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AccueilNumérosVol. 51 - n° 3Comptes rendusLa proximité en politique, Usages...

Comptes rendus

La proximité en politique, Usages, rhétoriques, pratiques, C. Le Bart, R. Lefebvre (Eds.)

Coll. « Res Publica ». Presses universitaires de Rennes, Rennes (2005). 305 p.
Catherine Neveu
p. 440-442
Référence(s) :

Christian Le Bart et Rémi Lefebvre (dir.), La proximité en politique, Usages, rhétoriques, pratiques, Coll. « Res Publica », Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2005, 305 p.

Texte intégral

1Cet ouvrage, issu de journées d’études organisées par le Centre d’études et de recherches administratives, politiques et sociales (Ceraps) et le Centre de recherches sur l’action politique en Europe (Crape) à Lille en 2003, s’attache à saisir et d’analyser les multiples significations et usages du mot « proximité » qui connaît depuis plusieurs années une fortune aussi ample que protéiforme. Entre une introduction de C. Le Bart et R. Lefebvre qui pose le cadre de la réflexion menée au fil des chapitres et une conclusion de Philippe Genestier, on trouve quatorze contributions organisées autour de quatre champs thématiques : une mise en perspective théorique et historique ; la proximité comme stratégie politique ; une interrogation sur l’action publique de proximité et enfin deux chapitres sur la construction médiatique de la proximité.

2Dans leur introduction, C. Le Bart et R. Lefebvre présentent la logique d’ensemble de l’ouvrage, en précisant qu’il s’agit bien de suivre les acteurs qui font usage du mot de « proximité », et non de tenter d’en donner une quelconque définition, tant ce terme revêt de significations diversifiées et s’inscrit dans un champ lexical complexe. Tout en s’interrogeant sur l’existence d’un basculement des ordres de grandeur politique repérable dans le succès de la rhétorique proximitaire, les auteurs estiment qu’il s’agirait plutôt d’une étape dans le déroulement d’un cycle politique, valorisant alternativement la distance ou la proximité. Soucieux d’éviter les deux écueils que constitueraient pour les sciences sociales tant une nostalgie valorisant la distance comme seul fondement du politique que leur propre aspiration acritique à une « idéologie du terrain » peu objectivante, C. Le Bart et R. Lefebvre soulignent la nécessité de mieux saisir qui sont les « entrepreneurs de proximité ». Ils interrogent les usages qu’ils font du terme et dans quelle mesure il s’agirait là d’un nouveau référentiel des politiques publiques. Ils relient le succès de ce mot à un certain nombre d’évolutions sociales et politiques contemporaines, tels les processus d’individualisation et la perte de centralité de registres apparemment aussi fermes que ceux de « la montée en généralité » ou de « l’intérêt général ». Un chapitre consacré par François Rangeon à l’émergence de la référence à un « intérêt général local » propose d’ailleurs une réflexion stimulante sur les figures contemporaines de celui-ci.

3L’analyse de « l’économie du récit de proximité » menée par Nicolas Mariot, dans une perspective historique, souligne à quel point celle-ci fonctionne sur le double registre de l’amnésie et de la répétition, et cadre bien avec l’hypothèse proposée par les responsables de l’ouvrage d’un retour cyclique de la rhétorique proximitaire. La plupart des chapitres indiquent d’ailleurs clairement que plus que la proximité en elle-même, ce sont bien les multiples tensions entre distanciation(s) et proximité(s) en politique, variables selon les contextes, les époques et les thématiques, qui valent qu’on les observe de plus près. Que ce soit dans le maniement de cette tension par des professionnels de la participation (Magali Nonjon), ou au fil des campagnes électorales législatives (Pierre Leroux), c’est bien le « jeu » constant (au sens y compris de la marge de manœuvre permise par une imperfection de l’outillage) entre distanciation et proximité qui révèle les paradoxes des postures des uns ou des autres.

4Le pari de cet ouvrage de « prendre au sérieux » la rhétorique proximitaire est bien tenu et porte ses fruits, même si on peut regretter, avec R. Lefebvre et C. Le Bart, la faiblesse des travaux sur les dimensions proprement physiques de la proximité politique, faiblesse que le second tente de combler partiellement en s’intéressant aux manières « d’être là » des élus, tandis que le premier pose les contours d’une typologie des « pratiques de proximité ». L’ouvrage laisse cependant peu de place aux enjeux de « proximité sociale » et aux manières dont les citoyens eux-mêmes perçoivent et construisent proximités et distanciations en politique. Mais peut-être est-ce parfois parce que l’enjeu des appels à la proximité porte sur bien autre chose que celle qui se joue entre élus et citoyens, comme le montre avec une grande netteté l’analyse par Fabien Desage, des relations entre élus et « services » au sein d’une communauté urbaine.

5Dans une interrogation sur les figures possibles du « proche » hors de la « grandeur domestique », en référence aux travaux de Laurent Thévenot et Luc Boltanski, le chapitre proposé par Marion Paoletti sur « les effets paritaires de la proximité » est nettement plus convaincant que celui d’Éric Doidy ouvrant la première partie de l’ouvrage. L’auteur souligne que, comme la proximité, le lien politique local oscille entre les pôles civique et domestique et estime que « la culture féminine est potentiellement porteuse d’une politisation à partir du quotidien susceptible de donner un contenu à la proximité ».

6Le chapitre conclusif de Philippe Genestier réinscrit la réflexion dans le cadre énoncé dans l’introduction, celui du repérage d’un éventuel basculement des « grandeurs » politiques ; s’il n’exclut pas ce diagnostic, cet auteur souligne que le recours à la proximité peut aussi être lu comme une stratégie de « résistance », peut-être risquée, des anciennes « grandeurs ».

  • 1 Voir : James Ferguson, Power Topographies. In: D. Nugent, J. Vincents (Eds.), A companion to the An (...)

7Cet ouvrage fournit donc aux lecteurs une analyse variée des figures de la proximité telle qu’elle est maniée par ses entrepreneurs. Il constitue une base à partir de laquelle engager des travaux comparatifs avec d’autres situations, ainsi qu’une réflexion sur ce que ces tensions proximité/distanciation nous disent de la « topographie verticale du pouvoir »1 qui hante nombre d’imaginaires politiques.

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Notes

1 Voir : James Ferguson, Power Topographies. In: D. Nugent, J. Vincents (Eds.), A companion to the Anthropology of Politics, Blackwell Publishing, Malden, MA, 2004, p. 383–399.

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Pour citer cet article

Référence papier

Catherine Neveu, « La proximité en politique, Usages, rhétoriques, pratiques, C. Le Bart, R. Lefebvre (Eds.) »Sociologie du travail, Vol. 51 - n° 3 | 2009, 440-442.

Référence électronique

Catherine Neveu, « La proximité en politique, Usages, rhétoriques, pratiques, C. Le Bart, R. Lefebvre (Eds.) »Sociologie du travail [En ligne], Vol. 51 - n° 3 | Juillet-Septembre 2009, mis en ligne le 27 août 2009, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/sdt/17021 ; DOI : https://doi.org/10.4000/sdt.17021

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Auteur

Catherine Neveu

LAIOS (CNRS-EHESS), FMSH, 54, boulevard Raspail, 75270 Paris cedex 06, France
catneveu[at]numericable.fr

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