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Se former tout au long de la vie

La formation continue publique en agriculture : mission impossible pour les Centres de formation pour la promotion agricole ?

Public continuing education in agriculture: Impossible mission for the Agricultural Promotion Training Centers?
Jean-Baptiste Paranthoën

Résumés

Cet article est consacré à la formation continue en agriculture, encore peu traitée par la littérature. En prenant pour objet les Centres de formation pour la promotion agricole à partir d’une méthode croisant approches sociohistorique et ethnographique, on analysera les évolutions de la mise en œuvre de ce service public au regard de la transformation de l’État dans un secteur qui a longtemps été dominé par les organisations professionnelles et par les établissements privés. Si l’émergence d’un marché de la formation continue à partir des années 2000 a pu remettre en cause l’existence des centres de formation dépendant de l’Éducation Nationale, elle a permis à certains organismes publics de formation agricole de renforcer leur position. Les conditions particulières de leur création et l’intervention du ministère de l’Agriculture ont en effet participé à une introduction progressive des logiques managériales. L’étude de la « modernisation réussie » d’un centre montre également que la fragmentation du groupe professionnel des formateurs, induite par l’existence de conditions d’emploi variées et par le recours croissant à des prestataires privés, constitue une condition de réussite des centres publics dans le marché de la formation professionnelle agricole.

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Notes de la rédaction

Premier manuscrit reçu le 2 novembre 2020 ; article accepté le 24 septembre 2021.

Notes de l’auteur

Je remercie les évaluatrices et évaluateurs de la revue et Anne Bertrand pour leurs retours et leurs conseils. Les recherches menant aux présents résultats ont bénéficié d’un soutien financier de l’EHESS pour le projet de recherche postdoctoral « Les mobilités professionnelles vers l’agriculture ».
 

Texte intégral

1Alors que les travaux sur la formation continue se sont multipliés depuis les années 1980 (Laot et Lescure, 2008), ils n’ont que très peu concerné l’agriculture. Ce désintérêt résulte sans doute de la spécificité d’un secteur dont les institutions scolaires et professionnelles se sont construites autour de l’origine sociale et professionnelle de leur public (Cardi, 2004). Mais il s’explique aussi par l’intérêt porté aux actions de développement impulsées après la Seconde Guerre mondiale pour rendre compte de la transformation exceptionnelle engendrée par la modernisation agricole. La place prépondérante occupée en France par les chambres d’agriculture et les organisations professionnelles dans ce processus (Brunier, 2016a) justifie que l’on mentionne davantage le conseil et la promotion (Brunier, 2015) au détriment de la formation, tandis que les rares recherches qui portent sur l’enseignement agricole se concentrent avant tout sur la formation initiale (Benet Rivière et Moreau, 2020). Pourtant, la formation des adultes en agriculture ne se résume pas aux activités des chambres d’agriculture dont le rôle est aujourd’hui remis en cause sous l’impulsion des transformations de l’État (Rémy et al., 2006 ; Paranthoën, 2020).

  • 1 Tous les sigles sont développés à leur première apparition dans le texte, mais on peut aussi se rap (...)

2Si la formation continue agricole concerne annuellement près de 250 000 stagiaires par an qui sont accueillis au sein de 495 centres de formation publics et privés (encadré 1), elle a participé, au cours du XXe siècle, à augmenter considérablement le niveau de qualification des adultes ruraux, des agriculteurs et des salariés agricoles d’une part, et à faciliter la reconversion de ceux exclus de la terre d’autre part. Les Centres de formation pour la promotion agricole (CFPPA)1 tiennent une place particulière dans cette histoire qui témoigne des difficultés rencontrées par l’appareil public de formation pour s’imposer dans un secteur historiquement marqué par l’importance des organisations professionnelles et des établissements privés, qu’ils soient confessionnels ou non. Ayant connu une « naissance clandestine » (Chosson, 1997) en 1966, ces opérateurs publics se sont peu à peu imposés dans le paysage de la formation tout au long de la vie : 28 au moment de leur création, ils sont aujourd’hui 154 répartis sur l’ensemble du territoire. Initialement consacrés à la formation des agriculteurs et des salariés agricoles, les CFPPA dispensent des formations diplômantes dans le domaine de l’agroalimentaire et de l’entretien et l’aménagement des espaces verts ainsi que d’autres, qualifiantes, qui portent autant sur l’utilisation des produits phytosanitaires que sur le dressage canin. Composantes des Établissements publics locaux d’enseignement et de formation professionnelle agricoles (EPLEFPA), les CFPPA ont d’ailleurs pu constituer un véritable laboratoire pour la mise en place de dispositifs de formation dans d’autres secteurs (Chosson, 2001).

  • 2 « La formation professionnelle continue des salariés : construire une politique de contrôle et de l (...)

3S’intéresser à ces centres publics de formation permet d’adopter un nouveau regard sur un espace d’activités qui a surtout été analysé sous l’angle des financeurs de la formation et de ses bénéficiaires (Frétigné et Lescure, 2007). Le renouvellement récent des enquêtes sur le groupe professionnel des formateurs montre pourtant l’intérêt de se placer du côté de l’offre de formation pour rendre compte des tensions et des paradoxes qui traversent ce champ d’activités (Frétigné et Lescure, 2010). Soumis dès l’origine à des logiques économiques importantes (Fritsch, 1971), les organismes de formation sont aujourd’hui l’objet d’une mise en marché (Ansaloni et Smith, 2017) qui passe par l’instauration d’une plus grande concurrence, par l’individualisation des parcours de formation et par l’instauration de critères de qualité. Ce marché, dont le chiffre d’affaires représentait 13,9 milliards d’euros en 2013, apparaît très éclaté puisque 83 % des prestataires réalisaient un chiffre d’affaires annuel inférieur à 150 000 euros tandis que 1 % d’entre eux réalisaient un chiffres d’affaires supérieur à trois millions d’euros tout en formant 30 % des stagiaires et en assurant 34 % des heures de stage. Les prestataires de formation présentent également une grande variété de statuts : aux organismes publics et parapublics s’ajoutent des organismes privés à but lucratif ou non lucratif et des formateurs indépendants. En 2013, 97 % des prestataires de formation relevaient du secteur privé et réalisaient 79 % du chiffre d’affaires total pour 86 % des stagiaires accueillis2. Les organismes publics semblent souffrir de cette nouvelle régulation marchande. L’Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) a par exemple connu d’importantes difficultés financières qui ont failli conduire à son dépôt de bilan en 2013. Mais l’étude des CFPPA montre une toute autre réalité puisque ces organismes publics sont parvenus à renforcer leur position dans ce contexte (Le Galès et Scott, 2008). À rebours des perspectives retenant le recours au marché de la formation comme marqueur du désengagement de l’État agricole (Ansaloni, 2017), l’enquête met ainsi en lumière le rôle déterminant du ministère de l’Agriculture dans le succès que connaissent actuellement les organismes publics de la formation agricole continue. Prendre pour objet les opérateurs de la formation permet également d’analyser les effets des politiques d’emploi et de formation et des politiques agricoles sur « les acteurs placés au bout de la chaîne des prises de décisions institutionnelles » (Divay, 2010, p. 135). Cette entrée rend compte de la façon dont y sont arbitrées les tensions induites par les différents modes de régulation, parfois contradictoires et parfois convergents, de la formation tout au long de la vie. Elle questionne ainsi la place qu’occupent les logiques professionnelles dans la diffusion des outils issus du New Public Management (Bezes et Demazière, 2011), non pas au regard d’un groupe professionnel mais de l’organisation du travail et de l’emploi.

  • 3 Le nom du CFPPA et ceux des personnes ont été modifiés pour assurer leur anonymat.

4Cette démarche attentive aux transformations des modes de régulation de la formation continue et de leur implication pour les centres publics de formation justifie le croisement des méthodes d’enquête. L’étude sociohistorique développée dans les deux premières parties se concentre sur l’émergence, la transformation et le fonctionnement des CFPPA au carrefour des évolutions de la politique agricole et des politiques de l’emploi et de la formation. Le traitement des archives du ministère de l’Agriculture, de la littérature grise, des publications produites par les acteurs de la formation continue agricoles et d’entretiens réalisés auprès de certains d’entre eux (directeurs de CFPPA, responsable régional de la formation continue) permet de retracer l’histoire de ces organismes de formation à l’aune des transformations de l’État. La dernière partie de l’article, qui mobilise des données issues d’une enquête ethnographique menée au sein du CFPPA de Cray3 entre 2017 et 2019 et de la consultation de ses archives internes, met en lumière les effets de l’introduction des mécanismes marchands sur l’organisation du travail et la gestion de l’emploi.

Encadré 1. Organisation et part de l’appareil public dans la formation continue agricole
Chaque CFPPA est intégré à un Établissement public local d’enseignement et de formation professionnelle agricole (EPLEFPA) et associé à un lycée d’enseignement agricole, à une exploitation agricole à vocation pédagogique et éventuellement à un centre de formation d’apprentis. Si ces différents centres disposent de l’autonomie pédagogique et éducative, seuls les EPLEFPA sont dotés de la personnalité juridique ainsi que d’une autonomie financière et administrative.
En 2014, parmi les 495 centres de formation recensés par le ministère de l’Agriculture, 225 sont des établissements de l’enseignement agricole privés, 201 des établissements de l’enseignement agricole publics dont 154 CFPPA et 69 des chambres d’agriculture (Ministère de l’Agriculture, « Quelques repères sur la formation professionnelle continue », StatEA actualité, n° 4, 2016). Les centres publics ont accueilli 35 % des stagiaires ayant suivi une formation continue relevant du champ de compétences du ministère de l’Agriculture en 1975, contre 51,8 % quarante ans plus tard. Sur les 22 millions d’heures de stages dispensées en 2012, 61,5 % l’étaient dans des centres publics (Ministère de l’Agriculture, « Enquête statistique annuelle sur les actions de formation professionnelle continue réalisées par les centres publics et privés », 2012). En 2018, 75 % du volume horaire réalisé au sein de ces centres a concerné des formations diplômantes ou ayant une finalité professionnelle (Ministère de l’Agriculture, « Portrait de l’enseignement agricole », 2020).

