Navigation – Plan du site

AccueilNuméros20DossierLe mentorat, symbole de l'individ...

Dossier

Le mentorat, symbole de l'individualisation des politiques publiques

Appréhender et situer le mentorat au sein des politiques jeunesses, des politiques éducatives et des politiques sociales
Robert Lafore, Patricia Loncle et Clément Pin

Plan

Haut de page

Notes de la rédaction

Le plan est constitué des questions posées lors de l’entretien croisé

Texte intégral

1Parce que le mentorat est un dispositif multi-sectoriel, que l’on retrouve dans le champ des politiques jeunesses, mais aussi celui des politiques éducatives et celui des politiques sociales, nous avons demandé à trois chercheurs spécialistes de ces différents domaines, de situer, chacun dans leur champ, l’émergence de ce type d’accompagnement et d’analyser les enjeux que son déploiement soulève. Cet article restitue nos échanges et croise les regards de nos trois enquêtés.

Méthode

Les entretiens ont été réalisés par Roxane Bricet et Aude Kerivel, en septembre et octobre 2023, en visioconférence et ont duré environ 1h30 chacun. Ils ont été retranscrits dans leur intégralité. Cet article croise des extraits des réponses formulées par les chercheurs interviewés. Nous retranscrivons ici les grandes questions qui leur ont été posées.

Les chercheurs

Robert Lafore est professeur émérite de droit public et directeur honoraire de Sciences Po Bordeaux. Ses travaux portent sur le droit des institutions politiques et des politiques publiques, institutions de la protection sociale, théorie du droit.

Patricia Loncle est sociologue, en poste à l’EHESP et membre du laboratoire Arènes. Elle travaille depuis plusieurs décennies sur les politiques locales et européennes de jeunesse et sur les jeunes vulnérables et la participation des jeunes. Plus récemment, elle s’est intéressée aux jeunes personnes exilées et aux pratiques de travail du sexe des étudiant.e.s. Ces dernières années, elle a dirigé avec Tom Chevalier l’ouvrage Une jeunesse sacrifiée ? paru aux PUF en 2021 et publié, en 2022, avec Fransez Poisson et Maryam Mahamat, l’article intitulé « Les personnes exilées et les associations locales en temps de pandémie : d’une crise à l’autre » dans le numéro 88 de la revue Lien social et politiques.

Clément Pin est maître de conférences en sociologie à l’Institut national supérieur de formation et de recherche pour l’éducation inclusive (INSEI), chercheur au Grhapes et affilié au LIEPP (Sciences Po) et à EMA (Cergy Paris université). Ses travaux portent sur les politiques éducatives autour de la problématique de la réduction des inégalités, traitée dans une perspective à dominante qualitative, et en particulier autour des enjeux d’orientation, d’accompagnement scolaire, de prise en charge des besoins éducatifs particuliers et de relations école-famille.

Dans quelle catégorie de politiques [jeunesses/éducatives/sociales] situez-vous le mentorat ?

2Patricia Loncle : Pour ce qui relève des politiques de jeunesse, le mentorat s’inscrit dans une tendance à l'individualisation progressive des politiques publiques depuis une vingtaine d'années. En particulier, il est question ici de l’idée qu’en promouvant l’égalité des chances par une approche individualisante, on pourrait réduire ou faire disparaître les inégalités structurelles. Pendant très longtemps, on s'intéressait plutôt à des groupes, on avait une approche plutôt collective, notamment en ce qui concerne les politiques de jeunesse et les politiques éducatives. Des années 1930 à la fin des années 1980, exception faite de l’insertion professionnelle et des missions locales, tout ce qui a été fait en matière de loisir ou d’accès à la culture s’inscrivait plutôt dans une perspective collective. Dans les années 1980 et surtout les années 1990, il y a un tournant qui s'opère vers l'idée que pour mieux correspondre aux besoins des usagers, pour lutter contre le fait que l’on n'arrive pas bien à cibler le public des politiques publiques, il faut aller vers plus d'individualisation, vers une meilleure connaissance des besoins des publics et donc un accompagnement beaucoup plus individualisé. C’est un tournant général qui ne touche pas que ces politiques. Le mentorat, finalement, c'est une sorte d'incarnation de ce mouvement qui prend encore de l’ampleur dans les années 1990 et qui va être de plus en plus présent dans les politiques publiques.

3Ce courant de transformation des politiques publiques est alimenté par la prise de conscience de plus en plus aiguë que les politiques publiques n’arrivent pas à atteindre l’ensemble de leur public cible et que, dans une perspective néo-libérale, il faut faire des économies tout en étant plus efficace. Il n’est plus question de corriger les inégalités sociales structurelles par des changements fondamentaux car cela coûte extrêmement cher. À titre d’exemple, si les débuts des politiques de la ville sont marqués par des réformes de grande ampleur (réhabilitation du bâti, réimplantation de nombreux services dans les quartiers en difficulté…), il s’agit aussi ici dorénavant de s'intéresser plutôt aux individus et faire ainsi des économies budgétaires. Didier Fassin (2004), en observant les points d'accueil d’écoute de jeunes (PAEJ) montre ainsi à quel point la question sociale va être individualisée et sanitarisée pour permettre à la fois d’éviter les réformes de structures et faire des économies budgétaires. En lieu et place d’une politique sociale ambitieuse, de réflexions sur le niveau de vie et les inégalités sociales, les jeunes sont accueillis de manière individuelle pour travailler sur leur santé mentale, ce qui est beaucoup moins coûteux financièrement que si l’on s'attaquait aux questions structurelles.

