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Marginalité avancée et politiques urbaines

Une lecture située de Parias urbains au prisme de la gentrification urbaine
Mathieu Van Criekingen
p. 41-54

Résumés

La lecture de Parias urbains est de celles qui font du bien pour qui cherche à développer une analyse critique des modalités contemporaines de l’urbanisation capitaliste, soit une analyse qui vise à démêler l’écheveau des rapports de pouvoir, des hiérarchies sociales et symboliques, et des formes de résistance qui concourent à façonner les territoires urbains. Elle l’est d’autant plus si l’on porte l’attention, en particulier, sur la gentrification des quartiers populaires, ensemble de processus qui compliquent désormais grandement les trajectoires socio‑résidentielles des classes populaires. À ce propos, l’exhortation de Loïc Wacquant à repenser le rôle de la puissance publique – l’État – comme déterminant essentiel de la (co) production des inégalités sociales et territoriales, dans la ville et entre villes, vient particulièrement à propos. Cette perspective est, en effet, indispensable pour battre en brèche la représentation aujourd’hui très en vue de la gentrification comme « phénomène » inscrit dans la normalité de la « mondialisation urbaine » et qu’il s’agirait, pour les pouvoirs publics, d’encourager et d’encadrer en vue du « sauvetage » des « quartiers en crise ». Pensée comme processus d’adaptation de l’espace urbain à l’état actuel des rapports de classes, la gentrification est indissociable de politiques publiques qui permettent cette adaptation et la légitime.

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Texte intégral

  • 1 Maurizio Cohen, L’Escaut introduces openness and a strong visual presence into a typical industrial (...)

1« Gentrification positive à Molenbeek » : ainsi est titré un article commentant l’avancement d’un projet de reconversion du site d’une ancienne brasserie du XIXe siècle dans un quartier ouvrier et populaire de Molenbeek, l’une des communes centrales comptant parmi les plus pauvres de l’agglomération bruxelloise. Le projet, entièrement financé par des fonds publics, s’articule autour de la production d’un ensemble d’une trentaine de logements et d’espaces de travail à loyers modérés et à destination d’artistes1. L’article, publié à l’été 2010 dans un trimestriel édité par la Direction générale de la Culture du Ministère de la Communauté française de Belgique et distribué auprès des professionnels de l’art, rend compte en ces termes de la stratégie présidant au projet :

  • 2 Victor Brunfaut, « Gentrification positive à Molenbeek », L’Art même, 2010, 48, p. 23 (je souligne)

[…] il s’agit d’offrir au quartier un bâtiment phare, une nouvelle dimension identitaire. Cette dimension est tant formelle (le projet affirme sa présence jusque sur le canal, par une tour dont les formes affichent un caractère de « contemporanéité » qui cadre particulièrement bien dans le paysage d’architecture industrielle qu’elle vient compléter) que programmatique, l’idée étant d’utiliser la vertu transformatrice de la présence d’artistes pour infléchir l’image du quartier. Dans ce sens, la gentrification est offerte comme une « fenêtre » pour un quartier dont on dit qu’il se morfond dans « l’assistantialisme » [sic]. On comprend combien le succès d’un tel projet dépendra fortement, au-delà de l’architecture, du sens que prendra cette ouverture pour les habitants et les riverains2.

  • 3 Mathieu Van Criekingen et Jean-Michel Decroly, Le Plan de Développement International de Bruxelles (...)

2Deux ans plus tôt, surgissait dans l’espace public bruxellois un rapport commandité par le gouvernement régional à une firme internationale de consultance pour l’élaboration d’un nouveau plan stratégique d’aménagement de la ville, nommé « Plan de Développement International3 ». Dans son chapitre « Politique du logement et mixité sociale », ce rapport énonçait la stratégie envisagée au chapitre de la politique de l’habitat en ces termes :

  • 4 Pricewaterhousecoopers, Plan de Développement International de Bruxelles – Schéma de base, Rapport (...)

Une politique de l’habitat qui préserve l’accès au logement de ses habitants est également un point important dans le cadre du Plan de Développement International. Tous les plans internationaux des grandes villes gagnantes en ont fait un axe majeur de leur développement. Le développement international de Bruxelles ne peut se faire dans une ville fuie par ses classes moyennes et où le logement de qualité est inaccessible. La mixité sociale doit également être un des fils conducteurs du développement urbain à Bruxelles. Il s’agit d’assurer des flux sortants des zones d’interventions prioritaires pour éviter le confinement de la pauvreté dans des ghettos sociaux et d’assurer des flux entrants en stimulant l’installation des classes moyennes dans les zones d’interventions prioritaires. Dans ce sens, l’objectif est de poursuivre une politique volontariste de soutien à l’installation de ménages à revenus moyens dans les zones d’intervention prioritaires afin de réduire le déséquilibre territorial…4.

  • 5 Neil Smith, “New urbanism, new globalism : gentrification as global urban strategy”, Antipode, New (...)
  • 6 Jean-Yves Authier et Catherine Bidou-Zachariasen, « Éditorial. La question de la gentrification urb (...)
  • 7 Alain Bourdin, « La gentrification : un “concept” à déconstruire », Espaces et Sociétés, 2008, 132- (...)

