L’arrangement du décor
Résumés
Les dimensions situationnelles et institutionnelles proposées par Claude Javeau pour analyser les relations sociales et plus largement l’activité humaine, nous facilitent considérablement la tâche. Elles nous permettent de comprendre le monde qui nous entoure, que l’angle soit micro ou macrosociologique. Ainsi, l’arrangement du décor est un concept qui peut valider ces dimensions, que cela concerne l’exécution d’un soldat de la Grande Guerre ou la propagande autour du camp de Theresienstadt.
Plan
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Introduction
- 1 Voir Claude Javeau, « Aux deux moments des relations sociales », Nouvelles perspectives en sciences (...)
1Les scènes de la vie humaine sont soumises aux intentions de ceux qui les vivent et les fabriquent. Qu’elles soient vécues dans les interactions quotidiennes, ou qu’elles soient le fruit d’histoires contées ou écrites, de projections filmées, de retransmissions enregistrées, de direct, ces scènes de vie sont aussi destinées à produire des effets sur ceux qui les voient, les entendent, les perçoivent. La plupart du temps, ces intentions valent pour ce qu’elles sont. Ainsi, les logiques d’action sont destinées à produire une forme de réalité que les individus souhaitent construire et entretenir spontanément, dépourvue de stratégie particulière. Le réel se décline alors sans subterfuge, c’est-à-dire que les intentions ne cherchent pas à produire d’effets particuliers sur la manière dont les individus vont recevoir et lire ces tranches de vie, ces fragments de réalité.
Une pluralité conceptuelle
2Le verbe « arranger » comporte un nombre considérable de significations. Au moins trois d’entre elles sont relatives à des configurations matérielles. Il y a tout d’abord le fait de « remettre en ordre », de « mettre dans le bon ordre » des objets. Il y a aussi l’action de transformer ou de réorganiser un espace, par exemple un garage ou un entrepôt, dans le but de le « rafraîchir » ou de lui donner une autre fonction (un appartement, une chambre d’appoint).
3Dans le jargon artistique, « arranger une musique », un script ou un texte consiste à effectuer des adaptations, des modifications pour formater ces créations originales à des productions cinématographiques, des représentations théâtrales, des albums musicaux. D’autres définitions concernent des contextes relationnels, comme le fait de vouloir « arranger les choses », qui est une démarche visant soit à résoudre un conflit personnel ou collectif, soit à sortir une personne ou un groupe de personnes d’une situation défavorable. De même, « arranger un rendez-vous » revient à organiser, favoriser une rencontre entre des individus qui ne seraient pas entrés en contact sans cela. Pour prolonger cette définition, « arranger » est aussi une manière (volontaire ou non) de rendre service à quelqu’un en lui facilitant les choses : « cette décision m’arrange ». Dans un ordre d’idées opposé, « arranger les choses » est un mode d’action qui repose sur une interprétation des faits orientée et destinée à servir des intérêts personnels, en dépit de la réalité ou de la vérité : « tu arranges cela à ta manière ».
D’après le langage familier, « se faire arranger le portrait » signifie avoir été défiguré par quelqu’un. Sur un plan sportif, quand une équipe « se fait arranger », c’est qu’elle a enduré une lourde défaite.
Dans le jargon des affaires, celui qui « se faire arranger » vient de subir une tromperie ou une escroquerie. Lorsque des individus « se sont arrangés », c’est qu’ils se sont accordés sur un principe qui contourne parfois une démarche officielle, tels les automobilistes par exemple, qui procèdent ainsi en cas d’accident matériel afin d’éviter un constat d’assurance. Comme pour la volonté « d’arranger les choses », désirer « s’arranger » induit le fait que les protagonistes souhaitent trouver une solution à la situation qui les convoque. Enfin, « s’arranger » (avec soi, avec les faits et parfois avec sa conscience) revient à « avoir fait ce qu’il fallait » pour éviter une compromission ou la levée d’un secret, que l’intention soit noble ou frauduleuse : « le suspect s’est arrangé pour faire disparaître le corps » ; « je me suis arrangé pour qu’il n’en sache rien ».
- 2 Claude Javeau, Le bricolage du social. Un traité de sociologie, Paris, Presses Universitaires de Fr (...)
- 3 Claude Javeau, La société au jour le jour. Écrits sur la vie quotidienne, Bruxelles, La Lettre volé (...)
4Cette compilation de définitions reflète l’orientation sémantique du verbe « arranger », ainsi que sa considérable étendue conceptuelle, qui s’avère être un fourre-tout où l’on peut inclure des signifiants totalement en lien avec le concept d’arrangement du décor. L’on peut donc à sa guise « arranger le sens d’arranger » pour qu’il colle avec l’objet démonstratif désiré. Les deux grandes catégories de définition concernent soit des configurations matérielles, soit des situations sociales, qu’elles soient interactives ou introspectives, lorsque par exemple on se penche sur la signification de « s’arranger », de l’intérêt de « bricoler »2, d’agir au quotidien entre « conformité et résistance »3.
