Introduction

1Depuis plusieurs années, des études au niveau international et dans notre contexte au Québec ont montré qu’il existe des écarts importants entre les cheminements scolaires des jeunes en situation de placement et ceux de jeunes qui n’ont pas vécu d’expérience de placement – avec pour les premiers davantage de retards scolaires, de redoublement, et des résultats scolaires et qualifications moins élevés (Garcia-Molsosa, Collet-Sabé et Montserrat, 2021 ; Goyette et Blanchet, 2019 ; Frechon, Breugnot et Marquet, 2017 ; Maclean, Taylor et O’Donnell, 2017). Une étude, réalisée au Québec récemment, montre par exemple que 31 % des jeunes en situation de placement à l’âge de 16 et 17 ans avaient déjà repris une année scolaire comparativement à 22 % des jeunes du même âge issus de milieux défavorisés et à 13,4 % des jeunes du même âge de la population générale (Goyette et Blanchet, 2019). Plus précisément, les résultats de certaines études indiquent des différences quant aux cheminements scolaires des jeunes selon les milieux de placement. Une étude effectuée en Espagne montre ainsi que seulement 23,4 % des jeunes en situation de placement en établissement résidentiel (residential care) sont à un niveau scolaire correspondant à leur âge comparativement à 40 % de ceux en situation de placement en famille d’accueil régulière et à 45,5 % de ceux en situation de placement en famille d’accueil de proximité (Montserrat, Casas et Malo, 2013). Quant à l’étude de Denecheau et Blaya (2013), elle illustre que ces jeunes sont plus à risque de reprendre une année scolaire et d’être orientés dans un cheminement scolaire spécialisé. Au Québec, une étude montre que plus le temps passé dans ce type d’établissement est long, moins les jeunes ont tendance à avoir obtenu ou à être en voie d’obtenir leur diplôme d’études secondaires (DES) avant 18 ans. En comparaison, pour les jeunes ayant vécu en famille d’accueil, plus le temps passé dans ce milieu est long, plus leur probabilité d’obtenir leur DES avant l’âge de 18 ans augmente (Goyette et Blanchet, 2019). Enfin, selon Maclean et ses collègues, les jeunes en établissement résidentiel forment un groupe pour lequel le soutien éducatif doit être une priorité, car cette population montre une probabilité presque sept fois plus élevée d’avoir de faibles résultats scolaires (Maclean, Taylor et O’Donnell, 2017).

2Cela étant, au regard de ces portraits, des chercheurs se sont penchés sur les causes relatives aux difficultés scolaires de ces jeunes et à leur réussite. Un premier élément ressortant des études liées à la trajectoire de services sociaux est l’instabilité de placement, selon Maxwell et ses collègues, cités dans les travaux de McClung et Gayle (2010). Ce terme fait référence aux changements de milieu de placement qu’un jeune peut vivre au cours de sa prise en charge par le système de protection de la jeunesse. Si cette instabilité touche seulement une partie des jeunes suivis en vertu de la loi sur la protection de la jeunesse au Québec (Esposito, Trocmé, Chabot et al., 2014), il semble toutefois exister une relation entre cette instabilité, voire le nombre de placements, et le type de placement (Esposito et al., 2014 ; McClung et Gayle, 2010). À cet égard, les jeunes en situation de placement en établissement résidentiel seraient plus sujets à vivre des changements de milieu d’accueil que ceux qui sont en famille d’accueil (McClung et Gayle, 2010). Au Québec, on observe que le risque de changer de milieu est plus fréquent pour les garçons âgés de 10 à 17 ans, ayant un historique d’absentéisme scolaire ou de négligence scolaire, des problèmes de comportement, d’adaptation ou socioaffectifs, ou encore pour ceux vivant en centre de réadaptation pour jeunes ou étant pris en charge en vertu de la loi sur le système de justice pénale pour adolescents et provenant d’un milieu défavorisé (Esposito et al., 2014). Quant à l’influence de l’instabilité sur la scolarité, la recension d’O’Higgins et ses collègues portant sur les jeunes en situation de placement en famille d’accueil de proximité ou régulière a démontré que ceux ayant un historique d’instabilité de placement sont 37 % plus susceptibles de s’absenter de l’école que ceux ayant connu une stabilité au niveau de leur placement (O’Higgins, Sebba et Gardner, 2017). Qui plus est, une autre étude québécoise montre que plus un jeune vit d’instabilité résidentielle en lien avec des situations de placement, plus réduites sont les chances qu’il obtienne un DES. Dans cette étude sur le devenir des jeunes en situation de placement qui a porté sur 1 136 jeunes de 16 à 17 ans, la moyenne de changements de milieu de vie est de 5,40 (Goyette, Blanchet, Esposito et Delaye, 2021).