3Loin d’être anecdotiques, ces deux fragments donnent à voir des signes très explicites de l’inclusion croissante de la gentrification dans les représentations et les stratégies contemporaines de rénovation urbaine et de gouvernement de la ville. Bien que situés dans un ensemble de contingences socio‑spatiales et politiques propres à Bruxelles, ils font plus largement écho à une tendance lourde, observée dans de multiples contextes institutionnels et urbains, de montée en puissance de dispositifs d’action publique sur la ville plaçant la promotion de la gentrification parmi ses objectifs essentiels5. Une représentation de la gentrification comme « projet », « vision de développement » ou solution politique à apporter aux « quartiers en crise » paraît s’imposer largement, dans un contexte où les normes de gouvernement de la ville se sont rapprochées de celles de la gouvernance d’entreprise (communication, rentabilité, image de marque, monitoring…) et où les élites politiques paraissent frappées par l’angoisse du déclassement de « leur » ville dans une course effrénée à la séduction de capitaux, de grands événements et de catégories choisies d’habitants. Ces évolutions poussent à adopter une conceptualisation renouvelée et élargie de la gentrification, non limitée à la description de processus sporadiques de réhabilitation de quartiers anciens populaires pour ou par des classes plus aisées6, à l’exact opposé de la position défendue, notamment, par Alain Bourdin7. La gentrification est désormais à interpréter à la fois comme processus de transformation de quartiers et comme dispositif de politique urbaine. En d’autres termes, la gentrification s’affirme à l’époque contemporaine comme un processus à facettes multiples d’élitisation de la composition sociale de territoires urbains et de transformation des paysages bâtis par suite d’un réinvestissement (en capitaux et en symboles) orchestré par des alliances entre pouvoirs politiques et intérêts capitalistes privés.

  • 8 Tom Slater, “The eviction of critical perspectives from gentrification research”, International Jou (...)
  • 9 Loïc Wacquant, “Relocating Gentrification: The Working Class, Science and the State in Recent Urban (...)
  • 10 Loc. cit., p. 198.

4Dans un texte récent, prenant place dans une suite de réactions à un article pointant, pour les dénoncer, « l’éviction des perspectives de recherche critique sur la gentrification8 » et la généralisation concomitante d’analyses posées en termes dépolitisés de « régénération » ou de « revitalisation » urbaine, Loïc Wacquant9 exhorte les chercheurs attentifs aux transformations contemporaines des configurations sociologiques, géographiques ou politiques des villes à s’inscrire dans ce renouveau des perspectives critiques d’analyse de la gentrification. Pour Loïc Wacquant, la raison principale de l’effacement des perspectives de recherche critique sur la gentrification – soit « the gentrification of recent gentrification research10 » – est d’abord à chercher dans les tendances à la déprolétarisation de la classe ouvrière, c’est-à-dire, la diversification des dimensions de précarité (en termes d’emploi, d’éducation, de logement…) imposées au prolétariat urbain par le déploiement du régime de marginalité avancée inscrit dans le développement de la configuration néolibérale du capitalisme. Selon Loïc Wacquant, cette fragmentation multidimensionnelle de la classe ouvrière a permis et accéléré la marginalisation puis l’invisibilisation de celle‑ci dans les champs politique et intellectuel. Pour sortir la recherche sur la gentrification, et plus largement sur la ville, de ce mauvais pas, il insiste en particulier sur la nécessaire (re)prise en compte dans l’analyse du rôle joué par les pouvoirs publics dans la production sociale des espaces urbains :

  • 11 Loc. cit., p. 202-203 (ma traduction).

Il est grand temps que les recherches sur la gentrification reconnaissent que le déterminant essentiel de la répartition des populations, des ressources et des institutions dans la ville est l’État… Mais le rôle de l’état dans la gentrification ne se limite pas à la construction et l’allocation de logements ou aux mesures de soutien de l’accès à la propriété : il s’étend à la vaste gamme des dispositifs d’intervention qui ont un impact sur la vie urbaine, de la maintenance d’infrastructures aux politiques d’éducation et transport, du financement d’infrastructures culturelles au maintien de l’ordre11.

  • 12 Jens Sambale et Volcker Eick, “Gentrification in Berlin and the revanchist state, interview with Ne (...)

5En somme, il y a aujourd’hui bien davantage à décrire et interpréter au sujet de la gentrification que « Poor people move out, rich people move in Fancy English word for common stuff12 ».

  • 13 Loïc Wacquant, Parias urbains. Ghetto, banlieues, État, Paris, La Découverte, 2006.

6Dans la suite de ce texte, je souligne le caractère heuristique de cette perspective de recherche (re)positionnant les pouvoirs publics comme producteurs primordiaux des configurations socio-spatiales (péri)urbaines. En cela, le travail de Loïc Wacquant, tel qu’en particulier rendu dans Parias urbains13, gagne à être approprié pour mener l’analyse des processus et politiques contemporains de gentrification urbaine, ainsi que, plus largement, comme socle de recherches critiques sur les transformations en cours des géographies sociales des villes. Dès lors, il s’agira ici bien moins d’une exégèse savante que d’une lecture située de Parias urbains, motivée par la recherche d’outils conceptuels et de démarches empiriques qui puissent faire progresser la compréhension des transformations contemporaines des espaces urbains.

  • 14 Neil Brenner, Peter Marcuse, Magrit Mayer, “Introduction”, City, 2009, special issue “Cities for pe (...)

7Parias urbains constitue à mes yeux un travail de recherche sur la ville occidentale contemporaine qui éclaire au moins autant qu’il n’aide à questionner plus avant les transformations en cours des espaces urbains – dont la gentrification. Cette double qualité est à relier à l’ancrage de l’ouvrage dans la perspective des études urbaines critiques, champ épistémologique diversifié par-delà les frontières disciplinaires14. La trame de recherche développée par Loïc Wacquant conduit, en effet, à penser les structurations sociales, politiques ou économiques des espaces urbains, et leurs transformations contemporaines, comme objets et enjeux de rapports de force entre classes ou fractions de classes. La production des espaces urbains – c’est‑à‑dire le « faire la ville » – est ainsi problématisée comme activité sociale conflictuelle, mettant en présence des désirs, des intérêts et des ambitions variées, et le plus souvent contradictoires. Analyser l’espace urbain appelle ainsi en première instance à démêler l’écheveau des rapports sociaux de pouvoir, de domination et de résistance qui concourent à le façonner, dans ses multiples dimensions : production matérielle de formes bâties, prescription de fonctions ou d’usages privilégiés sur telle ou telle portion du territoire, construction et projection de représentations dominantes de la ville… Les études urbaines critiques invitent également à considérer les transformations des espaces urbains comme un enjeu de ces rapports sociaux. En structurant la réalité urbaine collective en fonction d’intérêts propres, certaines élites renforcent des positions dominantes dans le corps social, en s’appuyant sur la mobilisation de ressources propres – dont le pouvoir d’institutions politiques, technocratiques, financières, culturelles ou médiatiques. En parallèle, des catégories sociales « émergentes » cherchent dans l’investissement d’interstices urbains un levier de construction de promotion dans le corps social. De même, certains corps professionnels (ingénieurs, architectes, publicitaires…) peuvent chercher à acquérir une position sociale supérieure via la légitimation progressive de leur rôle « d’expert » dans divers dispositifs de production, matérielle ou discursive, des espaces urbains. D’autres groupes, enfin, voient leur relégation dans l’espace urbain venir sanctionner et approfondir leur marginalisation dans le corps social. « Parias urbains » met particulièrement l’accent sur ce dernier volet. Loïc Wacquant y parle adéquatement de « quartiers de relégation », dénomination bien plus appropriée que celle, largement dominante dans le cadre bruxellois, de « quartiers défavorisés », dès lors que la relégation est subie et renvoie au structurel tandis que « défavorisé » laisse planer le doute sur les responsabilités.