Petits arrangements entre amis
- 4 Éric Bross, Petits arrangements entre amis, film cinématographique (USA), 1999, 100 min., son, coul (...)
5L’arrangement est au cœur de l’expression sans doute tirée du film Petits arrangements entre amis4. De prime abord, l’arrangement s’inscrit comme une pratique sociale visant à dissimuler des actes, à entretenir un secret par l’usage de combines. La préposition « entre » inscrit les individus qui procèdent à ces manigances dans un environnement clos, sans porosité avec le monde extérieur. Cette préposition amène aussi une dimension de confidentialité et de réciprocité au sein de cet espace de bricolage en perpétuelle renégociation. Le terme « arrangement » présente deux définitions qui, associées, vont s’avérer être complémentaires afin de parvenir à l’élaboration du concept d’arrangement du décor.
- 5 Howard S. Becker, Outsiders, Études de sociologie de la déviance, Paris, Métailié, 1985, p. 192.
En premier lieu, l’arrangement est synonyme d’un accord tacite faisant fi des conventions et des cadrages officiels. Un arrangement sous-entend la confidentialité. Il s’inscrit dans des milieux souterrains, clandestins, parfois frauduleux et illégaux5. Ces pratiques sont parfois nommées « tractations » ou « négociations », afin d’être présentées comme étant acceptables ou séduisantes auprès de ceux qui n’en sont pas les témoins ou les acteurs. En coulisse, ces agissements conscients et réciproques sont considérés comme des « magouilles », des « plans » ou autres « décales ». « Trouver un arrangement », à la différence de « trouver un accord » induit la notion de bricolage, d’une composition hasardeuse avec la réalité sociale. « Trouver un arrangement » signifie aussi que l’on cherche quelque chose. Cette démarche en cours consiste à tenter d’amener une solution qui, pour un individu ou un groupe d’individus peut soit se révéler consensuelle, c’est-à-dire communément pensée et organisée, soit être contraignante, c’est-à-dire unilatéralement décidée et appliquée. En ce monde clos, l’arrangement se fabrique au sein d’un espace perpétuellement renégocié, dans un contexte bancal, bricolé tant pour préserver et favoriser les conditions de faisabilité de l’arrangement, que pour entretenir les possibilités de son fonctionnement et de sa déclinaison. Cela nous amène, par quelques détours, vers la seconde définition de l’arrangement, qui s’avère donc être, en même temps qu’une pratique frauduleuse, un ensemble de compositions et de manœuvres effectuées « en coulisse », afin d’assurer les arrières et d’éviter d’être démasqués pour ceux qui sont en « phase d’arrangement ».
- 6 Anselm Strauss, La trame de la négociation, Paris, L’Harmattan, 1992, p. 245.
6L’arrangement est aussi une adaptation. C’est un processus qui cherche à modifier les circonstances, à transformer les déclinaisons de la vérité, à raccourcir le déroulement des faits sociaux, à orienter des segments de réel dans le but de servir des intérêts propres en usant de stratégies particulières. S’il consiste à produire un effet visant à travestir tout ou partie d’un événement ou d’un ensemble d’événements, l’arrangement prend sa source à partir d’éléments véritables. C’est une composition, une série d’actions, un ensemble de négociations établies6 à partir d’une réalité existante. Pour ceux qui jouent sa partition, il s’agit alors de la bricoler pour parvenir au résultat escompté. L’adjectif « petit » contenu dans le sous-titre de ce développement amène la notion de bassesse. Ces actes, considérés parfois comme des « combines » de bas étage pas toujours élaborées, constituent un système qui s’autoalimente et se nourrit de manœuvres aussi bien destinées à les couvrir qu’à les produire.
L’arrangement du décor
- 7 Les membres de ce « groupe », formel ou non, officiel ou non, se doivent ce que Goffman nomme « loy (...)
- 8 Claude Javeau, Leçons de sociologie, Paris, Méridiens Klincksieck, 1990, p. 161.
- 9 Ibid. p. 201.
7L’arrangement du décor peut donc se définir comme une mise en scène consciente et anticipée d’un individu ou d’un groupe d’individus7 visant à produire un effet sur un public. Quelles que soient les raisons de celui ou de ceux qui les produisent, les actes déterminés consistant à orienter, truquer, falsifier, tronquer, modifier une réalité telle qu’elle se décline initialement, pour ce qu’elle est, sont des arrangements du décor. Il n’existe pas de limites spatiales et temporelles aux configurations encadrant les mécanismes qui permettent l’élaboration d’une mise en scène. Ce peut être une situation sociale courte, constituée de furtives et de rares interactions de quelques secondes8. Mais il peut s’agir aussi d’une série continue de logiques d’actions qui s’inscrivent dans des contextes prolongés9. L’ensemble vise toujours un processus destiné à produire une impression qui n’aurait pas été la même si la stratégie de l’arrangement du décor n’avait pas été employée. D’emblée, l’arrangement du décor s’inscrit donc, pour ceux qui entreprennent de l’utiliser, comme le résultat d’une analyse objectivée de situations, de faits et d’événements.
