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Présentation d'ouvrage

Raymond Winling, Le salut en Jésus Christ dans la littérature de l’ère patristique

Paris, Cerf, coll. « Patrimoines », 2016, t. 1 et t. 2
Bernard Xibaut
p. 287-289
Référence(s) :

Raymond Winling, Le salut en Jésus Christ dans la littérature de l’ère patristique, Paris, Cerf, coll. « Patrimoines », 2016, t. 1, 898 p., t. 2, 680 p.

Texte intégral

1L’ancien professeur et doyen de la Faculté, Raymond Winling, vient de faire paraître aux éditions du Cerf, dans la collection « Patrimoines », un ouvrage en deux tomes, consacré à la sotériologie chez les Pères de l’Église, aussi bien grecs que latins. Il s’agit d’une œuvre de longue haleine couronnant de patientes recherches commencées du temps où il enseignait à la Faculté et poursuivies bien au-delà de son entrée dans l’éméritat. Cette œuvre ne se limite pas à la théologie dogmatique, car la sotériologie est par nature transversale : apparaissent par conséquent régulièrement des éléments de théologie pastorale, de théologie morale, de théologie de la liturgie ainsi que des considérations relatives à la spiritualité. N’oublions pas que l’œuvre des Pères de l’Église, longtemps reçue avant tout comme dogmatique par la théologie universitaire, se voulait, en son temps, surtout pastorale : les Pères avaient le souci d’expliquer aux fidèles les mystères de la foi à travers leurs homélies et leur catéchèse. En matière de sotériologie, ils ne cherchaient pas seulement à présenter la personne et l’œuvre rédemptrice du Christ Sauveur, mais encore à faire prendre conscience de l’insertion des croyants dans un dynamisme procurant la participation aux biens du salut.

2Le titre résume à lui seul l’ambition de l’auteur et le contenu de l’ouvrage : il s’agit de l’étude d’une notion englobante au sein d’un corpus. Les deux sont vastes. La notion de « salut en Jésus Christ » recouvre en effet d’amples pans de la théologie : la christologie, la sotériologie, l’ecclésiologie, la théologie trinitaire, la théologie des sacrements, la conduite de la vie chrétienne, le discours sur les fins dernières. Quant au corpus, il est impressionnant, puisqu’il concerne non pas l’œuvre d’un seul Père de l’Église ou d’un groupe restreint de Pères, mais l’ensemble des écrits de l’ère patristique.

3Le projet et le plan de l’ouvrage se trouvent méthodiquement exposés dans l’introduction. Dès les premières lignes, l’auteur conteste l’idée selon laquelle l’annonce contemporaine pourrait se passer des catégories et des thèmes développés dans le passé. Il rappelle que la contestation de la doctrine chrétienne du salut a pris des formes multiples et de plus en plus radicales depuis le siècle des Lumières : substitution d’une vision anthropocentrique à la vision traditionnelle centrée sur Dieu ; rejet de la notion d’intervention divine dans le cours des événements ; critique marxiste accusant le christianisme de prêcher l’évasion hors de la vie concrète ; relégation du langage métaphorique. L’auteur reconnaît d’ailleurs que l’évolution de la sotériologie à partir du Moyen Âge a en partie prêté le flanc à la contestation. Il s’est produit en Occident un rétrécissement de perspective et une focalisation croissante sur la valeur rédemptrice de la mort du Christ sur la croix ; dès la fin du Moyen Âge, un clivage s’est dessiné entre l’Orient et l’Occident, ce dernier privilégiant les catégories de type sacrificiel. Il convient de citer ici la conception augustinienne, qui témoigne de cette tendance en même temps qu’elle la favorise, mais aussi l’émergence progressive de la théorie de la « satisfaction », proposée par Anselme de Cantorbéry. À cet égard, le mouvement de la Réforme n’a pas constitué une rupture, mais plutôt une continuité, encore amplifiée par la réaction catholique.

4Fort heureusement nous bénéficions aujourd’hui des acquis des renouveaux du xxe siècle, notamment dans les domaines biblique, patristique et liturgique. Par là est réouverte une perspective plus globale du salut en Jésus Christ faisant place à la portée salvifique de la Résurrection et de l’Exaltation du Christ et aussi à une vision plus positive de la vocation de l’homme à participer aux biens du salut.

