Écriture sociologique et romans d’élection
Résumés
Cet article propose une analyse réflexive des usages de la littérature romanesque française du XIXe siècle dans mes travaux sur la sociologie des pratiques électorales. Ces textes n’ont pas été utilisés comme des substituts pour combler les trous d’une documentation archivistique défaillante mais comme des hypothèses. Dans cette logique, je ne les considère pas comme une forme de sociologie mais comme participant d’une forme d’objectivation poétique du réel qui doit être rapportée dans le cours de la recherche à une analyse de la trajectoire sociale des auteurs de ces romans.
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- 1 PIERRE BOURDIEU, Les Règles de l’art. Genèse et structure du champ littéraire, Paris, Seuil, 1992, (...)
- 2 PASCALE CASANOVA, La République mondiale des lettres, Paris, Seuil, 1999 ; JEAN-PIERRE MARTIN (s.l. (...)
- 3 JACQUES DUBOIS, Les Romanciers du réel de Balzac à Simenon, Paris, Seuil, « Points », 2000.
- 4 CHRISTOPHE VOILLIOT, « Compte rendu de Giraud (Frédérique), Émile Zola, le déclassement et la lutte (...)
1Selon Pierre Bourdieu, « l’œuvre littéraire peut parfois dire plus, même sur le monde social, que nombre d’écrits à prétention scientifique1 ». En prenant appui sur ce constat et sur les apports de la sociologie du champ littéraire2, je me propose de revenir dans cet article, de manière réflexive, sur des usages successifs de la littérature romanesque française du XIXe siècle dans un ensemble de travaux sur la sociologie des pratiques électorales commencés lors ma formation doctorale. En quoi la lecture et surtout l’étude selon un protocole défini à l’avance de textes littéraires « réalistes » – au sens de Jacques Dubois3 – s’est-elle avérée une adjonction pertinente par rapport à un programme de recherche plus classique en sociologie politique, programme articulé qui plus est à un objet canonique de la science politique française ? Comment l’étude de ces « romans d’élections » peut-elle s’intégrer dans une sociologie de la littérature de plus en plus divisée entre paradigmes concurrents et difficilement conciliables4 ? Peut-on d’ailleurs aussi facilement trancher entre une approche qui consiste à travailler avec des textes et celles qui ont pour ambition de travailler sur des textes et/ou leurs auteurs ? Sans vouloir prétendre répondre de manière exhaustive ou définitive à des questions qui d’ailleurs appellent moins des réponses tranchées qu’une vigilance épistémologique constante, je vais donc tenter de suivre ces quelques entrées en lien avec la problématique relative aux enjeux et aux défis de l’écriture sociologique de ce numéro thématique de la Revue de l’Institut de Sociologie, écriture dont les procédés fort heureusement ne relèvent pas d’une méthode standardisée et préservent, malgré la sécheresse générale de la langue scientifique, une part de subjectivité tâtonnante et jubilatoire.
Prendre ses distances avec une sociologie spontanée du réalisme social
- 5 J’ai été conduit à élargir ce corpus à des auteurs du XXe siècle dans le cadre de mes enseignements (...)
- 6 GUSTAVE FLAUBERT, Le Candidat, Paris, Le Castor astral, 2007. Écrite en 1873, cette pièce a été rep (...)
- 7 À tel point que je n’ai informé Bernard Lacroix qu’après coup de la rédaction et de la publication (...)
- 8 Conférence consécutive à la publication par les éditions du Seuil dans la collection « Liber » de L (...)
- 9 Thèse finalement soutenue à Nanterre le 13 décembre 2002. Cf. CHRISTOPHE VOILLIOT, « La candidature (...)
2Le corpus initialement constitué comportait uniquement des textes d’auteurs consacrés et contemporains des pratiques électorales alors étudiées5 : Balzac, Stendhal, Zola, Flaubert6, etc. J’ai très vite eu recours au terme de « romans d’élections » pour désigner ce corpus sans d’ailleurs voir immédiatement à quel point son double sens – des textes qui donnent à entendre des pratiques ou des intrigues électorales d’une part, même s’il ne s’agit que d’intrigues ou de personnages secondaires, et des auteurs qui correspondaient à une hiérarchie produite par l’histoire scolaire de la littérature que mon habitus de « bon élève » validait sans peine de l’autre – correspondait bien à son statut effectif dans ma recherche, statut qui résultait moins d’un programme fixé à l’avance que d’une échappée dont je ne mesurais pas alors entièrement les implications méthodologiques. Pour quelles raisons ai-je entrepris cette démarche « de travers » qui ne m’a pas été imposée ou suggérée par mon directeur de thèse7, au risque de perdre un temps précieux et qui m’était institutionnellement compté du fait de la précarité relative de mon statut académique d’alors ? Rétrospectivement, j’en distingue deux. La première est la découverte des travaux de Jacques Dubois à l’occasion d’une conférence en duo avec pierre Bourdieu à l’hôtel d’Avejan à Paris circa 19988. Venu pour écouter le sociologue français, j’ai découvert à cette occasion une manière sociologiquement informée de comprendre les textes littéraires qui a eu pour moi un profond effet de licitation le moment venu, moment lié aux difficultés rencontrées dans l’écriture de ma thèse de doctorat qui constituent la seconde raison de ce « détour » par la littérature9. En réalisant à partir de ce corpus des tests projectifs.
- 10 PIERRE KARILA-COHEN, « Les préfets ne sont pas des collègues. Retour sur une enquête », Genèses, n° (...)
- 11 LAURENT QUÉRO et CHRISTOPHE VOILLIOT, « Travail électoral et pratiques administratives dans le cadr (...)
3Sur les hypothèses préconstituées de mon objet de recherche sociologique, j’ai en effet pu entrevoir des pratiques que mes sources archivistiques, constituées pour leur plus grande part de rapports administratifs véhiculant un point de vue d’état sur leur objet, laissaient dans l’ombre. En intégrant dans la construction de mon objet de recherche cette forme d’objectivation poétique du réel, j’ai ainsi pu me dégager plus facilement de la perspective administrative dessinée par ceux qui avaient pour mission d’organiser les opérations électorales et qui, comme l’a justement montré Pierre Karila-Cohen, ne sont pas « des collègues10 » et dont la méticulosité dans le travail de mobilisation des électeurs, voire l’acharnement à « faire élire » des candidats, n’a bien entendu rien à voir avec une ambition désintéressée11.