Le décor est un élément de l’espace scénique qui, fondu dans l’ensemble des impressions générées par le déroulement d’une représentation théâtrale, est destiné à produire un effet sur le public. C’est le support matériel utilisé par les acteurs d’une pièce pour influencer la perception et l’interprétation des faits chez les spectateurs. La saisie progressive des situations, le dévoilement de la trame, l’évolution de l’intrigue jusqu’à la chute finale passent indubitablement par le décor, qui s’inscrit comme un composant indissociable des prestations de chaque comédien. Le conditionnement des esprits, la manipulation des âmes sont ainsi soumis au décor, sur lequel repose donc en grande partie le jeu des acteurs. Lors d’une représentation de théâtre, le décor est posé dès que les rideaux s’ouvrent. Il reste figé pendant le déroulement des scènes, change parfois en fonction des actes.
L’affaire Chapelant, une perspective situationnelle de l’arrangement du décor
- 10 Qualifiant le département français de la Loire.
8La Première Guerre est déclarée depuis deux mois lorsque le 98e régiment d’infanterie de Roanne se trouve dans une situation particulièrement délicate. En ce début du mois d’octobre 1914, ces troupes ligériennes10 bataillent au nord de Roye, dans la Somme. La confusion règne dans les lignes françaises qui doivent tenir l’axe Beuvraignes-Crapeaumesnil. Les assauts et les bombardements allemands disloquent les défenses tricolores au Bois des Loges. Dans ce contexte, le destin de Jean-Julien Chapelant, un jeune sous-lieutenant de vingt-trois ans va basculer. Résidant à Roanne, il est originaire du village d’Ampuis, situé à l’extrémité sud du département du Rhône. Le 7 octobre, vers cinq heures du matin, la troisième compagnie du 98e défend une tranchée maintenue à moins de cent mètres des lignes ennemies. L’artillerie d’Outre-Rhin pilonne les positions françaises, ce qui occasionne de très lourdes pertes. Un instant repoussés, les Allemands repartent à l’assaut avec de considérables renforts. Les troupes françaises sont alors débordées. Le capitaine Rigaud, commandant de la compagnie, est tué. La responsabilité de la situation retombe alors sur les épaules de Chapelant, chef de la section des mitrailleuses. Incapable de se défendre, il reste seul avec quelques survivants et du matériel hors d’usage. Les deux mitrailleuses françaises qui permettaient aux hommes de tenir sont enrayées. C’est la débâcle dans les rangs. Totalement impuissant pour infléchir sur le cours des événements, son groupe est alors cerné. À partir de cet instant, la restitution historique diverge. Certains prétendent que Chapelant se serait rendu avec ses hommes en agitant un mouchoir blanc. D’autres affirment qu’il aurait été fait prisonnier, ou qu’il aurait été laissé pour mort, ou encore qu’il aurait reçu une balle française volontairement tirée contre lui.
- 11 Claude Javeau, Anatomie de la trahison, Belval, Circé, 2007, p. 12.
- 12 André Bach, Fusillés pour l’exemple, 1914-1915, Paris, Tallandier, 2003, p. 381-382.
- 13 Jean-Yves Le Naour, Fusillés, Paris, Larousse, 2010, p. 300.
9Reprenons les faits qui ne souffrent d’aucune discussion. Quelques heures après cette matinée cauchemardesque et fatale pour bon nombre de soldats du 98e, on aperçoit un homme à terre qui s’agite. Mais l’état-major français décide de ne pas aller le chercher. C’est seulement deux jours plus tard, le 9 octobre, que trois brancardiers reçoivent l’ordre de ramener le soldat blessé. Il s’agit de Chapelant. Fatigué, affamé, malade, son tibia est fracturé par une balle. Le sous-lieutenant ne peut tenir debout. Il dit s’être évadé peu après sa capture et affirme être resté deux jours et deux nuits dans un recoin du no man’s land. Conduit dans la foulée à l’infirmerie quelques centaines de mètres à l’arrière, il est ensuite transféré à l’ambulance du Plessis située plusieurs kilomètres en retrait. Chapelant y est très sommairement soigné. Ces transports le font souffrir terriblement. Chaque mouvement le plonge dans d’atroces douleurs. Quelques heures plus tard, le lieutenant-colonel Didier, chef de corps du 98e, ordonne qu’on le transporte au château des Loges afin qu’il soit interrogé. Fou de rage, ce dernier considère le jeune officier comme un lâche. Bien que n’ayant aucun témoignage à charge, il lui reproche de s’être rendu, d’avoir abandonné ses hommes et de s’être comporté en traître11. On ramène donc Chapelant à l’ambulance. Il est très inquiet, on menace de le fusiller12. À dix-sept heures, le capitaine Grapin procède à un interrogatoire bâclé et totalement à charge. Chapelant est malade, traumatisé et gravement blessé. Dans un état de fatigue avancé, son propos est incohérent. En coulisse, son sort est déjà scellé. Au début de ce même après-midi, vers treize heures, le général Demange, commandant de la 25e division, fait parvenir un message au colonel Pentel, commandant de la brigade. Il faut livrer Chapelant à un conseil de guerre spécial, lequel devrait être en mesure de faire son devoir. L’exécution est suggérée entre les lignes13.