  • 15 Voir Erik Swyngedouw, “The post-political city”, in BAVO (s.l.d.), Urban politics now. Re-imagining (...)

8De la sorte, l’analyse développée dans Parias urbains me paraît extrêmement utile en termes épistémologiques, ne fût-ce qu’à deux égards. D’une part, le type d’analyse déployé par Loïc Wacquant permet de dépasser les perspectives réduisant la question des transformations contemporaines des espaces urbains à leur technicité, laissant à penser que « faire la ville » n’impliquerait qu’une succession d’actes techniques maîtrisés par des experts détachés de tout ancrage social ou de toute idéologie, qu’ils soient architectes-urbanistes, gestionnaires d’infrastructures urbaines, professionnels du city marketing, défenseurs du patrimoine… Il y a bien un enjeu très actuel à se dégager d’une telle perspective, dès lors que s’affirment avec toujours plus de force les représentations dépolitisées de la « (bonne) gouvernance urbaine » et du « (bon) projet urbain » comme (bonne) réponse universelle à apporter aux « quartiers en crise15 ».

  • 16 Loïc Wacquant, Parias Urbains, op. cit., p. 278.

9D’autre part, cette perspective permet de battre en brèche la pléthore de métaphores vitalistes de l’urbain, assimilant la ville à un organisme animé par un flux vital et les politiques urbaines à des mesures de saine gestion du « corps urbain », parmi lesquelles la « revitalisation » de son « cœur » figure en tête de liste. Plutôt, comme le souligne Loïc Wacquant dans l’extrait reproduit ci‑dessus, les transformations en cours des espaces urbains, notamment dans les quartiers centraux en voie de réinvestissement, ont leurs ressorts essentiels ancrés dans les modes contemporains de régulation des géographies sociales, économiques et politiques des villes. Dans Parias urbains, Loïc Wacquant donne à cet argument une ampleur plus grande encore, dès lors qu’il met en exergue le rôle actif joué par l’État, à travers divers dispositifs d’intervention, dans la production des ségrégations socio‑spatiales à l’échelle urbaine : « il est impératif de rapatrier l’État à l’épicentre de la sociologie comparée de la marginalité urbaine comme une institution génératrice et non pas curative des problèmes dont les quartiers de relégation sont à la fois le réceptacle, le creuset et l’emblème16 ».

  • 17 Neil Brenner, Nik Theodore, Spaces of Neoliberalism, Oxford, Blackwell, 2002 ; Frank Moulaert, Aran (...)

10Cette prise de position compose une exhortation à analyser les politiques dites « de la ville » (rénovation urbaine, sécurisation des espaces publics, grands projets urbanistiques, campagnes de city marketing…) en se dégageant de schémas de pensée qui positionnent les pouvoirs publics comme acteurs purement réactifs, tentant de tirer parti ou de corriger tant bien que mal des dynamiques impulsées par les forces lointaines, inéluctables et finalement impalpables de la compétition interurbaine. Il s’agit tout au contraire de considérer le rôle de la puissance publique dans la (co)(re)production des inégalités à l’échelle urbaine dans le cadre de la montée en puissance des « nouvelles politiques urbaines » d’inspiration néolibérale17. S’ouvre ainsi tout un chantier d’analyse du rôle de ces politiques urbaines en matière d’encadrement, d’encouragement, voire d’initialisation de processus de gentrification.

  • 18 Peter Marcuse, “Abandonment, gentrification and displacement: the linkages in New York City”, in Ne (...)
  • 19 Loïc Wacquant, Parias Urbains, op. cit., p. 206.
  • 20 Mathieu Van Criekingen, “Towards a geography of displacement. Moving out of Brussels’ gentrifying n (...)

11On pourrait objecter à cet égard que les terrains empiriques travaillés par Loïc Wacquant dans Parias urbains ne sont pas à proprement parler affectés de manière franche et directe par des processus de gentrification. Ni le South Side ni La Courneuve ne figurent en effet parmi les quartiers les plus prisés par les acteurs de la gentrification à Chicago ou à Paris. Loïc Wacquant fait d’ailleurs une mention minimale au thème de la gentrification dans Parias urbains. S’en tenir à ce constat conduirait néanmoins à jeter un voile sur les effets indirects et induits de la gentrification18, et ainsi à ignorer la place des quartiers de relégation étudiés par Loïc Wacquant dans le système urbain. Ces quartiers se profilent en effet comme réceptacles ou derniers recours des populations s’efforçant de conserver leur résidence en ville mais désormais incapables d’accéder aux espaces centraux ou péricentraux réinvestis, ou de s’y maintenir. Loïc Wacquant utilise l’image du « déversoir19 » pour qualifier une fonction remplie par les quartiers de banlieue des villes françaises pour les fractions inférieures de la classe ouvrière depuis les années 1960. À Bruxelles, l’analyse du profil et de la destination des migrants quittant les quartiers centraux en voie de gentrification a montré que les ménages les moins nantis parmi eux tendaient à se relocaliser dans les quartiers populaires les moins côtés, y accentuant de fait la concentration de la pauvreté20. Quartiers en voie de gentrification et quartiers de relégation connaissent donc des fortunes intimement liées.

