1Dans la lignée des nombreux travaux consacrés à la modernisation de la sphère publique, l’ouvrage Vous avez dit « public » ?, coordonné par Emmanuelle Lévy, rassemble une série de textes traitant de l’évolution de la gestion et de la régulation dans le secteur public.

2Le livre a pour ambition de faire la synthèse de la réflexion menée depuis quelques années sur le sujet par les chercheurs du Centre de recherche en gestion. Les contributions mobilisent diverses sources disciplinaires et croisent différents objets et niveaux d’analyse. En raison même de la diversité des approches et des questions traitées, le lecteur a le sentiment d’avoir affaire à une somme de contributions, plus qu’à l’aboutissement d’une véritable réflexion collective. Sans doute, le fil rouge que constitue la question de l’amélioration de la performance des activités publiques est-il trop ténu. Par ailleurs, si E. Lévy place l’ouvrage sous le signe du paradigme gestionnaire, dont l’ambition est de dépasser le clivage privé/public, on regrette que ce paradigme ne soit pas davantage explicité et que l’apport spécifique des sciences de gestion à la question, désormais classique, de la « modernisation par l’usager », ne soit pas exposé. Il est vrai que la diversité des cadres d’analyse et des sources disciplinaires a fait la richesse de la réflexion consacrée jusqu’ici au changement dans le secteur public, comme le rappelle la recension des travaux sur la notion de coproduction, proposée par E. Lévy. Pourtant, face à l’abondance des travaux consacrés aujourd’hui à la « modernisation par l’usager », on aurait aimé, non pas un « regard croisé » de plus, mais plutôt un ouvrage d’approfondissement, traitant la question sous un angle thématique ou analytique particulier.

3Malgré cette réserve, nous n’avons pas boudé notre plaisir à la lecture de certaines des contributions de l’ouvrage. Dans la première partie, portant sur les pratiques d’amélioration du service à l’usager, Laure Amar et Étienne Minvielle proposent en particulier une réflexion stimulante sur les paradoxes organisationnels, résultant de la volonté de l’institution hospitalière de gérer la singularité de l’usager à grande échelle. Anni Borzeix présente, elle aussi, une analyse très fine, qui lui permet de montrer comment l’information destinée aux usagers du métro est le fruit d’un travail collectif d’interprétation et de mise en situation, qui s’appuie sur des connaissances techniques, mais aussi pragmatiques. La deuxième partie nous fait quitter sans ménagement la question de la relation à l’usager pour celle de la régulation. Cette partie a toutefois le mérite de la clarification, puisqu’elle s’efforce de dresser une typologie des modes de régulation existants (Hervé Dumez, Alain Jeunemaître). Le propos de Denis Bayart sur les rapports de force qui s’établissent entre les acteurs à l’occasion de la mise en place d’un système de régulation est également très instructif, même si l’on perd parfois l’auteur au détour de sa longue démonstration. La dernière partie n’est en revanche guère convaincante. Certes, Pierre-Jean Benghozi part d’un constat incontestable : les services publics sont confrontés à des attentes de plus en plus nombreuses et parfois contradictoires. Pour lui, la solution réside dans l’utilisation d’outils de gestion qui permettront, grâce à la négociation, de prioriser les objectifs. Dommage toutefois, que le potentiel de négociation des outils de gestion soit davantage postulé que démontré par l’auteur.