- 14 Jean-Paul Nomade, Roanne et son lycée pendant la guerre de 14-18, Roanne, Thoba’s Éditions, 2008, p (...)
Le lendemain, 10 octobre 1914, le sous-lieutenant est encore une fois extirpé de son lit d’hôpital pour être entendu au château des Loges. Ce transfert est de nouveau un chemin de croix. Chaque mouvement inflige d’atroces souffrances au soldat ligérien. À son arrivée, le conseil de guerre va se réunir. Didier l’accueille froidement. Il lui tend son revolver, lui propose de mettre fin à ses jours afin qu’il s’en tire honorablement. Chapelant refuse, se déclare innocent. Didier trépigne, manifeste un comportement excessivement agressif à l’encontre de son jeune subalterne. Il lui tend une seconde fois l’arme, sans succès. Il s’entretient alors avec le commandant Gaube, président du conseil de guerre, juste avant que la réunion ne commence. Didier hurle : « Il faut me le fusiller ! »14. Le déroulement des débats est à sens unique. Chapelant ne cesse de gémir tant ses douleurs sont intenses. C’est dans cet état qu’il est soumis au verdict impitoyable et sans surprise. L’ordre de son exécution est prononcé.
La sentence sera appliquée le lendemain, 11 octobre 1914, à huit heures. Pendant le conseil de guerre, Didier reste insensible au supplice enduré par le sous-lieutenant roannais. Mais il hésite lorsqu’il envisage les conditions, le déroulement et l’application de la sentence. Peut-on exécuter un homme blessé ? Comment fusiller un homme qui ne tient pas debout ? Si la question de fond est éludée et ne souffre d’aucune contestation, la forme pose un sérieux problème à l’état-major en charge du dossier. Juste avant qu’il ne soit passé par les armes, Didier lui tend une dernière fois son revolver. Le sous-lieutenant garde sa ligne de conduite. Il ne mettra pas fin à ses jours, se considérant injustement condamné. Finalement, le 11 octobre 1914 au matin, Chapelant est fusillé, le corps ficelé sur un brancard, posé contre un arbre, en position verticale. Mis en joue, le jeune officier français est abattu par un peloton de douze hommes, sous le regard du lieutenant-colonel, dont le comportement à cet instant provoque l’indignation et l’écœurement de tous les soldats et officiers qui ont assisté à ce drame.
- 15 Claude Javeau, Sociologie de la vie quotidienne, op. cit., p. 29.
- 16 Claude Javeau, Le petit murmure et le bruit du monde, Fribourg, Academic Press Fribourg, 2010, p. 4 (...)
- 17 Claude Javeau, Prendre le futile au sérieux, Paris, Cerf, 1998, p. 29.
10La notion d’arrangement du décor prend ici tout son sens dans la mesure où il s’agit, pour l’armée française, de rendre acceptable pour tous une scène fortement connotée sur le plan symbolique qui sera soumise à la connaissance du public et à sa réaction. La mise au pilori du sous-lieutenant Chapelant construit un fragment de réel établi à partir de cette idée. Le fait de « ficeler » le jeune officier marque l’intention de rendre honorable un segment de réalité qui ne peut l’être par définition puisqu’un homme injustement condamné et ne tenant pas debout est livré à un peloton d’exécution15. Comme on ne peut se débarrasser lâchement d’un individu que l’on accuse lui-même d’être un lâche, la blessure de Chapelant est un grain de sable qui enraie la mécanique militaire. Les conditions de l’exécution présentent une forme d’inégalité symbolique ne rendant ni juste ni équitable la façon dont Chapelant est traité. Le « souci » de le rendre digne en le mettant debout est un arrangement du décor qui ne remet pas en cause le fond de l’affaire. Pour l’institution militaire, Chapelant mérite sa condamnation à mort et ce jugement est incontestable. L’arrangement de décor orchestré par Didier et suggéré par Demange répond à une projection de leur part, à savoir une scène d’exécution scandaleuse16 qu’il convient de sacraliser17.
Le camp de Theresienstadt, une perspective institutionnelle de l’arrangement du décor
- 18 Theresienstadt fut une ville de l’empire austro-hongrois et du protectorat du 3e Reich. Elle se nom (...)