  • 21 Anne Clerval et Antoine Fleury, « Politiques urbaines et gentrification, une analyse critique à par (...)
  • 22 Christian Dessouroux, La Production des espaces publics dans la ville contemporaine. Enjeux, acteur (...)

12Cela dit, le travail de Loïc Wacquant sur l’hyperghetto étasunien et les banlieues françaises ne fournit assurément pas l’ensemble des clefs empiriques nécessaires à l’analyse des politiques contemporaines de gentrification. Ce travail ne comble pas la rareté des recherches actuelles abordant cette question de front, c’est‑à‑dire, cherchant à identifier et interpréter finement la cohérence des mesures d’accompagnement ou de promotion de la gentrification par-delà les frontières des différents champs de l’action publique (c’est‑à‑dire politiques du logement, opérations de réaménagement d’espaces publics, politiques culturelles, politiques de sécurité, lancement de grands projets, etc.). Quels sont, précisément, les leviers opérationnels d’une « politique de gentrification » ? Par quels acteurs (para)étatiques ceux‑ci sont‑ils manipulés, et à quelle échelle de gouvernement ? Comment ces acteurs interagissent-ils avec des acteurs non-étatiques (dans les sphères industrielles, immobilières, touristiques, artistiques, etc.) et à quelles fins ? Dans quelle mesure les politiques urbaines initient de nouveaux processus de gentrification ou accélèrent-ils voire redirigent-ils des processus préexistants ? Et dans quelle mesure la cohérence politique dans l’accompagnement ou la promotion de la gentrification éclipse-t-elle d’autres cohérences de l’action publique sur la ville ? etc.. Certains travaux récents, pionniers en ce domaine, permettent de pointer plusieurs premiers éléments de réponse21. Eu égard aux leviers opérationnels de politiques de gentrification, ils pointent notamment le rôle des investissements publics en matière d’aménités urbaines (infrastructures de consommation culturelles, plages artificielles, aménagements piétons, etc.) dès lors que celles-ci sont incorporées comme externalités positives propices à diverses stratégies de spéculation foncière ou de promotion immobilière (privées, publiques ou publiques-privées). Le domaine des politiques de requalification des espaces publics urbains, terrain d’action exclusif des pouvoirs publics et garantissant une grande visibilité de l’action politique, est ici particulièrement lourd d’enjeux22. Le rôle des instruments de planification urbanistique est également à souligner. Il en va ici, par exemple, de la « destruction créative » de prescriptions existantes d’affectation sur des portions sélectionnées du sol urbain, typiquement au détriment d’usages industriels (production manufacturière, entreposage, commerce de gros…) et en faveur d’usages récréatifs ou d’habitat de standing. Les politiques du logement sont également d’une importance décisive en matière de promotion de la gentrification, dès lors que l’on observe, dans de nombreuses villes, sous différentes formes, un désengagement de l’État du champ de la production de logements sociaux ou de la socialisation du parc de logements existants. D’autres travaux, dans divers contextes urbains, devraient compléter et préciser ce diagnostic.

  • 23 Clarence Stone, Regime Politics, Lawrence, University Press of Kansas, 1989; John R. Logan, Harvey (...)
  • 24 Bernard JOUVE, “From government to urban governance in western Europe: a critical analysis”, Public (...)
  • 25 Je ne nuancerai pas, ici, les nuances distinguant ces deux notions, entre elles ou par rapport à d’ (...)
  • 26 Karen Mossberger et Gerry Stoker, “The evolution of urban regime theory. The Challenge of conceptua (...)
  • 27 Rémi Dormois, « Les coalitions dans l’analyse des politiques urbaines post-keynesiennes. Discussion (...)
  • 28 Si besoin est, il faudrait compléter en posant que cette approche permet également d’invalider tout (...)

13L’invitation de Loïc Wacquant à replacer l’État au centre de l’analyse des transformations contemporaines des espaces urbains, tant pour des recherches ancrées dans les quartiers de relégation que pour des travaux explorant le devenir de quartiers en voie de gentrification, amène inévitablement à un questionnement méthodologique : comment faire ? Loïc Wacquant y répond par l’exemple d’une analyse empirique immergée dans ses « terrains », combinant observations directes, entrevues, mobilisation de statistiques territorialisées, le tout replacé dans une perspective à la fois diachronique (lui permettant notamment de différencier « ghetto » et « hyperghetto ») et comparative à base géographique (Chicago / Paris). Néanmoins, Parias urbains est silencieux eu égard à l’utilisation d’outils conceptuels et méthodologiques porteurs d’une ambition de montée en généralité eu égard à l’identification et au décryptage des cohérences politiques fortes qui structurent les modalités contemporaines de la production sociale des espaces urbains – dont les cohérences politiques pro-gentrification. Les notions de « régime urbain » (« urban régime ») ou de « coalition de croissance » (« growth machine »), issues des travaux de Clarence Stone ou John Logan et Harvey Molotch23 aux USA dans les années 1980, me paraissent ici particulièrement dignes d’intérêt, ne serait-ce que parce que l’heure est à la multiplication de formes de « partenariats » entre acteurs publics et privés par lesquels une prise directe est laissée à certains intérêts capitalistes privés sur des leviers important du gouvernement de la ville (gestion des grands réseaux techniques comme la distribution d’eau ou d’électricité, prestations de services de technosurveillance, etc.)24. Posées à grands traits, ces notions cherchent à formaliser l’idée que la capacité d’agir sur la réalité urbaine collective est une construction sociale25. Cette dernière a pour enjeu la constitution d’alliances, informelles mais installées dans la durée, entre différents acteurs, publics et privés, institutionnels ou non, positionnés à différentes échelles spatiales et contrôlant différentes ressources (financières, technocratiques, médiatiques26). Il est essentiel de souligner que ces notions ont, pour Logan et Molotch en particulier, une portée critique : il s’agit de mettre en lumière la marginalisation des valeurs d’usage de l’espace urbain par des politiques visant à capitaliser sur sa valeur d’échange, au profit des classes ou fractions de classe tenant les rennes de la coalition de croissance. Se (re)saisir de ces notions augure à mes yeux d’analyses qui, effectivement, positionnent les pouvoirs publics du côté des producteurs d’inégalités socio-spatiales tout en nuançant utilement le diagnostic (quels acteurs publics ? avec quels moyens et quels soutiens ? à quelles échelles de gouvernement ?, etc.). Loin d’être « ingouvernables », image que projettent volontiers les lectures rapides de la fragmentation du pouvoir d’agir sur l’urbain, les villes sont effectivement gouvernées par des coalitions d’acteurs, plus ou moins larges, (in)égalitaires et pérennes, alliés par nécessité et pour la défense, la promotion et la légitimation d’intérêts propres. Comme le souligne Remi Dormois27, « la théorie des régimes urbains aide ainsi se dégager d’une vision enjouée de l’action collective28 ». Enfin, se (re)saisir de ces notions permet de battre en brèche la pléthore actuelle de commentaires a-critiques et très volontiers normatifs sur la « (bonne) gouvernance urbaine ». Il est plus que jamais crucial de questionner « qui produit la ville ? » et « pour qui ? » de manière à contrer l’envahissement du débat public par des questionnements limités au « comment bien faire de bons projets urbains ? ».