- 12 LOUIS CHEVALIER, « Préface », in HONORÉ DE BALZAC, Les Paysans, Paris, Gallimard, « folio », 1975, (...)
- 13 JEAN-CLAUDE CARON, « Clio et les usages de Balzac. À propos de Louis Chevalier et de quelques autre (...)
- 14 BERNARD LAHIRE, « Auctor in opere suo : problématique existentielle, problématique littéraire », in(...)
- 15 GÉRARD MAUGER, « Capitaux, dispositions, stratégies populaires », Savoir/Agir, n° 44, juin 2018, p. (...)
4Il est nécessaire, avant d’envisager son impact sur l’écriture sociologique elle-même, de clarifier le protocole de recherche mis en œuvre dans ce cadre. L’enjeu n’était pas de mettre en œuvre une sociologie de la littérature qui, de mon point de vue, implique de faire une sociologie du champ littéraire. Il ne s’agissait pas non plus de rechercher naïvement ce qu’il pourrait y avoir d’informations sociologiques dans des textes littéraires qui, dès lors, seraient assimilables à des (res)sources primaires. La préface de Louis chevalier à l’édition dans la collection « folio » des Paysans de Balzac constitue sur ce point l’exemple parfait de l’enrôlement descriptif de la littérature romanesque. Tout à son admiration de l’auteur, le professeur au collège de France n’hésite pas à qualifier ce roman de « plus précieux des documents : plus utile même, pour une description de la première moitié du XIXe siècle, que cette prose administrative calligraphiée et pourléchée dont on est bien obligé, pour d’autres époques, de se contenter, faute de mieux et dans l’absence de toute littérature autre que lyrique, romantique ou réaliste et, de toute façon, imaginaire ou caricaturale12 ». Jean-Claude Caron a bien montré comment des lectures historiennes de Balzac ont pu procéder ainsi au prix d’un fractionnement contestable de sa production : « celui-ci est accrédité comme l’observateur patenté de la vie sociale dont les personnages constituent autant de figures lues par les historiens comme des archétypes et qui leur permettent d’objectiver par des exemples fictifs une réalité sociale dont la complexité risque alors d’être niée13 ». La variante plus ambitieuse proposée depuis lors par Bernard Lahire qui se propose de rechercher la « sociologie dans la littérature14 » n’était pas non plus mon objectif, car elle repose avant tout sur l’étude de problématiques globales mises en évidence par le sociologue à partir de l’étude de parcours biographiques et moins sur l’analyse des contraintes objectives liées à la production des textes littéraires. Ce que je souhaitais mettre en œuvre était donc plus modestement un inventaire des intrigues liées aux élections et une analyse sociologique des « situations mises en scène dans les œuvres littéraires15 ».
- 16 JEAN-CLAUDE PASSERON, « L’illusion du monde réel : -graphie, -logie, -nomie », in CLAUDE GRIGNON et (...)
- 17 FLORENT CHAMPY, « Littérature, sociologie et sociologie de la littérature. À propos de lectures soc (...)
- 18 ANNA BOSCHETTI, La Poésie partout. Apollinaire, homme-époque, Paris, Seuil, « Liber », 2001, p. 21.
5Ce protocole, et l’écriture qui en découle, n’ont pas une vocation globalisante : ils sont limités car ils reposent sur l’inversion analytique de la contrainte de vraisemblance que s’imposent les auteurs attachés à la transcription du réel en fiction. En s’attachant à comprendre comment il est possible de rendre vraisemblable une intrigue, une situation, des personnages, il devient en retour possible de restituer l’épaisseur et la saveur du monde social qui échappent le plus souvent à l’historien ou au sociologue lorsqu’il s’en tient à des sources archivistiques produites par les institutions d’état. Cette méthode suppose de prendre en compte les spécificités de l’écriture romanesque qui est susceptible d’engendrer à la fois un « effet sociographique » et un « effet sociologique amplifiant “l’effet de réel” en une croyance panoramique qui porte indivisiblement sur la “vérité” (descriptive, représentative, synthétique) du tableau de société offert par le roman16 » . Ce n’est pas une réalité historique objective directement compréhensible qui se donne à voir dans le travail du romancier, mais bel et bien une construction narrative qui, sous certaines conditions, se veut réaliste pour ses lecteurs contemporains. Cet « effet de réel », ce réalisme toujours fabriqué pour et par la narration, interdit par conséquent de n’y voir qu’un « reflet » d’une formation sociale comme l’analyse littéraire d’inspiration marxiste l’a longtemps affirmé. Comme l’a souligné Florent Champy en mettant en évidence les apories de certaines lectures sociologiques de Proust : « les emprunts au réel, voire l’obsession documentaire qui habite certains écrivains, ne découlent pas d’un projet sociologique mais d’un projet littéraire : la juxtaposition de descriptions ou de traits socialement pittoresques qui font réels n’a d’autre but que de produire des effets littéraires, les “effets de réel”17 » . Si l’on admet ainsi que la fiction ne rend pas le social transparent parce que le monde auquel elle donne vie existerait en soi, il est donc nécessaire de caractériser avec précision les effets de connaissance du social que les textes utilisés sont susceptibles de produire et, partant de là, d’étudier comment les auteurs ont construit leurs récits et leurs intrigues, afin de « maîtriser à la fois le fonctionnement de l’univers social dans lequel les œuvres s’engendrent, et la logique selon laquelle ce fonctionnement est transposé dans les propriétés des textes »18.
L’écriture sociologique au prisme du roman
- 19 JACQUES DUBOIS, Les romanciers…, op. cit., p. 139.
6Quels sont les apports potentiels de ces textes à prendre en compte pour l’écriture et le travail sociologique à partir du moment où, cessant de nous apparaître comme des épopées réalistes, ils peuvent être considérés par le sociologue comme des opérateurs du réel dont le projet esthétique repose sur la négation de la « contingence comme catégorie fondatrice »19 et obéit plus ou moins à un impératif de vraisemblance patiemment mis en œuvre par des écrivains eux-mêmes pris dans des réseaux de contraintes sociales ? En premier lieu, l’explicitation des usages par les agents sociaux des matériaux qui nous sont parvenus à l’état d’archive ; par suite, l’élargissement du questionnement relatif aux logiques d’actions de ces mêmes agents sociaux en partant de la manière dont est reconstitué l’espace social voulu dans le cadre de la fiction ; enfin, la manière dont les décalages entre le temps de l’écriture et le temps de la fiction interagissent dans la mise en œuvre d’intrigues réalistes.