3Ces changements de milieu de vie occasionnent par ailleurs souvent un déplacement du jeune d’une école à une autre (Potin, 2013 ; Denecheau et Blaya, 2013 ; Garcia-Molsosa, Collet-Sabé et Montserrat, 2021). Trois études de la recension systématique des écrits de Garcia-Molsosa et ses collègues ont à cet égard démontré que le changement d’école est un facteur négatif de l’expérience scolaire des jeunes en situation de placement en établissement résidentiel, qui peut nuire à leur réussite (Garcia-Molsosa, Collet-Sabé et Montserrat, 2021). Plus précisément, l’étude de Johnson et ses collègues a démontré que les nombreux changements d’établissement scolaire nuisent au sentiment d’appartenance à l’école des jeunes en situation de placement (Johnson, Strayhorn et Parler, 2020). Des études montrent également que les jeunes en situation de placement en établissement résidentiel sont plus susceptibles d’être suspendus de l’école, ce qui, comme le suggèrent les auteurs, peut être lié aux changements de placement et aux difficultés comportementales (Sullivan, Jones et Mathiesen, 2010). Cependant, du point de vue des jeunes, peu de soutien semble leur être offert, que ce soit par le système scolaire, le système de protection de l’enfance ou par leur milieu d’accueil (Clemens et al., 2017 ; Townsend, Berger et Reupert, 2020 ; Quest, Fullerton, Geenen et Powers, 2012), pour aborder le sujet de leur exclusion scolaire (McClung et Gayle, 2010).

4Toujours concernant les potentielles causes des difficultés scolaires de ces jeunes, Join-Lambert et ses collègues mentionnent que le taux moins élevé de réussite des jeunes en situation de placement,, lorsqu’on les compare à la population générale ayant des situations sociales similaires, peut s’expliquer par le fait que ces jeunes ont souvent grandi dans un environnement défavorisé et qu’ils peuvent avoir accumulé un certain nombre de difficultés liées à leurs expériences de vie, parfois traumatiques, qui sont donc susceptibles d’affecter leur réussite scolaire à long terme (Join-Lambert, Denecheau et Robin, 2019). Dans le même ordre d’idées, Townsend et ses collègues soulignent que les jeunes en situation de placement vivent souvent des répercussions négatives des expériences vécues avant le placement, et sont donc plus à risque d’avoir des problèmes de santé mentale, de la détresse émotionnelle et des traumas. Ces problématiques peuvent ainsi avoir un impact négatif sur leur cheminement et leur persévérance scolaire (Townsend, Berger et Reupert, 2020). Ces derniers éléments rejoignent également l’idée avancée par Garcia-Molsosa et ses collègues selon laquelle la raison d’admission, c’est-à-dire ce qui compromet la sécurité ou le développement du jeune, influencerait significativement la réussite et l’adaptation scolaire pour les jeunes en situation de placement en établissement résidentiel (Garcia-Molsosa, Collet-Sabé et Montserrat, 2021). En effet, il semble que les jeunes ayant connu une scolarisation plutôt stable au primaire et étant suivis par le système de protection de la jeunesse principalement pour des raisons liées à la négligence, pouvant être liées à un manque de ressources matérielles ou financières, réussissent mieux à l’école et ont moins de difficultés de comportement, comparativement à ceux admis pour des ruptures ou conflits familiaux (Garcia-Molsosa, Collet-Sabé et Montserrat, 2021).

6Pour conclure, considérant les écarts quant aux cheminements scolaires et à la qualification des jeunes en situation de placement en établissement résidentiel par rapport à ceux de leurs pairs et afin de soutenir les réflexions sur les améliorations possibles de la prise en charge dans ce type d’établissement, nous travaillons sur la question de recherche suivante : dans quelle mesure et comment la prise en charge et le contexte de placement en établissement résidentiel, que ce soit en centre de réadaptation ou en foyer de groupe, influencent-ils l’expérience scolaire des jeunes ?

Cadre conceptuel et méthodologie

7Afin de comprendre l’articulation entre les situations, les contextes de placement et l’expérience scolaire, nous misons d’abord sur une approche compréhensive et nous mobilisons en tant que paradigme une théorie du développement humain, la théorie des parcours de vie (Elder, 1994, 1998). En effet, les principes de cette théorie nous apparaissent comme un ensemble cohérent qui nous permet de penser et de mieux nous représenter notre objet d’étude. Nous considérons ainsi que les parcours de vie des jeunes se construisent dans le temps, l’histoire et les lieux, que leurs trajectoires (par exemple familiales, de services, éducationnelles et résidentielles) et celles d’autres individus sont interdépendantes et interreliées, que les impacts d’un événement ou d’une transition de vie dépendent du moment où cela est vécu dans leur parcours de vie et que la capacité d’agir des jeunes est influencée par leur histoire antérieure, ainsi que par les conditions et contextes sociaux auxquels ils sont exposés.