4On voit donc émerger beaucoup d'initiatives où l’on propose un accompagnement individuel au public cible des politiques publiques. Il faut amener les usager.ère.s à devenir acteur.rices de leur trajectoire et de leur parcours, en leur demandant de remplir un certain nombre d’obligations, ce qui conduit à la contractualisation des liens entre professionnels et usagers. Par l’« activation des usagers », sur lequel l’ouvrage récent de Thomas Aguilera et Marc Rouzeau (2020) fait bien le point, il serait possible de lutter contre le risque de non recours et le risque de dépendance aux politiques sociales. C'est aussi une tendance de fond qui ne touche pas que la France, mais les pays occidentaux en général. Lorsque l’on regarde les politiques de jeunesse qui sont promues par les institutions européennes, elles aussi ont tendance à aller de plus en plus vers cette logique d'individualisation, de transfert de la responsabilité de la société vers les individus. Je pense qu'on est vraiment dans un contexte favorable à cette perspective-là.

5Clément Pin : J'aurais tendance à envisager le mentorat comme un phénomène transversal à tout un ensemble de politiques publiques, et plus précisément encore, comme une modalité d'action publique qui tend à se généraliser en lien avec la logique d’« activation des usagers » dont parle Patricia Loncle. Dans le champ des politiques éducatives, je le vois dans la filiation et le prolongement de trois familles d'interventions, plus ou moins anciennes, et qui s'enchevêtrent de manière récurrente.

  • 1 Rapport de la Commission du débat national sur l’avenir de l’École présidée par Claude Thélot, la C (...)

6La première filiation ou le premier champ, c'est celui de l'orientation scolaire ou professionnelle. L’orientation est aujourd’hui principalement appréhendée comme une succession de choix qui dessinent un parcours individuel jalonné de paliers, plus ou moins nombreux et distincts selon les ressources ou « capitaux » dont disposent les individus, ces ressources ou capitaux étant inégalement répartis dans la population. Dans cette conception de l’orientation, le mentorat trouve bien sa place. Les mentors y sont envisagés comme des ressources, externes à la famille et à l’école, mobilisables pour accompagner les élèves (et leur parents) dans leur prise de décisions, et pouvant contribuer à lutter contre les inégalités d'orientation. Les politiques d'orientation ont pris un tournant libéral relativement marqué depuis les années 2000, visibles dans les rapports publics à travers le thème de « l'orientation choisie » ou « active » (voir par exemple le rapport Thélot1, 2004). Dans cette rhétorique, l’idée émerge qu’il convient d'accompagner de manière individuelle les élèves, de sorte qu’ils deviennent proactifs, progressivement autonomes dans l'activité de recherche d'information, le décodage et l'utilisation de ces informations, pour ensuite se projeter dans l'avenir. Au niveau européen par ailleurs, c’est la période durant laquelle se développe le sujet de l’orientation tout au long de la vie. Dans ce contexte, le mentorat devient progressivement un élément du « couteau-suisse » des politiques à l'orientation. Partant, de nombreuses associations se spécialisent dans la mise en relation d'élèves avec d’autres élèves, qualifiés d'ambassadeurs ou d'éclaireurs, ou bien dans la mise en relation d'élèves ou d'étudiants avec des professionnels, qualifiés de mentor. L’association Article 1, par exemple, intervient dans l'orientation scolaire mais aussi professionnelle. D’'autres structures interviennent surtout sur les enjeux de projection et d’insertion professionnelle comme l’association Job IRL qui propose de mettre en relation des élèves avec des professionnels volontaires pour partager leur connaissance des attentes des employeurs, les parcours de formation et le type d'expérience (stages ou autres) perçues comme valorisables et rentables pour obtenir par la suite un premier emploi. C’est ce type d’action que l’on voit apparaître dans le champ de l'orientation, à tel point qu’aujourd'hui des lycées, voire des collèges sollicitent certaines de ces associations pour animer des événements à l'échelle de leur établissement ou pour intervenir directement dans les classes.

7La seconde filiation s'inscrit dans le prolongement et dans l'histoire de la politique d'éducation prioritaire et de la politique de la ville, jusqu’aux Cités éducatives aujourd’hui. De fait, on voit des associations telles que l’AFEV ou Article 1 proposer des actions de mentorat auprès des établissements. On peut contextualiser l’émergence de la forme d’action « mentorat » en la situant dans le troisième âge de la politique de la ville identifié par Jean-Yves Rochex (2019). Le premier âge était celui d’une logique de compensation : donner plus à ceux qui ont moins. Le deuxième était celui de la lutte contre l'exclusion où l'enjeu était d'assurer un filet de sécurité aux publics les plus exposés aux risques de désaffiliation. Le troisième âge, qui serait l'âge actuel, est celui de l'adaptation aux besoins spécifiques de chacun. Il s’agit d'optimiser l’usage des ressources publiques (dans le contexte néo-libéral évoqué par Patricia Loncle) dans l’objectif affiché de permettre à chaque élève de « réussir » individuellement. Le mentorat apparaît ainsi comme une modalité d’action dont la promesse est de faire du cousu main, en développant l’accompagnement individualisé des élèves.

