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AccueilNumérosVol. 54 - n° 3Comptes rendusL’invention du PACS. Pratiques et...

Comptes rendus

L’invention du PACS. Pratiques et symboliques d’une nouvelle forme d’union, W. Rault

Presses de la Sciences Po, Paris (2009). 245 p.
Clotilde Lemarchant
p. 419-420
Référence(s) :

Wilfried Rault, L’invention du PACS. Pratiques et symboliques d’une nouvelle forme d’union, Presses de la Sciences Po, Paris, 2009, 245 p.

Texte intégral

1Ce livre dense concentre les principaux résultats d’une récente thèse de doctorat de sociologie de la famille au sujet du PACS, le pacte civil de solidarité, adopté en France le 13 octobre 1999. Wilfried Rault y retrace les années de débats qui ont conduit à cette forme juridique nouvelle, qui s’adresse à la fois aux couples homosexuels à qui toute légalisation d’une union était interdite et aux couples hétérosexuels non institués à qui il est proposé une forme intermédiaire entre mariage et concubinage. La problématique se nourrit d’histoire contemporaine et d’analyses juridiques afin d’exposer l’esprit de la loi mais puise avant tout dans la sociologie compréhensive, la filiation avec Max Weber étant revendiquée. Il s’agit d’établir un état des lieux des pratiques et représentations du PACS par les individus l’ayant contracté en articulant les dimensions objectives et subjectives.

2La réflexion est resituée dans l’espace européen et l’on prend conscience de la dynamique que représente la Communauté européenne en ce sens, notamment sous l’impulsion des pays scandinaves et du Nord, précurseurs en matière de légalisation des couples de même sexe. L’on comprend aussi en quoi la France, à vouloir concilier les deux « publics », fait à la fois « plus » et « moins » que ses voisins et offre en définitive une forme juridique que ses détracteurs, partisans déçus, ont parfois qualifiée de « sous-mariage ».

3Sont également précisés le déroulement et le cadre historique : notamment la dépénalisation de l’homosexualité et le contexte de « désinstitutionalisation » du couple et de la famille, de « démariage », pour parler comme Irène Théry, c’est-à-dire de prise de distance contemporaine des individus et des couples à l’égard de la sphère publique et du droit pour organiser leur vie privée. C’est dans ce cadre sociologique, fait d’une « individualisation des attitudes devant la conjugalité et son institutionnalisation » (p. 25), que l’auteur nous présente l’esprit de la loi, ses ambiguïtés issues des concessions faites par les partisans aux opposants, et ses évolutions depuis 1999 car des amendements y ont été apportés, le plus souvent dans le sens d’un rapprochement avec le mariage. Entre modèle à mi-chemin entre concubinage et mariage, troisième voie vraiment distincte, et stratégie pour avancer discrètement dans le sens d’une légitimation des couples homosexuels, son positionnement n’a pas toujours été explicite.

4L’auteur nous livre un état des lieux sociodémographique du PACS où l’on apprend que 450 000 pactes ont été signés entre fin 1999 et juin 2008, avec un rythme croissant qui semble ne pas trop concurrencer les mariages, lesquels connaissent un léger affaiblissement mais sont encore 2,5 fois plus nombreux. Les couples ayant recours à ce pacte civil, au départ plus diplômés et plus aisés financièrement, tendent à ressembler de plus en plus aux couples préférant le mariage. Au départ, le PACS a connu un phénomène de rattrapage : les couples hétérosexuels ont été très nombreux parmi les couples pacsés (41 % les premiers mois). Depuis, la proportion de couples hétérosexuels ne cesse d’augmenter et les couples homosexuels, d’un nombre stable, représentent désormais moins de 10 % (7 % en 2006).

5Sans véritablement formaliser une typologie, l’auteur présente deux logiques (ou quatre, en tenant compte des subdivisions) d’appréhension du PACS par ses contractant(e)s en référence à l’union libre : la logique du PACS « asymbolique », c’est-à-dire vu de façon purement utilitaire comme outil juridique, soit contre le mariage, l’union libre étant valorisée, soit en attendant le mariage, différé ou impossible (dans le cas des couples homosexuels) ; la logique du PACS symbolique, où le PACS a une fonction de passage hors de l’union libre, de cap permettant la projection dans l’avenir et de confirmation de l’identité conjugale, soit comme affirmation sentimentale et engagement amoureux, soit comme définition de la place de la conjugalité par rapport à d’autres engagements tels que la sphère professionnelle (notamment chez les jeunes couples). Ce pacte est alors perçu comme une façon de confirmer son identité conjugale, de faire coïncider son statut officiel avec sa vie réelle, une façon de sortir du statut de célibataire, socialement déprécié, qui finit par être mal vécu au fil du temps, surtout par les femmes.