1. La création improbable d’organismes publics de formation agricole (1955-1983)

5Dès la fin du XIXe siècle, l’État favorise la création de structures d’encadrement agricole et rural chargées de diffuser des connaissances auprès des agriculteurs, tâches qui étaient jusque-là laissées à l’initiative privée (Chatelain, 1954). Suivant le modèle de la formation technique des adultes de l’industrie (Terrot, 1997), les agriculteurs ont accès à des conférences, à des champs d’expérience et de démonstration par l’intermédiaire des Directions des services agricoles (DSA) et des professeurs d’agriculture. La période d’après-guerre ouvre la voie à une renaissance du syndicalisme agricole qui marque le désengagement des services de l’État au profit des organisations professionnelles tandis que les établissements privés connaissent un développement important (Boulet, 1986). Malgré ce contexte, des agents du ministère de l’Agriculture parviennent à se saisir de l’institutionnalisation de la formation continue pour créer un service public de la formation continue en agriculture et les CFPPA qui sont alors chargés de le mettre en œuvre.

1.1. L’échec des foyers de progrès agricole

6Après la Seconde Guerre mondiale, les visées productivistes s’imposent au moment où l’effort de reconstruction et de modernisation est porté par le Plan et le Commissariat à la productivité : il s’agit d’augmenter les revenus agricoles par l’amélioration des rendements et de la productivité que doit permettre la diffusion des connaissances agronomiques. Cette « vulgarisation de masse », est placée sous la responsabilité du ministère de l’Agriculture et de ses services départementaux au sein des DSA (Muller, 1984). Les ingénieurs des services agricoles qui sont à leur tête à partir de 1946 sont chargés de diffuser le progrès agricole grâce à la création de champs d’essai et à des démonstrations techniques. Face à ces instances jugées trop distantes, la commission de la production agricole du deuxième Plan créée les foyers de progrès agricole, antennes locales des DSA (Rolland, 1984). Ces foyers symbolisent une vulgarisation de proximité qui doit permettre aux agents de l’État d’intervenir auprès des agriculteurs, à l’échelle des petites régions. Gérés par des ingénieurs des travaux agricoles, ils connaissent un développement sans précédent : 11 en 1955, ils sont 476 douze ans plus tard (Houée, 1972). Pourtant, les foyers de progrès agricole restent peu investis. Les syndicats agricoles y voient un interventionnisme important de l’État et une orientation scolaire trop marquée au moment où les chambres d’agriculture revendiquent le monopole des activités de conseil (Brives, 2006). Les organisations professionnelles souhaitent valoriser une diffusion du progrès au sein de petits groupes principalement formés par les élites et contestent, par là, les missions d’autorité dont sont investies les DSA. La loi d’orientation de 1959 et le décret relatif à la vulgarisation leur donne raison. Les lois de modernisation agricole qui suivent renforcent le rôle des organisations professionnelles agricoles au détriment des foyers de progrès agricole dans ce qui prend alors la forme du développement agricole.

  • 4 L’adjectif « jaciste » fait référence à la Jeunesse agricole catholique (JAC).
  • 5 Créées en 1935, les Maisons familiales rurales sont des établissements agricoles privés non confess (...)

7Alors que le développement agricole devient du seul ressort des chambres d’agriculture, l’institutionnalisation progressive de la promotion sociale et de la formation professionnelle aurait pu relancer l’activité des foyers de progrès agricole. N’ayant pas connu de déclinaison législative jusqu’ici, l’exigence de formation destinée aux démobilisés ainsi qu’aux travailleurs employés dans des secteurs non prioritaires s’impose au moment de la reconstruction (Tanguy, 2002). Les lois de 1959 sur la promotion sociale et la formation syndicale, par la mise en place du mécanisme du conventionnement qui prévoit le financement par l’État des centres publics et privés, encourage la création de multiples structures dans le secteur agricole. C’est surtout le mouvement catholique jaciste4 qui, représenté au sein du Centre national des jeunes agriculteurs (CNJA), se saisit de cette nouvelle opportunité en créant l’Institut de formation des cadres paysans (IFOCAP) destiné à la formation des futurs cadres syndicaux (Bruneteau, 1999) et en augmentant le nombre de Maisons familiales rurales5 historiquement chargées de concurrencer l’enseignement public (Sanselme, 2000). Dans le même temps, la loi du 2 août 1960 relative à l’enseignement et à la formation professionnelle agricoles vient sceller la tutelle du ministère de l’Agriculture sur l’enseignement et la formation professionnelle agricole ainsi que la mise en équivalence entre les diplômes de l’Éducation nationale et ceux délivrés par l’enseignement agricole. Il en ressort la création d’un service public de la formation continue placé sous la responsabilité du ministère de l’Agriculture. Destiné à tous les agriculteurs et salariés agricoles qui, sans condition d’âge ou de diplôme, désirent améliorer leurs connaissances professionnelles, ce service public se distingue du développement agricole qui a d’abord pour cible les exploitations les plus dynamiques pouvant s’engager dans la modernisation (Rémy, 1984). Devant être au cœur de cette politique, les foyers de progrès agricole restent finalement peu investis de cette mission. Amputés de leur support administratif depuis la suppression des DSA, ils sont supplantés par les établissements privés qui accueillent près des deux tiers des effectifs de stagiaires en 1965 (Boulet et Mabit, 2000).

1.2. Des organismes publics de formation sous contrôle professionnel

8Il faut attendre la fin des années 1960 pour que soient créées de nouvelles structures publiques chargées de conduire cette mission de service public. Une simple circulaire de la Direction générale de l’enseignement et des affaires professionnelles et sociales (DGEAPS) du ministère de l’Agriculture prévoit la création des CFPPA, ce qui témoigne d’une grande prudence de l’administration agricole face au CNJA et au ministère des Finances qui se positionnent clairement contre la formation publique des adultes :

« La mise en place de la structure complémentaire ainsi promue doit se poursuivre avec prudence, en ne retenant que des points d’appui éprouvés, dont il y a lieu de présumer qu’ils constitueront des créations viables » (Circulaire du 18 janvier 1966 de la DGEAPS, archives du ministère de l’Agriculture).

  • 6 Diplôme de niveau V équivalent au Certificat d’aptitude professionnelle (CAP) et au Brevet d’études (...)
  • 7 Lettre du 14 février 1968 portant sur la création des CFPPA, DGEAPS, archives du ministère de l’Agr (...)
  • 8 « De la formation professionnelle au développement : le rôle des CFPPA (1966-1982) », Rapport de l’ (...)

9Le groupe de travail du ministère de l’Agriculture chargé de réfléchir aux modalités concrètes de la création de ces centres de formation retient trois principales orientations : la formation dispensée sera qualifiante avec le Brevet professionnel agricole (BPA)6 et composée de trois certificats de spécialisation ; l’implantation des centres sera établie en relation avec les chambres d’agriculture ; les stagiaires seront rétribués au salaire minimum agricole garanti, ou à 80 % de leur ancien salaire. La loi du 3 décembre 1966 d’orientation et de programme sur la formation professionnelle, qui fait de la formation une obligation nationale, leur donne une base légale en consacrant le service public de la formation et la structuration d’un appareil public de formation continue piloté par l’État. Son article 19 prévoit la création de deux niveaux de formation pour adultes auxquels correspondent deux types d’établissements publics. Les premiers sont chargés d’augmenter le nombre d’ingénieurs et de diversifier les voies d’accès à ce type de diplôme au sein de l’Institut national de promotion supérieure agricole. Afin de lutter contre l’inégalité des chances, un second type d’établissements est responsable de la formation et la promotion des travailleurs agricoles dont le niveau de qualification reste largement inférieur au reste de la population française. Un groupe permanent a alors pour mission de délivrer un agrément aux centres tandis que le choix de leur emplacement est l’objet de réunions à l’échelle départementale entre les représentants de l’État et les principales organisations professionnelles. Au début de l’année 1968, vingt-huit premiers CFPPA sont créés, répondant à une volonté de décentralisation des formations7. Ils sont implantés dans les régions qui ont connu les foyers de progrès agricole et les mouvements d’éducation populaire les plus actifs et où les divisions entre organisations professionnelles sont les plus fortes afin d’endosser un rôle d’arbitres8.

  • 9 Lettre de l’IGA Aquitaine du 25 octobre 1967, archives du ministère de l’Agriculture.
  • 10 Lettre de l’IGA Aquitaine du 25 octobre 1967, archives du ministère de l’Agriculture.