8Le troisième registre, plus générique, s'inscrit dans la vocation traditionnelle de l'Éducation nationale d'intervenir non seulement dans la transmission de savoirs académiques et scientifiques, mais aussi dans la socialisation et pour le développement de l’autonomie personnelle des élèves. Dans le contexte de la IIIe République, déjà, Émile Durkheim avait distingué les enjeux de la formation intellectuelle des jeunes et celui de leur éducation morale : la mission de l’École n’est pas seulement d'instruire les élèves, mais aussi et plus largement de former des citoyens et par là d’œuvrer à la cohésion sociale. La dimension morale de l’éducation se retrouve aujourd’hui largement dans la thématique des soft skills que l’on abordera plus tard mais avec la différence, par rapport à l’approche durkheimienne, que ces compétences « non académiques » (la capacité d’initiative, la motivation, l’attention aux autres) sont vues en tant que telles comme des composantes du niveau d’employabilité des personnes. On retrouve ici un des éléments-clés du « nouvel esprit du capitalisme » théorisé par Luc Boltanski et Ève Chiapello (2000). De ce point de vue, le mentorat apparaît comme un type d’accompagnement visant à aider chaque élève à devenir l’acteur du développement de ses compétences, à devenir « l'auto entrepreneur de soi-même ».

9Si je devais caractériser le mentorat, je distinguerais quatre éléments. Je dirais premièrement qu’il correspond davantage à une forme d'action qu’à une action que l’on peut qualifier par son contenu (si ce n’est pas sa démarche). En second lieu, je dirais que c'est un type d'intervention qui se déploie sur le régime du spécifique plutôt que de l'universel, et, plus précisément, qu’il cible un nombre limité de bénéficiaires plutôt que l'ensemble d'une population que l'on définirait sur un mode catégoriel ou statutaire, J’ai en tête ici l’exemple de la politique des Cordées de la réussite qui se met en œuvre à l’échelle des établissements en commençant par identifier quels sont les élèves qui vont être réceptifs, ceux avec lesquels un accompagnement pourra être utile. Il est ainsi attendu que cet individu bénéficiaire ait lui-même conscience du bénéfice qu’il pourra tirer à titre personnel et à brève échéance d’un accompagnement individuel en matière d’orientation. Une troisième caractéristique se situe au niveau de l’intervention d’un mentor. Cette qualification de mentor est indissociable de la reconnaissance, moins d'une qualification professionnelle en tant que telle, que plus largement d’une expérience personnelle, un ensemble de savoirs que cette personne souhaite partager elle aussi volontairement, de manière supposément désintéressée, pour en faire bénéficier d'autres. Le quatrième élément est que le mentorat correspond à une modalité d'action indirecte des pouvoirs publics, à travers laquelle l'État, au sens large de puissance publique, cherche à « faire faire » plutôt qu’à faire directement. Ces différentes caractéristiques conduisent à voir dans le mentorat un mode d’intervention caractéristique d’un État libéral (voire néo-libéral) dont l’objectif premier est de soutenir les initiatives individuelles, plutôt que d’œuvrer à la redistribution des ressources et à l’égalité sociale.

  • 2 Louis Dumont, anthropologue (1911-1998) réalise ce qu’il appelle une « anthropologie de la modernit (...)

10Robert Lafore : Si l’on se situe du point de vue de la recherche, c’est un objet relativement restreint, mais très révélateur d’inflexions et de problématiques beaucoup plus globales. Il y a plusieurs phénomènes d’ampleur qui sont en soubassement de cette novation et j’en citerai deux. Le premier, tient dans la recomposition tout à fait considérable des rapports entre l'individu et le collectif. Les sociétés anciennes, notamment de l'ancien régime, étaient caractérisées par leur logique holiste où le tout détermine les parties que sont les individus, comme le montrent les travaux de Louis Dumont2, c'est-à-dire des sociétés dans lesquelles chaque individu est positionné de façon extrêmement contrainte dans un cadre social qui définit son statut, sa position, ses fonctions, etc. Il en est ainsi pour les hommes, pour les femmes, et des catégories sociales qui sont positionnées sur un plan hiérarchique. En Europe occidentale, se produit, avec les Lumières, puis les révolutions démocratiques un renversement. Ce n'est plus le tout qui détermine les parties, à savoir les individus, ce sont les individus qui fabriquent le tout. On sort donc d'un déterminisme social global, généralement appuyé sur un système mythico-religieux, Ce renversement décisif ne s’opère pas du jour au lendemain, En France et en Europe occidentale, on assiste à un long processus d’acclimatation de ce nouveau dispositif de construction du social. Le social se constitue désormais par agrégation, intégration et socialisation des individus, l’autonomie individuelle étant posée comme principe de base. Cependant, longtemps, bien que les individus soient conçus comme autonomes, cette autonomie est médiatisée au travers de constructions collectives que sont les classes sociales, les appartenances partisanes, religieuses, le système familial, les statuts professionnels qui organisent efficacement les interrelations entre les parties que sont les individus et le tout de la société.

