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Comptes rendus

L’inversion du genre. Quand les métiers masculins se conjuguent au féminin... et réciproquement, Y. Guichard-Claudie, D. Kergoat, A. Vilbrod (Eds.)

Presses universitaires de Rennes, Rennes (2008). 400 pp.
Sylvie Schweitzer
p. 146-147
Référence(s) :

Yvonne Guichard-Claudie, Danièle Kergoat, Alain Vilbrod (Eds.), L’inversion du genre. Quand les métiers masculins se conjuguent au féminin... et réciproquement, Presses universitaires de Rennes, Rennes (2008). 400 pp.

Texte intégral

1Métiers d’hommes, métiers de femmes... Si la liste est longue des lieux de travail où les femmes furent interdites, il est nécessaire de dresser aussi celle des lieux de travail d’où les hommes furent exclus, non pas tant à cause d’usages sociaux renvoyant à la hiérarchie des sexes, mais bien d’un point de vue réglementaire. Les batailles pour la mixité de tous les segments du marché du travail ont ainsi été des combats législatifs, longtemps menés au nom de la liberté des femmes : accession aux professions de la médecine, du droit (le barreau, puis la magistrature), des sciences et des techniques (l’ingénierie, l’architecture), de la fonction publique, y compris pour les universitaires, de l’encadrement religieux, de tous les pupitres de l’orchestre et, bien sûr, de la politique et des armées.

2L’inversion du genre. Quand les métiers masculins se conjuguent au féminin... et réciproquement, coordonné par Yvonne Guichard‑Claudie, Danièle Kergoat et Alain Vilbrod, rassemble des communications données lors d’un colloque organisé à Brest, en mai 2005, où l’on examinait la diversité des situations créée par cette mixité. D’un côté, des femmes pompiers et des conductrices de poids lourds, des surveillantes dans les prisons d’hommes et des entraîneuses d’équipes sportives, des maçonnes et des architectes de plus en plus nombreuses : si les femmes embrassent des professions autrefois masculinisées, ce n’est pas parce que les hommes les désertent, mais parce que désormais elles y sont autorisées, y compris dans le cadre des formations initiales.

3De l’autre côté, on le dit moins, des sages-hommes (des « maïeuticiens » selon la proposition de l’Académie française), des instituteurs des maternelles, des conseillers conjugaux, des assistants sociaux, des assistants de vie et des infirmiers dont le nombre croît, sans compter les pères bénéficiaires d’allocations parentales d’éducation dans des familles à hypogamie professionnelle féminine. Si ces métiers étaient jusqu’il y a peu si « féminisés », c’est parce qu’ils avaient été, dès l’origine, construits au féminin ; leur « dévalorisation » n’était, et n’est toujours, qu’un effet second de la valence différentielle des sexes théorisée par l’anthropologie.

4Si les hommes entrent dans ces métiers, c’est grâce à une mixité organisée par des lois et des décrets, qu’il s’agisse de la mixité des concours de la fonction publique et de l’interdiction des offres d’emploi sexistes (1975), de la non-discrimination à l’embauche (1983), de la suppression des quotas dans les métiers des armes et de la police (1998), soit les fruits de plus d’un siècle de combats féministes, où, d’ailleurs, les hommes étaient présents.

5L’inversion du genre rassemble 24 communications sur ces métiers et postures, organisées en quatre grandes thématiques : 1. des trajectoires sexuées dans l’accès et le maintien en position atypique (introduction : Erika Flahaut et Simone Pennee) ; 2. quand l’avancée en mixité est le fait des femmes (introduction : Roland Pfefferkorn) ; 3. quand l’avancée en mixité est le fait des hommes (introduction : Nicky Le Feuvre et Jacqueline Laufer) ; 4. les définitions du genre et leurs enjeux en situation d’inversion (introduction : Catherine Marry).

6On regrettera cependant que ces réflexions organisées autour d’une question fondamentale pour les évolutions des sociétés contemporaines n’aient pas fait plus de place à l’histoire du dernier siècle, afin d’adosser la réflexion à ce que l’on sait des métiers et professions, le plus souvent très diplômés, ouverts aux femmes depuis les années 1880. Cet appui méthodologique aurait peut-être permis de mieux montrer comment les postures sociales et les assignations professionnelles sont un processus évolutif, qui fut longtemps besogneux, mais qui s’est beaucoup accéléré depuis les années 1970, dans la foulée des mutations de la condition des femmes (code civil, contrôle de la maternité, etc.), mais aussi de l’appareil législatif.

7Ces mutations ont entraîné, et depuis longtemps, d’incessants déplacements de la ligne de genre et des assignations sociales et professionnelles qu’elle organise. Ce qui est présenté comme une « hypothèse » dans l’introduction de l’ouvrage (p. 11) est de fait un acquis des recherches de ces dernières années. Par ailleurs, la mise en rétrospective historique montrerait, me semble‑t‑il, que le genre ne « s’inverse » pas, mais se recompose, soumis qu’il est à d’incessantes redéfinitions des caractéristiques sociales, biologiques, morales, professionnelles du « masculin » et du « féminin ».

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Pour citer cet article

Référence papier

Sylvie Schweitzer, « L’inversion du genre. Quand les métiers masculins se conjuguent au féminin... et réciproquement, Y. Guichard-Claudie, D. Kergoat, A. Vilbrod (Eds.) »Sociologie du travail, Vol. 53 - n° 1 | 2011, 146-147.

Référence électronique

Sylvie Schweitzer, « L’inversion du genre. Quand les métiers masculins se conjuguent au féminin... et réciproquement, Y. Guichard-Claudie, D. Kergoat, A. Vilbrod (Eds.) »Sociologie du travail [En ligne], Vol. 53 - n° 1 | Janvier-Mars 2011, mis en ligne le 15 novembre 2018, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/sdt/7568 ; DOI : https://doi.org/10.4000/sdt.7568

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Auteur

Sylvie Schweitzer

Université Lyon 2-Larhra, 14, avenue Berthelot, 69363 Lyon cedex, France
syschweitzer[at]wanadoo.fr

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