11La ville de Theresienstadt18 a été construite en septembre 1784 à des fins stratégiques, sur ordre de Joseph II de Habsbourg. Baptisée ainsi en l’honneur de sa mère Marie-Thérèse d’Autriche, cette ville située au cœur de la Bohème sert de forteresse pour empêcher les intrusions ennemies. Cette ville est une zone militaire importante et un lieu de réclusion massif où sont enfermés les opposants aux États régis par les Habsbourg. Theresienstadt garde cette importance stratégique sous l’Empire austro-hongrois. Surnommée « La Petite Forteresse » pendant la première République tchécoslovaque, Terezin devient une prison dès 1918. À la suite des accords de Munich en septembre 1938, l’Allemagne nazie annexe le territoire des Sudètes. Dans la continuité de la politique expansionniste du troisième Reich, la Bohême-Moravie devient un protectorat en mars 1939. À partir de 1940, Theresienstadt est une base militaire de la Wehrmacht, sa zone fortifiée devient la prison de la Gestapo de Prague. La plupart des prisonniers sont soit des opposants au régime, soit des résistants, soit des juifs. Cet espace de réclusion n’est souvent qu’une prison de transit : les prisonniers passent devant les tribunaux nazis avant d’être envoyés le plus souvent dans les camps de concentration. Plus de 32.000 personnes ont transité par cette prison, au moins 2.500 prisonniers y périrent à la suite de mauvais traitements, de maladie ou des conditions de vie déplorables qui y régnaient.
La décision d’implanter un ghetto est actée en 1941 par le bureau principal de la sécurité du Reich (RSHA) qui comptait dans ses rangs Adolf Eichmann et Reinhard Heydrich. Le ghetto de Theresienstadt devait à l’origine être un camp d’accueil et de passage réservé aux juifs de Bohême et de Moravie. Au début, les prisonniers juifs n’occupent que les casernes, puis au second semestre 1942, devant l’afflux massif des juifs, la population de la ville fut évacuée de force afin d’agrandir le ghetto. Mais il devient rapidement un mouroir. Au fil de l’histoire, ce ghetto a rempli plusieurs fonctions. Ce fut un lieu de transit, de résidence, d’extermination (plus de 20 % des prisonniers y périrent), mais aussi un camp de travail et un espace de propagande, nous y reviendrons. Au final, de la naissance du ghetto, jusqu’au 20 avril 1945, date de sa libération, près de 140.000 personnes passèrent à Theresienstadt. Plus de 87.000 d’entre elles furent déportées en particulier dans les chambres à gaz d’Auschwitz-Birkenau. Moins de 4.000 survécurent.
- 19 Voir sur « le contrôle de l’information » Erving Goffman, La mise en scène de la vie quotidienne. T (...)
- 20 Voir, entre autres, à ce sujet les ouvrages de Patrick Cauvin, Nous allions vers les beaux jours, P (...)
12Le protocole de la conférence de Wannsee, qui s’est déroulée le 20 janvier dans la banlieue berlinoise, décide que Theresienstadt serait « un espace de triage » qui pourrait également héberger des anciens combattants juifs trop blessés pour se rendre dans les camps de travail. Dans les faits, le ghetto de Theresienstadt aurait une fonction en creux totalement abjecte. Il est destiné à être une fausse vitrine des camps nazis, à dissimuler la réalité de la déportation vers l’est et à concentrer des personnes célèbres susceptibles d’attirer l’opinion internationale. La propagande du troisième Reich compte ainsi sur le fait que les reclus eux-mêmes vantent les camps et ghettos nazis, afin de couper court à d’éventuelles voix qui pourraient s’élever ailleurs, dans d’autres camps de concentration. L’image fausse d’un « territoire peuplé de juifs et relevant de l’administration juive » est avancée par les bourreaux nazis dans le but de dissimuler la mise en œuvre de la solution finale19. Cet exemple paroxystique de l’arrangement du décor, le plus funeste et cynique qui soit, fut largement décrit et conté dans la littérature ordinaire20 ou scientifique. Cette sordide imposture qui caractérise l’expertise nazie en termes de propagande se traduit notamment par deux événements inhérents au camp de Theresienstadt : la visite du Comité International de la Croix Rouge (CICR) en juin 1944 avec les photos qui en furent tirées et le film Theresienstadt tourné dans la foulée en août et septembre 1944.
- 21 Claude Javeau, Les paradoxes de la postmodernité, Paris, Presses Universitaires de France, 2007, p. (...)
13Le CICR cherche vainement, depuis le début de la Seconde Guerre mondiale, à pouvoir entrer dans les camps fabriqués par les nazis. Pour le CICR, cette mission a pour but de secourir les personnes internées et d’observer ce qui se passe réellement en ces lieux de réclusion et d’extermination. C’est ainsi qu’une délégation du CICR emmenée par Maurice Rossel entre dans l’enceinte du ghetto le 23 juin 1944. Voici quelques interprétations de la force des clichés21 pris au cours de cette visite :
- 22 Sébastien Farré et Yan Schubert, « L’illusion de l’objectif. Le délégué du CICR Maurice Rossel et l (...)