Rendre la réalité sensible
- 20 CHRISTOPHE VOILLIOT, « Des candidats contre les extrêmes : l’action électorale des préfets dans la (...)
- 21 CHRISTOPHE VOILLIOT, « Les élections au suffrage censitaire en France (1814-1848) : mythes et réali (...)
- 22 CHRISTOPHE VOILLIOT, « Le rôle des préfets dans les pratiques de la surveillance électorale au XIXe(...)
- 23 STENDAHL, Lucien Leuwen, Paris, GF Flammarion, 1982, tome 2, p. 217.
- 24 BERNARD LAHIRE, Franz Kafka. Éléments pour une théorie de la création littéraire, Paris, La Découve (...)
- 25 MICHEL GUERIN, La Politique de Stendhal, Paris, Presses universitaires de France, 1982.
- 26 DUBOIS Jacques, Stendhal une sociologie romanesque, Paris, La Découverte, 2007, p. 12-13.
- 27 STENDAHL, Mémoires d’un touriste, Paris, Librairie Maspéro, 1981, p. 211.
- 28 CHRISTOPHE VOILLIOT, « Qu’est-ce qu’une défaite électorale pour un candidat officiel dans la France (...)
7L’étude des élections de 1834 à la chambre des députés en France implique nécessairement une enquête dans les archives. Soucieux d’attester de la réalité des candidatures recommandées et des pratiques relatives à cette technologie d’état qu’est devenue l’élection au XIXe siècle, j’ai ainsi étudié les dossiers conservés dans la série F1cIII des Archives nationales20. Dans cette série, on peut retrouver différents documents classés par départements, par exemple des tableaux analogues à celui partiellement reproduit ci-après, relatif aux opérations électorales du collège de Poligny (Jura). Ce tableau dont le modèle est standardisé devait être rempli par le préfet du département, avec la collaboration du sous-préfet de l’arrondissement, en réponse aux questions figurant dans une circulaire confidentielle du Ministre de l’Intérieur. Il s’agissait à la fois de désigner les « candidats ministériels » dont la candidature devait faire l’objet d’une particulière attention et d’un soutien sans faille de la part des agents de l’administration, et d’anticiper l’ensemble des candidatures et les soutiens dont elles pouvaient bénéficier au sein du collège électoral21. On retrouve mention d’un document analogue dans une scène du roman inachevé de Stendhal Lucien Leuwen que l’on dater de cette période22. De retour à Paris après avoir quitté en toute hâte son régiment à Nancy, le héros éponyme est nommé maître des requêtes et chargé du bureau particulier du comte de Vaize, ministre de l’Intérieur, grâce à l’entregent de son père, banquier riche et influent. Après s’être honorablement acquitté d’une mission électorale dans le département du Cher, il rencontre quelques difficultés dans celui du Calvados où, confronté à l’hostilité du préfet, il se fourvoie dans l’achat au prix fort des voix légitimistes, sans pour autant réussir à empêcher l’élection du candidat de ce parti. Dépité, il retourne à Paris mais se voit quand même gratifier d’une récompense par un ministre dont les spéculations boursières en font l’obligé du banquier Leuwen. C’est dans le cadre de cette mission de surveillance que Lucien Leuwen après avoir décrit le préfet du Cher comme « un brave homme très dévot, très dévoué, mais qui me fait l’effet d’un imbécile23 » lui reconnaît une certaine habileté dans la préparation des élections, précisant ainsi au ministre de l’Intérieur que son « bordereau des votes » est bien tenu. Ce bordereau, qu’il ne faut pas confondre avec le procès-verbal des opérations électorales, est un instrument taxinomique qui sert à classer les candidats, à anticiper le résultat de l’élection et à en dégager les lignes de force arithmétiques. Cette désignation comme un bordereau n’est pas « officielle » ; dans la correspondance des préfets, ce type de document est identifié par référence à la circulaire auquel il se réfère selon une pratique administrative ordinaire. Ce que nous donne à lire et à comprendre par conséquent Stendhal est le halo cognitif qui entoure les usages pratiques de ce document, la manière dont un préfet se devait d’y consacrer toute son énergie et son habileté dans le maniement des ambitions des notables de son département. Identifier un document sans nom propre souligne à la fois une certaine familiarité avec celui-ci et son poids symbolique. En effet, « plutôt que d’analyser les situations comme des objets observables et dissécables, l’écrivain raconte la vie de celui ou ceux qui vivent ces situations24 ». Cette manière sensible de donner vie à un objet échappe complètement au chercheur lorsqu’il le retrouve à l’état d’archive, classé et conservé selon un ordre lui-même dérivé des logiques pratiques initiales de classement par les agents de l’administration préfectorale. Cette brève mention de Stendhal n’apporte donc pas uniquement un supplément d’âme à la compréhension des luttes politiques et électorales d’alors. Elle restitue un univers pratique bien plus sûrement que ne peut le faire le chercheur confronté à la seule matérialité du document. Certes, comme nous l’avons précisé dans la première partie de cet article, la fiction ne peut être assimilée à une source documentaire et le mot même de « bordereau » véhicule une pluralité de significations qu’il est nécessaire de hiérarchiser à la lumière de ce que nous savons des conditions d’écriture de ce texte, en l’occurrence la connaissance précise qu’avait Henri Beyle des intrigues gouvernementales de la monarchie de Juillet25. Cette limite à l’interprétation a d’ailleurs été bien mise en évidence par Jacques Dubois pour qui « racontant une histoire singulière qu’il situe dans un milieu concret, ce romancier est d’abord un inventeur de mondes. S’il met le doigt sur les structures cachées de l’univers particulier qu’il évoque, c’est toujours sans esprit de système et de façon oblique. Vagabonde, sa science du social ne se réclame pas d’un programme explicite26 ». Qui plus est, Stendhal entretenait un rapport complexe avec la province, synonyme pour lui d’ennui et de médiocrité mais aussi lieu de vérité pour l’exercice du pouvoir et de la surveillance. « C’est dans les petites villes qu’il faut aller étudier les gouvernements » indiquait-il par ailleurs27 et l’écriture de Lucien Leuwen répondait en partie à cet objectif. C’est pourquoi son analyse peut nous aider à reconstituer un univers provincial où les luttes électorales, bien que circonscrites aux classes dominantes, constituaient un élément parmi d’autres de leur quotidien et, surtout, la manière dont certains acteurs de ces luttes les ressentaient de manière sensible et pouvaient être personnellement affectés par les contraintes qui en découlaient28.
