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AccueilNumérosVol. 52 - n° 4Comptes rendusLes métamorphoses du monde associ...

Comptes rendus

Les métamorphoses du monde associatif, M. Hély

Presses universitaires de France, Paris (2009). 320 p.
Antoine Bevort
p. 565-567
Référence(s) :

Matthieu Hély, Les métamorphoses du monde associatif, Presses universitaires de France, Paris, 2009, 320 p.

Texte intégral

1Dans Les métamorphoses du monde associatif, Matthieu Hély propose une sociologie du travail associatif. Cet ouvrage, tiré de sa thèse, vise à mettre en évidence que les associations, de structures traditionnelles reposant sur une participation bénévole et volontaire, se transforment en « entreprises associatives » fonctionnant essentiellement avec des salariés. L’auteur interroge la spécificité des modes de régulation et du salariat dans l’univers associatif, ce qui le conduit à une critique assez sévère de la croyance en l’alternative que constituerait l’économie sociale et solidaire.

2M. Hély développe sa démonstration en trois parties. La première traite des formes de régulation de l’action associative. La deuxième partie s’intéresse au marché du travail associatif, son organisation, ses statuts et ses carrières. La troisième partie analyse la production d’utilité sociale, montrant un salariat au cœur des contradictions entre les sphères marchande et non marchande.

3L’analyse témoigne d’une bonne connaissance de l’univers associatif et d’un réel métier sociologique. Elle est fondée sur des données aussi bien quantitatives, résultant d’une exploitation secondaire des données statistiques sur l’emploi salarié et sur les entreprises associatives, que qualitatives, provenant d’une enquête par entretiens auprès des salariés du secteur. M. Hély distingue quatre grands types d’entreprises associatives. Les deux premiers, dirigés par des salariés, sont fortement liés aux pouvoirs publics, dont ils tirent l’essentiel de leurs finances. Le type « gestionnaire » constitue un véritable « auxiliaire de l’État-providence ». L’entreprise associative « partenaire » maintient par l’éthique associative du bénévolat une relative indépendance de gestion. Les deux autres formes appartiennent davantage à la sphère privée, notamment par l’importance de leurs ressources constituées de cotisations — entreprise associative « marchande » — ou de dons — entreprise associative « mécénale ». Le rôle des bénévoles y est plus important, notamment dans la direction de ces associations.

4Selon M. Hély, le salariat associatif constitue une illustration particulièrement éloquente de l’ambiguïté fondamentale du monde associatif. L’auteur met en relation la baisse des effectifs fonctionnaires et la hausse des salariés associatifs qui a progressé plus que dans le secteur public et marchand, suggérant un déversement de l’emploi public vers l’emploi associatif. Il pointe cependant moins un désengagement qu’une recomposition profonde et durable de l’État social et de ses formes d’intervention. « Ils incarnent le nouveau visage du service public ».

5L’auteur souligne de nombreuses homologies entre fonction publique et secteur associatif. Le salariat associatif et la fonction publique recrutent leurs membres auprès de groupes socioprofessionnels occupant des positions voisines, révélant une affinité structurale du point de vue de la composition de leurs capitaux, notamment scolaires. Les salariés associatifs se distinguent néanmoins par leur statut, relevant du droit privé, et des conditions de travail — rémunération, temps de travail — moins favorables et une moindre reconnaissance sociale. S’ils acceptent néanmoins leur statut, c’est que dépourvus de ressources pour accéder à un poste dans l’administration, « devenir travailleur associatif aujourd’hui est moins une manière de travailler autrement qu’une façon de ne pas perdre la face en faisant de nécessité vertu ».

6La croyance dans l’économie sociale et solidaire fait, selon M. Hély, l’économie de l’analyse des transformations morphologiques de la fonction publique et de la conversion des entrepreneurs et des managers au capitalisme éthique comme nouvelle forme de l’esprit du capitalisme. Néanmoins, le travail associatif représente une forme subversive d’activité productive puisqu’il s’agit d’un travail non marchand.

7Le livre constitue une contribution stimulante sur les transformations de l’action associative, sa professionnalisation, le poids croissant des salariés, les ambiguïtés de ses rapports à l’action publique et privée. Néanmoins, la démonstration soulève de nombreuses questions. Elle est tout d’abord en partie inscrite dans le champ étudié, elle ne dit rien du champ des associations sans salariés. L’auteur oublie la croissance des salariés de la fonction publique territoriale, confond dans une même analyse les salariés encadrants et les salariés en insertion par exemple, écrit un peu rapidement que « les contrats aidés n’ont aucune obligation de formation », fait peu de cas du dialogue social spécifique à l’économie sociale et solidaire. Dans sa critique de la croyance en l’économie solidaire, l’auteur ne donne guère la parole à ses protagonistes, dont les écrits ne sont ainsi pas cités dans la bibliographie finale.

8L’analyse de M. Hély est fondée sur une conception étroite de l’État comme seul initiateur du social, seul dépositaire de l’intérêt public, et repose sur une quasi identification entre sphère privée et logique marchande. Il y a ainsi un paradoxe à classer comme « marchandes », les associations qui dépendent le plus des cotisations de leurs adhérents. La dimension plus ou moins démocratique du fonctionnement des associations n’est d’ailleurs guère approfondie. L’analyse tend à confondre également l’action associative et le salariat. Le salarié, pas plus que le fonctionnaire, ne sont subversifs par essence. Ce sont l’action publique et associative qui sont éventuellement subversives.

9Malgré ces réserves, l’ouvrage constitue une interpellation stimulante pour les acteurs et les théoriciens de l’économie sociale et solidaire ainsi mis au défi de mieux définir à quelles conditions le tiers secteur dépasse l’opposition entre l’action publique et privée et crée les conditions d’une émulation réelle entre ces deux sphères.

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Pour citer cet article

Référence papier

Antoine Bevort, « Les métamorphoses du monde associatif, M. Hély »Sociologie du travail, Vol. 52 - n° 4 | 2010, 565-567.

Référence électronique

Antoine Bevort, « Les métamorphoses du monde associatif, M. Hély »Sociologie du travail [En ligne], Vol. 52 - n° 4 | Octobre-Décembre 2010, mis en ligne le 23 novembre 2010, consulté le 16 novembre 2025. URL : http://journals.openedition.org/sdt/15561 ; DOI : https://doi.org/10.4000/sdt.15561

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Auteur

Antoine Bevort

LISE-CNRS-Conservatoire national des arts et métiers, 2, rue Conté, 75003 Paris, France
antoine.bevort[at]cnam.fr, abevort[at]free.fr

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