10Ainsi, les CFPPA sont d’abord définis par ce qu’ils ne sont pas : ils ne relèvent pas de l’enseignement agricole, ni de la promotion collective qui est du ressort de la profession, ni d’une activité de développement qui revient aux chambres d’agriculture9. Il s’agit plutôt d’apporter des connaissances générales, techniques et économiques jugées indispensables à la conduite d’une exploitation agricole et de faciliter les reconversions professionnelles vers d’autres branches, comme le résume la formule « rattrapage puis recyclage »10. En outre, des stages de courte durée d’actualisation et de perfectionnement des connaissances qui relevaient autrefois de la vulgarisation peuvent être organisés par les CFPPA, à condition qu’ils ne représentent pas leur activité dominante et qu’ils soient organisés en liaison avec les organisations professionnelles. Destinés aux personnes âgées de plus de dix-huit ans justifiant de trois années de pratiques agricoles comme exploitants, aides familiaux ou salariés agricoles, les formations donnent accès au Brevet professionnel agricole (BPA). Créé à cette occasion, le BPA alors divisé en trois certificats (économie, agronomie, zootechnie) est le premier niveau d’un système de formation professionnelle et de promotion qui a pour objectif l’acquisition des connaissances professionnelles à la fois générales et spécialisées.

  • 11 La chambre départementale d’agriculture, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agrico (...)
  • 12 « Du premier stage de formation d’ingénieurs des travaux agricoles à la pédagogie des adultes », Ra (...)

11Illustrant la méfiance des syndicats agricoles ainsi que la faiblesse des pouvoirs publics, le fonctionnement des CFPPA est placé sous le contrôle des organisations professionnelles, et cela à deux niveaux. Premièrement, ils sont financièrement et administrativement rattachés aux établissement agricoles du secondaire, qui sont dirigés par des conseils d’administration où les organisations professionnelles sont largement représentées. Deuxièmement, ils sont gérés par un conseil de centre qui a compétence pour choisir son directeur, voter le budget, définir le programme général de formation ainsi que les modalités de recrutement du public. Cette structure paritaire réunit des fonctionnaires (services de l’inspection générale de l’agronomie, représentant d’un organisme public de recherche, directeur départemental de l’agriculture et directeur de l’établissement) ainsi qu’un représentant de chacune des quatre organisations majoritaires11. Le conseil est d’ailleurs présidé par l’un de ces derniers. Malgré la prégnance des enjeux locaux et professionnels, le lien des CFPPA avec l’État n’est pas inexistant. Dirigées par des ingénieurs des travaux agricoles, ces structures publiques témoignent d’une conception française du service public qui fait du lien étroit entre l’État et ses agents un garant de l’intérêt général. De même, elles sont financées par le ministère de l’Agriculture dans le cadre de conventions qui définissent l’objet, la nature et la durée de la formation dispensée, la nature et les conditions de l’aide apportée par l’État à la construction, à l’équipement ou au fonctionnement des centres ainsi que les modalités de contrôle administratif et financier. Ces conventions renouvelables tous les ans prévoient que la subvention accordée soit calculée sur le budget réel du centre. Cette action publique longtemps réservée aux acteurs privés et qui témoigne d’une rationalité managériale (Lascoumes et Valluy, 1996) contribue à orienter l’activité des centres de formation. En effet, ce mode de gouvernement contractuel, qui représente moins un retrait de l’État que la transformation de ses modalités d’action (Gaudin, 2007), offre une « autonomie contraignante » aux organismes publics. À l’inverse des entreprises publiques, ils ont des liens juridiques et financiers assez étroits avec l’État mais sont garants d’obligations de service public qui demeurent modestes (Vezinat, 2019). Afin de maintenir leurs effectifs sous peine de voir le montant de leurs subventions diminuer, les responsables des centres de formation utilisent des procédures issues des sciences de gestion qui visent à identifier « la clientèle » à partir « d’enquêtes menées sous forme d’études de marché »12. Alors que les méthodes managériales introduites dans le courant des années 1970 dans le secteur agricole entrent en contradiction avec le fonctionnement des chambres d’agriculture (Brunier, 2016b), elles ont constitué le cadre des CFPPA dès leur création.

1.3. Les CFPPA : nouvel instrument d’action des politiques agricoles

  • 13 « De la formation professionnelle au développement : le rôle des CFPPA (1966-1982) », Rapport de l’ (...)
  • 14 Les organisations professionnelles à vocation générale rassemblaient la FNSEA, l’Assemblée permanen (...)
  • 15 Note de la sous-direction de la formation continue et du développement du 28 novembre 1978 (AN/1984 (...)
  • 16 Rapport annuel du bureau structures des formations continues-apprentissage, 1983 (AN/20070658/1). L (...)
  • 17 Entre 1975 et 1980, les crédits engagés par l’État sont passés de 156,4 millions de francs à 361 mi (...)

12Encore très marginaux au début des années 1970, les CFPPA connaissent un développement rapide : 28 au moment de leur création en 1968, ils seront 156 et formeront annuellement près de 63 000 stagiaires trente ans plus tard13. La loi de 1971 sur la formation professionnelle vient donner un canevas décisif aux CFPPA en attribuant un droit à la formation à l’ensemble des travailleurs, y compris les indépendants (et donc les agriculteurs). À la demande des organisations professionnelles agricoles, le dispositif prévoyant le financement des actions de formation par des fonds collectés est étendu aux agriculteurs avec la création en 1973 du Fonds d’assurance formation des exploitants agricoles (FAF-EA). La conférence annuelle « Administration Profession » prévoit la parité entre les quatre organisations professionnelles à vocation générale14 pour gérer le fonds à l’échelle nationale, ainsi que la constitution d’un comité professionnel également paritaire dans chaque région afin d’agréer les programmes de formation. Les nuits de Grenelle de Mai 1968 qui ont contribué à aligner les conditions de travail des salariés de l’agriculture sur celles des salariés de l’industrie favorisent la création du Fonds d’assurance formation des salariés d’exploitation agricole (FAF-SEA), qui est quant à lui géré de façon paritaire par les syndicats d’employeurs et de salariés. Mais les 4000 entreprises redevables de cette obligation de financement15 ne permettent pas d’abonder suffisamment ces fonds qui sont alors alimentés par les taxes parafiscales collectées par l’Association nationale de développement agricole (ANDA), organisme cogéré par l’État et les membres des organisations professionnelles (Colson et Rémy, 1990). Cette mainmise, à différentes échelles, des organisations professionnelles sur le financement de la formation professionnelle tend à exclure les organismes publics de formation. Malgré la création d’un système des conventions passées entre des organismes de formation et les fonds d’assurance formation, les CFPPA ne bénéficient qu’à la marge de ces financements qui sont prioritairement destinés aux chambres d’agriculture dans le cadre des activités de développement16. Si des conventions bilatérales avec les fonds d’assurance formation d’autres secteurs sont parfois signées, c’est surtout l’engagement financier direct de l’État qui soutient le fonctionnement des CFPPA. Dès lors, la formation continue en agriculture s’organise autour de deux voies distinctes. Les activités d’entretien et de perfectionnement des connaissances de courte durée financées via les organismes collecteurs relèvent des chambres d’agriculture, tandis que les formations de plus de 120 heures sont réalisées au sein des CFPPA. Elles bénéficient des crédits des services généraux du Premier Ministre qui ont été multipliés par plus de deux entre 1975 et 198017.

  • 18 La capacité professionnelle agricole conditionne l’accès aux aides publiques à l’installation et à (...)
  • 19 Cahier de statistique agricole, n° 6, Ministère de l’Agriculture, 1983.
  • 20 Les CFPPA ont en charge 47 % de ces formations, contre 21 % pour les chambres d’agriculture et 32 % (...)

13La dépendance des CFPPA à l’égard de l’État va faire de ces structures publiques des instruments d’action (Lascoumes et Le Galès, 2005) visant à l’élévation du niveau de formation des agriculteurs. En effet, le plan Mansholt de 1968, qui porte le nom du premier commissaire européen de l’agriculture, prévoit d’augmenter la qualification des agriculteurs afin de leur assurer un niveau de vie comparable à celui des autres secteurs professionnels en améliorant la productivité des exploitations agricoles. Ainsi, la politique des structures, qui consistait jusque-là à encourager la cessation d’activité des agriculteurs disposant de trop petites structures de production, connaît un infléchissement au début des années 1970 avec la création de la dotation jeunes agriculteurs (DJA). Ces aides publiques à l’installation qui doivent permettre au jeune agriculteur de racheter le patrimoine, souvent familial, sont conditionnées à l’obtention de la capacité professionnelle agricole qui est alors mise en équivalence avec un niveau minimal de formation18. Le candidat à l’installation qui souhaite bénéficier des dotations étatiques a l’obligation de participer à un stage de formation complémentaire de 200 heures lorsqu’il ne dispose d’aucun diplôme ou d’un diplôme inférieur au Brevet d’études professionnelles agricoles (Rémy, 1987). Ces dotations sont d’abord destinées aux zones de montagne, ce qui explique le développement rapide des centres situés dans ces configurations géographiques (Chosson, 2002). Puis, à la demande du CNJA, le dispositif est généralisé à l’ensemble du territoire. Or, en 1980, seulement 13 % des chefs d’exploitation ont une formation générale secondaire et ils ne sont que 18 % à avoir reçu une formation agricole, de sorte que la moitié des candidats aux aides à l’installation sont obligés de suivre les stages 200 heures19. Les effectifs de ces stages passent de 5 900 stagiaires en 1974 à 18 580 en 198020, faisant des CFPPA une pièce maîtresse de l’intégration progressive de la compétence agricole à la logique de la qualification (Berthelot, 1985). Cette dynamique concerne également, mais dans une moindre mesure, les salariés agricoles dont le nombre de bénéficiaires de formation augmente d’un tiers (Loupias et Jacobi, 1984).