Construire et déconstruire l’espace social
- 29 Lettre du 21 décembre 1842 (n° 173), in HONORÉ DE BALZAC, Lettres à Madame Hanska, Paris, Robert La (...)
- 30 CHRISTOPHE VOILLIOT, « La figuration de l’élection… », loc. cit., p. 42.
- 31 PIERRE BOURDIEU, Les Règles de l’art…, op. cit., p. 22.
- 32 Lettre du 21 novembre 1842 (n° 172), in HONORÉ DE BALZAC, Lettres à Madame Hanska…, op. cit., tome (...)
- 33 ÉMILE ZOLA, Le Roman expérimental, Paris, Garnier-Flammarion, 1971, p. 63.
- 34 CHRISTOPHE VOILLIOT, « Pour une analyse configurationnelle des élections. Norbert Elias et le vote (...)
- 35 Dans ce modèle d’analyse, pour la période de la Monarchie de Juillet, il existe en effet trois type (...)
- 36 Lettre du 14 octobre 1842 (n° 169), in HONORÉ DE BALZAC, Lettres à Madame Hanska…, op. cit., tome 1 (...)
- 37 Lettre du 10 janvier (n° 173), in HONORÉ DE BALZAC, Lettres à Madame Hanska…, op. cit., tome 1, p. (...)
- 38 CHRISTIANE THIL, « Le député d’Arcis. Histoire de l’achèvement et de la publication du roman de Bal (...)
8Le Député d’Arcis de Balzac, quoique lui aussi inachevé, offre un exemple intéressant de reconstruction d’un espace social par et pour les besoins de la fiction. Dans le prolongement de l’article que j’avais initialement consacré à ce texte, je souhaiterais insister ici sur les deux niveaux d’analyse qui s’offrent au lecteur de Balzac désireux de formuler des hypothèses sur les logiques d’action à l’œuvre dans la France du premier XIXe siècle. Le premier niveau d’analyse est l’immersion dans un espace social différencié dont les différents groupes sont associés dans une logique structurale à des lieux de la ville où se déroule l’ensemble de l’intrigue (Arcis-sur-Aube) à l’exception de la description d’une soirée parisienne dans un salon du faubourg St-Honoré fréquenté par les élites parisiennes, cette « bourgeoisie qui mène les affaires29 », où le comte Maxime de Trailles reçoit ses instructions en vue de la future élection. Il est d’ailleurs possible de reconstituer sous forme de tableau cet espace social à partir d’un relevé des scènes et des personnages30. Cet espace est un « univers saturé de détails significatifs31 » mais néanmoins opérationnel qui permet aux différents personnages de s’intégrer les uns aux autres de manière réaliste. En figurant la manière dont Balzac tente de rendre « dramatique et intéressant le jeu des intérêts32 » de ses personnages, on voit également comment cet espace est conforme à sa vision du monde. La relégation en arrière-plan de la paysannerie est ainsi l’indice qu’elle est pour le romancier une classe à part. Quoi qu’il en soit, le travail d’écriture fonctionne dans ce texte comme une expérimentation sociologique. Comme l’analysera ultérieurement Émile Zola : « L’expérimentateur paraît et institue l’expérience, je veux dire fait mouvoir les personnages dans une histoire particulière, pour y montrer que la succession des faits y sera telle que l’exige le déterminisme des phénomènes mis à l’étude33 ». Balzac détermine – dans le cas présent, par le biais de la figure du Comte de Trailles – le modus operandi de l’intrigue en même temps qu’il révèle au lecteur son propre point de vue. Point de vue qu’il est possible de reconstituer et qui donne à voir également un second niveau d’analyse, celui-ci directement lié à la thématique du roman, à savoir la dynamique des configurations électorales34. Là encore, nous sommes en présence d’une logique expérimentale. Les rebondissements de l’intrigue permettent en quelque sorte de passer en revue dans un temps court les différentes possibilités de configuration électorale et ce afin de préserver au fil des pages l’incertitude quant à l’issue de l’élection. Si l’intrigue du roman avait été ancrée dans une seule configuration35, il eut été en effet beaucoup plus difficile de ne pas révéler à l’avance au lecteur le nom du futur député de l’arrondissement… cette expérimentation s’est avérée difficile à mettre en place : Balzac précisa à son amie Mme Hanska qu’il s’agissait d’un « ouvrage très ingrat36 » et que « ce n’est pas une bagatelle de faire un livre intéressant avec les élections », d’autant plus qu’il est susceptible de représenter in fine environ « quatre volumes et cent personnages37 ». L’expérimentation fut d’ailleurs prolongée par Charles Rabou dans une version du roman achevée par ses soins sous le Second empire à la demande de la veuve de Balzac38. Ce qui n’était qu’une hypothèse à peine esquissée dans le texte initial – la victoire du candidat ministériel – est devenu dans cette version une forme d’évidence, à une époque il est vrai où les candidatures recommandées étaient devenues la règle dans les élection en France.
Démultiplier les décalages temporels
- 39 CHRISTOPHE VOILLIOT, « Passé et présent de l’élection dans l’œuvre romanesque d’Émile Zola : quelqu (...)
- 40 LOUIS GIRARD (s.l.d.), Les Élections de 1869, Paris, Rivière, « Bibliothèque de la Révolution de 18 (...)
- 41 Pour Henri Mitterrand, cette attitude est avant tout dictée par la prudence. HENRI MITTERRAND, Zola (...)
- 42 Zola ne précise pas exactement à quel moment il situe cet épisode, mais des indications chronologiq (...)
- 43 PIERRE BOURDIEU, Les Règles de l’art…, op. cit., p. 81.
- 44 ADELINE WRONA, Zola journaliste, Paris, GF Flammarion, 2011.
- 45 ALAIN PAGÈS, Zola et le groupe de Médan, Paris, Perrin, 2014.
- 46 ÉMILE ZOLA, Carnet d’enquêtes. Une ethnographie inédite de la France, Paris, Librairie Plon, « Terr (...)
- 47 CHRISTOPHE CHARLE, « De la science à la prophétie : situation de Zola », in EVELINE PINTO (s.l.d.), (...)
