1Traditionnel terrain des historiens, des géographes ou des anthropologues, les sites historiques des Guerres mondiales (de Verdun à la Somme en passant par la Normandie, le Vercors, l’Alsace ou Oradour‑sur-Glane) sont traités dans cet ouvrage à travers le point de vue des sciences de l’information et de la communication. Ainsi, Dominique Trouche s’intéresse tout autant aux productions de logos, de slogans, que de parcours de visite, de musées, avec une visée analytique, afin de saisir les transformations rapides et profondes qui touchent ces sites, dans ce que cela produit en terme de rapport à l’histoire, au passé, à la mémoire. L’ouvrage interroge ce que signifie visiter un site historique des Guerres mondiales aujourd’hui. Si les visiteurs de ces sites étaient auparavant marqués par le pèlerinage, c’est à présent du point de vue touristique que les visites sont proposées. Davantage que l’impact seul des dispositifs de communication, c’est l’impact de ces dispositifs sur les modalités de visite qui est étudié, qui touche autant l’organisation des circuits de visite (et donc l’appréhension du territoire), que l’architecture ou la muséologie.

2Dans la première partie de l’ouvrage, l’auteur décrypte la partie visible des politiques et dispositifs de communication, que sont les logos, les slogans, autant sur leur implication dans la construction des visites et dans la production de sens. Les trois parties suivantes montrent des aspects moins formels des dispositifs de communication. Ainsi les nouvelles scénographies des musées d’histoire des guerres questionnent les modes d’apprentissage classique de l’histoire par des usages singuliers de l’image et du son. Les espaces qui reconstituent des événements historiques participent d’une forme de rapport à l’histoire fortement marquée par l’esthétisation, la création d’ambiance et la mise en fiction de ces récits. Ce qui serait des « mises en scène de l’histoire » questionne sur le devenir de ces espaces des guerres, sur ce qu’il convient d’en faire ou de ne pas en faire. Ainsi, si par bien des aspects les dispositifs de communication influent sur la perception des visiteurs, il n’en demeure pas moins que la force des traces (ruines, tranchées, etc.) et de ces événements historiques « débordent » parfois et mettent en tension le visiteur dans un rapport expérientiel à l’histoire. La question de la perception sous‑tend l’ensemble de l’ouvrage. L’auteur montre ainsi que les nouvelles modalités de transmission reposent sur la perception et ce à plusieurs niveaux : par une architecture symbolique, par une muséologie tendant à la scénographie d’immersion (dans laquelle des événements historiques sont reconstitués et où le visiteur est appelé à vivre une expérience), ou encore par une pratique spatiale de visite des espaces marquée par l’appréhension du déroulement historique, et enfin par des représentations mémorielles bousculant les usages habituels des visiteurs.

3Dominique Trouche cherche également à saisir la prégnance et le sens des visées esthétiques produites dans les sites historiques. Les matériaux employés pour l’architecture ou les documents de communication et la production de formes (monumentales et artistiques) questionnent le rapport aux morts des guerres. De l’usage récurrent de la transparence, à l’acier corten, le regard que le visiteur est invité à poser sur ces événements questionne les lieux et les espaces. Du monument aux morts avec son esthétique marquée par la période de la « statuomanie », les réalisations contemporaines sont marquées par des principes de dissémination, de trouble de la visibilité jusqu’à l’expression de présences fantomales. Les modalités de représentation privilégient désormais des formes moins monumentales, marquées par le symbolisme et la déterritorialisation.

4Cet ouvrage entend finalement étudier ce que visiter signifie dans toute la complexité des sites historiques des Guerres mondiales. C’est peut-être en ce sens que se situent ses limites. Son aspect quelque peu holistique peut en rendre la lecture elle-même complexe. Mais ce sont ainsi des publics variés qui seront concernés par cet ouvrage, qu’ils soient intéressés par le tourisme, l’histoire, l’enseignement dans le cadre de visite scolaire des sites historiques, les musées, l’architecture ou encore les questions de l’esthétique et de la perception.