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AccueilNumérosVol. 48 - n° 2Comptes rendusThierry Braganti, Alexandre Mathi...

Comptes rendus

Thierry Braganti, Alexandre Mathieu-Fritz, Éducateur technique spécialisé. Formation, diplôme, carrière

Éditions ASH, Rueil-Malmaison, 2004 (142 p.)
Jean-Marc Stébé
p. 266-268
Référence(s) :

Thierry Braganti et Alexandre Mathieu-Fritz, Éducateur technique spécialisé. Formation, diplôme, carrière, Éditions ASH, Rueil-Malmaison, 2004, 142 p.

Texte intégral

1L’ouvrage de Jeanine Verdes-Leroux sur Le travail social (Éditions de Minuit, 1978) a permis d’appréhender les fondements sociohistoriques de ce secteur d’activités, et par conséquent les logiques d’action des différents métiers intégrés dans ce vaste champ professionnel (assistants de service social, éducateurs spécialisés, animateurs socioculturels…). Après ce travail fondateur, il restait à observer de manière approfondie l’univers de chaque profession du secteur social et à répondre à quelques interrogations majeures : Comment s’organise chacune vis-à-vis des autres professions voisines ? Quels sont les ressorts des différentes identités professionnelles ? Quelles sont les « carrières » suivies ?… En s’arrêtant sur les éducateurs techniques spécialisés (ETS), Thierry Braganti et Alexandre Mathieu-Fritz ont répondu avec beaucoup de clarté et de rigueur à quelques-unes de ces questions. Ils dressent un état des lieux de ce métier qui peine à intégrer la « cour » des travailleurs sociaux et à être reconnu en tant que tel. De nombreux éléments y concourent en effet : faible effectif, absence de formation initiale en travail social, niveau de qualification relativement faible en début de formation, âge moyen d’entrée plutôt élevé… Toutes ces caractéristiques sociologiques et structurelles enferment ainsi les ETS dans un monde professionnel peu lisible. C’est là, à notre avis, tout l’intérêt de cet ouvrage, dans lequel les deux auteurs réussissent à circonscrire le monde professionnel mal connu des ETS.

2Une première partie propose de se familiariser avec les caractéristiques « morphologiques » des ETS. En établissant des comparaisons avec d’autres métiers du travail social, T. Braganti et A. Mathieu-Fritz montrent combien les ETS se distinguent des autres travailleurs sociaux. En outre, les auteurs, dans une perspective interactionniste, décrivent comment des individus sont devenus ETS, et pour cela, ils s’intéressent à leur trajectoire sociale. Les 23 entretiens biographiques réalisés auprès des ETS font apparaître que l’entrée au sein du secteur social s’est réalisée, davantage à l’occasion d’un concours de circonstances que par choix délibéré ou par vocation. Ils laissent également apparaître, que, même si les ETS montrent rapidement de l’intérêt pour le travail social, les débuts se révèlent bien souvent difficiles. Sans réelle formation initiale en effet, les ETS apprennent sur le « tas », ce qui les amène à s’intégrer lentement à la communauté établie des travailleurs sociaux. Enfin, cette première partie s’arrête sur une analyse des modalités d’accession et des conditions de réalisation de la formation des ETS. Celle-ci, qui se réalise en alternance, est source de difficultés et alimente les tensions « entre l’« école » et le « terrain » ».

3La seconde partie commence par une approche historique de l’exercice du métier d’ETS. On y apprend que ces professionnels du travail social, à travers la figure du contremaître d’atelier exerçant dans les colonies agricoles et pénitentiaires, émergent au xixe siècle. Ces établissements, que l’on va vite appeler les « bagnes d’enfant », disparaîtront dans les années 1930, au profit de nouvelles structures destinées à prendre en charge des déficients mentaux (instituts médico-pédagogiques, instituts médico-professionnels, centres d’aide par le travail…) mises en place dans les années post-1945, et dans lesquelles travailleront les ETS. Par ailleurs, cette partie est l’occasion de présenter, malgré l’existence de conventions collectives nationales, l’hétérogénéité des définitions du métier d’ETS et la grande pluralité des pratiques professionnelles. Cet état de fait entraîne des tensions émergeant, d’une part, au sein même du groupe des « professions techniques » (MA, ETS), et d’autre part, entre ces derniers et les « autres professionnels du social », notamment les éducateurs spécialisés. Enfin, T. Braganti et A. Mathieu-Fritz consacrent tout un chapitre à une des questions centrales de la sociologie du travail, à savoir si les pratiques professionnelles des ETS s’apparentent plus à un métier ou à une profession. En convoquant les modèles fonctionnalistes et interactionnistes des professions, les auteurs concluent que l’exercice de l’activité des ETS ne constitue pas une profession, et qu’il est « plus judicieux de parler à son propos de métier ».

4Cet ouvrage trouve sa pertinence dans le fait qu’il mêle l’analyse sociologique objectiviste à l’analyse subjectiviste pour appréhender l’univers professionnel des ETS. Malgré un protocole de recherche combinant la méthode quantitative à la méthode qualitative (entretiens biographiques), il reste que l’analyse sociologique aurait été certainement plus convaincante encore si les deux auteurs avaient mobilisé l’observation participante. On aurait peut-être évité ainsi l’écueil d’un discours un peu trop revendicatif dans la conclusion. Ceci étant, le grand intérêt de cet ouvrage réside dans le fait que T. Braganti et A. Mathieu-Fritz aient patiemment et finement décortiqué le discours des ETS et soient ainsi parvenus à nous montrer, 1) comment ces professionnels du travail social négocient avec les différents mondes sociaux qu’ils fréquentent, et 2) comment ils parviennent à trouver un compromis entre le désir de se libérer de la technique et leur attachement à leur métier originel, et entre le souhait d’être intégré à l’équipe pluridisciplinaire et celui de conserver une certaine indépendance et autonomie d’action.

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Pour citer cet article

Référence papier

Jean-Marc Stébé, « Thierry Braganti, Alexandre Mathieu-Fritz, Éducateur technique spécialisé. Formation, diplôme, carrière »Sociologie du travail, Vol. 48 - n° 2 | 2006, 266-268.

Référence électronique

Jean-Marc Stébé, « Thierry Braganti, Alexandre Mathieu-Fritz, Éducateur technique spécialisé. Formation, diplôme, carrière »Sociologie du travail [En ligne], Vol. 48 - n° 2 | Avril-Juin 2006, mis en ligne le 21 mars 2006, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/sdt/24293 ; DOI : https://doi.org/10.4000/sdt.24293

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Auteur

Jean-Marc Stébé

Laboratoire de sociologie du travail et de l’environnement social (Lastes), université Nancy 2, 23, boulevard Albert 1er, BP 3397, 54015 Nancy cedex, France
jean-marc.stebe[at]univ-nancy2.fr

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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