1En pleine pandémie de Covid-19, alors que les pouvoirs publics optaient pour le confinement de la population en France et ailleurs dans le monde, certaines activités professionnelles se sont vu reconnaître une utilité sociale qui, dans d’autres contextes, historiques ou géographiques, leur était parfois contestée. Le personnel médical hospitalier public, situé en « première ligne » dans la gestion quotidienne des conséquences sanitaires du virus, a incarné la perception commune que certaines activités sont « indispensables » ou « essentielles », quand d’autres peuvent, sans trop de préjudice pour l’ensemble de la société, être interrompues pendant une période plus ou moins longue. Les employé·es des supermarchés, et plus largement celles et ceux qui participent à l’ensemble des chaînes logistiques, ont également été perçus comme participant au maintien des capacités d’approvisionnement en biens jugés essentiels.
2La situation inédite à laquelle nous avons été confronté·es a donc donné une actualité nouvelle à la question de la valeur que nous accordons collectivement à certaines activités, dont nous considérons qu’elles contribuent au bien-être de notre société. Comment ce bien-être peut-il être pris en compte dans la formulation d’une définition de l’utilité sociale qui s’appliquerait simultanément à des biens et des services produits ainsi qu’au travail nécessaire pour les faire exister ? Les décisions prises par les pouvoirs publics pendant la gestion de la crise sanitaire ont révélé toutes les ambiguïtés d’une ligne de partage qui n’a pas manqué d’être remise en cause : inventorier et hiérarchiser les besoins d’une population, distinguer le nécessaire du superflu et ce faisant attribuer une utilité sociale à certaines activités plutôt qu’à d’autres, n’est rien moins qu’évident et fait intervenir des processus d’évaluation, et souvent des formes de normativité, qui prêtent à discussion. Comment prendre en compte, pour penser l’utilité sociale du travail, cette dimension sociale et relationnelle de la fixation de la valeur ? Dans quelles temporalités la reconnaissance de l’utilité sociale associée à la production de biens ou de services s’inscrit-elle ? Est-elle principalement pensée à court ou à long terme et par qui ? Est-elle le produit d’une négociation entre des groupes aux intérêts divergents, et comment se transforme-t-elle dans le temps ?
3Ces interrogations nous invitent, au-delà de la crise sanitaire, à réinvestir la notion de reconnaissance et les débats qu’elle suscite en lien avec le travail. Le travail effectué, sa reconnaissance symbolique — des formes les plus instituées au regard plus ordinairement porté sur celles et ceux qui s’en chargent —, sa reconnaissance monétaire, tout cela renvoie en effet à la stabilisation, toujours susceptible d’être re-débattue, de la valeur du travail. Comme le rappelle Jacques Freyssinet, « le travail peut être considéré comme une valeur fondatrice de l’être humain en tant que mode privilégié de développement personnel et de socialisation. Il peut aussi être reconnu comme source première de la production de valeurs d’usage, qu’il s’agisse de biens matériels ou de services utiles. Il peut enfin être inséré dans la sphère marchande et s’y voir reconnaître une valeur d’échange » (Freyssinet, 2022, p. 6). Mais s’intéresser à sa valeur, c’est aussi interroger nos conceptions du travail et nos manières de l’aborder ou de le définir, comme nous y invitent, à partir de points de vue et de cadres d’analyse disciplinaires différents, les sept contributions réunies dans le cadre de ce dossier-débat. Nous reviendrons ici sur les choix conceptuels qui s’expriment à travers ces textes et sur les perspectives à partir desquelles leurs auteurs et autrices construisent et mobilisent la notion d’utilité sociale lorsque celle-ci s’applique au travail. Nous ferons ensuite dialoguer leurs approches autour de quatre thématiques transversales : la place du care, la définition et la mesure de la valeur du travail, la distinction entre des activités relevant du marché et des activités relevant du service public, et la question des mobilisations des travailleurs et travailleuses pour la reconnaissance de l’utilité sociale de leurs activités.
4La constitution de ce dossier-débat repose sur un parti-pris : réunir des éclairages disciplinaires variés (sociologie, histoire, économie, droit, philosophie, psychologie) en sollicitant des autrices et des auteurs dont les travaux sont ancrés dans des héritages intellectuels bien différents. Si l’actualité liée au contexte de la pandémie offre l’occasion de revenir sur la question du lien entre travail et utilité sociale, les enjeux que fait naître la notion de reconnaissance, dès lors qu’elle s’applique au monde du travail, s’inscrivent dans une histoire longue, à laquelle les différentes disciplines rassemblées dans ce numéro se confrontent chacune à sa manière.