8À partir de ces principes et de l’idée que les jeunes sont des acteurs compétents, capables de donner sens à leur propre histoire ainsi qu’à leurs logiques d’action (Dubet, 1994), nous nous sommes intéressées à leur expérience scolaire de leur point de vue, c’est-à-dire à l’interprétation qu’ils font de l’ensemble des événements vécus dans leur parcours scolaire. Plus précisément, nous avons mené un projet de recherche soutenu par le Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQSC 2020-2023), dont l’objectif était de mieux comprendre l’expérience scolaire des jeunes en situation de placement en établissement résidentiel, c’est-à-dire en centre de réadaptation pour jeunes rencontrant des difficultés d’adaptation et en foyer de groupe au Québec. Cette recherche s’inscrit dans un paradigme compréhensif et interprétatif et a mobilisé une méthodologie qualitative (Paillé et Mucchielli, 2021).

9En cohérence avec notre cadre et afin de rendre compte du fait que les jeunes sont engagés dans des séquences d’événements chronologiquement normés, des environnements et des rôles sociaux structurés par des institutions sociales, mais également de saisir les événements significatifs et l’influence des diverses sphères (familiale, scolaire et professionnelle), nous avons opté pour l’entretien biographique (Bertaux, 1997) comme technique de collecte de données pour documenter leur expérience scolaire. Le but de ces entretiens était d’amener les jeunes à nous parler rétrospectivement de leur expérience scolaire (en lien avec la mission de l’école québécoise, à savoir l’instruction, la socialisation et la qualification) du moment de l’entrevue jusqu’à leur entrée à l’école secondaire, vers 12 ans. Plus particulièrement, nous leur avons demandé de nous décrire leur parcours scolaire et surtout leur expérience scolaire, c’est-à-dire leur logique d’action par rapport à leurs apprentissages, leur engagement scolaire, leurs relations avec leurs pairs et leurs aspirations sur le plan de la qualification. Nous leur avons également demandé d’identifier ce qui a, de leur point de vue, influencé positivement ou négativement leur expérience scolaire.

10Durant l’année 2021, nous avons rencontré 35 jeunes âgés de 14 à 18 ans qui étaient au moment des entretiens pris en charge en vertu de la loi sur la protection de la jeunesse, et plus précisément en situation de placement en établissement résidentiel ; 16 jeunes étaient alors en situation de placement en foyer de groupe et 19 en centre de réadaptation. Ces types d’hébergement regroupent des jeunes qui ont vécu de multiples traumas pouvant résulter par exemple de la maltraitance qu’ils ont subie (CSDEPJ, 2021). En effet, selon des chercheurs québécois, les jeunes qui manifestent des troubles graves de comportement sont quatre fois plus susceptibles que leurs pairs d’être admis en centre de réadaptation lors de leur premier placement (Esposito, Chabot, Delaye et Trocmé, 2015). Le premier type d’établissement résidentiel correspond aux foyers de groupe, qui sont des milieux de vie établis dans la communauté (par exemple des maisons implantées à même les quartiers), accueillant un maximum de 12 jeunes et où les services et l’accompagnement sont assurés par une équipe d’éducateurs spécialisés. Les jeunes fréquentent alors une école ordinaire ou spécialisée de la communauté (par exemple l’école de quartier ou une école se situant dans une ville voisine). Quant aux centres de réadaptation pour les jeunes en difficulté d’adaptation, il s’agit de milieux qui accueillent simultanément un peu plus d’une centaine de jeunes de 6 à 17 ans ayant des besoins de réadaptation dits spécialisés. Les jeunes, environ une douzaine par unité de vie, sont accompagnés au quotidien par des éducateurs qui les aident à développer des habiletés afin d’assurer leur réintégration dans leur milieu familial. Ces jeunes sont le plus souvent amenés à fréquenter une école située sur le site du centre de réadaptation.