14Cette arrivée massive pèse fortement sur le fonctionnement des centres publics qui reste soumis à une forte discontinuité du fait de la saisonnalité des formations dispensées. L’absence de création de postes d’agents titulaires par le ministère de l’Agriculture empêche le développement de l’activité des centres et son ouverture à de nouveaux publics, comme le mentionne le responsable d’un centre en 1978 :

« Lors des précédentes réunions du conseil, il avait été signalé que le déroulement de façon discontinue de nos stages BPA gênait la gestion du poste Personnel du centre et il avait été souhaité la mise en place d’actions nouvelles s’adressant à un autre public. Monsieur le directeur indique qu’il est persuadé de cette nécessité, mais compte tenu des moyens actuels du centre en personnel, il ne peut pas gérer l’établissement, animer certaines sessions, intervenir comme formateur dans d’autres et prévoir la mise en place de nouveaux cycles de formation » (AN/19860668/1).

  • 21 Enquête « appareil public » de 1981 du Bureau convention et apprentissages de la DGER (AN/20070658/ (...)

15La plupart des centres disposent d’un poste d’ingénieur des travaux responsable du centre et d’un professeur des techniques adjoint auquel il faut ajouter des personnels de secrétariat rémunérés sur leur budget. S’il arrive à des responsables de centres d’intervenir eux-mêmes dans les formations, celles-ci sont surtout assurées par des agents contractuels qui interviennent ponctuellement : en 1980, sur les 1624 enseignants que comptent les CFPPA, 1040 sont dans ce cas21. Paradoxalement, ce fonctionnement des CFPPA qui illustre la faiblesse de l’État va favoriser leur développement dans un contexte marqué par la territorialisation des politiques publiques et la diffusion des logiques managériales.

2. Les CFPPA à l’épreuve de la transformation de l’État (1983-2016)

16À partir du milieu des années 1980, la dynamique réformatrice à laquelle est soumis l’État conduit aux actes de décentralisation et à une plus grande rationalisation de son action (Bezes, 2009). Bien qu’ambiguës et parfois même contradictoires, ces réformes font converger deux secteurs — la formation continue et l’agriculture — vers une plus grande autonomie des organismes publics de formation qui sont intégrés au sein d’un marché concurrentiel. Mais les fonctions de pilotage et de contrôle des politiques publiques assurées par le ministère de l’Agriculture permettent de limiter les effets des réformes sur les organismes publics de formation.

2.1. Diversification des publics et structuration nationale de l’offre publique de formation

  • 22 En 1984, le Brevet d’études professionnelles agricole (niveau III) devient le diplôme minimal pour (...)
  • 23 Réponse du Chef du bureau de la formation continue à la Cour des comptes, 25 juin 1976 (AN/20070658 (...)
  • 24 Statistiques de la DGER sur le financement de la formation professionnelle continue en agriculture (...)
  • 25 Statistiques de la DGER sur le financement de la formation professionnelle continue en agriculture (...)

17Entre le milieu des années 1970 et le milieu des années 1990, l’activité des CFPPA va plus que tripler. Cette explosion s’explique d’abord par l’intervention du ministère de l’Agriculture qui conduit au doublement des aides à l’installation à la suite des États généraux du développement agricole et à l’élévation du niveau de qualification requis pour y avoir accès22. Le mouvement de décentralisation de la formation continue initié après l’arrivée de la gauche au pouvoir permet également aux centres publics de diversifier leur activité alors que la population agricole ne cesse de baisser et que son niveau de formation initiale s’accroît (Alarcon, 2008). Loin de fragiliser les centres, la réforme accélère le processus de déconcentration entamé depuis une dizaine d’années déjà. Ainsi, les conventions du ministère de l’Agriculture qui organisent le fonctionnement des centres de formation sont pour la plupart déjà conclues avec les services déconcentrés de l’État. En 1974, elles sont déjà 242 à être signées à une échelle locale et 66 à l’échelle nationale23. Les lois de 1983 et de 1993 ne font donc qu’accroître cette logique de territorialisation en transférant le financement de la formation professionnelle aux Régions qui ont pour mission d’articuler le développement économique, l’aménagement du territoire et la formation des ressources humaines locales. Au début des années 1990, l’État ne représente plus que 36 % du financement des centres publics contre 55,5 % pour les Conseils régionaux et 2,8 % pour l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE), tandis que les financements issus des fonds d’assurance formation n’atteignent que 9,7 %24. L’ancrage territorial et professionnel des CFPPA leur permet d’adapter leur offre de formation à la demande locale et de l’étendre au-delà du seul secteur agricole vers les métiers de l’aménagement et de l’agroalimentaire. La préparation au Brevet professionnel agricole qui est le cœur historique d’activité des CFPPA ne constitue plus qu’une part minoritaire de leur financement (40,58 %)25. Avec l’apparition d’un chômage de masse, la formation continue, au même titre que l’apprentissage, est construite comme une réponse aux problèmes résultant de l’inadéquation entre l’emploi et la formation (Coutrot et Dubar, 1992.). En intégrant le marché de l’accompagnement des chômeurs, les CFPPA mettent progressivement en place des formations qualifiantes afin de faciliter l’insertion sociale et professionnelle des jeunes (stages de qualification et d’insertion sociale pour les jeunes, stages d’insertion professionnelle pour les 18-25 ans) ainsi que des certificats de spécialisation de niveaux V (équivalent CAP et BEP), IV (équivalent Bac) ou III (équivalent Bac+2).

  • 26 Il s’agit de la loi n° 84-579 du 9 juillet 1984 portant rénovation de l’enseignement agricole publi (...)
  • 27 Loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les dépa (...)

18Cette adaptation de la formation continue aux changements institutionnels est facilitée par le statut des CFPPA qui leur permet d’assurer des missions de service public à partir des conventions négociées avec les donneurs d’ordre régionaux et de rémunérer leur personnel. Les lois de rénovation de l’enseignement agricole de 198426 viennent entériner cette particularité sans pour autant accorder une pleine autonomie à ces organismes, comme le revendiquaient pourtant leurs responsables. Désormais, les CFPPA ne sont plus rattachés aux lycées agricoles mais deviennent un centre constitutif d’un Établissement public local d’enseignement et de formation professionnelle agricole (EPLEFPA) qui est alors doté d’une autonomie juridique, pédagogique et financière. La loi de décentralisation de 1983 avait déjà organisé une nouvelle répartition des compétences entre l’État et les Régions concernant les établissements du second degré27. Celles de 1984 accentuent la concurrence avec les établissements privés auxquels est reconnue une place dans la mise en œuvre du service public de l’enseignement et de la formation (Sanselme, 1999) et accroissent dans le même temps l’autonomie accordée aux EPLEFPA. Dorénavant, leurs conseils d’administration ont des prérogatives plus larges et sont présidés par une personnalité extérieure élue tandis que la tutelle et le contrôle a priori sont supprimés. Afin d’accorder un ancrage territorial plus important, de nouvelles missions leur sont également octroyées, qui dépassent la formation des seuls actifs agricoles, comme l’animation rurale. Cette nouvelle organisation modifie moins le fonctionnement des CFPPA qu’elle ne consacre l’existant. En les plaçant au sein d’une organisation juridiquement et financièrement autonome, elle accentue la tutelle des chefs d’établissements au détriment des services déconcentrés de l’État, poursuivant un processus initié à la fin des années 1960 (Tavernier, 1967). Le transfert de la masse salariale aux établissements donne alors à leur chef plus de latitude concernant la gestion des agents contractuels sur budget. En 1995, ils représentent 80 % des effectifs des CFPPA et 28 % d’entre eux ont un contrat de travail à temps partiel. Les formateurs ne sont pas les seuls concernés par ce type d’emplois puisque 24 % des postes de direction sont assurés par des agents contractuels rémunérés sur le budget de leur établissement (Bally et Dupré, 1996).

  • 28 Note de service du Bureau de l’organisation et de l’évaluation de la formation professionnelle cont (...)
  • 29 Résultat de l’enquête « suivi protocole » 2002 du Bureau de la formation professionnelle continue e (...)

19Le désengagement apparent de l’État, qui s’est un temps manifesté par la suppression temporaire de la sous-direction de la formation continue au sein du Ministère, a rapidement laissé la place à l’avènement d’un État stratège (Bezes, 2005). Si les fonctions de mise en œuvre et d’exécution du service public relèvent des nouveaux établissements publics et des centres privés, c’est au ministère de l’Agriculture et à sa nouvelle sous-direction de la formation professionnelle continue, de l’apprentissage, du développement, de l’animation rurale et de la coopération internationale que reviennent les fonctions de pilotage et de contrôle des politiques publiques. À côté du financement de programmes nationaux d’actions de formation en milieu rural, le ministère de l’Agriculture conserve un contrôle pédagogique sur la définition des diplômes. Face à la diversité des modalités de préparation des diplômes qui à l’origine devait répondre aux attentes de terrain, la Direction générale de l’enseignement et de la recherche (DGER) du ministère de l’Agriculture encourage dès la fin des années 1980 la création de parcours individualisés dont les unités capitalisables revêtent une dimension principalement nationale. Cette harmonisation nationale de l’appareil public porte également sur la professionnalisation des acteurs de la formation. Suite au constat d’un faible niveau de formation des formateurs, ces derniers doivent désormais justifier d’un diplôme de niveau III (équivalent Bac+2) pour les formations de cycle court ou d’un diplôme de niveau II (équivalent Bac+3 et Bac+4) pour les formations de cycle long. L’harmonisation passe enfin par des mesures portant sur les conditions d’emploi des formateurs. L’établissement d’un protocole pour la gestion des personnels en 1998, qui intervient dix ans après la création d’une convention collective des organismes de formation (Lescure, 2010), fixe le service des formateurs à un minimum de 648 heures et à un maximum de 774 heures28. Mais, ces nouvelles mesures d’harmonisation mettent les CFPPA sous une plus grande tension économique. Le plan de titularisation de 1996 qui concerne 481 agents dont 277 formateurs ne suffit pas à absorber l’explosion de la demande de formation, justifiant le recours aux agents contractuels destinés tant à la formation (1897 en 2001) qu’aux activités de gestion (646 en 2001)29.

