1G. Siegwalt prévient le lecteur dès la préface : ce livre n’est pas inspiré par la pandémie, il s’achevait au moment où celle-ci nous sidérait. C’est l’un des concepts toujours présents dans l’œuvre du théologien strasbourgeois, le « choc du réel », qui fait naître les questions et les tentatives de réponses. « Penser Dieu à frais nouveaux », telle est l’invitation que nous lance l’A., sachant que « dans la civilisation de l’oubli de Dieu, [la pensée] est en et par elle-même un acte prophétique » (p. 64).

2« Crise des fondements », « crise de nos civilisations », il convient d’abord de visiter cela en « pèlerin » et dans un dialogue entre croyants et non-croyants, pour mieux comprendre le double retrait qui s’est progressivement opéré : un Dieu absent du monde et des humains qui ont pris congé de Dieu. Les « approches » de cette première partie sont inaugurées par la lecture d’une phrase de la Genèse : « C’est alors que l’on commença à appeler le nom du Seigneur » (Gn 4, 26b) — « alors », c’est-à-dire juste après le meurtre d’Abel par Caïn, du frère par son frère, une violence qui exige un nouveau commencement.

3Une fois prise en compte la tentation toujours actuelle de fuir le réel et mesurée la globalité de l’ébranlement, les « affrontements » nommés et décrits dans la deuxième partie semblent déjà former un appel à l’adresse de « celui qui est, qui était et qui vient » (Ap 1, 8). Aujourd’hui, trois catastrophes : écologique et climatique, sociale et humaine, personnelle, toutes trois nous mettant devant la responsabilité de les penser (ce dont l’actualité ne cesse de nous montrer la difficulté). Quant au passé, il s’agit ici, pour l’A., des facettes de l’histoire des différentes religions : facettes sombres des manquements et errances passés mais aussi responsabilité de se faire les témoins crédibles, pour aujourd’hui, de l’héritage des textes fondateurs et de leur message, dans un acte d’interprétation qui ne cède à aucun fondamentalisme.

4Le Bouddha est toujours représenté avec de grandes oreilles, symbole, selon la tradition, de celui qui est attentif aux cris du monde. Or, cet univers sombre, nous dit l’A., appelle un cri, qui fait naître une pensée et, peut-être, la redécouverte du nom de Dieu, de Celui que tout être humain peut appeler. Pour cette étape difficile, l’A. choisit l’image de l’accouchement, adéquate ici au sens où elle porte comme son achèvement le cri de celui qui naît. Remarquons que l’auteur insiste surtout, dans la phase préparatoire, sur le nécessaire « brisement du tabou Dieu » (p. 131-137) : celui-ci implique, au plan politique, une pensée plus juste de la « laïcité » et, au plan des religions, un regard éclairé et sain sur les rapports entre le spirituel et le temporel.

5D’une écriture limpide, sans notes ni bibliographie, ce livre porte de manière convaincante en lui les réflexions majeures qui habitent toute l’œuvre du théologien G. Siegwalt, un homme qui croit et espère.