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AccueilNumérosVol. 43 - n° 1Comptes rendusJean-Claude Barbier, Jérôme Gauti...

Comptes rendus

Jean-Claude Barbier, Jérôme Gautié (dir.), Les politiques de l’emploi en Europe et aux États-Unis

Presses universitaires de France, Paris, 1998, 435 p. (Cahier nº 37 du Centre d’études de l’emploi)
Odile Benoît-Guilbot
p. 139-140
Référence(s) :

Jean-Claude Barbier et Jérôme Gautié (dir.), Les politiques de l’emploi en Europe et aux États-Unis, Presses universitaires de France, Paris, 1998, 435 p. (Cahier nº 37 du Centre d’études de l’emploi).

Texte intégral

1Depuis plus d’une vingtaine d’années, tous les pays européens ont à faire face à la montée du chômage, plus ou moins, mais plutôt plus que moins. Comment les pouvoirs publics y répondent-ils dans les différents pays ? La question est claire, fort intéressante, mais très vaste. La lecture de l’ouvrage fait comprendre que la vraie question est plus celle de l’insuffisance du nombre d’emplois que celle du chômage. En effet, la catégorie des chômeurs n’a pas le même contenu dans les divers pays. Selon les mesures en vigueur, les individus sans emploi sont renvoyés aussi bien à l’inactivité, à l’invalidité, en formation, en préretraite, qu’au chômage…

  • 1 C’est le terme utilisé par Michael Rose pour l’étude de Maurice, Sellier, Silvestre. Cf. Maurice, M (...)

2Dans une première partie, les chapitres exposent, chacun, les grandes lignes des politiques de l’emploi de divers pays en tentant de les situer dans leur contexte sociétal, notamment dans le système national de protection sociale dans lequel elles sont encastrées. Les chapitres sont d’un intérêt inégal ; certains donnent des analyses assez fines. Tous sont censés apporter des éléments nécessaires à une comparaison internationale des politiques publiques. Cette comparaison se voudrait « systémique », fondée sur des « cohérences sociétales », à la manière désormais célèbre du « Groupe d’Aix »1. Mais en une vingtaine de pages par pays, le pari est-il tenable ? Sans doute pas. D’ailleurs, la modestie du titre – qui ne reprend pas le terme de comparaison – est bienvenue, car elle correspond bien aux résultats de la tentative. Tous ceux qui ont été confrontés à ces questions de comparaison internationale connaissent bien les difficultés et les limites de ce genre d’entreprise ; ils n’en apprécieront pas moins les analyses proposées.

3En matière de comparaison, les directeurs de l’ouvrage ont encore compliqué leur tâche en prenant comme objet de leur analyse les politiques publiques de l’emploi, objet multiforme, mouvant, aux limites floues, dont la définition même est peu précise et les modalités de leur classification peu rigoureuses. Les auteurs sont d’ailleurs parfois conduits à prendre aussi en compte les politiques sociales qui complètent ou remplacent les politiques de l’emploi. Comme aux États-Unis par exemple, où il n’y a plus guère de chômeurs, mais de plus en plus de working poors. Il est curieux d’ailleurs d’avoir voulu intégrer les États-Unis dans cette comparaison, car la question posée dans l’ouvrage n’y a pratiquement pas de sens.

4La deuxième partie « questions transversales » est, il faut bien le dire, un peu hétéroclite. Dans un des chapitres, J.C. Barbier se livre à une critique en règle des études de l’OCDE, fondées sur la théorie économique néo-classique et des indicateurs statistiques « universalistes ». Il a beau jeu, en s’appuyant sur les analyses par pays de la première partie, d’en montrer les faiblesses. Ces indicateurs et les catégories sociales qu’ils construisent sont susceptibles de prendre des significations tout à fait différentes en fonction de l’ensemble des politiques des pays. Reprenons ce à quoi il a été fait allusion plus haut. Par exemple, le taux de chômage des Pays-Bas est relativement bas, mais c’est sans compter avec des indemnités d’invalidité assez largement distribuées, y compris aux individus qui, pour des raisons psychologiques, ne sont pas en mesure d’occuper un emploi. Ces indemnités ne sont pas comptabilisées par l’OCDE comme dépenses passives de l’emploi. En France, le taux de chômage serait encore plus élevé si l’on tenait compte des jeunes en formation sans emploi et des plus âgés mis hors population active par des mesures de préretraite très nombreuses, etc. Ces données sont maintenant assez bien connues des sociologues, même si les économistes les ignorent. Cette critique montre bien l’intérêt d’une analyse approfondie de l’ensemble du système du marché du travail et de l’action de tous ses acteurs, pouvoirs publics, employeurs, syndicats et individus.