2.2. La modernisation des organismes publics pour faire face à la marchandisation de la formation continue

  • 30 « La formation professionnelle au long de la vie », Rapport public de la Cour des Comptes, 2008, di (...)

20Dans un contexte marqué par l’augmentation des dépenses relevant de la formation professionnelle qui conduit ce secteur à représenter 1,4 % du PIB en 2005, le constat de la non efficience du système public de la formation continue est récurent30. Pour y remédier, des mesures sont mises en œuvre afin de promouvoir l’individualisation des parcours de formation tout en mettant les centres publics de formation, devenus prestataires, en concurrence avec les opérateurs privés selon une logique marchande. Si la mise en marché de la formation continue marque pour les CFPPA moins une rupture qu’une accélération des processus engagés jusqu’ici, des mesures sont également mises en œuvre par le ministère de l’Agriculture afin d’anticiper ses effets.

  • 31 Loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au (...)
  • 32 Ces structures associatives à gestion paritaire collectent les contributions financières des entrep (...)
  • 33 « Évaluation du programme d’individualisation des formations et de modernisation de l’offre publiqu (...)
  • 34 Entretien avec le chargé de mission chargé des dispositifs de formation au Conseil régional, le 7 m (...)

21Avec l’individualisation croissante des dispositifs de formation et de la territorialisation des politiques d’emploi, les organismes de formation sont contraints d’adapter leur offre à une échelle régionale et aux différents publics qui sont chargés de devenir « acteurs » de leur formation. En effet, la loi de 2004 sur l’éducation tout au long de la vie31 poursuit l’objectif de décentralisation en faisant des Régions les véritables pilotes de la formation des demandeurs d’emploi et s’inscrit également dans la logique de sécurisation des parcours professionnels (Dayan et Tallard, 2017). Celle-ci, avec la création d’un droit individuel à la formation (DIF), entend faciliter l’accès de la formation aux salariés et aux demandeurs d’emploi en leur accordant une plus grande initiative, ce qui élargit le nombre de commanditaires des actions de formation aux quarante organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA)32. Or, dès 2001, la DGER met en place un plan de modernisation des CFPPA dans le but de « répondre aux nouveaux enjeux qui se dessinaient alors en matière de réforme de la formation professionnelle, de la problématique européenne d’éducation et de formation tout au long de la vie et des mutations socio-économiques dans le champ de l’agriculture »33. Dans la continuité de ce plan sont créés, en 2007, des réseaux régionaux des CFPPA animés majoritairement par des fonctionnaires afin de mobiliser à l’échelle régionale une gamme étendue de compétences spécialisées qu’un centre ne pourrait pas réunir à lui seul. Cette structuration régionale doit permettre d’assurer une représentation face aux donneurs d’ordre qui, comme le Conseil régional, « encourage les centres à se regrouper et à travailler ensemble »34 afin de limiter le nombre d’interlocuteurs. Ces réseaux, au nombre de 15 en 2015, regroupent une offre régionale de formation sans pour autant remettre en cause leurs différentes spécialisations rendues nécessaires pour répondre à l’individualisation des parcours.

  • 35 Avis n° 08-A-10 du 18 juin 2008 relatif à une demande d’avis présentée par la Fédération de la form (...)

22Les mesure mises en place par la DGER permettent également de réduire les tensions entre les dynamiques de spécialisation et de territorialisation de la formation continue et celles liées aux logiques marchandes qui s’imposent au même moment dans la régulation de l’offre. Sous l’impulsion de la Commission européenne, le recours aux marchés publics comme mode de financement de la formation professionnelle continue est généralisé à partir de 2001 puis rappelé dans un avis du Conseil de la Concurrence du 18 juin 200835. Contrairement à d’autres organismes publics de formation tels que l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) ou les Groupements d’établissements de l’éducation nationale (GRETA) qui ont pendant longtemps bénéficié de situations de monopole, les CFPPA ont très tôt été soumis à une logique concurrentielle. Si comme nous l’avons vu ils se sont confrontés, dès leur origine, à la concurrence des organismes privés et des chambres d’agriculture, la mise en réseau de ces centres à l’échelle régionale a permis de mutualiser les compétences en matière d’ingénierie de projet et de gestion qu’implique ce mode de régulation (Berthet et Conter, 2011). Mais c’est surtout le pouvoir d’habilitation du ministère de l’Agriculture qui continue de préserver les CFPPA de la forte concurrence, comme le mentionne Éric, directeur du centre de Cray dans lequel nous avons réalisé notre enquête ethnographique :

« Quand on parle de marché public, cela signifie “mise en concurrence” ?
— Les centres de formation privés peuvent répondre aux marchés publics. Mais nous sommes un peu protégés. On est à cheval entre la Région qui finance et le Ministère qui nous donne l’autorisation d’ouvrir ou de fermer une formation. Le seul levier qu’a le Ministère c’est de leur dire : “vous n’avez pas les compétences” » (Éric, entretien du 7 septembre 2017).

23Il n’est ainsi pas étonnant que les formations diplômantes et certifiantes homologuées par le ministère de l’Agriculture constituent, pour la grande majorité des CFPPA, les formations les plus dispensées.

  • 36 Loi n°2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocrati (...)
  • 37 La marque Assurance Française pour la Qualité a été créée en 1988. Destinée à évaluer et certifier (...)
  • 38 « Évaluation du programme d’individualisation des formations et de modernisation de l’offre publiqu (...)

24Face à l’éclatement de l’offre de formation induite par la faiblesse des obligations réglementaires qui incombent aux organismes de formation, la régulation marchande du secteur passe enfin par la mise en place de critères de qualité. Ainsi, la loi de 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale36 fixe des exigences de qualité pour que les organismes de formation soient éligibles à la prise en charge par les commanditaires publics. Or, depuis le début des années 1990, des actions d’information et de sensibilisation concernant la création progressive d’une « démarche qualité » ont été initiées par le ministère de l’Agriculture de la même façon que dans d’autres services publics (Bertillot, 2016). Elles ont donné lieu à l’élaboration d’une charte nationale d’engagements des CFPPA qui a été certifiée par la marque « AFAQ Service confiance »37 en 2001 avant d’être généralisée en 2003. Ainsi, « la majorité des centres [CFPPA] engagés dans cette action est certifiée ou en voie de l’être »38 dans un secteur où une très faible part des opérateurs dispose d’une certification ou d’un label de qualité (Bensimhon et Miel, 2019).

  • 39 Note de service du Bureau des projets et de l’organisation des établissements, 29 juin 2017.

25La création de réseaux régionaux, le pouvoir d’habilitation de la DGER et la certification des centres par des dispositifs de qualité placent les CFPPA dans un mode de régulation concurrentielle subventionnée (Berthet et Bourgeois, 2017) qui ne les protège que partiellement des mécanismes marchands auxquels ils sont confrontés. En effet, le soutien du ministère de l’Agriculture ne suffit pas à réduire complètement les tensions économiques grandissantes qui pèsent sur le fonctionnement des centres. Un rapport de 2016 place d’ailleurs près de la moitié des CFPPA (47 %) en vigilance haute ou en alerte39. Ainsi, la réussite de certains centres de formation ne s’explique pas uniquement par ce soutien de l’État, comme l’illustre l’étude de cas qui suit.

3. L’organisation du travail et la gestion de l’emploi : entre logiques bureaucratiques et marchandes

26L’enquête ethnographique menée au sein d’un centre public de formation ainsi que le traitement de ses archives permet de rendre compte de la façon dont y sont gérés les effets de la marchandisation du service public (Belorgey, 2011). L’analyse d’un CFPPA qui se situe du côté des « gagnants » des processus de modernisation engagés à partir des années 2000 met au jour les conditions de réussite des nouvelles formes de pilotage du service public (Boussard et al., 2015), et plus particulièrement celles qui concernent l’organisation du travail et la gestion de l’emploi.

3.1. Une incertitude réduite par une position monopolistique

  • 40 « Évaluation de l’EPLEFPA de Cray », Rapport de l’inspection générale de l’enseignement agricole, 2 (...)

27Créé en 1975 afin de proposer des actions de formation aux futurs agriculteurs et aux salariés agricoles, le centre de formation de Cray connaît de grosses difficultés financières à la fin des années 1990, suite à l’instauration des mesures visant à la création d’un marché de la formation continue. En 1999 et depuis trois ans, le budget du CFPPA est déficitaire (-68 187 euros), tout comme son fonds de roulement (-198 871 euros). Un rapport de l’inspection de l’enseignement agricole de 2002 mentionne d’ailleurs « une situation financière délicate […] qui est globalement compensée par l’établissement auquel le centre est rattaché »40. À cette époque déjà, ses financements sont principalement issus du circuit marchand puisque les subventions ne représentent plus que 47 % de son chiffre d’affaires. Afin de dispenser les 110 000 heures annuelles de formation, le CFPPA compte 17 formateurs, dont un seul est titulaire de la fonction publique. Parmi les 16 autres, 9 sont salariés à temps partiel. Ces formations concernent des publics déjà variés (chômeurs, personnes en réinsertion, salariés) et portent sur différents niveaux de qualification (BEP, Bac, certificats de spécialisation) ainsi que des domaines divers (aménagement paysager, agroéquipement, environnement et agriculture). Presque vingt ans plus tard, le centre de formation semble avoir largement bénéficié de la transformation de la formation continue puisque son activité a connu une croissance de plus de 50 % qui s’est accompagnée d’une augmentation de son chiffre d’affaires de 77 %, ce qui le place parmi les centres ayant l’activité la plus soutenue et la plus rentable.