11L’âge moyen des jeunes rencontrés était de 15 ans et demi. Parmi les participants, 14 personnes s’identifiaient comme femme, 20 s’identifiaient comme homme et 1 personne s’identifiait comme étant non binaire. Quant au nombre de placements et à la durée de ces derniers, 57,1 % des participants (n = 20) étaient à leur premier placement, 20 % (n = 7) à leur deuxième placement et 22,9 % (n = 8) avaient vécu plus de deux placements. En moyenne, les jeunes étaient en situation de placement depuis un an (max. = 3 ans, min. = 2 mois). En ce qui a trait à leur région, l’ensemble des participants résidaient au Québec, Canada. 19 participants étaient en milieu urbain, tandis que les 16 autres participants étaient en milieu semi-urbain. Concernant leur parcours scolaire, au total, 42,9 % (n = 15) étaient au niveau scolaire correspondant à leur âge, 25,7 % (n = 9) avaient un an de retard et 31,4 % (n = 11) plus de deux ans de retard. Les jeunes âgés de 14 à 15 ans (n = 16) avaient en moyenne 0,6 année de retard (max. = 2, min. = 0) tandis que ceux âgés de 16 ans à 18 ans (n = 19) avaient 0,9 année de retard (max. = 4, min. = 0). Parmi les jeunes rencontrés, 11,4 % (n = 4) n’avaient pas changé d’école depuis leur entrée au secondaire, 60 % (n = 21) entre une et deux fois et 28,6 % (n = 10) plus de trois fois depuis leur entrée au secondaire. En outre, on remarque que la moyenne des changements d’école diffère en fonction de l’âge des jeunes rencontrés. Chez les jeunes âgés de 14 à 15 ans le nombre de changements d’école moyen était de 1,5 alors que pour ceux âgés de 16 à 18 ans il était de 2,7.

12Afin de répondre à la question du présent article, une analyse thématique des entretiens (Paillé et Mucchielli, 2021) a été réalisée. Les transcriptions des entretiens biographiques ont ainsi été analysées à la lumière de cette question afin d’identifier les éléments relatifs à la prise en charge et au contexte de placement ayant influencé l’expérience scolaire des jeunes. Cela a permis de faire une transposition du corpus de données en un certain nombre de thèmes qui représentent le contenu analysé en rapport avec l’orientation de la recherche.

Résultats

13À partir de notre analyse, nous relevons plusieurs éléments liés au processus de prise en charge et au contexte de placement ayant influencé l’expérience scolaire des jeunes rencontrés. La présentation des résultats est divisée selon les sections suivantes : 1) l’influence du placement comme événement significatif sur la concentration, la motivation scolaire et la capacité des jeunes à réaliser le travail demandé, 2) l’influence de la méconnaissance du processus de prise en charge et de ses conséquences sur les relations élèves-enseignants, 3) l’influence des stigmas associés au processus de prise en charge et au placement sur les relations élève-enseignant et entre l’élève et ses pairs, 4) l’influence des temps de latence pour retrouver une place dans un établissement scolaire sur la continuité des apprentissages, la motivation des jeunes et leurs résultats, 5) l’influence des mises à l’écart pendant la scolarisation du fait des prises en charge sur la fréquentation scolaire des jeunes et leurs apprentissages, 6) l’influence des règles de prise en charge sur l’assiduité scolaire des jeunes à l’école et sur leur engagement, 7) l’influence des activités et du soutien offert en centre de réadaptation sur la motivation et l’engagement scolaire des jeunes, et 8) l’influence d’une fin de prise en charge abrupte sur l’inclusion scolaire des jeunes en milieu ordinaire. Il convient de préciser que les noms des jeunes présentés dans les sections suivantes ont été modifiés afin de conserver leur anonymat.

L’influence du placement, comme événement significatif, sur la concentration, la motivation scolaire et la capacité des jeunes à réaliser le travail demandé

14Dans le cadre des entretiens, le placement comme mode de prise en charge est ressorti comme un élément significatif ayant influencé l’expérience scolaire des jeunes, et ce, quel que soit le type de placement. Il s’agit pour la plupart des jeunes d’un moment de choc, comme l’illustre ce jeune :

• 2 Des pseudonymes ont été donnés à chaque jeune afin de préserver leur anonymat.

« Bien au début, c’est sûr que j’étais sous le choc. » (Charlie2, 14 ans, en foyer de groupe, pas de retard scolaire, 2^e situation de placement.)

15Si la durée de ce moment de choc apparaît variable selon les jeunes, plusieurs mentionnent s’être refermés sur eux-mêmes à la suite de cet événement et avoir vécu beaucoup de stress, ce qui a influencé leur expérience scolaire. Un jeune témoigne par exemple de son ressenti au moment du placement et évoque plus particulièrement ses répercussions sur sa motivation scolaire et sa capacité à réaliser le travail demandé :

« Je me sentais inconfortable d’être ici [au foyer]. Puis là, j’arrivais à l’école et je n’étais pas motivé. Je ne me sentais pas confortable… comme un étranger. J’étais comme perdu… Je n’avais pas de motivation pour travailler. Le fait que j’avais changé d’endroit, je vivais un grand changement dans ma vie […] je ne sais pas comment dire. [Je me sentais] comme perdu et confus en même temps. » (Guan, 16 ans, reprise d’une année scolaire, en foyer de groupe, 1^er placement.)