Cependant la photographie est le produit d’une réalité construite, qui offre une approche intéressante pour comprendre les enjeux de cette visite. D’abord, l’autorisation des SS de laisser au délégué prendre des clichés ne manque pas de surprendre, même si le CICR s’est engagé à ne pas diffuser le contenu du rapport. Ceci traduit certainement la confiance des responsables du ghetto dans le dispositif mis en place, à fin de propagande, pour la visite, mais aussi leur intérêt à la diffusion d’une certaine image de celle-ci. Vraisemblablement considérée comme intrinsèquement objective par le CICR, la photographie n’est cependant qu’une représentation qui n’offre que l’illusion de la réalité, ce d’autant plus qu’elle est totalement mise en scène lors de cette visite. Il est assez remarquable que la majorité des photographies de Theresienstadt fige des productions récréatives, sociales ou sportives. Comme nous l’avons vu, la présentation des pompiers du ghetto retient assez largement l’attention du délégué, au même titre que le concert d’un orchestre sur la place centrale de Theresienstadt, la répétition du requiem de Verdi ou un match de football. Celui-ci sera aussi l’un des moments forts du film de propagande tourné quelques mois après la visite de Rossel sous la direction de Kurt Gerron et intitulé Theresienstadt, Ein Dokumentarfilm aus dem jüdischen Siedlungsgebiet (Theresienstadt, un film documentaire de la zone de colonisation juive), dont des extraits sont par ailleurs montrés aux délégués Otto Lehner et Paul Dunant qui effectuent une deuxième visite à Theresienstadt le 6 avril 1945 sous la conduite d’Erwin Weinmann et d’Eberhard von Thadden déjà présents lors de la visite du 23 juin, dans un but tout aussi propagandiste. Ces photographies témoignent de l’intention des SS de créer l’illusion d’un ghetto modèle en mettant en particulier en avant des éléments récréatifs qui cadrent le parcours du délégué, et amènent à réfléchir à certains problèmes posés par ce « reportage » photographique22.
- 23 Sylvie Lindeperg, « Le double jeu du cinéma : filmer Terezin et Westerbok », Revue d’histoire de la (...)
14À cette visite du CICR, qui a provisoirement dupé la communauté internationale succède le film propagandiste imaginé dès décembre 1943 par Hans Günther, responsable du bureau des affaires juives à la Gestapo de Prague. Le projet d’emblée sans équivoque, « avait pour objet de présenter Terezin comme un lieu de villégiature paradisiaque et de dissimuler sa fonction de camp de transit vers les centres de mise à mort »23.
La visite du CICR a ainsi grandement influencé le tournage du film avec cette volonté prédominante de vouloir « arranger le décor » :
- 24 Id.
Le projet Theresienstadt emprunte ses décors et ses situations à la visite du CICR. Gerron exploite les aménagements construits pour leurrer les visiteurs : le pavillon des enfants avec son manège et ses balançoires ; le terrain de sports aménagé sur les remparts ; la salle de lecture ; les magasins en trompe-l’œil aux vitrines achalandées ; les espaces verts de la place du marché et son kiosque à musique… Le scénariste s’inspira en outre de certains épisodes de la visite, comme celui du goûter, joué une première fois le 23 juin 1944 en présence du commandant du camp. Ce jour-là, des conserves de sardines avaient été distribuées aux enfants qui reçurent l’ordre de remercier « oncle Rahm » ; une fois les délégués repartis, les boîtes furent confisquées. Plus encore que la visite de la Croix-Rouge, le film Theresienstadt parvient à s’émanciper du réel en excluant du champ les miradors, le commandant et les gardiens24.
15Le film, au même titre que la photo, est un outil qui permet la manipulation des esprits et l’arrangement d’une réalité sociale ignoble. Les moyens propagandistes mis en œuvre par les nazis pour contrecarrer cette réalité existante ne sont-ils pas les aveux les plus terribles de la conscience que ce régime avait des atrocités et exactions qu’ils commettaient ?
Conclusion
- 25 Erving Goffman, La mise en scène de la vie quotidienne, tome 1. La présentation de soi, op. cit., p (...)
16Les perspectives institutionnelles et situationnelles proposées par Claude Javeau sont de précieuses dimensions pour saisir la réalité sociale, quelle que soit sa dimension. Nous venons de voir que l’exécution d’un soldat de la Grande Guerre, pouvant s’inscrire dans un contexte microsociologique présentait ainsi une dimension situationnelle originelle pour l’arrangement du décor qu’elle implique. Cela étant, la mise en scène de l’exécution est commandée par une dimension institutionnelle, celle des États-Majors français, qui ne peuvent se satisfaire de mettre à mort un homme ne pouvant tenir debout. À l’inverse, le contexte macro-historique dans laquelle la propagande nazie prend sa source pour transformer un ghetto où l’on maltraite des hommes en une ville des plus plaisantes, inspire une dimension fondamentalement institutionnelle qui se manifeste au quotidien par une multitude de situations sociales25 (et donc un contexte situationnel) qu’il convient de faire ressortir notamment dans un film et sur des photos.