11Il y a donc une médiation fondamentale qui s'opère entre le collectif et l'individu au travers d’institutions certes, mais moins prégnantes que par le passé car elles sont censées reposer sur le consentement des individus et sur leur adhésion. Ce qui se produit depuis une quarantaine d'années, c’est l'affaissement relatif des médiations institutionnelles, et la reconnaissance beaucoup plus forte, revendiquée d'ailleurs comme telle, de l'autonomie des individus, de leur liberté. C’est ce que Marcel Gauchet (2005) appelle la « société des individus ». Ce mouvement recueille un assentiment massif. Il suffit de lire la littérature de gare, les revues de psychologie, tous les conseils que l’on donne aux uns et aux autres pour savoir que la norme centrale, car c’est une norme, est celle de l’autonomie individuelle. Cette norme émancipatrice génère deux problèmes. D’abord : que fait-on de cette liberté ? Ensuite, cette liberté ne survient qu’au travers du collectif qu’elle ne réduit donc pas mais au contraire qu’elle appelle. Cette culture exacerbe le sentiment d'indépendance alors que la réalité sociale, c'est que les individus sont encore plus fortement interdépendants, plus intensément reliés les uns aux autres, l’autonomie de chacun dépendant inéluctablement des autres et des moyens que fournit la collectivité pour l’établir et la protéger.

12Ainsi, plus on veut autonomiser les individus, plus les appuis collectifs sont nécessaires. L’autonomie est fondamentalement gagée sur les interrelations, les soutiens collectifs, car plus on se veut autonome, plus les responsabilités et les risques s’accroissent. Dans un tel contexte, le tutorat, le mentorat, le coaching, sont des montages qui cherchent à instaurer un rapport fécond entre la collectivité et l’individu car, l’individu se voulant libre et étant considéré comme tel, ce rapport est plus fragile et en conséquence plus problématique à établir tant du côté de la subjectivité individuelle que du côté de la cohésion collective. Il ne peut être que négocié : le cadre collectif encadre bien plus difficilement et pour qu’un minimum d’intérêt commun puisse s’imposer, il convient qu’il repose sur l’assentiment et l’adhésion. Ce n’est pas un chef qui vous oblige à faire ceci ou cela, mais quelqu’un qui va négocier avec vous, aménager des passerelles, c’est l’extension massive de la relation pédagogique.

Dans le champ des politiques [jeunesses/éducatives/sociales], à quel type de politiques ou autre dispositif dont vous avez connaissance, le mentorat s’apparente-t-il ?

13Clément Pin : Je pense en premier lieu aux Cordées de la réussite, un programme qu’étudie notamment Agnès Van Zanten (2019) et auquel nous nous intéressons avec d’autres collègues en ce qu’il illustre bien le phénomène de délégation au local, c’est-à-dire aux établissements, non seulement la mise en œuvre d’action mais plus largement la définition des problèmes à traiter. Contrairement à l’image régulièrement répandue de politiques éducatives françaises très centralisées et d’un système éducatif uniforme sur l’ensemble du territoire, les différences locales sont très importantes selon les contextes socio-territoriaux, la capacité organisationnelle des établissements et les initiatives des personnels. Cette réalité contrastée s’observe particulièrement en ce qui concerne les politiques d’orientation. Selon les établissements et mêmes les classes, certains élèves vont simplement bénéficier d'une présentation des procédures (système Affelnet ou Parcoursup) quand d’autres vont se voir proposer des accompagnements plus individualisés avec un suivi régulier, des ateliers méthodologiques des visites de salons d’orientation et/ou d’établissements. Organiser l’emploi du temps des élèves pour y intégrer des heures spécifiques dédiées à l’orientation, comme prévu dans le « Parcours avenir » inscrits dans la formation de tous les élèves du secondaire, suppose une organisation, un pilotage et une culture d’établissement. Ces variations locales rendent d’ailleurs les politiques d’orientation particulièrement difficiles à évaluer. Et on peut dire la même chose du mentorat. Il y aurait lieu d’évaluer le recours à ce mode d’intervention en matière d’orientation en étudiant quels publics cibles en bénéficient effectivement et quels types d'actions sont effectivement déployées ? Ce serait un premier état des lieux très contrasté à établir, avant de pouvoir ensuite mesurer l’impact du mentorat sur l’expérience et le parcours des élèves. Dans le champ éducatif, le mentorat se développe aussi de manière significative en matière d’aide aux devoirs dit aussi « accompagnement au travail personnel » des élèves.

14Robert Lafore : Le mentorat fait évidemment penser aux institutions tutélaires qui sont présentes dans le champ de l’assistance notamment du côté de la protection de la jeunesse ou encore dans le champ des politiques du handicap et du troisième âge. Le tutorat est une vieille institution qui consiste à transférer les droits d'une personne vers un tiers qui va les exercer à sa place, cela dans un but protecteur. Mais dans ce montage, le tuteur et le tutoré ne sont pas sur le même niveau. Le tutorat est problématique dans une société d'individus parce qu'il est dissymétrique et de surcroît, dans ses formes institutionnelles, fortement structuré en mettant clairement en avant une forte dimension d’intérêt collectif face à la subjectivité de la personne mise sous tutelle.