  • 41 Dans cette région, 76 % des exploitations agricoles sont en grandes cultures en 2010 et leur surfac (...)
  • 42 En 2017, aucun stagiaire inscrit en BPREA n’était agriculteur ou salarié agricole. En 1980, 18 des (...)

28Si l’activité du CFPPA a connu une croissance importante, c’est d’abord parce que son offre de formation a pu évoluer et qu’elle est très peu concurrencée. Le centre se situe dans une région très urbanisée qui connaît une concentration importante des exploitations agricoles et une forte spécialisation en grandes cultures céréalières très peu consommatrices de main-d’œuvre41. Suite à la diminution de son public d’origine, des formations consacrées à l’aménagement paysager et à la protection de l’environnement ont été mises en place à la fin des années 1980 afin de répondre à la demande croissante des collectivités locales. La formation préparant au Brevet professionnel de responsable d’exploitation agricole (BPREA), qui est le cœur d’activité du CFPPA, a également connu des évolutions importantes. Initialement spécialisée en grandes cultures pour les agriculteurs, enfants d’agriculteurs et salariés agricoles locaux, cette formation est aujourd’hui orientée en maraîchage biologique et destinée à de nouveaux publics éloignés du monde agricole mais bénéficiaires des dispositifs destinés aux salariés et aux demandeurs d’emploi42. Seul habilité à dispenser le BPREA dans la Région, le CFPPA connaît une forte demande et accueille annuellement une trentaine de stagiaires qui sont financés par les fonds régionaux pour les demandeurs d’emploi et par le Fonds de gestion des congés individuels de formation (FONGECIF) pour les salariés en reconversion. D’une durée de 1 200 heures, cette formation rapporte au centre 7,5 euros de l’heure pour les demandeurs d’emploi et 9,5 euros de l’heure pour les salariés, ce qui représente un tiers de son chiffre d’affaires annuel.

  • 43 Carnet de terrain du 23 octobre 2017.

29Cette position de monopole permet de réduire l’incertitude que produit pourtant la variabilité et la diversité de ses modes de financement. En effet, le prix des formations et les modalités d’attribution des places varient selon les publics. Si celles qui sont financées par les OPCA sont mieux rémunérées, leurs conditions d’attribution restent peu lisibles pour les personnels du centre. Comme le concède l’un d’entre eux, « c’est un peu la loterie tous les ans »43. En revanche, les marchés publics passés avec le Conseil régional pour la formation des demandeurs d’emploi offrent plus de visibilité. D’une durée de quatre ans, ces marchés font l’objet, en amont de leur écriture, d’une phase de concertation à laquelle sont associés les centres de formation :

« On a un vivier d’organismes de formation, mais sur l’agriculture il y a beaucoup moins de concurrence que dans le tertiaire. Donc on a une double tutelle : la tutelle pédagogique du ministère de l’Agriculture avec une certification agricole et la tutelle financière de la Région […]. Sur ce secteur, en amont de l’écriture des marchés publics, on a une phase de concertation. Donc moi j’ai un petit vivier avec la Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt et des réseaux sur les questions agricoles. En amont de l’écriture d’un marché public, on invite des experts pour connaître les attentes du marché du travail et on fait aussi de la concertation avec les organismes de formation » (Sylvain, chargé de mission pour la conception et la mise en œuvre des dispositifs de formation continue au Conseil régional, entretien du 7 mars 2018).

30Bénéficiant d’une faible concurrence et intégré au processus de concertation mis en place par le Conseil régional, le CFPPA de Cray remporte régulièrement ces marchés publics qui lui permettent, en retour, d’acquérir une très bonne réputation vis-à-vis des autres financeurs comme les OPCA :

« La Région n’est pas un bon financeur mais elle compte parce qu’elle a du volume et que ça apporte une étiquette. Si vous avez le label Région, vous pourrez avoir d’autres financements. Vous avez une crédibilité » (Sylvain, entretien du 7 mars 2018).

  • 44 Discussion avec Robin, responsable de filière, carnet de terrain du 26 septembre 2018.

31Ces dernières années, l’incertitude qui pèse sur le centre de formation concerne alors surtout sa capacité à répondre à une demande croissante, notamment depuis l’intervention gouvernementale qui fait du financement conjoncturel de la formation des demandeurs d’emploi un instrument d’action des politiques de l’emploi. Ainsi, le « plan 500 000 », créé en 2016 et prolongé en 2017, qui visait à doubler l’accès à la formation professionnelle des demandeurs d’emploi, a permis d’augmenter le nombre de places « à ne plus savoir qu’en faire »44. Ces places n’ont pas toutes été attribuées par le CFPPA du fait d’infrastructures insuffisantes.

3.2. Division du travail d’encadrement et voie de promotion interne

32Bien qu’à l’abri des logiques concurrentielles, les agents du CFPPA sont amenés à « aller chercher le travail » et à démarcher très régulièrement leurs financeurs « comme des entreprises privées ». Le CFPPA est la seule composante de l’EPLFPA à être soumise à une telle dynamique marchande. Cela engendre des tensions avec les autres structures de l’établissement, et plus particulièrement avec son directeur qui est également directeur du lycée agricole. Par exemple, ce rattachement allonge les circuits de décision, ralentissant les procédures internes qui demandent pourtant une grande réactivité, comme le regrette Robin, responsable de filière :

« Au CFPPA on est des commerçants, on a donc besoin que les choses soient signées rapidement, ce qui n’est pas le cas avec la direction de l’EPLEFPA » (Robin, responsable de filière, carnet de terrain, 23 octobre 2017).

33Les tensions entre les logiques bureaucratiques et marchandes sont résolues à l’échelle du centre de formation par une division du travail d’encadrement entre le poste de direction et celui de responsable de filière. Les directeurs de centres connaissent, comme d’autres fonctionnaires de catégorie A, des mobilités géographiques régulières (Cartier et Join-Lambert, 2011). Si ces changements d’affectation les éloignent des enjeux locaux, ils leur permettent d’avoir une vision plus globale du fonctionnement de la formation continue agricole et de son intégration dans le système d’enseignement agricole. C’est le cas d’Éric qui, au moment de l’enquête, est directeur du CFPPA depuis deux ans. Ayant occupé plusieurs postes au sein du même organisme public, passant de formateur à chef de mission puis directeur de site, il maîtrise les rouages administratifs qui structurent la vie d’un centre. Après sa titularisation en 2013, il est contraint de changer d’établissement. Sans connaissance fine du nouveau contexte local, il se consacre surtout aux activités bureaucratiques en siégeant dans les différentes instances de décision de l’EPLEFPA et en s’entretenant régulièrement avec les agents du ministère de l’Agriculture.

34Dans le même temps, la fonction de responsable de filière déborde aujourd’hui celle d’organisateur pédagogique qui a pour mission de faciliter les échanges entre les intervenants pédagogiques et la direction (Cardon, 1998). C’est le cas de Robin, en charge de plusieurs parcours de formation en tant que contractuel. Son rôle de « régulateur » l’amène régulièrement à recadrer les formateurs et les stagiaires, mais il conçoit également le contenu des formations, répond aux appels d’offre et recrute lui-même les formateurs ainsi que les futurs stagiaires. Travaillant depuis 2011 au sein du CFPPA, il possède une très bonne connaissance du contexte local et entretient d’excellentes relations avec les agents du Conseil régional chargés de la formation continue :

« On a des appuis externes et on a des personnes plus ou moins sensibles à notre activité. Quand on a des contrôles, ça se passe très bien. Les personnes qui font les contrôles sont celles qui font les marchés. Les chargés de mission à la Région sont très sensibles à la question de l’agriculture. Ce sont des gens qui nous aident dès qu’ils le peuvent » (Robin, responsable de filière, entretien du 10 octobre 2017).

35Les attributions de Romain s’expliquent par les compétences commerciales qu’il a accumulées au cours de son parcours professionnel. Contrairement à Éric dont la carrière s’est exclusivement construite dans l’enseignement public, Robin a d’abord été formateur dans le secteur privé au sein d’une association. C’est à cette occasion qu’il se familiarise avec la procédure des appels à projets et des marchés publics, ce qui lui permettra d’être recruté au sein du CFPPA d’abord comme formateur avec un contrat à durée déterminée puis comme responsable de filière avec le statut de cadre et un contrat à durée indéterminée. L’accès au poste de responsable de filière constitue pour Robin une mobilité professionnelle ascendante. À l’instar des cadres administratifs au sein des universités (Barrier et Musselin, 2015), Robin est le bénéficiaire et le promoteur de l’introduction de logiques managériales au sein du CFPPA.

3.3. Segmentation de la main d’œuvre et fidélisation des prestataires

  • 45 « Analyse comparée des résultats économiques des CFA CFPPA en lien avec l’application du protocole (...)