- 48 Texte daté du 1er juillet 1871.
- 49 CHRISTOPHE CHARLE, « De la science à la prophétie… », loc. cit., p. 181.
- 50 Cette arithmétique sera compliquée par le recours aux techniques de la représentation proportionnel (...)
- 51 La rédaction des notes préparatoires aux Rougon-Macquart est contemporaine de la réédition des volu (...)
- 52 FRÉDÉRIQUE GIRAUD, Émile Zola, le déclassement et la lutte des places. Les Rougon-Macquart, condens (...)
9Si l’on prend en compte l’ensemble des romans écrits par Émile Zola pour le cycle des Rougon-Macquart, on observe, s’agissant des thématiques politiques abordées, des évolutions qui, pour idéologiques qu’elles peuvent apparaître au premier abord, s’avèrent liées à des effets de trajectoires39. Ces évolutions sont en quelque sorte adossées au décalage systémique entre le temps de l’écriture et le temps de l’intrigue, décalage lui-même aggravé par le changement de régime qui va ainsi renvoyer dans un passé révolu, celui du Second empire, les intrigues électorales que l’on trouve dans plusieurs des textes qui composent ce cycle romanesque. Ainsi, par exemple, La Fortune des Rougon qui évoque le « coup d’état » du 2 décembre 1851 et la répression dans le var paraît en 1871 et a été rédigé deux ans auparavant alors qu’avaient lieu en France des élections au corps législatif40 dont Zola semble s’être néanmoins désintéressé41 ; La Curée dont une intrigue secondaire s’articule autour de l’invalidation d’un candidat officiel42 paraît quelques mois plus tard et a été rédigé alors que s’effondrait le régime impérial ; La Conquête de Plassans qui montre l’influence du clergé à l’occasion des élections de 1863 paraît en 1874 et a été rédigé dans une conjoncture marquée par les tentatives de restauration monarchiste. Comment expliquer la raréfaction progressive des intrigues électorales au sein de ce cycle romanesque qui prend fin avec la publication en 1893 du Docteur Pascal ? En prenant en compte la trajectoire de l’auteur au sein d’un champ littéraire désormais structuré et partiellement autonome qui l’éloigne progressivement du champ du pouvoir, éloignement d’ailleurs relatif tant est encore profonde à cette époque « l’imbrication du champ littéraire et du champ politique43 ». Tout en donnant l’impression de poursuivre à l’identique son projet initial, Zola va en effet lui donner une inflexion notable tant au niveau des méthodes de travail qu’à celui des thèmes abordés. Alors que les premiers romans sont écrits dans l’urgence, au milieu d’autres travaux plus rémunérateurs, en particulier des articles de presse44, et dans l’effervescence créatrice de la capitale ; les suivants font l’objet d’enquêtes préalables où le romancier, disposant désormais de revenus confortables, maître de son temps et organisateur de sa vie littéraire à Médan45, élabore méthodiquement des dossiers qui constitueront les matériaux des fictions à venir. Zola affecte alors de prendre ses distances vis-à-vis du personnel politique « républicain » dont il a un temps partagé les combats, mais dont il déplore qu’ils contribuent à censurer les créateurs contemporains. Ce faisant, il contribue à durcir les frontières entre le champ littéraire et un champ politique qui se structure autour des jeux parlementaires rendus possibles par la marginalisation électorale des adversaires du nouveau régime au tournant de la décennie 1880. « C’est ainsi que Zola, dont les romans ont connu la plus compromettante fortune, n’a sans doute dû d’échapper, en partie, au destin social que lui assignaient ses grands tirages et ses objets triviaux qu’à la conversion du commercial, négatif et vulgaire, en populaire, chargé de tous les prestiges positifs du progressisme politique ; conversion rendue possible par le rôle de prophète social qui lui a été imparti au sein même du champ et qui lui a été reconnu bien au-delà grâce au concours du dévouement militant (et aussi, mais beaucoup plus tard, du progressisme professoral)46 ». Cette inflexion dans sa trajectoire, Zola va d’ailleurs la théoriser, faute peut-être de pouvoir en dissimuler les aspects les plus provoquants. « La théorie du romancier comme savant expérimentateur du présent et de la société est avant tout une réponse pour se protéger contre l’embrigadement républicain et résister au scandale que suscite, à gauche comme à droite, la peinture du peuple dans L’Assommoir » note ainsi Christophe Charle47. Il devenait dès lors plus difficile pour Zola de manier l’intrigue électorale en virtuose et d’en faire un ressort essentiel de l’évolution de ses personnages. Et pas uniquement de peur de lasser ses lecteurs ou parce que la matière première lui aurait fait défaut… en continuant à construire des intrigues électorales et en mettant en scène les médiocres ambitions individuelles du personnel politique, Zola aurait joint sa voix à celle des adversaires de la république ; en continuant à situer ces scènes dans un passé proche – le Second empire –, il restait au contraire fidèle au projet d’origine, celui d’un « tableau d’un règne mort, d’une étrange époque de folie et de honte » comme il l’annonçait dans la préface de La Fortune des Rougon48, s’interdisant ainsi de revenir en permanence sur les turpitudes électorales de l’époque. Le décalage temporel croissant entre le temps de l’écriture et celui de l’histoire mise en scène n’affectait pas les romans empreints de réalisme social tel Germinal, mais rendait plus compliqué la réinscription dans la fiction de la conjoncture politique au jour le jour. Plus que pour la confrontation idéologique directe, telle que la pratiquait les journalistes d’alors, Zola incline de plus en plus à cette époque pour une posture prophétique : « prétendant dire la vérité parce qu’il pratique l’objectivité scientifique, l’auteur de fictions est tenté par la figure du mandarin, expert ès sciences sociales49 ». Or, il n’y a guère de vérité scientifique ou expérimentale à faire valoir dans les élections au suffrage universel où le verdict se déduit à partir d’une arithmétique simple50. Faute de pouvoir modifier la structure d’un cycle romanesque dont il a globalement suivi le plan initial qui visait à en faire l’égal du Balzac qu’il admirait51 tout en s’inscrivant dans une « démarche stratégique et commerciale52 », Zola en a par conséquent infléchi les thématiques en jouant des décalages temporels internes à son œuvre. Ce faisant, il nous donne à voir des logiques d’articulation temporelles complexes : le présent du roman n’est pas seulement dicté par le présent de l’écriture, il est aussi affecté par la temporalité interne du cycle romanesque et par la manière dont la trajectoire passée de l’auteur s’inscrit dans le présent et donc la structure du champ littéraire et dans les rapports de ce dernier avec le champ du pouvoir.