15C’est à partir de ce constat que l’on peut situer l’émergence et la nature du mentorat : ce dernier peut être pensé comme un recodage de la relation tutélaire de façon à la rendre symétrique, et pratiquer ainsi le travail d’articulation entre subjectivité et objectivité du monde rendu plus difficile dans une « société d’individus ». Ainsi, le mentorat serait est une modalité nouvelle de socialisation, notamment dans les politiques d’assistance, qui repose sur la nécessité de recoder, de réorganiser les rapports entre les individus et les institutions, qu’il s’agisse de l’éducation, de la formation, de l’accès à l’emploi, ou de tout autre domaine où se joue l’adaptation réciproque de chacun avec les collectifs.

16Dans le champ des politiques d’aide et d’action sociale, le mentorat apparaît dans le cadre d’un basculement d’ensemble de ces activités. Elles abandonnent progressivement les logiques essentiellement indemnitaires et réparatrices qui consistent dans l’engagement des bénéficiaires dans des statuts certes protecteurs mais dérogatoires, tutélaires et discriminants, pour s’ordonner à des finalités « d’insertion » et « d’inclusion ». Il s’agit d’une part de ramener les « exclus » à la « normale » et en conséquence d’autre part de les référer le plus possible aux institutions de droit commun, en matière d’éducation, de travail, de logement, d’accès aux services publics plus largement ; et naturellement, cela ne peut se faire qu’en recherchant leur mobilisation et donc leur adhésion aux mesures (soins, prestations matérielles diverses, appuis et soutiens) qui sont délivrées par les organisations collectives. La vieille relation d’aide doit donc se recomposer selon cette conception et le mentorat en constitue une des modalités nouvelles. Sa spécificité est que le mentorat se présente justement comme largement expurgé des dimensions de l’institution et donc des normes qu’elle comporte : il est assumé par des bénévoles et non des professionnels, ces derniers imposant nécessairement par leur professionnalité même un bagage normatif ; il s’exerce avec le maximum de souplesse en ne comportant pas de cadre prégnant en matière d’obligations réciproques, ni par conséquent en n’identifiant pas de responsabilités clairement et préalablement définies ; il se présente selon un modèle d’échange symétrique et du côté du mentor, il met en avant la recherche de l’unique intérêt du « mentoré » dans le respect maximum de ses attentes et désirs ; il penche clairement du côté de la médiation pour soutenir le point de vue du bénéficiaire et le faire entendre face aux institutions, même si évidemment, par son existence même, le mentorat atteste du fait que le bénéficiaire doit aussi entendre le point de vue des institutions, c’est-à-dire du collectif. C’est une forme adoucie de médiation dont on attend que, du fait de sa très faible institutionnalisation, elle conduise à une mobilisation de la personne que l’on veut soutenir.

Si le mentorat peut être défini de nombreuses manières (la littérature scientifique recense plus de quarante définitions du mentorat), il se distingue souvent de dispositifs proches comme le tutorat par la volonté d’agir principalement sur les softs skills des jeunes accompagnés. Cet enjeu est-il présent dans d’autres politiques ? Comment l’expliquer ?

17Clément Pin : Dans le champ des politiques éducatives, comme je l’ai déjà dit, on pourrait en un sens remonter jusqu’à l’idée que se faisait Durkheim de l’éducation morale. Plus près de nous, Marie Duru-Bella (2015) s'est notamment intéressée au thème des compétences non académiques. Pour faire vite, on pourrait dire que jusque dans les années 1990-2000, on considérait que l’obtention d’un diplôme du supérieur pouvait être suffisant pour s’insérer professionnellement. Avec toutes les précautions à prendre, on peut considérer qu’il s’agissait du critère principal utilisé par les recruteurs pour juger de l’employabilité d’une personne, en particulier dans les grandes entreprises. Avec la généralisation des études supérieures, les recruteurs sur le marché de l’emploi ainsi que les recruteurs pour des formations supérieures sont de plus en plus attentifs aux expériences des candidats, à leurs centres d’intérêts, à leurs méthodes de travail, à leur personnalité, à leur savoir-être, leur persévérance, leur autonomie... ainsi qu’à leur portefeuille de relations sociales. Phillip Brown, spécialiste des politiques éducatives en Angleterre ayant travaillé sur ces questions, a observé les attentes de plus en plus élevées en matière de soft skills dans les pratiques de recrutement et également l’attention portée dans le champ éducatif à ce type de compétences (2010).

18Patricia Loncle : En effet, cela s’appuie sur l’idée que des compétences extrascolaires, différentes de ce que les diplômes affichent, pourraient lutter contre le chômage des jeunes. La thèse de Sarah Maire (2018= étudie en particulier le sujet des soft skills dans les politiques de la ville.

Dans le cadre de vos travaux, avez-vous étudié directement ou indirectement le mentorat ou des dispositifs apparentés comme le tutorat, le parrainage, ainsi que d’autres formes d’accompagnement individualisé par des bénévoles ? Qu’en dégagez-vous en matière d’effets et d’enseignements ?