5Les textes que nous publions montrent bien que les perspectives propres à chaque discipline orientent les choix conceptuels et les manières de formuler les enjeux, qui sont par ailleurs plus ou moins présents ou débattus selon les traditions disciplinaires. Jean-Yves Kerbourc’h ne manque pas, par exemple, de rappeler que « le contrat de travail ne laisse aucune place à la reconnaissance de l’utilité sociale des tâches accomplies par un salarié », car cette utilité ne peut pas être l’objet du rapport d’obligation entre les parties. Les théories économiques classiques et néo-classiques ne sont pas plus sensibles à cette question lorsqu’elles fondent la rémunération du travail sur la productivité individuelle ou sur la qualification, sans prendre en compte l’importance qu’il peut y avoir, par exemple dans le secteur des services à la personne, à produire un service de qualité et non pas à réaliser un maximum d’actes en un minimum de temps (Palier, 2020). C’est donc en présentant un nouveau modèle de développement, qualifié d’anthropogénétique et orienté vers la production de l’humain, que Robert Boyer propose de placer au cœur des dynamiques de rémunération le principe d’utilité sociale des activités exercées. Chaque discipline envisage ainsi, avec ses propres outils et depuis ses propres perspectives, les possibilités d’une réflexion articulant travail et utilité sociale, ce qui peut aussi s’accompagner de débats internes, comme en témoignent les points de vue très différents défendus par les deux sociologues contribuant au dossier : tandis que Dominique Méda interroge les conditions d’une reconnaissance du travail à la hauteur de ce que celui-ci apporte à la société, et donc de son caractère socialement utile, Maud Simonet décale les termes du débat en rappelant que la reconnaissance de l’utilité sociale d’une activité ne s’accompagne pas nécessairement de la reconnaissance de cette activité comme travail. Pour elle, l’utilité sociale peut même être « un opérateur de la méconnaissance du travail comme travail, à travers l’institutionnalisation et la valorisation de processus genrés et racisés d’assignation au travail gratuit ». Marie-Emmanuelle Chessel, quant à elle, choisit d’aborder le travail sous un angle indirect : elle interroge la manière dont, depuis le XIXe siècle, des consommateurs et consommatrices évaluent l’utilité sociale de leurs actes d’achat à l’aune des conditions dans lesquelles sont produits les biens qu’ils et elles consomment.
6Il apparaît ensuite clairement que les ancrages disciplinaires viennent infléchir le contenu des concepts mobilisés dans l’ensemble des textes. S’il est toujours question de reconnaissance et d’utilité sociale, le sens donné à ces termes varie et s’inscrit dans des paradigmes bien différents. Certes, un accord assez large semble se dessiner autour du périmètre des activités susceptibles d’être considérées comme socialement utiles. Ce sont, principalement, des activités liées à la satisfaction des besoins vitaux, élargis à la prise en charge et à la production de l’humain ; nous verrons d’ailleurs plus loin que l’enjeu du care est central dans plusieurs des contributions. La santé, le soin aux personnes, l’éducation occupent à ce titre une place de choix dans les réflexions des auteurs et autrices du dossier, qui se rejoignent également pour souligner la forte féminisation de ces secteurs, et le caractère souvent faiblement rémunérateur et peu porteur de prestige social des métiers qui leur sont associés (Amossé et al., 2021). Toutefois, leurs manières différentes de définir l’utilité sociale de ces activités révèlent aussi la diversité de leurs perspectives. Il s’agit, plus largement, comme pour Dominique Méda ou Robert Boyer, de faire porter l’analyse sur des activités qui contribuent à « créer de la valeur pour la société » et à augmenter le bien-être commun. Pascale Molinier insiste, pour sa part, sur l’importance d’un travail « de soutien à la vie », qui s’accompagne d’une réflexion sur la vulnérabilité, tandis que Katia Genel propose de revenir à la conception du travail comme labour au sens de Hannah Arendt, qui fait référence aux enjeux de reproduction matérielle de la vie, rejoignant ainsi Maud Simonet lorsque cette dernière questionne la prédominance d’une conception « restreinte et largement androcentrée du travail », excluant les activités « nécessaires à la production et à la reproduction de la vie ».
7Si utilité sociale il y a, elle n’est donc pas tout à fait appréhendée dans les mêmes termes au fil des textes. La perspective comparative introduite par Maud Simonet autour des cas français et américain montre par ailleurs que chaque pays dispose d’une manière bien spécifique d’envisager cette utilité sociale. Pour sa part, l’historienne Marie-Emmanuelle Chessel nous rappelle que le lien entre utilité sociale et travail n’engage pas seulement une réflexion autour des outputs du travail et du bien-être que la société peut, éventuellement, en retirer. Dans son texte, ce sont d’abord « les conditions sociales dans lesquelles les biens sont produits et les services rendus » qui sont prises en compte, les consommateurs et consommatrices essayant de peser sur le monde du travail à travers leurs choix de consommation — en luttant d’abord contre l’esclavage puis en contribuant à la genèse des droits sociaux pour les travailleurs et les travailleuses. Quant au juriste Jean-Yves Kerbourc’h, il repère l’utilité sociale dans le droit à chaque fois que celui-ci prévoit un statut juridique qui encadre des activités en imposant des obligations aux salarié·es et aux employeurs et employeuses, dès lors que « les tâches accomplies […] représentent un intérêt général qui transcende l’objet du contrat de travail. » Soit, alors, le droit encadre les activités elles-mêmes (pour les agent·es prenant en charge des missions de service public ou les élu·es assumant des missions de représentation du personnel ainsi que pour les professions soumises à des règles déontologiques), soit il encadre les entreprises (secteur de l’économie sociale et solidaire et cas des sociétés à mission). Le travail dont il est ici question s’inscrit donc dans une perspective beaucoup plus large que la seule production de biens et de services jugés socialement utiles.