  • 29 Voir par exemple Loretta Lees, « A reappraisal of gentrification: towards a “geography of gentrific (...)

14Souligner l’attention omniprésente dans le travail de Loïc Wacquant pour les contingences géographiques des processus sociaux est également essentiel à mes yeux. Parias urbains revient longuement sur la non‑équivalence des sociologies de la marginalité urbaine telles qu’observées au départ de l’exploration des configurations de domination et de résistance dans l’hyperghetto de Chicago, d’une part, et à la Courneuve, d’autre part. On peut dire, de même, que la gentrification à Chicago n’est pas un simple décalque de la gentrification parisienne – ou bruxelloise, ou londonienne… Les contingences sont prononcées dès lors que l’on porte un regard croisé ou comparatif sur plusieurs « terrains », tant à l’échelle interurbaine qu’intraurbaine. Elles tiennent notamment à la nature des héritages historiques en matière de structures économiques ou institutionnelles urbaines, aux configurations locales des dispositifs d’action publique (« policies ») ou encore à celles des jeux d’acteurs (« politics »)29. Il n’est bien sûr pas question de minimiser de la sorte l’importance des surdéterminants structurels de la marginalité avancée ou de la gentrification, profondément inscrits dans l’avancement d’un mode de régulation néolibéral du capitalisme contemporain. Bien au contraire, la prise en compte des contingences géographiques de ces processus sociaux est une condition à mes yeux nécessaire et féconde, ne fût‑ce qu’en termes méthodologiques. Il s’avère ainsi primordial de développer des lectures nuancées des dimensions urbaines du nouvel ordre social forgé par le tournant néolibéral dans l’histoire du capitalisme. Ainsi, par exemple, il n’existe pas d’équivalent du South Side ou de la Cité des 4.000 à Bruxelles. Les quartiers de relégation se trouvent en centre-ville, quartiers d’immigration ouvrière insérés depuis très longtemps dans le tissu urbain central, au contact direct d’espaces en voie de gentrification ou historiquement élitaires, de zones touristiques et de quartiers d’affaires. De plus, ces quartiers participent d’une intensité de ségrégation socio‑spatiale bien moins appuyée que dans la plupart des villes étasuniennes. La question du traitement politique de la marginalité avancée ou de la gentrification se pose ainsi de manière partiellement différente à Chicago, Paris ou Bruxelles, ne fût-ce que du fait que ce traitement doit trouver à s’inscrire dans des configurations socio-spatiales distinctes, héritées d’histoires urbaines singulières.

  • 30 Christian Dessouroux, Mathieu Van Criekingen, Jean-Michel Decroly, « Embellissement sous surveillan (...)
  • 31 Neil Smith, The New Urban Frontier. Gentrification and the revanchist city, Londres, Routledge, 199 (...)

15Ainsi, à Bruxelles, une partie importante de la cohérence politique visant à l’encadrement ou l’encouragement de la gentrification est articulée autour d’interventions sur les espaces publics des quartiers centraux. L’agencement de ces interventions est mal rendu par les schémas du « revanchisme urbain » et de « l’État pénal » développés au départ de terrains empiriques étasuniens30 et repris par Loïc Wacquant. Neil Smith31 met en exergue, sur base de recherches menées au début des années 1990 à New York, la mise en œuvre d’une cohérence politique visant à décupler l’attractivité de la ville centrale aux yeux d’une large gamme d’investisseurs (résidents ou de visiteurs aisés, fonctions économiques de commandement, infrastructures de consommation élitaire, etc.). Cette politique comprend un volet sécuritaire très appuyé, articulé autour de dispositifs de « tolérance zéro » à l’encontre d’actes redéfinis comme « incivilités ». Elle est en outre légitimée par une construction discursive d’une appropriation indue du centre‑ville par des groupes (sans‑abri, toxicomanes, prostituées, immigrants, allocataires sociaux...) dont la simple présence dans l’espace public de la ville centrale ferait obstacle à la « renaissance urbaine » escomptée.

16Cette thèse souligne bien la tension entre objectifs d’attraction (des uns) et de surveillance ou de refoulement (des autres). Loïc Wacquant reprend cette thèse de manière explicite dès lors qu’il pointe, en référence à la montée en puissance de nouvelles politiques urbaines d’inspiration néolibérale :

  • 32 Loïc Wacquant, “Relocating Gentrification”, loc. cit., p. 205.

la mutation du rôle de l’État, de fournisseur de soutiens sociaux aux populations démunies en agence de services et d’équipements marchands pour citadins des classes moyennes et supérieures – au premier rang desquels figure le nettoyage de l’environnement bâti et des rues des détritus humains et matériels engendrés par la dérégulation de l’économie et le recul de la protection sociale32.