- 53 ANAÏS FLÉCHET et ÉLIE HADDAD, « Introduction. Écriture de l’histoire et récit littéraire : actualit (...)
- 54 SANDRA MOATTI, « L’économiste et l’écrivain, frères ennemis ? », L’Économie politique, vol. 79, n° (...)
- 55 PAUL RICŒUR, Temps et récit. Tome 1. L’intrigue et le récit historique, Paris, Seuil, 1983.
- 56 QUENTIN DELUERMOZ et PIERRE SINGARAVÉLOU, Pour une histoire des possibles. Analyses contrefactuelle (...)
- 57 JEAN-CLAUDE PASSERON, Le Raisonnement sociologique. Un espace non popérrien de l’argumentation, Par (...)
- 58 IVAN JABLONKA, L’Histoire est une littérature contemporaine. Manifeste pour les sciences sociales, (...)
- 59 « Il arrive aussi à la sociologie de pratiquer la lecture créatrice, notamment dans le but de dével (...)
- 60 ROLAND BARTHES, « Histoire et littérature : à propos de Racine », Annales ESC, vol. 15, n° 3, 1960, (...)
10Les tensions entre littérature et écriture scientifique sont loin de ne concerner que l’écriture sociologique stricto sensu. L’écriture historienne, pour ne prendre que cet exemple, est elle aussi travaillée par des aller-et-retour suggestifs entre réalité attestée et fiction avouée53. Une inclinaison comparable semble d’ailleurs perceptible chez certains économistes54. Faut-il s’en tenir pour autant, comme le suggère Paul Ricœur dans Temps et récit55, à la seule entrée herméneutique pour appréhender l’ensemble des textes qui entourent l’écriture des sciences sociales, au risque d’aplanir d’emblée toutes les aspérités liées à leurs contextes de production ? Ne serait-il pas possible d’enrichir l’écriture sociologique à partir d’analyses contrefactuelles à l’instar de celles récemment proposées par Quentin Deluermoz et Pierre Singaravélou56 ? En effet, tout en restant contrainte par l’« espace » de son raisonnement57, et à condition de tenir à distance le désir essentialiste de littérature qui peut hanter certains d’entre nous58, l’écriture sociologique peut parfaitement prendre en compte des contextes fictifs si et seulement si ces contextes fictifs sont analysés à partir de leurs logiques de production. Cela revient à réintroduire une part de raisonnement expérimental dans le raisonnement sociologique tout en sachant que cette expérimentation importée a initialement une finalité littéraire et non une finalité scientifique. Certes, réduire un texte littéraire à un ensemble de contextes cohérents peut sembler de prime abord une forme autoritaire d’instrumentalisation de la fiction. J’ai plutôt tendance à y voir, à l’instar de Barnard Lahire, une forme de « lecture créatrice59 » féconde. À lui seul, l’élargissement du questionnement préalable à la construction de l’objet de la recherche scientifique qu’elle induit suffirait à la justifier d’un point de vue épistémologique. Mais son importance pour l’écriture sociologique résulte principalement à mon sens d’un appel à l’imaginaire qui, loin de nous inciter à « institutionnaliser une subjectivité » comme le réclamait Roland Barthes60, permet de prendre en compte les processus de subjectivation à l’œuvre dans les institutions que le sociologue étudie et à propos desquelles il se fait devoir ou raison d’écrire.
Notes
1 PIERRE BOURDIEU, Les Règles de l’art. Genèse et structure du champ littéraire, Paris, Seuil, 1992, p. 60
2 PASCALE CASANOVA, La République mondiale des lettres, Paris, Seuil, 1999 ; JEAN-PIERRE MARTIN (s.l.d.), Bourdieu et la littérature, Nantes, Cécile Defaut, 2010 ; GISÈLE SAPIRO, La Guerre des écrivains, 1940-1953, Paris, Fayard, 1999 ; GISÈLE SAPIRO (s.l.d.), Les Contradictions de la globalisation éditoriale, Paris, Nouveau Monde éditions, 2009 ; GISÈLE SAPIRO, La Responsabilité de l’écrivain. Littérature, droit et morale en France (XIXe-XXIe siècle), Paris, Seuil, 2011 ; FABRICE THUMEREL, Le Champ littéraire français au XXe siècle. Éléments pour une sociologie de la littérature, Paris, Armand Colin, « U – lettres », 2002.
3 JACQUES DUBOIS, Les Romanciers du réel de Balzac à Simenon, Paris, Seuil, « Points », 2000.
4 CHRISTOPHE VOILLIOT, « Compte rendu de Giraud (Frédérique), Émile Zola, le déclassement et la lutte des places. Les Rougon-Macquart, condensation littéraire d’un désir d’ascension sociale », COnTEXTES [En ligne], mis en ligne le 8 mai 2018 : http://journals.openedition.org/contextes/6465
5 J’ai été conduit à élargir ce corpus à des auteurs du XXe siècle dans le cadre de mes enseignements en licence de science politique à l’université Paris-Nanterre pour tenir compte des réticences des étudiants à travailler à partir d’auteurs « classiques » que beaucoup assimilent à une culture scolaire imposée.
6 GUSTAVE FLAUBERT, Le Candidat, Paris, Le Castor astral, 2007. Écrite en 1873, cette pièce a été représentée pour la première fois au Théâtre du Vaudeville à Paris le 11 mars 1874. Les critiques mordantes contraignirent l’auteur à mettre fin aux représentations quatre jours après la première !
7 À tel point que je n’ai informé Bernard Lacroix qu’après coup de la rédaction et de la publication de mon article sur Balzac, et ce malgré la qualité de notre relation. Cf. CHRISTOPHE VOILLIOT, « La figuration de l’élection dans l’espace social d’un roman balzacien : Le député d’Arcis », a contrario, vol. 1, n° 2, 2003, p. 32-51.
8 Conférence consécutive à la publication par les éditions du Seuil dans la collection « Liber » de La Domination masculine et de Pour Albertine. L’hôtel d’Avejan est le siège du Centre National du Livre
9 Thèse finalement soutenue à Nanterre le 13 décembre 2002. Cf. CHRISTOPHE VOILLIOT, « La candidature officielle en France de la Restauration aux débuts de la IIIe République. Retour sur l’historiographie d’une pratique d’État », Revue d’histoire du XIXe siècle, n° 25, 2002, p. 278-283. Ce texte est la version intégrale de la position de thèse.