8Le concept de reconnaissance est sans doute encore plus polysémique, et d’un certain point de vue plus ambigu, que celui d’utilité sociale. Le malaise que Jean-Yves Kerbourc’h exprime, au nom de sa discipline, vis-à-vis de la notion est intéressant par les distinctions que le droit introduit de fait. Le juriste, en effet, nous fait comprendre que l’on pourra éventuellement attendre du droit qu’il statue dans les cas où l’utilité sociale est supposée en jeu mais sans aller jusqu’à nous aider à reconnaître l’utilité sociale du travail. Le droit ne confère pas son autorité à une telle reconnaissance, il ne déclare pas le travail de certains ou de certaines comme devant être reconnu pour son utilité sociale. La contribution de Jean-Yves Kerbourc’h reflète ainsi, en écho aux positions défendues par Maud Simonet, la fausse évidence de la notion. Du point de vue du droit, avertit-il, « la reconnaissance de l’utilité sociale d’une activité n’implique pas nécessairement la reconnaissance du travail et encore moins la reconnaissance du salarié au travail, qui sont des questions d’une nature différente ». Cela sonne comme une invitation à ne pas rendre trop rapidement synonymes l’activité prise en charge (du soin, de l’éducation, de la mise à disposition de marchandises dans les commerces…) et le travail grâce auquel cette activité s’accomplit. Dans sa perspective, qui est celle de la psycho-dynamique du travail, Pascale Molinier se montre pour sa part particulièrement attentive à distinguer « différents niveaux, plus ou moins imbriqués, de reconnaissance ». Elle souligne ainsi que la reconnaissance ne se limite pas à la gratitude, individuelle ou collective, des usagers d’un service, ni au jugement de beauté émis par les pairs ou au jugement d’utilité rendu par la hiérarchie, pour reprendre les concepts proposés par Christophe Dejours (1993). Elle se joue aussi à d’autres niveaux : celui d’une reconnaissance sociale et/ou médiatique qui fait intervenir le degré variable de « visibilité » des activités professionnelles, mais aussi celui de la « reconnaissance éthique de la vulnérabilité et des attachements » et enfin celui de la « reconnaissance politique » appelée, selon elle, à « s’estimer dans un débat citoyen ». C’est ce qui la conduit à défendre une approche où l’on ne s’en tient pas aux enjeux de visibilité ou d’invisibilité de certaines activités et où l’on s’appuie sur le paradigme de la « voix » pour poser la question de notre (in)capacité collective à écouter « ce que les gens ont à dire et qui compte pour eux et elles ». L’enjeu est ici d’entendre la souffrance morale des personnes quand les conditions dans lesquelles elles sont placées les mettent en situation de mal faire leur travail. Dominique Méda choisit quant à elle d’interroger les fondements de la reconnaissance, en envisageant d’autres manières de concevoir la richesse de la société, une « reconsidération appropriée pour repenser la hiérarchie des rémunérations et de la reconnaissance ». Enfin, Katia Genel développe une autre ligne d’argumentation en discutant la notion de « performance », mobilisée par Axel Honneth dans sa théorie de la reconnaissance (Honneth, 2000, 2004), ce qui le conduit « à laisser de côté d’autres manières plus égalitaires d’approcher la contribution sociale ».
9Ces débats autour des concepts d’utilité sociale et de reconnaissance interrogent d’une part les frontières du travail, comme l’indiquent bien les contributions de Maud Simonet et de Marie-Emmanuelle Chessel qui choisissent l’une et l’autre d’explorer de façon un peu décalée les enjeux mis au centre de ce dossier ; ils nous invitent d’autre part à mettre au centre de nos réflexions la question du politique et des choix que formulent nos sociétés. Comment sont définies les contributions les plus « utiles » à la société ? La reconnaissance de leur valeur d’usage peut-elle être associée à une réévaluation de la valeur marchande du travail ? Vient-elle modifier le rapport au travail et le sens que les personnes concernées lui accordent ? Est-il possible d’en déduire un réaménagement plus égalitaire du travail entre les hommes et les femmes, et plus généralement une autre manière d’appréhender et de définir une société juste, comme le suggère par exemple Alain Caillé (2007) ?