5L’auteur s’attache tout au long de son étude à montrer les différentes facettes de cette vision englobante du salut. Il a d’abord cherché à justifier le choix du concept capable de désigner l’ensemble de l’œuvre salvifique du Christ. Ce ne pouvait être celui de « rédemption », cher à l’Occident, et exploré en son temps dans notre Faculté par le professeur Jean Rivière, car il présente l’inconvénient majeur de ne pas embrasser l’ensemble des éléments développés par les Pères. Le choix du terme salut a semblé préférable. Le christianisme se présente en effet bel et bien comme une religion de « salut », en ce sens qu’il propose à ses adeptes de participer aux fruits du salut apporté par Jésus-Christ, reconnu comme Sauveur.

6Dans son ouvrage, l’auteur a veillé à montrer que les Pères ont pratiqué le recours systématique à l’Écriture, afin d’étayer leurs propos. Ils se sont référés à l’Ancien Testament et au Nouveau Testament, ce dernier étant considéré comme « accomplissement » de ce qui était annoncé par le premier : pour ce qui est du Nouveau, ils se sont appuyés aussi bien sur les évangiles synoptiques que sur les écrits pauliniens et johanniques ; ainsi ils ont réussi à mettre en lumière les liens organiques entre la Mort/Résurrection du Christ, d’une part, et, d’autre part, la promotion de l’homme appelé à entrer en relation d’union vitale avec le Dieu Sauveur. Tout cela obéit à un « plan de salut » de Dieu, à une « économie du salut » pour employer le langage de l’Écriture et des Pères. Cette notion sous-tend pratiquement l’ensemble des écrits patristiques et fournit le principe de structuration des règles de foi et des symboles de foi.

7Le lecteur se voit proposer un large choix de citations. C’est que l’auteur entend s’adresser aussi bien à un public de gens qui ont suivi un cursus d’études de théologie qu’à un public cultivé qui s’intéresse aux questions fondamentales du salut en Jésus Christ ou du sens de la vie. Mais vu que la plupart des lecteurs n’ont pas les ouvrages à leur disposition immédiate, vu aussi les difficultés du grec et du latin, l’auteur a pris le parti de donner de larges citations en traduction. Il a eu le souci de ne pas se contenter de simples bribes sorties de leur contexte et pouvant donner lieu à de fausses interprétations. Il entend donner la parole aux Pères de telle façon que le lecteur puisse se faire une idée de la visée exacte de tel passage, de la maîtrise du style de tel écrivain, de la puissance de spéculation ou de l’originalité de tel Père.

8L’exposé s’articule autour de six thèmes majeurs qui correspondent aux grandes étapes de ce que l’on pourrait nommer l’« histoire du salut » : l’œuvre de création ; l’œuvre de salut avant la Loi et dans l’Ancien Testament ; l’Incarnation et l’agir salvifique du Jésus prépascal ; la Passion et la mort salvatrice de Jésus ; la portée salvifique de la Résurrection dans ses liens avec le sacrement du baptême ; l’Église comme communauté de salut ; l’accomplissement eschatologique. Signalons un double index : le premier, nominatif, renvoie aux auteurs anciens cités ; le second, thématique, permet de trouver aisément les différents passages dans lesquels est traité un même thème.

9Ayant fait lui-même l’expérience du caractère stimulant de la pensée des Pères à propos du salut en Jésus Christ, l’auteur convie le lecteur à fréquenter la littérature patristique : non seulement celle-ci transmet les fondamentaux de la doctrine chrétienne du salut, mais elle recèle des trésors d’enseignements et de leçons de vie, capables, encore aujourd’hui, de nous éclairer sur la puissance transformante, vivifiante, déifiante, de l’agir toujours efficient du Christ Sauveur.

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Pour citer cet article

Référence papier

Bernard Xibaut, « Raymond Winling, Le salut en Jésus Christ dans la littérature de l’ère patristique »Revue des sciences religieuses, 91/2 | 2017, 287-289.

Référence électronique

Bernard Xibaut, « Raymond Winling, Le salut en Jésus Christ dans la littérature de l’ère patristique »Revue des sciences religieuses [En ligne], 91/2 | 2017, mis en ligne le 01 janvier 2019, consulté le 16 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/rsr/3974 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rsr.3974

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Auteur

Bernard Xibaut

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