10 PIERRE KARILA-COHEN, « Les préfets ne sont pas des collègues. Retour sur une enquête », Genèses, n° 79, 2010, p. 116-134.
11 LAURENT QUÉRO et CHRISTOPHE VOILLIOT, « Travail électoral et pratiques administratives dans le cadre du suffrage censitaire. Enquête sur un refus », Revue d’histoire du XIXe siècle, n° 26/27, 2003, p. 131-147.
12 LOUIS CHEVALIER, « Préface », in HONORÉ DE BALZAC, Les Paysans, Paris, Gallimard, « folio », 1975, p. 8-9. Sur la trajectoire de Louis Chevalier, voir CHRISTOPHE VOILLIOT, Le Département de l’Yonne en 1848. Analyse d’une séquence électorale, Vulaines-sur-Seine, Éditions du Croquant, 2017, ch. 1.
13 JEAN-CLAUDE CARON, « Clio et les usages de Balzac. À propos de Louis Chevalier et de quelques autres (années 1950-années 1990) », in NICOLE MOZET et PAULE PETITIER (s.l.d.), Balzac dans l’Histoire, Paris, SEDES, 2001, p. 189.
14 BERNARD LAHIRE, « Auctor in opere suo : problématique existentielle, problématique littéraire », in BERNARD LAHIRE (s.l.d.), Ce qu’ils vivent, ce qu’ils écrivent. Mises en scène littéraires du social et expériences socialisatrices des écrivains, Paris, Éditions des Archives contemporaines, 2011, p. 9-38.
15 GÉRARD MAUGER, « Capitaux, dispositions, stratégies populaires », Savoir/Agir, n° 44, juin 2018, p. 95, note 3.
16 JEAN-CLAUDE PASSERON, « L’illusion du monde réel : -graphie, -logie, -nomie », in CLAUDE GRIGNON et JEAN-CLAUDE PASSERON, Le Savant et le Populaire. Misérabilisme et populisme en sociologie et en littérature, Paris, Gallimard/Le Seuil, 1989, p. 229-230.
17 FLORENT CHAMPY, « Littérature, sociologie et sociologie de la littérature. À propos de lectures sociologiques de À la recherche du temps perdu », Revue française de sociologie, vol. 41, n° 2, 2000, p. 363.
18 ANNA BOSCHETTI, La Poésie partout. Apollinaire, homme-époque, Paris, Seuil, « Liber », 2001, p. 21.
19 JACQUES DUBOIS, Les romanciers…, op. cit., p. 139.
20 CHRISTOPHE VOILLIOT, « Des candidats contre les extrêmes : l’action électorale des préfets dans la prépa- ration des élections législatives de 1834 », in MICHEL BIARD, BERNARD GAINOT, PAUL PASTEUR et PIERRE SERNA (s.l.d.), « Extrême » ? Identités partisanes et stigmatisation des gauches en Europe (XVIIIe-XXe siècle), Rennes, Presses universitaires de Rennes, « Histoire » 2012, p. 187-200.
21 CHRISTOPHE VOILLIOT, « Les élections au suffrage censitaire en France (1814-1848) : mythes et réalités », in Les Français et le vote depuis 1789 – 11e Colloque historique des bords-de-Marne, Nogent-sur-Marne, 2013, p. 27-40.
22 CHRISTOPHE VOILLIOT, « Le rôle des préfets dans les pratiques de la surveillance électorale au XIXe siècle », in SÉBASTIEN LAURENT (s.l.d.), Politique sous surveillance, Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, « espace public », 2011, p. 141-157.
23 STENDAHL, Lucien Leuwen, Paris, GF Flammarion, 1982, tome 2, p. 217.
24 BERNARD LAHIRE, Franz Kafka. Éléments pour une théorie de la création littéraire, Paris, La Découverte, « Poche », 2018 (1re éd. 2010), p. 434.
25 MICHEL GUERIN, La Politique de Stendhal, Paris, Presses universitaires de France, 1982.
26 DUBOIS Jacques, Stendhal une sociologie romanesque, Paris, La Découverte, 2007, p. 12-13.
27 STENDAHL, Mémoires d’un touriste, Paris, Librairie Maspéro, 1981, p. 211.
28 CHRISTOPHE VOILLIOT, « Qu’est-ce qu’une défaite électorale pour un candidat officiel dans la France du XIXe siècle ? », in CÉDRIC PELLEN et FRÉDÉRIC LOUAULT (s.l.d.), « Here’s to the losers ». Une sociologie politique de la défaite électorale, Rennes, Presses universitaires de Rennes, « Respublica », 2018 [à paraître].
29 Lettre du 21 décembre 1842 (n° 173), in HONORÉ DE BALZAC, Lettres à Madame Hanska, Paris, Robert Laffont, « Bouquins », 1990, tome 1, p. 625. Pour Roland Barthes, chez Balzac « le faubourg Saint-Honoré renvoie par synecdoque au Paris de la Restauration, lieu mythique des fortunes brusques, aux origines douteuses » (BARTHES Roland, S/Z, Paris, Seuil, 1976, p. 25).
30 CHRISTOPHE VOILLIOT, « La figuration de l’élection… », loc. cit., p. 42.
31 PIERRE BOURDIEU, Les Règles de l’art…, op. cit., p. 22.
32 Lettre du 21 novembre 1842 (n° 172), in HONORÉ DE BALZAC, Lettres à Madame Hanska…, op. cit., tome 1, p. 619.
33 ÉMILE ZOLA, Le Roman expérimental, Paris, Garnier-Flammarion, 1971, p. 63.
34 CHRISTOPHE VOILLIOT, « Pour une analyse configurationnelle des élections. Norbert Elias et le vote », Cultures & Conflits, n° 109, printemps 2018, p. 59-80.
35 Dans ce modèle d’analyse, pour la période de la Monarchie de Juillet, il existe en effet trois types principaux de configurations électorales : la domination notabiliaire, la concurrence entre notables et/ou notabilités et la candidature ministérielle.