10Définir ce qui relève ou non de l’essentiel, comme cela a été le cas au moment de la crise sanitaire, fait intervenir, rappelle Jean-Yves Kerbourc’h, des principes normatifs. L’exemple des confinements liés à la crise sanitaire, et du périmètre variable de activités et des secteurs auxquels a été reconnu ce caractère « essentiel », témoigne de la variabilité des formes de catégorisation à l’œuvre et représente une entrée empirique possible pour questionner l’utilité sociale du travail, mobilisée par Dominique Méda, qui s’intéresse aux définitions pour le moins fluctuantes du périmètre de « l’essentiel » au fil du temps et selon les contextes nationaux. Dans certains pays, par exemple en Allemagne, l’identification de ces activités jugées socialement utiles a fait l’objet de listes établies officiellement et révisées au fil des semaines, qui ont permis d’établir des listes de métiers qualifiés de « systemrelevant », élargies au fur et à mesure que les pouvoirs publics réévaluaient le périmètre des métiers jugés indispensables. Mais il est aussi intéressant de prendre un peu de recul vis-à-vis de ce contexte pandémique. Sur le plus long terme, Robert Boyer met bien en évidence le rôle des choix politiques dans la dynamique de déclassement qui caractérise les activités orientées vers l’humain, en France comme dans d’autres pays européens. Le phénomène n’est donc pas nouveau et gagne à être resitué dans des perspectives plus longues si nous voulons réussir à « reconsidérer la façon dont nous évaluons la valeur et la productivité du travail, pas seulement à l’aune de la productivité individuelle […] mais aussi à l’aune de ses qualités propres et de son utilité collective » (Palier, 2020, p. 17). Les auteurs et autrices du dossier nous proposent ici, au-delà des enjeux suscités par la pandémie, de réfléchir collectivement à notre manière d’appréhender le travail et l’avenir de nos sociétés, en appelant à une « démocratie du care » (Pascale Molinier), en nous invitant à repenser « la place du labeur dans une société libre » (Katia Genel) ou en soulignant l’urgence qu’il y a désormais à envisager autrement la création de valeur (Dominique Méda).
11Par-delà leur diversité et les décalages dans leur manière de poser les termes du débat, les articles rassemblés dans ce dossier se rejoignent sur quelques enjeux particulièrement saillants. Nous développons ici quatre axes thématiques autour desquels il nous semble particulièrement intéressant de faire entrer en discussion leurs différentes contributions.
12Dans le registre de ce qui unit les contributions, le principe du care fait converger plusieurs textes ici réunis et pourrait presque prétendre à l’unanimité. Il n’est certes pas systématiquement invoqué. Dans la perspective juridique qui est la sienne, par exemple, Jean-Yves Kerbourc’h aurait peut-être éprouvé de la difficulté à l’intégrer dans son analyse, témoignant du souci de rester au plus près de la façon dont le droit instruit la question de l’utilité sociale. Avec les préoccupations d’une historienne et le thème qu’elle a privilégié, Marie-Emmanuelle Chessel n’est pas non plus conduite à s’y référer explicitement, même si nous ne sommes parfois pas si loin de ce que recouvre le care. Utilisant ou non ce terme, les autres textes se trouvent bien, en revanche, à faire jouer un rôle majeur à l’idée qu’il existe des activités qui contribuent au bien-être, à la santé, à la vie, mais aussi à la cohésion de la société ou qui permettent à celle-ci de se maintenir et aux individus et aux collectifs de s’y développer ; et à souligner que ces activités ne sont pas suffisamment identifiées ainsi, en grande partie parce qu’elles sont majoritairement et même massivement exercées par des femmes et que les compétences nécessaires pour les réaliser sont très souvent naturalisées et de ce fait dévalorisées.
13Les analyses de Maud Simonet empruntent des chemins qui, relativement aux termes habituels du débat, peuvent surprendre : entrer par le travail bénévole et tout ce que celui-ci indique comme travail et comme contribution utiles à la société mais non aisément reconnus ainsi ; ou s’interroger sur l’utilité sociale à partir de la mise au travail des personnes migrantes, travail gratuit justifié par la préoccupation que ces personnes se rendent utiles. D’emblée, Maud Simonet nous demande de ne pas ériger l’utilité sociale en évidence. Il s’agit plutôt d’une construction, tout d’abord inscrite dans des formations sociales nationales : là où il semble naturel aux Français·es de justifier l’engagement associatif en termes de recherche d’une utilité sociale, les Américain·es énoncent cela en nécessité de « rendre à la communauté ». Cette construction se situe également à la croisée de conventions propres à l’économie sociale et solidaire et d’une injonction sociale : l’obligation de se rendre utile, notamment lorsqu’on est indemnisé ou pris en charge. Il en ressort que « tout ce qui contribue à la société est loin d’être défini comme travail et tous les contributeurs et contributrices ne sont pas également perçu·es comme des producteurs et des productrices ».
