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AccueilNumérosVol. 42 - n° 2Comptes rendusCaroline Lanciano, Marc Maurice, ...

Comptes rendus

Caroline Lanciano, Marc Maurice, Jean-Jacques Silvestre, Hiroatsu Nohara (éd.), Les acteurs de l’innovation et l’entreprise. France-Europe-Japon

L’Harmattan, coll. « Dynamiques d’entreprises », Paris, 1998, 272 p.
Frédéric Marty
p. 343-344
Référence(s) :

Caroline Lanciano, Marc Maurice, Jean-Jacques Silvestre et Hiroatsu Nohara (dir.), Les acteurs de l’innovation et l’entreprise. France-Europe-Japon, L’Harmattan, coll. « Dynamiques d’entreprises », Paris, 1998, 272 p.

Texte intégral

1Dans une économie fondée sur la connaissance, l’efficience des investissements immatériels (recherche-développement et développement des ressources humaines de haut niveau) est étroitement liée à la façon dont les innovateurs se socialisent et s’agencent dans la firme pour en organiser la créativité. Axée sur les liens entre socialisation et organisation, l’analyse sociétale, forgée par le laboratoire d’économie et de sociologie du travail, ne pouvait se désintéresser de l’innovation. La comparaison entre le Japon et la France se fonde sur les liens entre l’utilisation des technologies, l’organisation des entreprises et les modalités de socialisation et de construction des acteurs de l’innovation. L’analyse sociétale vise à établir l’existence d’arrangements particuliers des ressources au sein de chaque espace productif, fondant les spécificités nationales. L’innovation est saisie dans l’espace social qui lui donne sens, par la définition d’un espace d’innovation structuré par les espaces scientifiques, éducatifs et productifs.

2L’ouvrage est organisé en trois parties allant de la construction des acteurs (la construction des professionnalités à travers l’espace éducatif et l’organisation du travail) à l’étude de systèmes nationaux cohérents en passant par l’analyse des firmes comme lieu de l’innovation via les dynamiques de l’apprentissage organisationnel et les stratégies des acteurs.

3Le modèle français se caractérise par l’ouverture des firmes sur leur environnement. La professionnalité des ingénieurs repose sur une forte stratification des statuts assise sur un référent scolaire, extérieur à la firme, jouant sur le niveau de l’insertion dans l’entreprise et sur les modalités de construction des carrières, très individualisées. La nette séparation entre les statuts et les tâches des ingénieurs et des techniciens pose le problème de l’articulation entre la conception et l’exécution. Cette fracture, conjuguée au cloisonnement vertical des différents métiers est la source des difficultés de coordination au sein du processus innovatif et explique l’adoption de structures par projets. Celles-ci, comme le souligne la contribution de Géraldine de Bonnafos, risquent de déstructurer les professionnalités de métier et d’accentuer le biais du modèle français en faveur de l’innovation de rupture. La sensibilité de la gestion des ressources humaines à l’environnent de la firme est renforcée par l’importance du marché externe du travail. Cette ouverture de la firme vers son environnement se manifeste aussi par la préférence des firmes françaises pour la croissance externe et par l’ouverture de sa recherche-développement aux ressources que lui apporte la recherche publique. La qualité de l’innovation de la firme dépendra de sa capacité à s’approprier les ressources de son environnement, de la politique de recherche publique et de son aptitude à transférer l’innovation du laboratoire à l’atelier.

4Le système éducatif japonais n’apporte à la firme que des ressources génériques, lesquelles sont gérées sous forme de cohorte durant un long apprentissage de la coopération et du travail en équipe. L’intelligence de la production est renforcée par la maîtrise simultanée du savoir technique de l’ingénieur et du savoir-faire empirique acquis par l’apprentissage. La firme japonaise spécifie et forme en interne ses ressources humaines, option marginalisant le marché externe du travail et permettant une individualisation très progressive des carrières. Cette endogénéisation se retrouve dans la politique de recherche-développement des firmes qui privilégie la maîtrise en interne des différentes capacités au détriment de l’adossement sur le système public de recherche. Si ce modèle organise une créativité propre à favoriser les innovations incrémentales, il n’est point favorable aux ruptures radicales pourtant cruciales dans l’actuelle remontée de la recherche-développement vers la science et qui reposent sur la créativité individuelle. La cohérence du modèle sociétal japonais de la recherche-développement pourrait être ainsi remise en cause.

5L’analyse sociétale de l’innovation est donc très proche de la théorie des systèmes nationaux d’innovation. L’entreprise n’est pas seulement un lieu d’agencement de ressources génériques extérieures à celle-ci, mais au contraire un lieu de création de ressources spécifiques insérées dans un milieu productif modelé par les dynamiques industrielles et les actions publiques passées et présentes. Les liens sont aussi très nombreux avec les analyses de Philippe d’lribarne (1989). Sans revenir sur la polémique entre l’approche sociétale et l’approche culturelle (lribarne (d’), 1991), il semble qu’une voie médiane entre un culturalisme essentialiste et le recours à des explications universalistes fondées sur une approche standard de la rationalité économique peut se dégager dès lors qu’on ne considère plus les identités nationales comme des réalités englobantes mais comme des ressources dont les acteurs se saisissent en les retraduisant et en les redéfinissant dans le cadre de leurs activités, s’incarnant dans les produits et les institutions (Zimmerman et al., 1999).

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Bibliographie

lribarne (d’) P., La logique de l’honneur. Gestion des entreprises et traditions nationales, Le Seuil, Paris, coll. « Sociologie », 1989, 280 p.

lribarne (d’) P., Culture et effet sociétal, Revue française de sociologie 32 (4) (1991).

Zimmerman B., Didry C., Wagner P., Le travail et la nation. Histoire croisée de la France et de l’Allemagne, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 402 p.

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Pour citer cet article

Référence papier

Frédéric Marty, « Caroline Lanciano, Marc Maurice, Jean-Jacques Silvestre, Hiroatsu Nohara (éd.), Les acteurs de l’innovation et l’entreprise. France-Europe-Japon »Sociologie du travail, Vol. 42 - n° 2 | 2000, 343-344.

Référence électronique

Frédéric Marty, « Caroline Lanciano, Marc Maurice, Jean-Jacques Silvestre, Hiroatsu Nohara (éd.), Les acteurs de l’innovation et l’entreprise. France-Europe-Japon »Sociologie du travail [En ligne], Vol. 42 - n° 2 | Avril-Juin 2000, mis en ligne le 20 septembre 2000, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/sdt/37816 ; DOI : https://doi.org/10.4000/sdt.37816

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Auteur

Frédéric Marty

Institutions et dynamiques historiques de l’économie UMR/

CNRS 8533, ENS de Cachan, Bâtiment Laplace, 61, avenue du Président-Wilson, 94235 Cachan cedex

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Droits d’auteur

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