  • 33 Loïc Wacquant, Les Prisons de la misère, Paris, Liber, « Raison d’Agir », 1999.
  • 34 Andrea Rea, « Les ambivalences de l’État social-sécuritaire », Lien social et politique, 2007, 57, (...)
  • 35 Christian Dessouroux et al., loc. cit.

17De plus, la littérature sur l’urbanisme revanchiste jette de nombreux ponts vers la thèse de la transition de l’État social vers l’État pénal, thèse à laquelle Loïc Wacquant apporte par ailleurs une contribution essentielle33. Si une tension similaire entre attraction et surveillance ou refoulement est très perceptible dans les politiques d’intervention sur les espaces publics des quartiers centraux mises en œuvre à Bruxelles, les termes du modèle de l’urbanisme revanchiste ou de la montée de l’État pénal paraissent néanmoins peu à même de rendre compte de leur nature politique. Ces politiques déclinent plutôt une stratégie où il est moins question d’isoler des espaces de relégation sociale du reste du tissu urbain à grand renfort de mesures de confinement sécuritaire que de promouvoir le réinvestissement de ces territoires par des populations et des capitaux extérieurs. L’idéal de « mixité sociale » est abondamment mis en avant dans ce cadre. En outre, ces schémas d’intervention sur les espaces publics bruxellois trouvent moins à se rattacher à la figure de l’État pénal qu’à celle de l’État social‑sécuritaire34. En effet, ils poursuivent essentiellement un objectif de pacification urbaine par une combinaison de dispositifs sécuritaires (caméras de surveillance en nombre croissant, prévention situationnelle, nouveaux métiers de la sécurité urbaine…) et d’interventions sur la qualité du cadre de vie dans les quartiers ciblés, d’où la qualification synthétique de politiques « d’embellissement sous surveillance35 ». Cette combinaison permet de gérer une contradiction interne aux politiques de soutien de la gentrification, soit à la fois rendre visible une volonté de sécurisation des quartiers centraux populaires dans l’espoir de voir de nouvelles populations (plus aisées) s’y installer tout en évitant d’effrayer celles-ci par des discours ou des réalisations aux accents sécuritaires trop appuyés (voire par des réactions trop démonstratives des classes populaires à l’encontre de tels dispositifs). De subtils équilibres sont ainsi recherchés, combinant embellissement, animation culturelle, surveillance et répression des « incivilités ».

18En définitive, la lecture de Parias urbains procure une vivifiante invitation à développer plus avant une analyse critique des politiques urbaines contemporaines portée par l’ambition de mettre au jour les rapports de forces et les jeux d’alliances qui président à leur déploiement dans l’espace. Mener cette tâche est chose urgente, tant en termes de production de connaissances qu’en termes d’impératif social, ne serait-ce que face au constat du soutien politique croissant, et de plus en plus explicitement assumé, à la gentrification, redéfinie en « chance » pour « la » ville, à gauche comme à droite. À ce titre également, les travaux de Loïc Wacquant offrent un appui bienvenu et fécond dès lors qu’ils ouvrent des perspectives de (re‑)politisation des « questions urbaines » contemporaines – ségrégation socio-spatiale, privatisation des espaces publics, rénovation des quartiers « défavorisés » ou « sensibles », gentrification. Ces questions ne sont pas réductibles à une suite d’actes techniques, encore moins à des mécanismes naturalisés de « déclin » ou de « renaissance » d’un quelconque « métabolisme urbain ». Il importe au contraire de reconnaître dans les processus de fabrique des réalités urbaines collectives l’objet et l’enjeu de rapports de pouvoir, de domination et de résistance entre classes ou fractions de classes, à contre-courant aussi des approches postmodernes de l’urbain dont les objets de recherche privilégiés (la ville multiculturelle ou cosmopolite, les réseaux de villes, la participation citoyenne…) paraissent flotter dans un éther dépourvu de rapports de forces inégalitaires.

  • 36 Peter Marcuse, “From critical urban theory to the right to the city”, City, 2009, 13, 2-3, p. 185-1 (...)

19Mais à quoi sert de construire une pensée critique solide, nuancée, ancrée hic et nunc si elle ne s’inscrit pas, au-delà du champ de l’analyse et de la production d’un savoir académique, dans une perspective de transformation sociale ? Cette question est consubstantielle de la position épistémologique des études urbaines critiques, du moins celles placées dans le sillage des travaux d’Henri Lefebvre ou de David Harvey. La tâche du chercheur ne se limite pas décryptage des processus de production des réalités urbaines collectives mais comprend, et est fondamentalement motivée, par la recherche des voies de leur dépassement36.

  • 37 Pierre Rimbert, « La pensée critique dans l’enclos universitaire », Le Monde Diplomatique, janvier (...)

20Le travail de Loïc Wacquant rendu dans Parias urbains, bien que placé dans une telle perspective de sociologie urbaine « engagée », ne fournit pas de piste évidente à cet égard – pas plus, d’ailleurs, que la grande majorité des travaux récents et critiques sur la gentrification urbaine, les miens compris. Pourtant, la pratique de quelques rencontres ou débats, en dedans ou en dehors des murs de l’Université, mène presque inexorablement à se trouver confronté à une demande sociale pressante d’identification d’alternatives (comment améliorer la ville sans promouvoir sa gentrification, par exemple ?). Sans doute faut-il voir ici une trace de l’écart existant, et qui tend à s’élargir, entre monde académique et mouvements sociaux37, constat qui mène à questionner les conditions d’exercice des recherches urbaines critiques dans le cadre de l’Université actuelle. Comment, en effet, éviter de verser dans une posture critique savante mais réservée à ses pairs, énoncée de colloque en colloque et toujours plus raffinée mais laissant de facto la matérialité des territoires urbains et de leurs transformations en cours à bonne distance ? À cet égard, Loïc Wacquant énonce d’ailleurs qu’un autre puissant levier d’effacement des perspectives de recherche critique sur la fabrique de la ville, alors même que l’époque est au renforcement des dimensions inégalitaires de celle‑ci, réside dans l’asservissement de plus en plus net de la recherche aux priorités et agendas politiques :

  • 38 Loïc Wacquant, Parias urbains, op. cit., p. 200, ma traduction.