5Dans un autre chapitre, les problèmes d’évaluation des mesures publiques sur un plan microéconomique sont abordés par J. Gauthié. À défaut d’une comparaison rigoureuse des mesures, peut-être pourrait-on comparer les effets de ces mesures ? J. Gauthié démonte tous les traquenards méthodologiques qui doivent rendre prudent tout utilisateur de ces évaluations. Pour lui, ces évaluations microéconomiques mettent trop l’accent sur les individus et leur employabilité, au risque de tomber dans une « handicapologie » inacceptable. Ailleurs, J.C. Barbier souligne qu’une évaluation ne saurait dispenser d’une analyse de la mise en œuvre des mesures publiques par les agents publics ou privés. C’est un rappel utile au moment où se négocie, en France, le Pare (Plan d’aide au retour à l’emploi) – ou tout autre sigle – qui veut introduire, comme en Suède par exemple, le principe d’une obligation de travail en échange des prestations de chômage. Or le nombre, les compétences et le rôle des agents du service public de l’emploi chargés de la mise en œuvre peuvent largement contribuer à l’échec ou au succès d’une mesure négociée et instituée au niveau national, sans que la mesure elle-même soit en cause.

6Il faut attendre la conclusion de J.C. Barbier pour retrouver un peu la comparaison. Il ne lui suffit pas d’opposer un pays à un autre en se fondant sur les analyses des cohérences sociétales. Il voudrait trouver un cadre de comparaison qui permettrait de classer les pays et leur politique, de faire une typologie, afin de donner un sens au foisonnement des informations. Mais son exposé est plus programmatique que démontré ou utilisé empiriquement. Il estime que les cohérences sociétales dans lesquelles s’inscrivent les politiques liées à l’emploi et au chômage sont à rechercher à partir de cinq éléments. Le premier est le système national de protection sociale et sa classification par Esping-Andersen ou d’autres en trois types d’État social : libéral, conservateur-corporatiste et social-démocrate. Chaque type serait associé de façon préférentielle à une politique de l’emploi donnée. Les autres éléments relèvent de l’ordre politique, des règles collectives de la relation d’emploi dans les entreprises, des politiques économiques et du « régime d’activité ou d’emploi » propre à chaque pays. Un tableau illustre l’hypothèse de dépendance entre ces éléments pour quatre pays : États-Unis, Grande-Bretagne, Allemagne et France. Et l’auteur en tire la conclusion que la classification d’Esping-Andersen, ramenée à deux types, le type libéral et les autres, est suffisante ! Il poursuit en classant les différentes mesures publiques de l’emploi et du chômage.

7Il est vrai que toute démarche scientifique commence par la définition et la classification des objets qu’elle approche. Mais ici, dans un champ en mouvement continuel, en négociation permanente, cette œuvre de classification reste trop statique pour être utile, trop réductrice par rapport à la diversité des politiques publiques analysées – trop rapidement peut-être – dans la première partie. D’ailleurs on peut se demander si l’analyse des cohérences sociétales et son accent pointé sur les diversités, dans un domaine ou un autre, n’est pas par essence incompatible avec toute tentative de classification et de typologie utiles.

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Notes

1 C’est le terme utilisé par Michael Rose pour l’étude de Maurice, Sellier, Silvestre. Cf. Maurice, M., Sellier, F., Silvestre, J.J., 1982, Politique d’éducation et organisation industrielle en France et en Allemagne, essai d’analyse sociétale, Puf, Paris. Cf. aussi Rose, M., 1985, Universalism, culturalism and the Aix Group; promises and problems of a societal approach to economic institutions, European Sociological Review, I, 1, 65–83.

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Pour citer cet article

Référence papier

Odile Benoît-Guilbot, « Jean-Claude Barbier, Jérôme Gautié (dir.), Les politiques de l’emploi en Europe et aux États-Unis »Sociologie du travail, Vol. 43 - n° 1 | 2001, 139-140.

Référence électronique

Odile Benoît-Guilbot, « Jean-Claude Barbier, Jérôme Gautié (dir.), Les politiques de l’emploi en Europe et aux États-Unis »Sociologie du travail [En ligne], Vol. 43 - n° 1 | Janvier-Mars 2001, mis en ligne le 21 mars 2001, consulté le 14 novembre 2025. URL : http://journals.openedition.org/sdt/34617 ; DOI : https://doi.org/10.4000/sdt.34617

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Auteur

Odile Benoît-Guilbot

FNSP-CNRS, Observatoire sociologique du changement, 27, rue Saint-Guillaume, 75007 Paris, France.

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont susceptibles d’être soumis à des autorisations d’usage spécifiques.

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