36La bonne santé économique du CFPPA de Cray s’explique également par une diminution de la proportion des charges et plus particulièrement celles qui concernent la rémunération du personnel. Alors qu’en 1999, ce poste budgétaire représentait 57 % du chiffre d’affaires, il n’en représente plus que 46,5 % en 2017. L’institutionnalisation progressive du métier de formateur tout comme l’augmentation de l’activité de formation depuis les années 1980 n’ont pas eu pour effet de diminuer le recours au temps partiel ni d’harmoniser les statuts d’emploi (Lebon et Lescure, 2006). Malgré la croissance importante du nombre de formateurs et la mise en œuvre du protocole pour la gestion des personnels des CFPPA et CFA à la fin des années 1990, les conditions d’emploi tout comme le temps de travail des formateurs restent principalement définis à l’échelle des établissements. Une enquête menée par l’inspection de l’enseignement agricole de 2012 constate par exemple une « grande diversité dans les durées de service appliquées localement »45. Pour faire face à la relative incertitude qui caractérise l’activité de la formation continue, la direction du CFPPA de Cray peut ainsi adapter la main-d’œuvre à la demande de formation en jouant sur la durée des contrats à durée déterminée (qui vont d’un à trois ans, renouvelables dans la durée maximale de six ans et transformables, au-delà de cette durée, en contrats à durée indéterminée) ainsi que sur le temps de travail. Lorsque l’organisme de formation connaît une baisse de 30 % de son activité entre 2017 et 2018, les agents contractuels doivent faire face à une baisse drastique de leur service. Le temps de travail moyen des formateurs contractuels passe ainsi de 721 heures en 2017 à 537 heures en 2018, loin des exigences posées par le protocole pour la gestion des personnels des CFPPA et CFA de 1998 qui fixe le service entre 648 heures et 774 heures de formation en face-à-face. L’externalisation des formations qui se manifeste par le recours à des formateurs prestataires rémunérés sur facture ou sous forme de vacations constitue un autre levier pour faire face à la fluctuation de l’activité du CFPPA. D’abord, elle permet de réduire les dépenses budgétaires puisque le coût horaire de la formation est moins élevé (43 euros par heure pour les prestataires externes contre 54,4 euros pour les salariés). Elle offre ensuite la possibilité de déroger au protocole de gestion des personnels. En 2017, 35 % des formations sont assurés par des non-salariés pour qui le temps de travail annuel n’est que de 93 heures. L’absence de contrat de travail permet de se séparer de ces formateurs lorsque, comme en 2018, l’activité diminue drastiquement (cinq formateurs prestataires n’ont pas été reconduits à cette occasion).

37En outre, le recours aux prestataires vacataires qui s’explique historiquement par l’intervention ponctuelle de professionnels extérieurs s’étend aujourd’hui à d’autres profils de formateurs. En effet, pour que les centres soient habilités par le ministère de l’Agriculture, leurs formations doivent être dispensées à 70 % au moins par des formateurs détenteurs d’un Master, ce qui tend à exclure les professionnels n’ayant pas les diplômes requis :

« On doit recruter des formateurs qui ont un niveau Master au minimum. J’ai le droit de recruter en dessous à condition que je puisse arriver à 70 % de niveaux II au sein d’une formation.
— Ce qui permet d’intégrer des professionnels ?
— Oui mais c’est assez compliqué. Par exemple j’ai une formation, pour qu’elle soit performante je dois ne prendre que des spécialistes. Mais certains n’ont pas le niveau de qualification demandé. Ils ont la compétence, on a besoin d’eux, mais ils ne rentrent pas dans le cadre pour faire de la formation » (Éric, entretien du 7 septembre 2017).

38Le recrutement de vacataires diplômés permet de résoudre cette contradiction entre les contraintes économiques et le recours à des formateurs très qualifiés. Ce recrutement s’effectue notamment auprès d’anciens apprenants en reconversion professionnelle, comme Marion. Inscrite en formation pour l’obtention du BPREA maraîchage biologique à la session 2017-2018, elle devient formatrice l’année suivante dans la même formation. Diplômée d’un Master 2 en stratégies de communication internationale, elle a occupé plusieurs postes de chargée de communication avant de devenir responsable de la communication dans un grand groupe d’information agricole. Souhaitant changer de métier, elle s’est dans un premier temps dirigée vers l’enseignement, métier qui ne l’a finalement « pas remplie » du fait de la solitude équivalente à celle qu’elle a expérimentée en entreprise. Souhaitant mettre sa connaissance du monde agricole en adéquation avec ses convictions écologiques, elle négocie une rupture conventionnelle avec son employeur et s’inscrit à la formation d’un an dispensée par le CFPPA de Cray afin d’obtenir un BPREA en maraîchage biologique. À la recherche de terres où s’installer, cette mère d’une petite fille, récemment divorcée, doit faire face à une situation financière délicate qui l’oblige à compléter son allocation de chômage par des petits boulots. La transition professionnelle dans laquelle elle se trouve et sa connaissance de l’équipe dirigeante l’amènent à remplacer au pied levé un formateur :

« Robin m’a contactée en septembre pour remplacer un formateur. J’ai commencé le 25 octobre. Là je m’occupe du module sur la réglementation en Agriculture Biologique, un autre sur la communication et un dernier qui porte sur les acteurs institutionnels en agriculture. Ils me font des contrats de vacation tous les mois à 140 euros par jour d’intervention. Et je me pose la question de savoir si c’est vraiment intéressant parce que j’ai du trajet et je retire 20 euros de transport » (Marion, entretien du 10 avril 2019).

39L’exemple de Marion souligne combien le recours aux vacataires diplômés est loin d’être assuré. Si sa participation s’explique par la période d’indétermination dans laquelle elle se trouve, elle peut être rapidement remise en cause compte tenu des conditions peu avantageuses que son statut lui offre. Ainsi, la gestion duale de la main-d’œuvre qui caractérise le marché de la formation reste fragile. C’est d’ailleurs pourquoi la réduction de l’activité du centre est moins compensée par la non-reconduction de plusieurs prestataires que par la diminution plus importante du nombre d’heures des agents contractuels. Il s’agit par là de fidéliser une main-d’œuvre qui, ne bénéficiant pas de la protection inhérente au statut de salarié, compte sur un certain nombre d’heures de prestations pour rendre rentable leur intervention. Le statut de vacataires peut ainsi constituer une première étape (Peyrin, 2007) pour les personnes qui, comme Marion, pourront continuer à dispenser des formations soit comme prestataires lorsqu’elles deviendront indépendantes, soit comme salariées du centre.

4. Conclusion

40Encore largement méconnue par une littérature qui s’est surtout attachée à rendre compte du poids des organisations professionnelles dans le processus de modernisation agricole, la formation continue a pourtant constitué un instrument de la transformation de ce secteur. Complétant l’enseignement agricole initial, elle a participé à l’élévation exceptionnelle du niveau de diplôme des agriculteurs. En outre, l’histoire de ce service public et de la place qu’y ont occupé les CFPPA permet de dessiner des voies différentes de celles tracées par les centres de formation dépendant de l’Éducation nationale qui, après avoir été pendant longtemps en position de monopole, sont soumis depuis les années 2000 à des transformations qui vont parfois jusqu’à remettre en cause leur existence.

41Les transformations contemporaines de la formation continue ne représentent pas tant une rupture qu’une continuité pour les CFPPA. En effet, la mise en marché de la formation qui passe par l’individualisation des prestations, par la mise en concurrence entre prestataires publics et privés ainsi que par l’instauration de critères de qualité a pris ses racines bien avant qu’elle ne soit institutionnalisée dans les années 2000. Les conditions particulières de la création de ces centres et l’intervention du ministère de l’Agriculture ont en effet participé à une introduction progressive des logiques managériales. Moins subie qu’anticipée, cette nouvelle régulation marchande a pu constituer pour certains CFPPA une opportunité qui a largement favorisé leur développement.

42L’exemple d’une « modernisation réussie » montre les conditions de possibilité de l’introduction d’une régulation marchande de l’offre de formation. D’abord, l’incertitude dans laquelle sont aujourd’hui placés les centres de formation est atténuée par le pouvoir d’habilitation du ministère de l’Agriculture qui protège les CFPPA de la concurrence et leur garantit l’obtention des marchés publics régionaux. La division du travail entre les postes de direction et de responsable de filière permet ensuite de résoudre les tensions entre les logiques bureaucratiques et marchandes qui pèsent sur ces centres. Enfin, l’externalisation croissante de la main-d’œuvre leur offre des marges budgétaires pour faire face à la fluctuation de leur activité. Au bout du compte, la fragmentation du groupe professionnel des formateurs en CFPPA, qui se manifeste aujourd’hui par l’existence de conditions d’emploi variées et parfois précaires ainsi que par le recours croissant à des prestataires privés, apparaît autant comme un effet que comme une condition de la réussite des CFPPA sur le marché de la formation professionnelle.