16La confusion vécue par le jeune à ce moment devient alors un obstacle à sa disponibilité pour l’activité scolaire. Quant aux jeunes ayant exprimé avoir vécu beaucoup de stress au moment du placement, ils mentionnent l’influence de pensées envahissantes sur leur capacité à se concentrer, notamment lors de moments de travail individuel comme les temps de devoirs et d’examens, ainsi que la mise en échec résultant de cette situation, comme l’exprime ce jeune :

« Quand je suis arrivé au foyer, c’était dur. Quand je faisais mes devoirs, c’était dur, car je ne pouvais pas me concentrer ici. Je ne comprenais pas des choses. Je faisais quand même mes devoirs, mais j’ai un peu coulé mon année. J’étais en échec, on peut dire. J’avais beaucoup de pensées. J’étais stressé, je ne pouvais pas me concentrer à cause du fait que j’étais au foyer. » (Thomas, 16 ans, pas de retard scolaire, en foyer de groupe, 1^er placement.)

17Cette influence peut être particulièrement marquée au début du placement, comme dans la situation de Charlie cité précédemment, et s’estomper par la suite dans le temps. Elle peut aussi bien s’installer et demeurer tout au long du placement, comme dans la situation de Clarke cité ci-après. Dans son cas, le fait d’être tout le temps au foyer semble avoir influencé à plus long terme sa capacité à se concentrer :

« Disons que je fais un examen puis là toute la classe est calme, des idées vont venir dans ma tête, vont ruminer dans ma tête. Ce n’est pas idéal pour les examens. C’est vraiment stressant. C’est difficile de faire la différence entre mettre mes émotions de côté pour faire mon examen, pour me concentrer vraiment sur mon examen, quand je suis 24 heures sur 24 au foyer. » (Clarke, 15 ans, reprise d’une année scolaire, en foyer de groupe, 2^e situation de placement.)

18Toujours en lien avec le fait de vivre une prise en charge impliquant un placement, les moments où des décisions importantes sont prises quant à leur situation de placement (par exemple décision de renouvellement ou non de l’ordonnance de placement) semblent venir raviver le stress vécu au début du placement et entraver la disponibilité des jeunes à l’apprentissage. Un jeune abonde dans ce sens en mentionnant la difficulté à combiner son rôle d’élève et la judiciarisation de sa prise en charge, deux situations lui causant du stress :

« C’était difficile de travailler dans ces conditions… Imagine que tu as un tribunal dans deux jours et que tu es obligé d’aller à l’école. Tu stresses un petit peu parce que tu as le stress de l’école et le stress des trucs que tu vis déjà. En ce moment, c’est compliqué pour moi de faire tout ça en même temps. » (Émile, 14 ans, pas de retard scolaire, en foyer de groupe, plus de 3 placements.)

19Enfin, l’état mental de certains jeunes semble être altéré par certaines conditions de la prise en charge telles que le fait de se retrouver isolé socialement de son cercle familial et/ou amical, ce qui peut influencer leur concentration et leurs résultats scolaires, comme pour cette jeune :

« Tu sais, je m’ennuie de comme ne pas voir mes amis à l’extérieur, puis de faire des choses comme normales […] il y avait des fois où je n’arrivais pas à me concentrer parce que pour moi, être en centre jeunesse, c’est très dur parce que j’ai toujours vécu avec mes parents. J’ai vraiment un gros lien d’affection envers eux. Fait que là je suis en centre jeunesse, puis c’est très dur. Mais oui, ça a beaucoup affecté mon scolaire. Ça a affecté mes notes. » (Claire, 14 ans, reprise d’une année scolaire, en centre de réadaptation, 3^e placement.)

20Ces témoignages font état de la charge émotionnelle vécue par les jeunes à différents moments du processus de prise en charge. La rapidité du processus, l’incertitude associée à leur situation incluant les processus judiciaires pour certains, le fait d’habiter dans un nouveau lieu avec de nouvelles personnes, les ruptures avec leur milieu familial et amical sont autant d’éléments qui semblent influencer négativement leur expérience scolaire et, plus particulièrement leur motivation ainsi que leur concentration et par conséquent leur capacité à réaliser les travaux scolaires demandés, et à plus long terme leurs résultats.

L’influence de la méconnaissance du processus de prise en charge et de ses conséquences sur les relations élèves-enseignants

21Nous avons vu que le placement influence l’état émotionnel des jeunes et leur capacité à se concentrer, à être motivé ainsi que leurs résultats scolaires. À cela semble s’ajouter un défi, celui des interactions entre ces jeunes et leurs enseignants qui ne sont pas toujours au fait de la situation de placement ou des conséquences que peut avoir cette dernière sur l’état émotionnel des jeunes et sur leur capacité à réaliser le travail scolaire demandé. Dans la situation suivante, on remarque l’influence du fait que peu d’enseignants soient au courant de la situation de la jeune sur leur interaction, et plus particulièrement le risque d’interactions négatives :