Un autre facteur principal en jeu ici est la servilité croissante de la recherche urbaine aux soucis, aux catégories et aux modes des décideurs politiques et faiseurs d’opinion38.

Loïc Wacquant rejoint ici une observation du géographe David Harvey :

  • 39 David Harvey, Géographie et capital, Paris, Syllepse, 2010, p. 47.

Il y a par ailleurs quelque chose de plus ambigu à se vendre au gouvernement et à entretenir ainsi un vague mythe de “l’intérêt public” dans un mode de rapports de forces chroniquement déséquilibrées et de revendications antagoniques39.

21La multiplication d’études centrées sur la « mixité sociale » en ville, la « régénération urbaine », la « réurbanisation » ou « la ville durable » en est une expression tangible dès lors que ces analyses ne questionnent plus les dimensions inégalitaires des processus en jeu, ni les rapports de forces qui les sous-tendent et le rôle joué par les politiques publiques parmi ceux-ci. Une perspective de gestion (de la gentrification, de la pauvreté, de la violence, etc.) prend le pas sur une perspective de remise en cause ayant la construction d’alternatives comme horizon.

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Notes

1 Maurizio Cohen, L’Escaut introduces openness and a strong visual presence into a typical industrial urban site, A10 New European Architecture, 2010, 36, novembre/décembre, en ligne: http://www.a10.eu/magazine/issues/36/housing_brussels.html.

2 Victor Brunfaut, « Gentrification positive à Molenbeek », L’Art même, 2010, 48, p. 23 (je souligne).

3 Mathieu Van Criekingen et Jean-Michel Decroly, Le Plan de Développement International de Bruxelles (PDI). Promesses de développements immobiliers et d’inégalités croissantes ?, Brussels Studies, 2009, 2, p. 1-15.

4 Pricewaterhousecoopers, Plan de Développement International de Bruxelles – Schéma de base, Rapport final au Ministre-Président de la Région de Bruxelles-Capitale, Bruxelles, 2008, p. 73 (je souligne).

5 Neil Smith, “New urbanism, new globalism : gentrification as global urban strategy”, Antipode, New York, 2002, 34, 3, p. 427-450 ; Tom SLATER, “Municipally managed gentrification in South Parkdale, Toronto”, Toronto, The Canadian Geographer, 2004, 48, 3, p. 303-325 ; Claire Collomb, « Le New Labour et le discours de la “renaissance urbaine” au Royaume-Uni. Vers une revitalisation durable ou une gentrification accélérée des centres-villes britanniques », Londres, Sociétés contemporaines, 2006, 63, p. 15-37 ; Justus Uitermark, Jan Willem Duyvendak et Reinout Kleinhans, « Gentrification as a governmental strategy : social control and social cohesion in Hoogvliet, Rotterdam », Rotterdam, Environment and Planning A, 2007, 39, 1, p. 1125-1141 ; Maarten Loopmans, « Relevance, gentrification and the development of a new hegemony on urban policies in Antwerp, Belgium », Anvers, Urban Studies, 2008, 45, 12, 2499-2519 ; Anne Clerval et Antoine Fleury, « Politiques urbaines et gentrification, une analyse critique à partir du cas de Paris », Paris, L’Espace politique, 2009, 8, 2, en ligne : hhttps://journals.openedition.org/espacepolitique/1314 ; Max Rousseau, « “Bringing politics back in” : la gentrification comme politique de développement urbain ? Autour des “villes perdantes” », Espaces et sociétés, 2008, 132/133, 1-2, p. 75-90 et Max Rousseau, « Gouverner la gentrification », Roubaix et Sheffield, Métropoles, 2008, 7, en ligne : https://journals.openedition.org/metropoles/4257 ; voir aussi Loretta Lees, « Policy (re)turns : urban policy and gentrification, gentrification and urban policy », Environment and Planning A, 2003, 35, 4, 571-574, Loretta Lees, David Ley, « Introduction to Special Issue on Gentrification and Public Policy », Urban Studies, 2008, 45, 12, p. 2379-2384.

6 Jean-Yves Authier et Catherine Bidou-Zachariasen, « Éditorial. La question de la gentrification urbaine », Espaces et Sociétés, 2008, 132-133, 1-2, p. 13-21.

7 Alain Bourdin, « La gentrification : un “concept” à déconstruire », Espaces et Sociétés, 2008, 132-133, 1-2, p. 23-37.

8 Tom Slater, “The eviction of critical perspectives from gentrification research”, International Journal of Urban and Regional Research, 2006, 30, 4, p. 737-757.

9 Loïc Wacquant, “Relocating Gentrification: The Working Class, Science and the State in Recent Urban Research”, International Journal of Urban and Regional Research, 2008, 32, 1, p. 198-205.

10 Loc. cit., p. 198.

11 Loc. cit., p. 202-203 (ma traduction).

12 Jens Sambale et Volcker Eick, “Gentrification in Berlin and the revanchist state, interview with Neil Smith”, Policing Crowds, en ligne: www.policing-crowds.org/news/article/neil-smith-gentrification-in-berlin-and-the-revanchist-state.html.

13 Loïc Wacquant, Parias urbains. Ghetto, banlieues, État, Paris, La Découverte, 2006.

14 Neil Brenner, Peter Marcuse, Magrit Mayer, “Introduction”, City, 2009, special issue “Cities for people, not for profit”, 13, 2-3, p. 176-184.