14Katia Genel, pour sa part, interroge la faculté qu’offre une pensée comme celle d’Axel Honneth, qui, relativement à celle de Jürgen Habermas, a replacé le travail au cœur de la réflexion, de se saisir de questions qui ont pu animer le débat public lors de la pandémie de Covid-19. Au sein de celles-ci, elle fait elle-même référence au principe du care mais au titre de ces activités qui s’avèrent, selon ses termes, essentielles. De façon générale, pour Axel Honneth, il ne peut y avoir, pour l’individu, d’estime de soi sans l’estime sociale reçue à l’occasion du travail. Le travail participe entièrement de ce qui procure à l’individu le sentiment de sa propre valeur. Mais quel travail ? Qu’en est-il de celles et ceux pour qui ce travail est — empruntant, cette fois, à Hannah Arendt — de l’ordre d’un « labeur », qui « sert à maintenir le monde et à en “prendre soin” » ? Katia Genel suggère qu’une compréhension du travail et de la reconnaissance adaptée à ces activités très précises paraît se frayer très difficilement un chemin dans la pensée d’Axel Honneth, bloquée, malgré ses évolutions, par l’idée de trois sphères — économique ou matérielle, de l’amour et du droit — et le rôle décisif, dans la première, de la « performance » pour déterminer le niveau de rémunération. Le débat a été intense autour de l’interprétation de la performance, sans qu’Axel Honneth ne parvienne à fournir les éléments qui nous aideraient à mieux instruire l’enjeu de reconnaissance de l’utilité sociale et du caractère essentiel d’activités relevant d’un labeur mais indispensables au maintien de la vie.
15À certains égards, on pourrait dire qu’Axel Honneth s’est rendu trop dépendant des conceptions les plus répandues de la valeur et de la performance chez les économistes. Mais pas plus que d’autres cette discipline n’est uniforme, et Robert Boyer fait partie de ses représentants qui interrogent précisément l’historicité de ce qui est reconnu comme une performance et une contribution à celle-ci. Et c’est dans ce cadre qu’il accorde lui-même un rôle aux activités ayant pour enjeu la vie, sa reproduction, son évolution. Il en fait une composante centrale du mode de développement qu’il nomme anthropogénétique et qu’il décrit aux prises avec ses contradictions actuelles, tentant de s’imposer sans parvenir à trouver un parfait espace de déploiement. Ce mode de développement proposerait une étape institutionnelle et économique ou une forme du développement du capitalisme dans laquelle ce serait autour de la production et de la reproduction de l’humain que se fonderaient les dynamiques économiques, à travers la place emblématique et l’effet macro-économique d’entraînement qu’exerceraient la santé, la culture, l’éducation.
16Ici s’esquisse un point d’accord qui transcende les débats disciplinaires puisque Dominique Méda et Pascale Molinier apportent, par leur propre analyse des enjeux à partir de la sociologie et de la psychologie du travail, des points de vue qui abondent dans le même sens. Ne pas se limiter au soin des personnes, suggère la première, mais bien englober tout ce qui consiste à prendre soin de notre monde et de ce qui nous permet de vivre. Il s’agit de qualifier autrement des emplois et un travail qui ont à voir avec ces enjeux, mais notre difficulté est grande à leur conférer un qualificatif positif, ce qui atteste de notre incapacité encore plus lourde à définir objectivement les critères de leur contribution indispensable au fonctionnement de la société et à trouver un accord à leur sujet. Chez Pascale Molinier, c’est la vulnérabilité de la vie qui constituera sans doute la pierre de touche du care et de ce qui se joue dans ces activités : celles-ci voient les personnes concernées toucher en permanence à cette vulnérabilité qui habite chaque être humain. Ce rapport au vulnérable est une expérience aussi fondamentale que difficile à exprimer, et l’écho à lui donner se heurte rapidement à la pulsion très puissante à le réprimer.
17Dans chacune des contributions, le sujet ne tarde pas à se déplacer sur le terrain de la valeur, de son appréciation, de sa perception, de sa mesure, aussi bien technique que dans l’ordre de la justice. Il y a peu à solliciter les textes pour qu’ils dégagent les fondements d’un débat sur la valeur et la mesure.
18Dans les analyses exposées par Robert Boyer, le mode de développement anthropogénétique joue indubitablement son essor définitif dans la faculté des acteurs d’apprécier une valeur que ne parviennent pas à discerner les conventions d’estimation adaptées au régime de croissance et au type de développement dont nous serions en train de sortir avec difficulté. Ces analyses font écho à celles formulées de longue date, dans des veines théoriques très proches, au sein de l’économie des services (Gadrey, 1996) ou dans l’économie de la fonctionnalité (Gaglio et al., 2011). Attentives, toutes deux, aux dimensions immatérielles de la valeur, elles expliquent ainsi, par exemple, les difficultés du secteur des entreprises de propreté à se sortir d’un modèle économique privilégiant la réduction des coûts et un modèle d’activité de travail socialement dévalorisé (Le Dilosquer, 2021). La résistance des référentiels de pensée inspirés de l’industrie et des instruments de calcul correspondants s’avère assez centrale dans les forces qui empêchent d’envisager les prestations des entreprises de propreté et l’apport du travail de leurs personnels comme contribuant à la qualité des espaces ressentie par ceux et celles qui les fréquentent plutôt que comme une addition de tâches standards (vider les poubelles, dépoussiérer les bureaux…).
