1L’ouvrage de Nicolas Meylan, maître d’enseignement et de recherche à l’Université de Lausanne, chargé de cours à l’Université de Genève et historien des religions, propose d’interroger la définition de la notion de religion. Il se présente comme une anthologie sur cette question, en offrant onze définitions d’autant d’auteurs différents : Friedrich Max Müller (1823-1900), Edward Burnett Tylor (1832-1917), Émile Durkheim (1858-1917), Robert Ranulph Marett (1866-1943), Nathan Söderblom (1866-1931), Rudolf Otto (1869-1937), Bronislaw Malinowski (1884-1942), Melford Spiro (1920-2014), Clifford Geertz (1926-2006), Bruce Lincoln (1948-), Benson Saler (1930-2021). Les textes sont tous traduits en français, soit à partir d’une traduction existante, soit de l’A. lui-même (p. 23, n. 32).

2Il est bien entendu que le choix des auteurs de cette anthologie peut interpeler, puisqu’il manque certaines figures classiques, philosophes ou théologiens, et qu’il ne présente que des anthropologues et quelques sociologues. Cette sélection se justifie cependant du point de vue du projet de l’A. qui a souhaité se limiter aux auteurs qui ont spécifiquement traité la question de la définition de la religion (et qui n’en ont pas seulement proposé une), c’est-à-dire qui sont entrés en dialogue avec d’autres auteurs sur la question propre de la définition. La volonté de l’A. de privilégier l’anthropologie est discutable, mais elle se fonde sur sa distinction entre les définitions « descriptives » et « prescriptives » (p. 11), cette dernière catégorie présentant un caractère théorique et heuristique. La question demeure du choix limité des anthropologues, mais relève de la liberté de l’A. ; une petite note sur ce point aurait peut-être été bienvenue.

3La lecture de cet ouvrage est à recommander pour toutes celles et tous ceux qui souhaitent une entrée facilitée sur la question de définition de la religion. L’ouvrage est court mais bien construit, les extraits bien choisis et pertinents, et les introductions aux auteurs sont particulièrement bien centrées sur le sujet. Elles permettent, tout comme la conclusion finale du livre, de situer rapidement l’A. et surtout de noter la progression historique de la problématique et de ses enjeux. Les derniers auteurs en particulier offrent un bon discernement sur le questionnement contemporain et montrent que, malgré certaines tentatives d’éliminer totalement le concept du champ des études anthropologiques, le maintien du terme « religion » se justifie, à condition d’adopter une catégorisation plus souple. L’A. semble en tout cas favorable à la position de Benson Saler qui propose d’user à la fois des « airs de famille » du philosophe Wittgenstein qui permet de reprendre la dimension de l’analogie entre différentes catégories et de la notion de « prototypes de catégories » de la psychologue Eleanor Rosch.

4Certains lecteurs penseront qu’il manque encore des éléments décisifs à la tentative de définir un concept si pluriel que la « religion », notamment sans appuyer systématiquement l’argumentation sur des éléments négatifs pris comme exemples ; l’absence de la notion de « Révélation », qu’il n’est pas nécessaire d’étudier d’emblée de manière théologique ; le fait que la foi semble toujours plus ou moins en opposition avec la rationalité (malgré la critique de certains auteurs d’une conception des Lumières qui la ramènerait systématiquement à une croyance individuelle). Il demeure incontestable que la définition « polythétique » de Bruce Lincoln, qui prend en compte le discours, la pratique, la communauté et l’institution, offre une catégorisation très extensive.

5Se présentant comme une anthologie introductive, cet ouvrage sera utilement complété par d’autres, qui ont d’autres visées. Ainsi, l’anthologie La religion de M. Fœssel (GF, 2013), la petite étude introductive de P. Gisel (Qu’est-ce qu’une religion ?, Vrin, 2007), ou encore l’anthologie Philosophie de la religion. Approches contemporaines, éd. C. Michon et R. Pouivet, Vrin, 2010), qui ne sont pas tous centrés sur la problématique de la définition per se, mais qui fourniront d’utiles compléments.