- 26 Ibid. p. 61 sqq.
- 27 Ibid. p. 68 sqq.
- 28 Andrée Saint-Aubin, Ils ont tué mon fils, Paris, Ledrappier, 1987.
17L’arrangement du décor est « une représentation frauduleuse »26 et « une mystification »27 à grande échelle. L’angle situationnel permettant l’analyse de l’exécution de Jean-Julien Chapelant trouve de nombreux exemples contemporains. À ce titre, l’affaire Saint-Aubin est une spectaculaire mise en scène de la part des services secrets français. Pour couvrir une terrible méprise (l’assassinat « par erreur » d’un jeune homme sans histoire au mauvais endroit au mauvais moment), ces derniers ont usé de multiples subterfuges, situationnels au départ, puis finalement institutionnels puisque l’on peut véritablement parler d’une affaire d’état28.
- 29 Vladimir Volkoff, Petite histoire de la désinformation, Paris, Éditions du Rocher, 1998, p. 57.
- 30 Voir francetvinfo.fr, « G8 : de fausses devantures pour masquer la crise en Irlande du Nord », publ (...)
- 31 Fabien Ollier et Marc Perelman, Le livre noir des J.O. de Pékin, Mercuès, City Éditions, 2008, p. 1 (...)
Sous un aspect diamétralement opposé, les fameux villages Potemkine illustrent l’arrangement du décor institutionnel. En 1787, le prince Grigory Aleksandrovitch aurait fait fabriquer des villages en carton plâtre pour dissimuler la pauvreté du peuple à Catherine II, alors en visite en Crimée29. Plus près de notre époque, on remarque de fausses devantures dans les rues irlandaises lors du G8 organisé dans les environs de Belfast, érigées dans le but de masquer la crise économique et la fermeture de nombreuses enseignes30. Le régime chinois a orchestré une propagande de grande envergure et procédé au « nettoyage » de la ville de Pékin, pour rendre olympique le décor pékinois dans la perspective des JO d’été de 2008, quitte à raser des lieux historiques, mais aussi des quartiers défavorisés, privant ainsi des milliers de personnes de logement31. Ici, l’arrangement du décor sous l’angle macro-institutionnel modifie en profondeur les configurations situationnelles des habitants de Pékin, les plongeant parfois dans une effroyable précarité quotidienne.
- 32 Norbert Elias, Qu’est-ce que la sociologie ?, La Tour d’Aigues, Éditions de l’Aube 1991, p. 154.
- 33 Norbert Elias, La société des individus, Paris, Fayard, 1991, p. 50.
18Mon très cher Claude, je suppose que tu aurais été intéressé par ce texte. Il combine macrohistoire et microsociologie, traite des Première et Seconde Guerres mondiales avec Erving Goffman, s’indigne de la cruauté du monde, dénonce cette cruauté. Pour ce faire il mobilise un concept assez peu développé : l’arrangement du décor. Mis en perspective avec tes outils conceptuels aussi indispensables qu’incontournables, le situationnel et l’institutionnel expliquent magistralement les relations sociales et les tranches de vie qui les caractérisent. Cette préoccupation fondamentale (vouloir décrire la magie et les trésors de notre vie quotidienne) qui jalonne ton œuvre immense et qui repose sur ce couple institutionnel/situationnel n’est pas sans rappeler, selon moi, le fameux couple conceptuel eliasien « configuration »32 / interdépendance33.
Je te dédie bien évidemment ces quelques lignes, en souvenir des moments merveilleux que nous partageâmes, que ces rencontres délicieuses se déroulèrent à Lyon, à Dijon, à Ecoche ou à Bruxelles. Je te cite encore une fois, en achevant cet écrit, parce que je suis tellement en phase avec toi, et que ce que tu avances est tellement vrai :
- 34 Claude Javeau, Le petit murmure et le bruit du monde, op. cit., p. 74-75.
Murmurer, c’est résister. C’est dire, même si personne ne veut l’entendre, qu’on n’accepte ni le Big Mac ni le Club Med, ni le triomphe du couple Bill Gates-Walt Disney, et pas davantage le tout-football ou le tout-rock’n’roll. Qu’il y a des choses sérieuses et d’autres qui ne le sont pas : parmi celles-là, la famine, la misère, l’exploitation, le chômage, la violence des banlieues, l’école, la recherche scientifique, la création artistique ; parmi celles-ci, les deuils à la Cour d’Angleterre, les Coupes du Monde de tel ou tel sport, les amours des vedettes du show business, les pantalonnades du président des États-Unis34.