19Mais c’est dans les propos de Dominique Méda que les défis de la mesure sont placés parmi les enjeux majeurs de reconnaissance. Pour la sociologue, « rendre visible la possible contribution de chacun·e à l’utilité sociale, la création de valeur pour la société » (italiques dans le texte) pose le problème de l’absence, à ce jour, d’un instrument de calcul permettant de faire apparaître « ce qui accroît [le] bien commun, [la] richesse, [le] bien-être ». Le produit intérieur brut est un indicateur économique qui joue bien mal ce rôle puisqu’il fait comme si, ou laisse penser que toute production ou transaction enregistrée par la statistique publique serait utile à la richesse nationale. C’est à la fois d’une représentation renouvelée de la richesse de la société et d’indicateurs bien moins frustes que nous aurions besoin, afin de rendre apparent ce que des activités aujourd’hui considérées comme n’augmentant pas l’utilité sociale créent, en réalité, comme valeur et apportent à la richesse sociale. Selon Dominique Méda, la reconnaissance appelle donc l’ouverture d’un chantier concernant les outils de mesure, ceux permettant d’« imputer » et d’« estimer » la valeur ajoutée du care, par exemple sous la forme d’un « indice de santé sociale ». Ces indicateurs exigeraient des procédures originales de production, non pas dans les seules mains des expert·es mais passant par de la « délibération commune », gage « d’un choix collectif ».
20Le contraste semble fort avec la position que défend Pascale Molinier. Son propos ne se situe certes pas sur le même plan. Mais il souligne l’importance de donner un écho à ce qui se loge, au sein de l’activité de travail, dans l’étroite imbrication entre ce qui est senti et ce qui est pensé autour de la vulnérabilité des personnes. Pascale Molinier nous invite à envisager, parmi les formes de reconnaissance, la reconnaissance politique dans son lien avec ce que les travailleurs et travailleuses du care éprouvent et aimeraient pouvoir faire entendre et discuter. Il est bien question, ce faisant, de reconnaissance dans la rémunération, mais surtout, explique-t-elle, d’un « problème d’estime » de ce travail. Cette estime ne passe pas par l’illusion de « le mesurer tout entier pour le narrer en partie ». Pascale Molinier rejoint sans doute Dominique Méda lorsqu’elle affirme qu’« il s’agit de savoir quelle valeur on décide politiquement de lui accorder » (italiques dans le texte), mais c’est pour ouvrir immédiatement une autre perspective : « la valeur politique ne se mesure pas avec les outils métriques ou calculatoires de la gestion ; précisément, elle s’estime dans un débat citoyen où la parole est à tous et toutes » (italiques dans le texte). De ce point de vue, il ne s’agit pas de faire porter l’effort sur des métriques alternatives mais sur le développement d’un « espace dialogique » où nous nous engageons avec les travailleurs et travailleuses du care dans une écoute capable d’admettre qu’ils et elles ne sauront tout dire mais chercheront à faire entendre ce qui compte à leurs yeux. Dans ce sens, nos sociétés peinent à les reconnaître, non faute de s’attacher à les entendre, mais parce qu’il leur manque des formes régulières d’entrée en dialogue autour des réalités vécues, de ce que chacun et chacune y engage et y éprouve. Lorsque ces infrastructures de dialogue font défaut, en pâtissent au premier chef celles et ceux dont le travail consiste précisément à faire avec une vie qui n’est pas simplement à développer et à célébrer mais qui se fait valoir dans ses fragilités, expérience particulièrement peu communicable si l’on ne sent pas chez autrui une disposition au dialogue.
21Les articles de ce dossier éclairent en creux un autre débat lié au précédent sur la valeur. Ils permettent en effet de réinterroger l’opposition entre les activités relevant du marché et celles relevant du service public. Pour les emplois du secteur privé, la valeur des prestations autant que celle du travail est déterminée par une articulation entre le marché et des négociations conventionnelles (Margairaz et Pigenet, 2019). Pour les emplois publics, la valeur du travail est déterminée par les grilles statutaires de la fonction publique (Kirat, 2021). La sociologie nous apprend par ailleurs que les services publics n’existent qu’au gré des usages qu’en font des agent·es issu·es d’histoires sociales variables et que ces métiers posent une question de visibilité spécifique : fonctionnant comme une évidence pour satisfaire les besoins des populations en évitant que cela leur coûte trop, on ne les remarque que lorsqu’ils font défaut (Gervais et al., 2021).