« Des fois, je me sentais comme un peu abandonnée, je dirais. Parce que je me sentais comme pas entourée de ma famille. Je me sentais comme loin de tout le monde. Puis moi au début de mon placement, j’ai fait un deux mois et demi sans sortir. Donc, je me sentais vraiment, vraiment seule puis tu sais, moi, je ne le disais pas à mes professeurs, à part à ma prof d’anglais vu que ma prof d’anglais [elle] essayait de nous faire parler… fait que dans un sens elle crée comme une relation avec nous indirectement. […] Ce qui fait en sorte qu’elle savait un peu ce qui se passait dans nos vies. Mais les autres profs qui ne posent aucune question, ils ne peuvent pas savoir ce qu’on vit. Ils ne peuvent pas savoir les émotions, à mettons, par lesquelles on est en train de passer. Mettons que moi là, je viens de me faire annoncer que j’ai un placement qui va être prolongé jusqu’en majorité, à mettons, et que j’ai 16 ans. C’est sûr que je ne vais pas aller bien, puis je vais être plus déprimée, puis comme je vais être triste. Puis arriver dans un cours, puis me faire parler mal […] c’est sûr que je ne vais pas aimer ça. Si on me reflète que j’ai une mauvaise attitude ou quelque chose ou qu’on essaye de me sortir de classe ou qu’on me le dit bêtement, c’est sûr que ça ne va pas m’aider parce que je vis des choses puis la personne n’est pas au courant. » (Myriam, 16 ans, pas de retard scolaire, en centre de réadaptation, 1^er placement.)

22Certains jeunes ont ainsi exprimé l’émergence de difficultés dans les interactions avec les enseignants. En conséquence, ils se sont par exemple vu exclure de la classe de temps à autre. À cet égard, on remarque que de nombreux jeunes « acceptent » ces conséquences et qu’ils mettent en œuvre différentes stratégies afin de ne pas discuter de leur situation avec les enseignants et leurs pairs, et ce, pour différentes raisons dont le fait de ne pas avoir envie de développer sur leur vie personnelle. Ainsi, une des stratégies mobilisées par les jeunes consiste à faire un clivage entre l’école et la situation de placement afin de ne pas être amenés à devoir discuter de cette situation. À ce propos une jeune rapporte :

« Tant que je ne mélange pas foyer et école, tout va bien […]. Si par exemple, j’ai une situation qui arrive au foyer, ben je ne vais pas le faire remarquer à l’école que je ne vais pas bien… puis ne pas être capable d’expliquer la raison. » (Daniela, 16 ans, pas de retard scolaire, en foyer de groupe, 1^er placement.)

L’influence des stigmas associés au processus de prise en charge et au placement sur les relations élève-enseignant et entre l’élève et ses pairs

23Une autre raison évoquée par les jeunes pour expliquer leur silence est la crainte d’être stigmatisés, jugés (par exemple être perçu comme délinquant), incompris ou pris en pitié. On relève d’abord le lien entre la situation de placement et le risque d’être perçu comme délinquant ou délinquante et les répercussions possibles de cette stigmatisation sur la relation entre les jeunes et leurs enseignants. Un jeune évoque par exemple que ce qui semble être de la méconnaissance du milieu de la protection de la jeunesse par certains enseignants a influencé sa relation avec ces derniers et que les discussions avec des enseignants ne connaissant pas le contexte du placement s’avéraient anxiogènes :

« Des fois, il y a des profs qui ne veulent pas faire de la peine, mais s’adressent d’une façon que tu n’aimes pas. […] À un moment donné j’ai dit à un prof que j’avais un tribunal et il m’a dit : “Tu es dans un gang de rue, c’est ça pourquoi tu vas aller au tribunal ?” Ça m’a choqué. »
Il ajoute :
« C’est bizarre de parler à un prof qui ne sait pas ce qu’est un centre jeunesse et ça c’est stressant pour moi. » (Émile, 14 ans, pas de retard scolaire, en foyer de groupe, plus de 3 placements.)

24Pour une autre jeune, la peur d’être jugée par ses enseignants ou ses pairs provient plutôt du fait de devoir justifier son parcours non linéaire :

« Ben ma famille et mes amis connaissent mon parcours scolaire là. Mon éducatrice de suivi aussi, mais parce qu’elle c’est la même éducatrice de suivi que j’avais quand j’ai été placée la première fois, fait qu’elle me connaît beaucoup, mais ce n’est pas quelque chose dont je vais beaucoup parler, comme ceux qui savent, ils savent parce que je l’ai nommé parce que je leur fais confiance, mais sinon je ne vois pas pourquoi le dire parce qu’après ça les gens sont comme : “Oh my God, t’as fait quatre écoles secondaires, mais qu’est-ce tu as fait pour faire ça ?”, “Tsé tu es dont délinquante”, mais dans le fond, des fois, c’était juste comme oui je me faisais sortir, des fois c’était ma faute, mais des fois je ne sais pas […]. Je n’ai pas envie de le dire à n’importe qui parce qu’après ça ben c’est tout de suite genre des jugements, puis là ils se font déjà une idée de [qui] je suis dans leur tête, puis ce n’est pas agréable. » (Marjorie, 17 ans, pas de retard scolaire, en centre de réadaptation, 2^e placement.)