15 Voir Erik Swyngedouw, “The post-political city”, in BAVO (s.l.d.), Urban politics now. Re-imagining democracy in the neoliberal city, Rotterdam, NAi Publishers, p. 58-77.

16 Loïc Wacquant, Parias Urbains, op. cit., p. 278.

17 Neil Brenner, Nik Theodore, Spaces of Neoliberalism, Oxford, Blackwell, 2002 ; Frank Moulaert, Arantxa Rodriguez et Erik Swyngedouw (s.l.d.), The Globalized City. Economic Restructuring and Social Polarization in European Cities, Oxford, University Press, 2002; Neil Brenner, New State Spaces: urban governance and the rescaling of Statehood, Oxford, Oxford University Press, 2004.

18 Peter Marcuse, “Abandonment, gentrification and displacement: the linkages in New York City”, in Neil Smith et Peter Williams (s.l.d.), Gentrification of the City, 1986, Londres, Unwin Hyman, p. 153-177; Tom Slater, “Missing Marcusea: on gentrification and displacement”, City, 2009, 13, 2-3, p. 292-311.

19 Loïc Wacquant, Parias Urbains, op. cit., p. 206.

20 Mathieu Van Criekingen, “Towards a geography of displacement. Moving out of Brussels’ gentrifying neighbourhoods”, Journal of Housing and the Built Environment, 2008, 23, 3, p. 199-213.

21 Anne Clerval et Antoine Fleury, « Politiques urbaines et gentrification, une analyse critique à partir du cas de Paris », loc. cit. ; Max Rousseau, « “Bringing politics back in” : la gentrification comme politique de développement urbain ? Autour des “villes perdantes” », loc. cit. ; « Gouverner la gentrification », loc. cit. ; Maarten Loopmans, « Relevance, gentrification and the development of a new hegemony on urban policies in Antwerp, Belgium », loc. cit.

22 Christian Dessouroux, La Production des espaces publics dans la ville contemporaine. Enjeux, acteurs et logiques de gestion et d’aménagement dans trois communes de la Région de Bruxelles-Capitale, Thèse de doctorat, Laboratoire de géographie humaine, Université libre de Bruxelles, 2006.

23 Clarence Stone, Regime Politics, Lawrence, University Press of Kansas, 1989; John R. Logan, Harvey Molotch, Urban Fortunes: The Political Economy of Place, Berkeley, University of California Press, 1987.

24 Bernard JOUVE, “From government to urban governance in western Europe: a critical analysis”, Public Administration and Development, 2005, 25, p. 285-294.

25 Je ne nuancerai pas, ici, les nuances distinguant ces deux notions, entre elles ou par rapport à d’autres notions proches telles que « historical bloc » (voir Bob Jessop, « Gramsci as a spatial theorist », Critical Review of International Social and Political Philosophy, 2005, 8, 4, p. 421-437) ou « coalition urbaine de projet » (voir Gilles PINSON, Gouverner la ville par projet. Urbanisme et gouvernance des villes européennes, Paris, Presses de Sciences Po, 2009), par exemple.

26 Karen Mossberger et Gerry Stoker, “The evolution of urban regime theory. The Challenge of conceptualization”, Urban Affairs Review, 2001, 36, 6, p. 810-835.

27 Rémi Dormois, « Les coalitions dans l’analyse des politiques urbaines post-keynesiennes. Discussion a partir de la comparaison des politiques de régénération urbaine menées dans trois villes européennes en reconversion », Métropoles, 2008, 4, p. 58, en ligne : https://journals.openedition.org/metropoles/3122

28 Si besoin est, il faudrait compléter en posant que cette approche permet également d’invalider toute suggestion d’un modèle du « complot ».

29 Voir par exemple Loretta Lees, « A reappraisal of gentrification: towards a “geography of gentrification” », Progress in Human Geography, 2000, 24, 3, p. 389-408; Gary Bridge, « Time-Space Trajectories in Provincial Gentrification », Urban Studies, 2003, 40, 12, p. 2545-2556.

30 Christian Dessouroux, Mathieu Van Criekingen, Jean-Michel Decroly, « Embellissement sous surveillance : une géographie des politiques de réaménagement des espaces publics au centre de Bruxelles », Belgeo, 2009, 2, p. 167-184.

31 Neil Smith, The New Urban Frontier. Gentrification and the revanchist city, Londres, Routledge, 1996.

32 Loïc Wacquant, “Relocating Gentrification”, loc. cit., p. 205.

33 Loïc Wacquant, Les Prisons de la misère, Paris, Liber, « Raison d’Agir », 1999.

34 Andrea Rea, « Les ambivalences de l’État social-sécuritaire », Lien social et politique, 2007, 57, p. 15-34.

35 Christian Dessouroux et al., loc. cit.

36 Peter Marcuse, “From critical urban theory to the right to the city”, City, 2009, 13, 2-3, p. 185-197.

37 Pierre Rimbert, « La pensée critique dans l’enclos universitaire », Le Monde Diplomatique, janvier 2011.

38 Loïc Wacquant, Parias urbains, op. cit., p. 200, ma traduction.

39 David Harvey, Géographie et capital, Paris, Syllepse, 2010, p. 47.

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Pour citer cet article

Référence papier

Mathieu Van Criekingen, « Marginalité avancée et politiques urbaines »Revue de l’Institut de Sociologie, 83 | 2013, 41-54.

Référence électronique

Mathieu Van Criekingen, « Marginalité avancée et politiques urbaines »Revue de l’Institut de Sociologie [En ligne], 83 | 2013, mis en ligne le 05 novembre 2018, consulté le 11 novembre 2025. URL : http://journals.openedition.org/ris/342 ; DOI : https://doi.org/10.4000/kev0

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Auteur

Mathieu Van Criekingen

Chargé de cours à l’Université libre de Bruxelles

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Droits d’auteur

CC-BY-SA-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-SA 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont susceptibles d’être soumis à des autorisations d’usage spécifiques.

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