6Si le PACS est défini par rapport à l’union libre auquel il succède, il l’est tout autant par rapport au mariage, auquel il est comparé. L’auteur présente cette fois trois logiques du PACS en fonction du positionnement de ses contractants vis-à-vis du mariage : l’alternative, la prospective, et la logique substitutive. Le PACS comme alternative au mariage concerne les contractants qui, décriant le mariage perçu comme intrusif, contraignant et mal adapté aux réalités contemporaines, considèrent le PACS non comme un sous-mariage mais comme « un choix différent », une nouvelle manière de se positionner en couple, souple, simple, authentique, libre, parfois même (surtout chez les pionniers) associée à une dimension militante, politique, féministe. Ce qui est reproché au mariage est sa rigidité, son aspect contraignant (l’obligation de longue durée, de fidélité, même si ces principes sont souvent pratiqués et revendiqués par les couples pacsés) et la publicité associée à une ritualisation jugée outrancière. La démarche prospective fait du PACS une première étape en vue du mariage. Il y a graduation vers le mariage, perçu comme un horizon souhaitable. Dans le registre prospectif, les critiques formulées à l’encontre du mariage sont reléguées au second plan. Le pacte est comparé aux fiançailles, mais en moins archaïque et avec une dimension juridique. « Mariage à l’essai », il est aussi un compromis au sein d’un couple lorsque l’un souhaite le mariage auquel le partenaire est farouchement opposé. Cette démarche se retrouve chez les couples homosexuels aussi, tendus vers un futur (ou un autre pays) qui leur autorisera le mariage. Enfin, le PACS comme substitut émane de la part d’individus qui, si cette opportunité leur était accessible, auraient opté pour le mariage : des couples homosexuels ayant un point de vue positif sur le mariage, sur la « brillance » de sa mise en scène et la possibilité de se l’approprier.

7Pour les couples homosexuels, le PACS signifie, outre la reconnaissance de l’entité conjugale, d’un « nous-couple », la reconnaissance de l’homosexualité, c’est-à-dire d’une identité minoritaire, stigmatisée. Le recours au droit permet de sortir de la dissimulation et forcer l’acceptation d’une union plus ou moins rejetée par les proches. Il représente aussi un support pour un projet d’homoparentalité, un « élément d’une socialisation à la famille », même si la loi reste « sans effet sur les règles de la filiation et de l’autorité parentale ». L’usage symbolique du droit permet de répondre à toute stigmatisation d’une forme familiale encore réprouvée.

8Enfin l’auteur consacre les trois derniers chapitres aux divers modes d’appropriation par les contractants de la phase d’enregistrement, organisée par le tribunal d’instance. Distance au rôle et entreprises de resymbolisation de l’événement caractérisent l’interaction entre greffiers et contractants.

9Il était judicieux de proposer un bilan sur le PACS au bout de presque huit ans d’usage, d’appréhender les conceptions de la famille et du couple par le biais d’un outil juridique nouveau et déjà bien approprié par de nombreuses personnes. Le pari est bien tenu : ce livre élégant et complet représente une belle façon de montrer le pluralisme des formes de vie commune tout en révélant combien les logiques plurielles mises en évidence dépassent la frontière homosexualité/hétérosexualité : la continuité sociologique entre ces populations qui, en définitive, ne font qu’une constitue une réalité.

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Pour citer cet article

Référence papier

Clotilde Lemarchant, « L’invention du PACS. Pratiques et symboliques d’une nouvelle forme d’union, W. Rault »Sociologie du travail, Vol. 54 - n° 3 | 2012, 419-420.

Référence électronique

Clotilde Lemarchant, « L’invention du PACS. Pratiques et symboliques d’une nouvelle forme d’union, W. Rault »Sociologie du travail [En ligne], Vol. 54 - n° 3 | Juillet-Septembre 2012, mis en ligne le 15 novembre 2018, consulté le 12 novembre 2025. URL : http://journals.openedition.org/sdt/7030 ; DOI : https://doi.org/10.4000/sdt.7030

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Auteur

Clotilde Lemarchant

CMH-MRSH, université de Caen, esplanade de la Paix, 14032 Caen cedex, France
clotilde.lemarchant[at]unicaen.fr

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