Notes
1 Voir Claude Javeau, « Aux deux moments des relations sociales », Nouvelles perspectives en sciences sociales, volume V, n° 1, 2009, p. 15-19.
2 Claude Javeau, Le bricolage du social. Un traité de sociologie, Paris, Presses Universitaires de France, 2011, p. 38.
3 Claude Javeau, La société au jour le jour. Écrits sur la vie quotidienne, Bruxelles, La Lettre volée, 2003, p. 222-228.
4 Éric Bross, Petits arrangements entre amis, film cinématographique (USA), 1999, 100 min., son, couleur.
5 Howard S. Becker, Outsiders, Études de sociologie de la déviance, Paris, Métailié, 1985, p. 192.
6 Anselm Strauss, La trame de la négociation, Paris, L’Harmattan, 1992, p. 245.
7 Les membres de ce « groupe », formel ou non, officiel ou non, se doivent ce que Goffman nomme « loyauté dramaturgique » et « discipline dramaturgique », voir Erving Goffman, La mise en scène de la vie quotidienne, tome 1. La présentation de soi, Paris, Minuit, 1973, p. 201-205.
8 Claude Javeau, Leçons de sociologie, Paris, Méridiens Klincksieck, 1990, p. 161.
9 Ibid. p. 201.
10 Qualifiant le département français de la Loire.
11 Claude Javeau, Anatomie de la trahison, Belval, Circé, 2007, p. 12.
12 André Bach, Fusillés pour l’exemple, 1914-1915, Paris, Tallandier, 2003, p. 381-382.
13 Jean-Yves Le Naour, Fusillés, Paris, Larousse, 2010, p. 300.
14 Jean-Paul Nomade, Roanne et son lycée pendant la guerre de 14-18, Roanne, Thoba’s Éditions, 2008, p. 143-144.
15 Claude Javeau, Sociologie de la vie quotidienne, op. cit., p. 29.
16 Claude Javeau, Le petit murmure et le bruit du monde, Fribourg, Academic Press Fribourg, 2010, p. 48.
17 Claude Javeau, Prendre le futile au sérieux, Paris, Cerf, 1998, p. 29.
18 Theresienstadt fut une ville de l’empire austro-hongrois et du protectorat du 3e Reich. Elle se nomma Terezin quand fut créée la Tchécoslovaquie dans l’entre-deux-guerres et après la Seconde Guerre mondiale. Depuis l’effondrement du bloc de l’est, Terezin est une ville de la République tchèque.
19 Voir sur « le contrôle de l’information » Erving Goffman, La mise en scène de la vie quotidienne. Tome 2. Les relations en public, Paris, Éditions de Minuit, 1973, p. 201 sqq.
20 Voir, entre autres, à ce sujet les ouvrages de Patrick Cauvin, Nous allions vers les beaux jours, Paris, Jean-Claude Lattès, 1981 et de Josef Bor, Le requiem de Terezin, Paris, Les éditions du Sonneur, 2006.
21 Claude Javeau, Les paradoxes de la postmodernité, Paris, Presses Universitaires de France, 2007, p. 146.
22 Sébastien Farré et Yan Schubert, « L’illusion de l’objectif. Le délégué du CICR Maurice Rossel et les photographies de Theresienstadt », Le Mouvement Social, n° 227, 2009, p. 65-83.
23 Sylvie Lindeperg, « Le double jeu du cinéma : filmer Terezin et Westerbok », Revue d’histoire de la Shoah, n° 195, 2011, p. 19-38.
24 Id.
25 Erving Goffman, La mise en scène de la vie quotidienne, tome 1. La présentation de soi, op. cit., p. 11 sqq.
26 Ibid. p. 61 sqq.
27 Ibid. p. 68 sqq.
28 Andrée Saint-Aubin, Ils ont tué mon fils, Paris, Ledrappier, 1987.
29 Vladimir Volkoff, Petite histoire de la désinformation, Paris, Éditions du Rocher, 1998, p. 57.
30 Voir francetvinfo.fr, « G8 : de fausses devantures pour masquer la crise en Irlande du Nord », publié le 17 juin 2013.
31 Fabien Ollier et Marc Perelman, Le livre noir des J.O. de Pékin, Mercuès, City Éditions, 2008, p. 143 sqq.
32 Norbert Elias, Qu’est-ce que la sociologie ?, La Tour d’Aigues, Éditions de l’Aube 1991, p. 154.
33 Norbert Elias, La société des individus, Paris, Fayard, 1991, p. 50.
34 Claude Javeau, Le petit murmure et le bruit du monde, op. cit., p. 74-75.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Christophe Dargère, « L’arrangement du décor », Revue de l’Institut de Sociologie, 91 | 2022, 85-96.
Référence électronique
Christophe Dargère, « L’arrangement du décor », Revue de l’Institut de Sociologie [En ligne], 91 | 2022, mis en ligne le 01 décembre 2024, consulté le 10 mai 2025. URL : http://journals.openedition.org/ris/949
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