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AccueilNumérosVol. 41 - n° 3Comptes rendusTerence C. Halliday, Lucien Karpi...

Comptes rendus

Terence C. Halliday, Lucien Karpik (éd.), Lawyers and the rise of Western political liberalism

Clarendon Press, Oxford, 1997, 379 p.
Emmanuel Lazega
p. 356-357
Référence(s) :

Terence C. Halliday et Lucien Karpik (dir.), Lawyers and the rise of Western political liberalism, Clarendon Press, Oxford, 1997, 379 p.

Texte intégral

1Terence Halliday et Lucien Karpik présentent dans cet ouvrage collectif une ligne de recherche comparative et interdisciplinaire importante pour la sociologie des professions. Ils affirment que cette littérature est actuellement limitée à plusieurs égards. La politique n’y est pas présente ; à quelques exceptions près, l’histoire n’y est pas suffisamment développée ; enfin, le modèle du professionnalisme anglo-saxon (avec son insistance particulière sur les rapports entre professions et marché) est trop lié à des sociétés où l’État est relativement faible. Pour dépasser ces limites, les contributions de ce livre se centrent sur la profession des avocats et sur son rôle dans la construction de la société libérale moderne en France (où l’État fort a été construit avant la croissance des marchés libéraux), en Allemagne, en Angleterre et aux États-Unis (où l’État est relativement plus faible, la société civile plus forte et les marchés plus anciens que les instances cherchant à les réglementer).

2Dans ces quatre pays, les rapports entre la profession juridique et l’État varient en autonomie et en engagement politique. Mais les avocats participent partout à l’instauration de l’état de droit et de l’ordre politique libéral (modération de l’autoritarisme, création et défense de la société civile, expansion des droits du citoyen). L’ouvrage retrouve les modalités spécifiques de cette participation dans chaque pays en couplant les articles d’un historien et d’un sociologue : Daniel Bell et Lucien Karpik pour la France – à lire en parallèle au livre de Lucien Karpik sur Les Avocats – ; Michael Burrage et Wesley Pue pour l’Angleterre ; Dietrich Rueschemeyer et Kenneth Ledford pour l’Allemagne ; Terence Halliday, Bruce Carruthers et Michael Grossberg pour les États-Unis.

3Aujourd’hui, les forces commerciales atténuent le rôle historique d’agents du libéralisme politique joué par les professions juridiques. Mais ce rôle n’est pas absent, par exemple, des processus de double transition vers l’économie de marché et la démocratie dans les pays de l’Europe de l’Est. L’ouvrage contient une postface qui propose la notion de « globalisation politique » et qui pose le problème de l’adaptation des professions juridiques nationales à ce nouveau contexte – ou plutôt de leur éventuelle désintégration à mesure que le modèle américain des grands cabinets multinationaux d’avocats d’affaires cherche à redéfinir le professionnalisme juridique d’une manière qui n’assure plus de consensus au sein des barreaux nationaux.

4Les sociologues des années 1960 et 1970 avaient réagi – avec raison – de manière très critique contre l’idéalisation fonctionnaliste des grandes professions libérales, insistant en particulier sur le monopole économique, la dépendance vis-à-vis du client, les conflits d’intérêts et de plates-bandes juridictionnelles. Face à ce cynisme concernant les professions, ce livre est plus que rafraîchissant. Il déplace l’attention des sociologues des professions vers une réalité historique négligée. Il définit de nouvelles lignes de recherche comparative, en particulier l’étude du rôle historique joué par ces groupes dans la création des formes diverses du capitalisme occidental contemporain. Cependant, il est utile de rappeler que la mise en valeur de ce rôle dans la construction de l’ordre social fait aussi partie de l’image que la profession juridique cherche à donner d’elle-même. Qui s’étonnerait d’apprendre que les élites de la profession juridique américaine se pensaient au xixe siècle comme des intermédiaires neutres entre l’État, le capital et le travail, engagées dans la construction d’une société purement contractuelle et consensuelle ? Une comparaison systématique entre cette autoreprésentation et la contribution réelle des professions à la construction de l’ordre politique libéral devrait peut-être faire partie, elle aussi, des orientations de recherches défendues par cet ouvrage passionnant.

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Pour citer cet article

Référence papier

Emmanuel Lazega, « Terence C. Halliday, Lucien Karpik (éd.), Lawyers and the rise of Western political liberalism »Sociologie du travail, Vol. 41 - n° 3 | 1999, 356-357.

Référence électronique

Emmanuel Lazega, « Terence C. Halliday, Lucien Karpik (éd.), Lawyers and the rise of Western political liberalism »Sociologie du travail [En ligne], Vol. 41 - n° 3 | Juillet-Septembre 1999, mis en ligne le 05 mai 2000, consulté le 07 novembre 2025. URL : http://journals.openedition.org/sdt/38691 ; DOI : https://doi.org/10.4000/sdt.38691

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Auteur

Emmanuel Lazega

Laboratoire d’analyse secondaire el de méthodes appliquées à la sociologie-Lasmas, CNRS-Iresco, université de Lille-1, 59‑61 rue Pouchet, 75849 Paris cedex 17

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Droits d’auteur

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