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Annexe

Liste des sigles utilisés dans l’article

AFAQ

Assurance française pour la qualité

AFNOR

Association française de normalisation

AFPA

Association pour la formation professionnelle des adultes

AGPB

Association générale des producteurs de blé et autres céréales

ANDA

Association nationale de développement agricole

ANPE

Agence nationale pour l’emploi

APCA

Assemblée permanente des présidents de chambres d’agriculture

BEP

Brevet d’études professionnelles

BPA

Brevet professionnel agricole

BPREA

Brevet professionnel de responsable d’exploitation agricole

CAP

Certificat d’aptitude professionnelle

CFA

Centre de formation d’apprentis

CFPPA

Centre de formation pour la promotion agricole

CNJA

Centre national des jeunes agriculteurs

CNMCCA

Confédération nationale de la mutualité, de la coopération et du crédit agricoles

DGEAPS

Direction générale de l’enseignement, des affaires professionnelles et sociales

DGER

Direction générale de l’enseignement et de la recherche

DIF

Droit individuel à la formation

DJA

Dotation jeunes agriculteurs

DSA

Directions des services agricoles

EPLEFPA

Établissements publics locaux d’enseignement et de formation professionnelle agricoles

FAF-EA

Fonds d’assurance formation des exploitants agricoles

FAF-SEA

Fonds d’assurance formation des salariés d’exploitation agricole

FNSEA

Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles

FONGECIF

Fonds de gestion des congés individuels de formation

GRETA

Groupements d’établissements de l’éducation nationale

IFOCAP

Institut de formation des cadres paysans

IGA

Inspection générale de l’agriculture

OPCA

Organismes paritaires collecteurs agréés

OPCO

Opérateurs de compétences

SMAG

Salaire minimum agricole garanti

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Notes

1 Tous les sigles sont développés à leur première apparition dans le texte, mais on peut aussi se rapporter à leur liste alphabétique fournie en annexe.

2 « La formation professionnelle continue des salariés : construire une politique de contrôle et de lutte contre la fraude », Rapport public annuel de la Cour des Comptes, 2017, p. 165-195, disponible sur https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/04-formation-professionnelle-continue-salaries-Tome-1.pdf.

3 Le nom du CFPPA et ceux des personnes ont été modifiés pour assurer leur anonymat.

4 L’adjectif « jaciste » fait référence à la Jeunesse agricole catholique (JAC).

5 Créées en 1935, les Maisons familiales rurales sont des établissements agricoles privés non confessionnels.

6 Diplôme de niveau V équivalent au Certificat d’aptitude professionnelle (CAP) et au Brevet d’études professionnelles (BEP).

7 Lettre du 14 février 1968 portant sur la création des CFPPA, DGEAPS, archives du ministère de l’Agriculture.

8 « De la formation professionnelle au développement : le rôle des CFPPA (1966-1982) », Rapport de l’inspection générale de l’agriculture (IGA), 1989 (AN/19890291/4).

9 Lettre de l’IGA Aquitaine du 25 octobre 1967, archives du ministère de l’Agriculture.

10 Lettre de l’IGA Aquitaine du 25 octobre 1967, archives du ministère de l’Agriculture.

11 La chambre départementale d’agriculture, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), le Centre national des jeunes agriculteurs (CNJA) et la Confédération nationale de la coopération, du crédit et de la mutualité agricole (CNMCCA).

12 « Du premier stage de formation d’ingénieurs des travaux agricoles à la pédagogie des adultes », Rapport de la session formation, 1968, archives du ministère de l’Agriculture.

13 « De la formation professionnelle au développement : le rôle des CFPPA (1966-1982) », Rapport de l’inspection générale de l’agriculture, 1989 (AN/19890291/4).

14 Les organisations professionnelles à vocation générale rassemblaient la FNSEA, l’Assemblée permanente des présidents de chambres d’agriculture (APCA), le CNJA et la CNMCCA. À la différence des organisations professionnelles spécialisées structurées selon les produits et/ou les filières comme l’Association générale des producteurs de blé et autres céréales (AGPB), elles entendaient assurer la représentation de l’ensemble des agriculteurs auprès des instances nationales de décision.

15 Note de la sous-direction de la formation continue et du développement du 28 novembre 1978 (AN/19840580/83).

16 Rapport annuel du bureau structures des formations continues-apprentissage, 1983 (AN/20070658/1). La part des actions de formation financées par les FAF et réalisées dans des établissements publics du ministère de l’Agriculture concerne 3,9 % des stagiaires pour le FAF-EA et 23 % des stagiaires pour le FAF-SEA.

17 Entre 1975 et 1980, les crédits engagés par l’État sont passés de 156,4 millions de francs à 361 millions de francs. Réponse au questionnaire des commissions du Sénat de la Direction générale de l’enseignement et de la recherche (DGER), 1981, tome 1, p. 81 (AN/19890291/4).

18 La capacité professionnelle agricole conditionne l’accès aux aides publiques à l’installation et à l’autorisation d’exploiter.

19 Cahier de statistique agricole, n° 6, Ministère de l’Agriculture, 1983.

20 Les CFPPA ont en charge 47 % de ces formations, contre 21 % pour les chambres d’agriculture et 32 % pour les centres privés. Note du bureau de l’orientation et programmation de la sous-direction de la formation continue de la DGER du 28 novembre 1980 (AN/19840580/85).

21 Enquête « appareil public » de 1981 du Bureau convention et apprentissages de la DGER (AN/20070658/1).

22 En 1984, le Brevet d’études professionnelles agricole (niveau III) devient le diplôme minimal pour bénéficier des aides à l’installation. En 1990, il est transformé en diplôme de niveau IV équivalent du baccalauréat et, dès 1992, ce niveau est exigé pour les jeunes nés à partir du 1er janvier 1971.

23 Réponse du Chef du bureau de la formation continue à la Cour des comptes, 25 juin 1976 (AN/20070658/10).

24 Statistiques de la DGER sur le financement de la formation professionnelle continue en agriculture et métiers connexes de 1990 (AN/20070658/60).

25 Statistiques de la DGER sur le financement de la formation professionnelle continue en agriculture et métiers connexes de 1990 (AN/20070658/60).

26 Il s’agit de la loi n° 84-579 du 9 juillet 1984 portant rénovation de l’enseignement agricole public et de la loi n° 84-1285 du 31 décembre 1984 portant réforme des relations entre l’État et les établissements d’enseignement agricole privés.

27 Loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État.

28 Note de service du Bureau de l’organisation et de l’évaluation de la formation professionnelle continue et de l’apprentissage du 7 octobre 1998.

29 Résultat de l’enquête « suivi protocole » 2002 du Bureau de la formation professionnelle continue et de l’apprentissage (AN/20100377/20).

30 « La formation professionnelle au long de la vie », Rapport public de la Cour des Comptes, 2008, disponible sur https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-formation-professionnelle-tout-au-long-de-la-vie.

31 Loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.

32 Ces structures associatives à gestion paritaire collectent les contributions financières des entreprises qui relèvent de leur champ d’application dans le cadre du financement de la formation professionnelle continue des salariés des entreprises de droit privé. Depuis la loi du 8 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, les OPCA ont été remplacés par les opérateurs de compétences (OPCO).

33 « Évaluation du programme d’individualisation des formations et de modernisation de l’offre publique de formation professionnelle continue et d’apprentissage agricole », Rapport de l’inspection générale de l’enseignement agricole, 2008, p. 6.

34 Entretien avec le chargé de mission chargé des dispositifs de formation au Conseil régional, le 7 mars 2018.

35 Avis n° 08-A-10 du 18 juin 2008 relatif à une demande d’avis présentée par la Fédération de la formation professionnelle.

36 Loi n°2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.

37 La marque Assurance Française pour la Qualité a été créée en 1988. Destinée à évaluer et certifier les systèmes de management, elle est délivrée par l’association française de normalisation (AFNOR).

38 « Évaluation du programme d’individualisation des formations et de modernisation de l’offre publique de formation professionnelle continue et d’apprentissage agricole », Rapport de l’inspection générale de l’enseignement agricole, 2008, p. 19.

39 Note de service du Bureau des projets et de l’organisation des établissements, 29 juin 2017.

40 « Évaluation de l’EPLEFPA de Cray », Rapport de l’inspection générale de l’enseignement agricole, 2000, p. 9 (AN/20170241/85).

41 Dans cette région, 76 % des exploitations agricoles sont en grandes cultures en 2010 et leur surface moyenne est de 120 hectares contre 55 hectares à l’échelle nationale. Les grandes cultures sont très peu consommatrices de main-d’œuvre, avec 1,2 unité de travail agricole par exploitation contre 4,7 pour le maraîchage, par exemple. Source : Agreste, recensement agricole 2010.

42 En 2017, aucun stagiaire inscrit en BPREA n’était agriculteur ou salarié agricole. En 1980, 18 des 19 stagiaires du brevet professionnel agricole, ancêtre du BPREA, étaient agriculteurs ou salariés agricoles.

43 Carnet de terrain du 23 octobre 2017.

44 Discussion avec Robin, responsable de filière, carnet de terrain du 26 septembre 2018.

45 « Analyse comparée des résultats économiques des CFA CFPPA en lien avec l’application du protocole de gestion des agents contractuels », Rapport de l’inspection générale de l’enseignement agricole, juin 2012, p. 4, disponible sur https://chlorofil.fr/systeme-educatif-agricole/structuration/iea/rapports-thema.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Jean-Baptiste Paranthoën, « La formation continue publique en agriculture : mission impossible pour les Centres de formation pour la promotion agricole ? »Sociologie du travail [En ligne], Vol. 63 - n° 4 | Octobre-Décembre 2021, mis en ligne le 01 décembre 2021, consulté le 06 novembre 2025. URL : http://journals.openedition.org/sdt/40038 ; DOI : https://doi.org/10.4000/sdt.40038

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Auteur

Jean-Baptiste Paranthoën

HABITER EA 2076, Université Reims Champagne-Ardenne
CESAER UMR 1041, INRAE
57, rue Pierre Taittinger, B.P. 30, 51571 Reims Cedex, France
jb.parant[at]yahoo.fr

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