22Dans la plupart des articles de ce dossier, la distinction entre les activités de service public (que l’État choisit de ne pas faire dépendre du marché) et les activités marchandes reste analytiquement structurante. En revanche, elle n’est pas mobilisée empiriquement pour différencier la reconnaissance salariale des secteurs public et privé. C’est d’abord le cas dans la théorie honnéthienne de la reconnaissance mise en perspective par Katia Genel : faute de s’engager dans une réflexion sur les valeurs, Axel Honneth ne spécifie aucune autre échelle de mesure de l’utilité sociale des prestations de travail que celle proposée par la théorie des marchés. L’autrice nous rappelle qu’il évoque dans un article récent l’ensemble des métiers ayant dû continuer à fonctionner durant la pandémie pour subvenir aux besoins élémentaires de la population, que ces métiers relèvent du public ou du privé, sans en faire la distinction.
23Partant de l’observation que le travail le plus essentiel est aussi le moins rémunéré, Robert Boyer revient sur les principes de l’économie néo-classique pour les contester et élargir la perspective de l’intervention publique afin de faire prévaloir l’intérêt général. Les activités qui doivent faire l’objet d’une prise en charge par l’État sont liées à la « production de l’humain », et pensées initialement à partir des services publics de l’éducation, de la santé et de la culture. Mais ces trois activités ne se résument pas à l’alternative entre l’État et le marché, puisque la société civile y intervient à plus d’un titre. À travers un modèle de développement intégrant plus généralement toutes les activités nécessaires au bien être d’une population, Robert Boyer propose une manière de faire reconnaître le principe d’utilité sociale en matière de rémunération centrée sur le bien public, dans laquelle la grille statutaire des travailleurs du public constitue toutefois un angle mort de l’analyse.
24Dominique Méda s’interroge sur les hiérarchies salariales des « travailleurs essentiels » en les pensant comme « un large groupe assurant des fonctions vitales pour la continuité de la vie sociale mais présentant systématiquement des conditions de travail et d’emploi moins favorables que la moyenne ». Son texte permet de réfléchir aux conditions de possibilité d’un renversement de l’actuelle hiérarchie des salaires du public ou du privé afin de la rendre plus juste. Dans cette perspective, les hiérarchies salariales sont envisagées comme le seul résultat d’un rapport de force, et non comme provenant aussi de la fixation unilatérale par l’État de la valeur d’un point d’indice dans la fonction publique.
25Avec une entrée englobant les activités de travail dont les missions sont soumises ou non à l’intérêt général (missions de service public, missions de représentation du personnel, entreprises relevant du champ de l’économie sociale et solidaire, sociétés à mission sociale), Jean-Yves Kerbourc’h restitue des évolutions fluctuantes dans le temps de la reconnaissance de l’utilité sociale ou de l’intérêt général de services publics ou d’activités. Dès lors qu’il s’agit d’accompagner ces activités d’une reconnaissance en termes de conditions de travail et de rémunération, les salarié·es de droit privé connaissent les mêmes difficultés que les agent·es du secteur public. L’utilité sociale du travail conduit aussi le législateur à conférer un statut particulier à l’entreprise elle-même, comme dans le cas des entreprises relevant du champ de l’économie sociale et solidaire. Au lieu de deux champs séparés — le droit public d’un côté, le droit privé de l’autre —, on voit ainsi se développer un droit hybride dans son usage, concernant aussi bien les entreprises que les administrations (Touzel-Divina et Sweeney, 2012), ouvrant vers l’analyse du droit comme pratique sociale (Gaboriau, 2021).
26Toutefois, la détermination sociale de la valeur d’échange du travail public et de sa reconnaissance n’est pas abordée sous l’angle du classement des emplois. Les travaux sur les classifications (Piotet, 2009 ; Saglio, 2012) montrent pourtant l’existence de deux systèmes distincts dans les secteurs public et privé. Selon une logique différente de celle des classifications dans le privé, dans la fonction publique le statut général des fonctionnaires classe des emplois au sein de corps. Le grade occupé ne dit rien de ses tâches ni de la qualification que nécessite son emploi. Être au contact du public peut se trouver valorisé ou non dans l’activité de travail, dans la hiérarchie des emplois et dans l’image qu’un groupe professionnel donne de lui-même. Mais penser une pyramide inversée de rémunération au sein du statut général des fonctionnaires d’État, territoriaux ou hospitaliers, en mettant en haut de la pyramide salariale ceux et celles qui rendent effectivement le service, n’a semble-t-il guère fait l’objet de réflexion du moins dans la discipline historique. L’introduction d’une logique de métiers dans les fonctions publiques permettrait-elle de reconnaître à une juste valeur le travail effectué par les agent·es ? Les négociations salariales dans la fonction publique sont en effet soumises à des tensions croissantes, dont témoignent les décrochages des salaires du public par rapport à ceux du secteur privé (Baudelot et al., 2014). La logique compensatrice du « vocationnel » liée à la forte utilité sociale des métiers du public joue de moins en moins, et « la valeur intrinsèque » élevée des métiers du public ne compense plus une rémunération (« valeur d’échange » sur le marché du travail) devenue trop faible.