25Certains choisissent aussi de ne pas parler de leur situation par peur d’être pris en pitié ou de heurter la sensibilité des autres, comme l’explique ce jeune :

« Je n’aime pas trop en parler pour le seul fait que je n’aime pas que les gens me prennent en pitié parce que ça peut quand même bouleverser du monde. Pas nécessairement ce que j’ai vécu au secondaire, mais plutôt au primaire. Donc, je n’en parle pas à personne, même pas à ma blonde. » (Philippe, 18 ans, reprise de plus d’une année scolaire, en foyer de groupe, 2^e placement.)

26En bref, on constate que le sentiment de faire l’objet d’un stigma influence les relations entre les jeunes et leurs enseignants. Cela semble par ailleurs d’autant plus vrai dans les écoles ordinaires.

27En revanche, dans d’autres contextes, dont les écoles spécialisées situées à même les sites des centres de réadaptation, on constate que les enseignants semblent avoir une meilleure connaissance du système ainsi qu’une sensibilité qui permettent de limiter la crainte de stigmatisation ressentie par les jeunes et de développer des relations élèves-enseignants plus positives. De surcroît, un jeune rapporte l’importance de la discrétion des enseignants quant aux situations de placement afin d’éviter les interactions difficiles entre pairs :

« Les profs le savent, c’est sûr. Sauf que les profs, ils ont une assez bonne discrétion là-dessus. Genre, surtout à l’école [spécialisée] X. Ils savent le fait que la pression du groupe, ce que ça peut faire. Comme mettons, certaines personnes qui n’ont pas vraiment le goût… ben ils n’ont pas envie de le faire savoir qu’ils sont en foyer ou en centre jeunesse. Comme ils veulent garder ça pour eux. Parce que c’est rare que tu sois fier d’être là-bas. […] Quand ils veulent te parler de ça, ils vont te demander de venir en dehors la classe cinq minutes, puis genre ils vont te parler genre à voix basse comme ça si quelqu’un passe dans le couloir, ben il n’entend presque rien […] À l’école X, j’étais chanceux : je suis tombé sur des profs qui avaient conscience de ça. Mais je sais que ce n’est pas nécessairement ça. Il va y avoir des profs qui vont te le dire en classe : “Puis ce soir, es-tu au foyer ou non ? Je veux savoir qui appeler.” Puis tu as quarante élèves qui se retournent puis qui rient de toi. » (Wilfried, 15 ans, reprise d’une année scolaire, en foyer de groupe, 3^e placement.)

28Ainsi, les connaissances, l’approche, la sensibilité et la discrétion des enseignants peuvent jouer un rôle important dans le sentiment de confort ou de gêne ressenti par le jeune en situation de placement dans son milieu scolaire et par conséquent influencer les relations élèves-enseignants et les relations entre le jeune et ses pairs.

L’influence des temps de latence pour retrouver une place dans un établissement scolaire sur la continuité des apprentissages, la motivation des jeunes et leurs résultats

29Toujours en lien avec le processus de prise en charge, les jeunes rencontrés ont fait état de nombreuses périodes d’attente pour fréquenter une école à la suite d’une situation de placement en centre de réadaptation et de l’influence de cette interruption de fréquentation scolaire sur leurs apprentissages, leur motivation et leurs résultats. Certains jeunes pointent du doigt la lenteur des démarches administratives lors d’un changement de lieu de placement, ce qui amène à une période d’absence subie comme pour la jeune suivante :

« J’étais à l’unité, puis je ne faisais rien de mes journées parce qu’il fallait que je rencontre le directeur pour pouvoir intégrer l’école. Puis réussir à intégrer l’école, je pense que ça a pris un mois, un mois et demi, mettons là, puis je trouvais ça vraiment long là, fait que si j’avais un changement à donner ça serait peut-être […] de faire en sorte que ça l’aille plus vite là parce que pour vrai, j’ai vraiment manqué de la matière là pendant un mois, un mois et demi là. » (Axelle, 17 ans, reprise d’une année scolaire, en centre de réadaptation, 1^er placement.)

30Dans son cas, comme dans d’autres, cette interruption semble lui avoir causé du retard et des manques au niveau des apprentissages, mais ce fut aussi un moment difficile à vivre à cause de l’ennui ressenti :

« Ben tu sais, tu trouves ça long pas faire grand-chose dans une journée. » (Marjorie, 17 ans, pas de retard scolaire, en centre de réadaptation, 2e placement.)