19Patricia Loncle : J’ai pu étudier un groupement d’entrepreneurs bretons, YAO ! (En route ! en breton), réunis à l’initiative de Mario Piromalli, patron des McDo bretons ayant également créé une fondation. L’initiative part du constat, que beaucoup d'entreprises ne trouveraient pas de repreneurs après le départ des patrons d'une part, et que d'autre part, il y aurait une multitude de nouveaux types d'entreprises à créer, notamment autour du numérique. L’idée est que des chefs d’entreprises rodés, expérimentés, se mettent en lien avec des jeunes qui ont des projets et ne savent pas trop comment s'y prendre. Par le biais d’un parrain qui accompagne un jeune ou deux, l’objectif est de les soutenir dans leur processus de création d'entreprise en en leur donnant des conseils, et en leur partageant leur carnet d’adresse (comptable, avocat, etc.). De ce point de vue, je pense que l’on peut considérer que c’est une forme de mentorat. Ces types d’intervention sont de nature un peu philanthropique. Ces jeunes qui n’étaient pas très bons à l'école ou alors qui ont peut-être un diplôme qui n’a rien à voir avec ce qu'ils veulent faire, on va s'appuyer sur leur soft skills et sur leur dynamisme, parce qu’ils sont jeunes donc ils sont malins, et ils vont y aller. C’est intéressant et assez étonnant en matière de vision de la jeunesse parce que ces patrons, qui sont sans doute quand même plutôt de droite, ont une vision de la jeunesse comme étant hyper positive finalement.

20Ces derniers temps, j'ai également suivi des accompagnements de bénévoles en direction des jeunes exilés. Les associations qui proposent ces accompagnements fonctionnent totalement ou presque en marge des pouvoirs publics et de l'action de l'État. Elles bénéficient parfois d’un service civique ou de petits soutiens de la collectivité locale qui leur fournit un local pas cher ou gratuit où elles vont avoir un service civique. En dehors de cela, ce ne sont que des bénévoles qui fonctionnent sans aucun appui institutionnel. Cette existence parallèle à la politique publique, je l’interprète comme étant une sorte de welfare associatif, ce qui est un peu un oxymore ! Les bénévoles de ces associations sont des personnes plus âgées qui guident des jeunes dans le maquis administratif français. Ces associations se constituent à l'initiative d'individus militants, pour accompagner et parrainer des jeunes dans toutes les sphères de la vie, qu’il s’agisse de l'obtention de papiers, de scolarisation ou de l'obtention d'un hébergement. Cet accompagnement a lieu en parallèle de l'action des pouvoirs publics et des associations opératrices de l'État, parce que très souvent ces jeunes sans papiers, demandeurs d'asile ou réfugiés, sont en bonne santé, ont moins de 25 ans et donc n'accèdent pas au Revenu de Solidarité Active, et qui se trouvent par conséquent sans revenus. Puisque il n’y a pas suffisamment de place dans les Centres d’Accueil de Demandeurs d’Asile, pas suffisamment de logements ni d’hébergements pour tout le monde, ces jeunes finissent par être pris en charge par des bénévoles qui deviennent leur point de référence pour leur intégration dans le pays. La rencontre se fait parfois assez spontanément, au feeling. Lorsque les demandeurs et demandeuses se présentent dans l’association, ils vont s'adresser à plusieurs bénévoles et vont avoir tendance à se diriger vers celui ou celle qui les écoute le mieux, qui les prend bien en charge, qui leur donne confiance. Parfois, les bénévoles se disent « Ben moi j'y vais ! ». Par exemple, dans une association que j'étudie en ce moment, une jeune médecin afghane qui a ses papiers, est suivie par les politiques publiques, mais qui a besoin de tout un tas d'autres soutiens afin de pouvoir exercer la médecine en France progressivement, est suivie par un bénévole qui est un médecin à la retraite.

21Clément Pin : Dans le cadre de mes terrains, un lycée qui n’est pas en QPV fait intervenir Article 1. Ce lycée fait également intervenir une association locale qui commence tout juste à se développer et se présente comme une start-up en matière d'orientation. Cette start-up développe son site internet, et son système de mise en relation des élèves avec des ambassadeurs. Pour le moment, cela se fait à titre gratuit, mais l'intention de l'association est de rendre le service payant, et de contractualiser soit avec les rectorats, soit avec les établissements directement. Je pense qu'il y a tout un ensemble d'acteurs qui ont compris qu’il y avait un marché, que ce marché était occupé pour le moment par des structures dont on allait interroger au bout d'un moment l'omniprésence et que par conséquent d'autres acteurs allaient pouvoir trouver leur place.

22Robert Lafore : Je n’ai pas conduit de travaux spécifiquement sur le mentorat, ni sur les divers registres de ce que j’appelle « les relations d’aide ». Je constate simplement que le mentorat apparaît dans un contexte d’évolution des politiques d’assistance comme d’ailleurs de diverses activités telles l’éducation ou la formation professionnelle ; il est concomitant aussi d’inflexions fortes dans les modalités d’articulation des subjectivités avec le cadre objectif des organisations et plus largement des institutions. C’est pourquoi je considère qu’il constitue un type nouveau d’intervention sociale, type adapté aux requêtes des conceptions qui dominent notamment dans toutes les activités de socialisation de jeunes et aussi d’adultes lorsqu’on les considère comme vulnérables, fragiles, en difficultés, etc… C’est donc à ce titre, en quelque sorte comme un symptôme d’un mouvement plus large, que je le prends en compte.