27Les articles du dossier plaident ainsi pour une analyse empirique conjointe des deux sphères publique et privée, envisagées comme un continuum de situations : elles ne sont pas étanches dès lors qu’on s’intéresse aux activités essentielles liées aux besoins fondamentaux d’une population. Mais l’ensemble des textes posent aussi directement la question des choix politiques contribuant ou non à reconnaître l’utilité sociale des personnels des services publics. Cette reconnaissance se fait-elle par le biais du marché, en ayant un coût pour les intéressé·es et en générant des inégalités ? Intervient-elle par le renforcement en quantité et en qualité des services publics ? Ou encore par la contribution des usagers et usagères, comme en témoigne l’exemple frappant du bénévolat étudié dans la ville de New York (Krinsky et Simonet, 2017 ; Cottin-Marx, 2022) ? Moyens pour les pouvoirs publics de faire des économies, les initiatives de bénévolat organisées par la puissance publique s’inscrivent soit dans un cadre exceptionnel comme celui de la crise sanitaire, soit dans un cadre plus récurrent par le biais des associations auxquelles l’État délègue une partie de ses missions de service public. Le fait que les bénévoles acceptent une rémunération symbolique pèse sans nul doute sur la rémunération et la reconnaissance professionnelle des personnels publics.
28Trois articles élargissent la perspective sur les mobilisations pour faire reconnaître l’utilité sociale du travail réalisé dans les secteurs public ou privé. Bien qu’important, le thème n’occupe pas une place systématique dans les contributions du dossier. S’intéressant aux mobilisations de consommateurs et consommatrices, Marie-Emmanuelle Chessel montre que leurs actions ont participé à la modification du droit du travail, en soulevant l’enjeu des conditions sanitaires et sociales de production des biens et des services. Une association de consommateurs et consommatrices notamment, la Ligue sociale d’acheteurs, participe à la genèse de législations sociales, tout en étant éloignée géographiquement ou socialement de celles et ceux qui sont défendu·es. Cette perspective a d’ailleurs son équivalent du côté du secteur public où les usagers et usagères interviennent, en tant qu’ils et elles influencent les conditions de travail des agent·es (Siblot, 2006) et alimentent leurs dilemmes moraux (Weller, 2018). Dans la dépendance éventuelle d’un service gratuit qui leur serait inaccessible s’il était payant, ces usagères et usagers se mobilisent aussi, comme en témoignent les exemples des révoltes fiscales et, récemment, du mouvement des Gilets jaunes.
29L’article de Maud Simonet porte sur le secteur associatif, dont le rôle croissant est directement lié en France à la désétatisation de la notion d’intérêt général. La participation des bénévoles en France est institutionnalisée dans les services publics au titre de leur « utilité sociale », dont l’équivalent américain est « give back to community ». Ces femmes et hommes volonteers, qui, par exemple, participent à l’entretien des parcs de New York, mettent en cause la centralité du travailleur ou de la travailleuse syndiquée et protégée des services publics.
30En dehors de mobilisations ou grèves explicites, la voix des salarié·es pour la reconnaissance de leur métier et de leur utilité sociale peut-elle se faire entendre ? Pascale Molinier répond à cette question à partir du cas des personnels du soin. La reconnaissance de l’utilité ne peut venir de la gratitude des patient·es, par définition fluctuante. Pour Pascale Molinier, la reconnaissance vient avant tout de la voix portée par les soignant·es, qui effectuent un travail en grande partie invisible. Cette reconnaissance implique donc un « espace dialogique » conflictuel dont les contours restent à définir dans chaque collectif de travail, si on se réfère aux travaux d’Yves Clot (2021), en particulier dans le cas des fonctions publiques (Lochard, 2012). La place particulière occupée par le réaménagement du travail des femmes lors de la pandémie (Lambert et Cayouette-Remblière, 2021) et par les mobilisations féministes lors des journées internationales des droits des femmes constitue par exemple une perspective non abordée dans ce dossier, qui serait donc à poursuivre.
31La fonction de ce dernier n’est d’ailleurs pas de faire l’état des savoirs sur la reconnaissance de l’utilité sociale des activités, mais bien d’ouvrir le débat en l’organisant autour de quelques points de repère, issus de la mise en œuvre d’une variété de raisonnements disciplinaires. Les autrices et les auteurs ont ouvert des pistes, amorcé à distance un débat grâce à leurs contributions, formulé des questions. La mission des textes rassemblés ici est bien de nourrir la réflexion et d’inciter à la réalisation de nouveaux travaux permettant d’approfondir la compréhension de réalités et d’enjeux dont on mesure à la fois l’actualité et la complexité.