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AccueilNumérosVol. 48 - n° 1Comptes rendusYounes Amrani, Stéphane Beaud, Pa...

Comptes rendus

Younes Amrani, Stéphane Beaud, Pays de malheur ! Un jeune de cité écrit à un sociologue

La Découverte, Paris, 2004 (234 p.)
Jean Saglio
p. 123-124
Référence(s) :

Younes Amrani, Stéphane Beaud, Pays de malheur ! Un jeune de cité écrit à un sociologue, La Découverte, Paris, 2004, 234 p.

Texte intégral

1Younes Amrani est le pseudonyme derrière lequel se cache un jeune « de la seconde génération » qui, dans des mails écrits entre décembre 2002 et juillet 2003 décrit son itinéraire et sa situation. Stéphane Beaud, à qui sont destinés ces courriers, les présente dans une brève introduction, une conclusion un peu plus détaillée, et une sélection de « relances » courtes qui entretient la correspondance et indique quelques thèmes pour les développements ultérieurs. Les autres éléments de cette relation, qu’il s’agisse des entretiens plus longs et systématiques ou des échanges téléphoniques, ne sont pas relatés.

2Le document est donc présenté comme un document. Pas besoin d’analyses complémentaires, de commentaires ou d’appareil critique, il s’agit d’un matériau brut, suffisamment élaboré cependant pour être significatif. Tout un chacun peut donc se l’approprier. Les thèmes sont abordés sans autre ordre que celui de la production épistolière. Mais, du fait de la bonne qualité de l’écriture du témoin et principal auteur, le récit reste alerte et cohérent.

3La méthode est tout à fait intéressante, mais on doit néanmoins s’interroger sur le résultat produit. Dès les premières phrases du premier mail rapporté (p. 11), on comprend que c’est la conformité à la pensée du correspondant qui est le critère de la justesse et de la pertinence du point de vue. Au fil de la relation, le rôle du sociologue ne cesse d’ailleurs de s’enrichir : il est conseil littéraire, conseil professionnel, conseil conjugal. L’explication qu’il fournit, même rapportée de manière réduite, est totale : sociologique, certes, mais aussi psychologique, politique, psychanalytique, voire médicale ou thérapeutique (p. 131).

4On pourrait à partir de là dresser une première ligne de compréhension critique de la thèse défendue : c’est au moins autant le sociologue que le témoin qui supposent qu’aucune action n’est possible et que la désespérance est la seule issue. Ainsi, par exemple, quand son interlocuteur lui présente un cas tout à fait particulier de condamné à la double peine à un moment où un conseil précis et utile serait possible (le taux de réussite des dossiers de double peine partis de Lyon en mai 2003 n’est pas négligeable), S. Beaud se contente d’une dénonciation globale de l’incurie de la gauche (pp. 165–167).

5Il ne s’agit pas de prétendre que la neutralité, la distance et la dépersonnalisation de la relation d’enquête seraient préférables ou souhaitables. Mais quand la relation établie est à ce point une relation de dépendance, affective et intellectuelle, quand entre l’enquêteur et son informateur de terrain les connivences sont si grandes, alors on peut supposer que le discours produit n’est plus que l’image en miroir de la pensée du maître. Rendue accessible au grand public par une astuce d’écriture qui n’est pas sans intérêt. Comme le sont par ailleurs les analyses de S. Beaud.

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Pour citer cet article

Référence papier

Jean Saglio, « Younes Amrani, Stéphane Beaud, Pays de malheur ! Un jeune de cité écrit à un sociologue »Sociologie du travail, Vol. 48 - n° 1 | 2006, 123-124.

Référence électronique

Jean Saglio, « Younes Amrani, Stéphane Beaud, Pays de malheur ! Un jeune de cité écrit à un sociologue »Sociologie du travail [En ligne], Vol. 48 - n° 1 | Janvier-Mars 2006, mis en ligne le 21 mars 2008, consulté le 10 novembre 2025. URL : http://journals.openedition.org/sdt/23641 ; DOI : https://doi.org/10.4000/sdt.23641

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Auteur

Jean Saglio

Cristo, CNRS–université Pierre Mendès-France, Grenoble 2, Sciences sociales, BP 47, 38040 Grenoble cedex 9, France
Jean.Saglio[at]upmf-grenoble.fr

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