Ces dispositifs portés par des acteurs de l’Économie Sociale et Solidaire donnent un rôle à la société civile, dite « société de l’engagement », et à des bénévoles. Que pouvez-vous nous dire sur la place de ces acteurs dans les politiques [jeunesses/éducatives/sociales] ? Est-ce un phénomène nouveau, en développement ou déjà ancien ? Quelles en sont les implications en matière de répartition des tâches entre professionnels (enseignants, éducateurs, chargés d’insertion) et bénévoles ?

23Robert Lafore : La question du bénévolat, c’est l’histoire du travail social. Avant d’être professionnalisé et labellisé par des diplômes, mes visiteurs de prison et les personnes qui s’occupaient des délinquants étaient des bénévoles. Dans le champ du handicap, de nombreux parents se sont mobilisés à l'origine pour créer des associations. À celles-ci s’ajoutent les congrégationnistes, des sœurs qui travaillent gratuitement.

24Le tronc principal de l'action sociale s’est constitué autour de la création d'un secteur spécifique dans lequel l'État a associé tout un ensemble de structures privées, associatives pour l'essentiel, ainsi que quelques fondations. Il les a associées en les constituant comme des opérateurs de ce secteur, ce qui a abouti à la situation actuelle dans laquelle les structures ne se perçoivent pas comme étant des structures de l'économie sociale. Elles se pensent comme insérées fondamentalement dans le monde des associations et encore en se considérant sur ce plan comme très singulières et spécifiques notamment à cause du cadre juridique qui les rattache à l’action publique. De ce fait, bon nombre des acteurs de l’action sociale ne rattachent pas les associations sociales et médico-sociales à l'économie sociale et solidaire : cela est lié, comme on vient de le dire, à la logique de constitution du secteur. C’est également la conséquence d’une autre série de données. Lorsque l’économie sociale apparaît vers 1830 en France, elle se pense au départ comme un modèle global de transformation sociale. À partir des années 1850-1860, la puissance publique va domestiquer ce secteur en le découpant en organismes distincts (mutuelles, syndicats, coopératives et associations) et fonctionnalisés. En effet, il valait mieux découper ce secteur que le maintenir dans un cadre homogène, parce que cela le constituait en véritable contre-pouvoir de la société civile. Le cadre associatif, conçu originellement comme une simple liberté publique va, dans le domaine de l’assistance, servir d’instrument pour fournir une couverture juridique à de nombreuses « œuvres » ainsi qu’on les dénommait. Autrement dit, la substance associative a été largement vidée de son contenu en offrant davantage un support juridique à ces activités et non un cadre d’expression d’intérêts communs qui se représentent et s’organisent ; le phénomène s’est aggravé après 1945 quand la puissance publique a intégré tous ces acteurs associatifs dans un secteur structuré d’action publique en échangeant avec eux des garanties financières contre une conformation de leurs activités aux réglementations.

25Si l’on considère le mentorat, on constate que ce sont des associations nouvelles, périphériques par rapport aux grandes structures gestionnaires, qui s’en sont emparées. La logique « économie solidaire » qui les anime est peu partagée et elles sont pour l’instant aux marges de l’action sociale installée.

Le mentorat en France s’est développé dans le cadre d’une politique co-construite et co-pilotée par l’État et un collectif d’associations : le Collectif Mentorat créé par huit associations fondatrices et qui comprend plus de 70 structures aujourd’hui. Dans le champ des politiques [jeunesses/éducatives/sociales], avez-vous connaissance d’autres politiques co-construites par l’État et le secteur associatif ?

26Patricia Loncle : Dans le champ des politiques de jeunesse, c'est un grand classique, je dirais même que c'est comme cela que tout a commencé. Dans les années 1930, les premières politiques de jeunesse sont élaborées par le Front populaire en lien avec les associations. Tout au long de la IVe République et durant le début de la Ve jusqu'au milieu des années 1990, les politiques de jeunesse étaient co-construites avec les associations. Le Conseil de l'Europe et la Commission européenne, font aussi appel à la cogestion, notamment au travers du Youth Partnership (partenariat Jeunesse). Le modèle historique français est celui de la co-construction. Sous Maurice Herzog notamment, Haut secrétaire à la jeunesse et au sport entre 1958 et 1966, la politique de loisirs se fait en cogestion avec les associations, les fédérations d'associations et aussi le Cnajep (Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d'éducation populaire). Laurent Besse (2017) a beaucoup publié là-dessus. Cette situation est bien moins centrale aujourd'hui parce que les associations sont beaucoup plus prestataires de services qu'elles ne l'étaient auparavant. Elles ont beaucoup moins de marge de manœuvre et de capacité à peser sur les orientations de l'État qu'elles n'avaient précédemment.

