP), Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), elsa.chachkine@lecnam.net

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Emmanuelle Annoot

Centre Interdisciplinaire de Recherche Normand en Éducation et Formation (CIRNEF), Normandie université, France, emmanuelle.annoot1@univ-rouen.fr

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