36 Lettre du 14 octobre 1842 (n° 169), in HONORÉ DE BALZAC, Lettres à Madame Hanska…, op. cit., tome 1, p. 602.
37 Lettre du 10 janvier (n° 173), in HONORÉ DE BALZAC, Lettres à Madame Hanska…, op. cit., tome 1, p. 631.
38 CHRISTIANE THIL, « Le député d’Arcis. Histoire de l’achèvement et de la publication du roman de Balzac par Charles Rabou », L’Année Balzacienne, nouvelle série, vol. 4, 1983, p. 145-160.
39 CHRISTOPHE VOILLIOT, « Passé et présent de l’élection dans l’œuvre romanesque d’Émile Zola : quelques remarques provisoires », in RAPHAËL BARAT, VIRGINE HOLLARD, CHRISTOPHE LE DIGOL et CHRISTOPHE VOILLIOT (s.l.d.), Histoire(s) d’élections(s), Paris, éditions du CNRS, 2018 [à paraître].
40 LOUIS GIRARD (s.l.d.), Les Élections de 1869, Paris, Rivière, « Bibliothèque de la Révolution de 1848 », 1960.
41 Pour Henri Mitterrand, cette attitude est avant tout dictée par la prudence. HENRI MITTERRAND, Zola. Tome 1. Sous le regard d’Olympia, 1840-71, Paris, Fayard, 1999, p. 654.
42 Zola ne précise pas exactement à quel moment il situe cet épisode, mais des indications chronologiques éparses au sein du roman permettent de faire l’hypothèse qu’il s’agit des élections au Corps législatif de 1857.
43 PIERRE BOURDIEU, Les Règles de l’art…, op. cit., p. 81.
44 ADELINE WRONA, Zola journaliste, Paris, GF Flammarion, 2011.
45 ALAIN PAGÈS, Zola et le groupe de Médan, Paris, Perrin, 2014.
46 ÉMILE ZOLA, Carnet d’enquêtes. Une ethnographie inédite de la France, Paris, Librairie Plon, « Terre humaine », 1987. PIERRE BOURDIEU, Les Règles de l’art…, op. cit., p. 169.
47 CHRISTOPHE CHARLE, « De la science à la prophétie : situation de Zola », in EVELINE PINTO (s.l.d.), Penser l’art et la culture avec les sciences sociales. En l’honneur de Pierre Bourdieu, Paris, Publications de la Sorbonne, 2002, p. 179. Voir aussi CHRISTOPHE CHARLE, La Crise littéraire à l’époque du naturalisme, roman, théâtre, politique, Paris, Presses de l’ENS, 1979.
48 Texte daté du 1er juillet 1871.
49 CHRISTOPHE CHARLE, « De la science à la prophétie… », loc. cit., p. 181.
50 Cette arithmétique sera compliquée par le recours aux techniques de la représentation proportionnelle. Cf. PASCAL DELWIT (s.l.d), Le Mode de scrutin fait-il l’élection ?, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2000 ; THOMAS MARTY, Mobilisations politiques et expertise électorale. La question de la représentation proportionnelle, Paris, Fondation Varenne, 2013.
51 La rédaction des notes préparatoires aux Rougon-Macquart est contemporaine de la réédition des volumes de la « Comédie humaine » par l’éditeur parisien Michel Lévy dont Zola rendit compte dans deux journaux : La Tribune et Le Rappel. Cf. HENRI MITTERRAND, Zola…, op. cit., p. 717-719.
52 FRÉDÉRIQUE GIRAUD, Émile Zola, le déclassement et la lutte des places. Les Rougon-Macquart, condensation littéraire d’un désir d’ascension sociale, Paris, Honoré Champion, 2016, p. 150.
53 ANAÏS FLÉCHET et ÉLIE HADDAD, « Introduction. Écriture de l’histoire et récit littéraire : actualités d’un débat », Revue d’histoire moderne et contemporaine, vol. 65, n° 2, 2018, p. 7-20. Voir aussi ÉTIENNE ANHEIM et ANTOINE LILTI, « Savoirs de la littérature », Annales HSS, vol. 65, n° 2, 2010, p. 253-260 ; ÉLIE HADDAD et VINCENT MEYZIE, « La littérature est-elle l’avenir de l’histoire ? Histoire, méthode, écriture », Revue d’histoire moderne et contemporaine, vol. 64, n° 4, 2015, p. 132-154 ; JUDITH LYON-CAEN et DINAH RIBARD, L’Historien et la Littérature, Paris, La Découverte, 2010.
54 SANDRA MOATTI, « L’économiste et l’écrivain, frères ennemis ? », L’Économie politique, vol. 79, n° 3, 2018, p. 5-7.
55 PAUL RICŒUR, Temps et récit. Tome 1. L’intrigue et le récit historique, Paris, Seuil, 1983.
56 QUENTIN DELUERMOZ et PIERRE SINGARAVÉLOU, Pour une histoire des possibles. Analyses contrefactuelles et futurs non advenus, Paris, Seuil, 2016.
57 JEAN-CLAUDE PASSERON, Le Raisonnement sociologique. Un espace non popérrien de l’argumentation, Paris, Albin Michel, « Bibliothèque de l’évolution de l’humanité », 2006 (1re éd. 1991), p. 147.
58 IVAN JABLONKA, L’Histoire est une littérature contemporaine. Manifeste pour les sciences sociales, Paris, Seuil, 2014.
59 « Il arrive aussi à la sociologie de pratiquer la lecture créatrice, notamment dans le but de développer son imagination scientifique, d’élaborer ses concepts et d’enrichir sa grille d’observation du réel » (BERNARD LAHIRE, Franz Kafka…, op. cit., p. 846). Voir aussi BERNARD LAHIRE, « Sociologie et littérature », in BERNARD LAHIRE, L’Esprit sociologique, Paris, La Découverte, « Textes à l’appui », 2005, p. 172-257.
60 ROLAND BARTHES, « Histoire et littérature : à propos de Racine », Annales ESC, vol. 15, n° 3, 1960, p. 524-537.
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| Titre | Archives nationales F1cIII Jura 5 |
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Pour citer cet article
Référence papier
Christophe Voilliot, « Écriture sociologique et romans d’élection », Revue de l’Institut de Sociologie, 87 | 2017, 43-56.
Référence électronique
Christophe Voilliot, « Écriture sociologique et romans d’élection », Revue de l’Institut de Sociologie [En ligne], 87 | 2017, mis en ligne le 31 mai 2022, consulté le 06 novembre 2025. URL : http://journals.openedition.org/ris/471 ; DOI : https://doi.org/10.4000/kew4
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