27Dans le cas du mentorat, c’est en quelque sorte une réémergence de cette logique, mais avec des déplacements. Car l’État s'est beaucoup retiré de la politique de jeunesse en décentralisant. Par conséquent, c'est un dialogue entre les associations et les collectivités locales qui s'est instauré. Aujourd’hui, à l’heure de la libéralisation et des appels d'offres, les associations sont moins à même de porter des initiatives qu'elles ne l'étaient précédemment et ne peuvent mettre en œuvre leurs priorités comme elles étaient susceptibles de le faire dans les années 1960-1980. Puisqu’elles dépendent des réponses aux appels d'offres, qu’elles perçoivent des financements précaires, la décentralisation a conduit les associations à devenir des prestataires des collectivités locales et de l’État. C'est un grand classique de la littérature sur les associations, mais c'est très vrai en matière d'éducation populaire.

28Robert Lafore : C’est là toute l’action sociale, des premières lois d’assistance à la fin du XIXe siècle aux grands textes qui fondent l’aide et l’action sociale à compter de la Libération. Au départ, le financement de l’assistance est essentiellement local, avec un appui très fort de l’économie du don : quêtes, legs et engagement de bénévoles et de membres des congrégations... Jusqu’en 1945, l’État ne finance pas les « œuvres » et il n’y a pratiquement aucune réglementation pour les structurer. Dans le cadre de la modernisation globale de la société après 1945, ce que l'on appelle à l'époque l'action sanitaire et sociale va se mettre en place pour l’essentiel dans une logique bottom-up.

29Des innovateurs sociaux, souvent des professionnels du monde médical, des juges ou encore les premiers « travailleurs sociaux », critiquant les structures assistancielles du passé, vont inventer les établissements et services technicisés et professionnalisés ; l’État va procéder progressivement à la reconnaissance de ces initiatives en les encadrant réglementairement et en les finançant. Mais le mouvement s’est reproduit dans une logique faisant se succéder des cycles : innovation, extension quantitative de l’innovation, demande de reconnaissance par les pouvoirs publics, stabilisation administrative et financière. Il y a tout lieu de penser qu’en sa qualité de nouveau dispositif structurant les relations d’aide dans l’action sociale, le mentorat constitue une innovation qui aura à terme éventuellement le même destin : se développer, se stabiliser jusqu’à ce que, qui sait, une autre innovation vienne le remplacer. La différence avec la logique incrémentale du passé, c’est que dorénavant les initiatives sont partagées entre le centre étatique et les innovateurs, ces derniers devant s’encastrer dans un cadre plus ou moins formalisé défini par la puissance publique. C’est un nouvel équilibre qui se cherche entre la société civile et l’État au sens large. Un nouveau jeu en quelque sorte qui ne va pas sans doute favoriser les mêmes opérateurs.

Haut de page

Bibliographie

Aguilera T. et Rouzeau M., 2020, Le gouvernement des solidarités Enjeux socio-politiques et territoires d’action, Paris, éd. Berget-Levrault, Au fil du débat.

Boltanski L. et Chiapello È., 2000, Le nouvel esprit du capitalisme, Paris, éd. Gallimard.

Brown P., Lauder H. & Ashton D. (2010), The Global Auction. The Broken Promises of Education, Jobs and Incomes, New York, Oxford University Press.

Christen C. et Besse L. (dir.), 2017, Histoire de l’éducation populaire, 1815-1945, nouvelle édition [en ligne], Villeneuve d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion.

Fassin D., 2004, Des maux indicibles. Sociologie des lieux d’écoute, Paris, éd. La Découverte, Alternatives sociales.

Duru-Bella M., 2015, « Les compétences non académiques en question », Formation Emploi, 130 avril-juin.

Gauchet M., 2005, Le désenchantement du monde, Paris, éd. Gallimard.

Maire S., 2018, Science et politique des « soft skills » de l’éducation à l’emploi : sociologie d’un nouveau motif cognitif international, thèse de sociologie sous la direction de Romuald Normand, Strasbourg

Rochex J., 2019, « L’éducation prioritaire en France… et ailleurs : éléments d’analyse pour une histoire qui reste à faire », Administration & Éducation, n° 164, p. 11-16 [https://doi.org/10.3917/admed.164.0011].

Van Zanten A., 2019, « L’ouverture sociale bénéficie à tous les élèves », Origine sociale des élèves sous la direction de Patrick Rayou, Retz, Mythes et réalités.

Haut de page

Notes

1 Rapport de la Commission du débat national sur l’avenir de l’École présidée par Claude Thélot, la Commission propose huit programmes d'action pour dessiner "l'École du futur" : « s'assurer que chaque élève maîtrise le socle des indispensables et trouve sa voie de réussite », Paris, 2004.

2 Louis Dumont, anthropologue (1911-1998) réalise ce qu’il appelle une « anthropologie de la modernité » en opposant les sociétés holistes et les sociétés individualistes.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Robert Lafore, Patricia Loncle et Clément Pin, « Le mentorat, symbole de l'individualisation des politiques publiques »Sciences et actions sociales [En ligne], 20 | 2023, mis en ligne le 21 novembre 2023, consulté le 30 novembre 2023. URL : http://journals.openedition.org/sas/3999

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search