31Pour un autre jeune, le fait d’avoir été autorisé à accéder à des activités de divertissement durant certaines périodes où il était censé être en cours ne semble pas pour autant contrer les effets de l’ennui. Le fait d’être marginalisé, de ne pas aller à l’école « comme tout le monde » et de se retrouver seul a aggravé son état de santé au niveau mental :

« La fois la plus rapide, ça a pris deux semaines. Puis la fois que ça a pris le plus long, ça a pris genre un mois et demi. Ce temps-là, dans le fond, le plus gros impact pour moi c’est que je devais faire une période dans ma chambre, une période sur le plancher. Fait comme les autres allaient à l’école, il y avait une période que je passais au complet à ma chambre, puis l’autre ben je pouvais aller écouter la télé, je pouvais jouer aux cartes jusqu’à tant que la période finisse, puis après ça à l’autre [période], je retournais en chambre… C’est quand même rough sur le moral. Ça a travaillé beaucoup sur mes problèmes de dépression parce qu’être pogné tout seul une heure sur deux tous, tous, tous, tous les jours, c’est quand même long et chiant. Puis à cause de ça, ça a fait augmenter mon besoin d’automédication que je viens chercher avec le cannabis. Fait que ça a comme travaillé à ma dépendance. » (Carl, 17 ans, reprise de plusieurs années scolaires, en centre de réadaptation, plus de 3 placements.)

32Finalement, dans certains cas, une absence plus prolongée peut avoir des répercussions sur la réussite scolaire, comme c’est le cas pour cette jeune :

« En fait j’ai coulé mon secondaire 1 à cause de mon changement d’école parce qu’entre les deux, j’étais déscolarisée pour quelques mois, alors je n’ai pas pu passer mes examens pour la deuxième étape et c’est ça qui a fait que j’avais coulé. Mais sinon, j’avais de très bonnes notes dans mon ancienne école aussi. » (Laura, 15 ans, reprise d’une année scolaire, en foyer de groupe, 2^e placement.)

L’influence des mises à l’écart pendant la scolarisation du fait des prises en charge sur la fréquentation scolaire des jeunes et leurs apprentissages

33Plusieurs jeunes ont souligné devoir s’absenter de façon répétitive en raison de différents suivis liés à leur prise en charge. Certains ont par exemple fait état de rencontres prescrites se déroulant sur les heures d’école. S’ils ne remettent pas en cause la pertinence de ces rencontres, ils peuvent ressentir une impuissance par rapport au choix de leurs horaires et constatent des répercussions sur leur expérience scolaire :

« Pour mes plans d’intervention […] ce n’est pas moi qui décidais de ne pas aller à l’école. J’étais comme obligée de ne pas aller à l’école. Je trouve que c’est un manque de considération, mais en même temps quand on met les choses en perspective, les TS [travailleurs sociaux] ils finissent de travailler à 16-17 heures, les éducs finissent leur quart dans ces eaux-là environ pis nous on finit l’école en même temps. Fait que tsé c’est comme tout le monde finit en même temps, ils n’ont pas le temps, puis c’est important, puis ça prend du temps en fait… C’est pour ça que ce n’est pas de leur faute… Les rendez-vous sont toujours imposés… On ne nous consulte pas avant de prendre les rendez-vous, on nous prend les rendez-vous puis on les impose. Sans tenir compte de mon horaire, comme ils prennent en compte l’horaire de tout le monde sauf du mien… J’ai demandé de me demander si j’étais disponible. Puis ils ont dit : “Ben on ne peut pas faire ça.” » (Sonia, 16 ans, pas de retard scolaire, en centre de réadaptation, 1^er placement.)

34Dans cette situation, malgré la demande de la jeune, il semble que ce soient des contraintes externes qui sont mises en avant pour expliquer l’impossibilité de prendre en considération son avis quant au moment qui semblerait le moins préjudiciable pour manquer l’école. Un autre jeune évoque une situation similaire et souligne les répercussions négatives sur ses apprentissages :

« C’est quand même un peu compliqué et je manque beaucoup de matières. C’est à des moments non bénéfiques pour moi [les rencontres obligatoires avec la psychologue] parce que je manque deux périodes de cours [du même cours] chaque semaine. Quand j’arrive à des cours, des fois, ça va être compliqué pour moi de comprendre parce que je ne suis presque jamais là parce que j’ai des rencontres. » (Émile, 14 ans, pas de retard scolaire, en foyer de groupe, plus de 3 placements.)

35De plus, certains jeunes expriment que la récupération après une absence non choisie peut être vécue plus ou moins facilement, selon les lieux de placement. Par exemple, dans une école située sur le site du centre de réadaptation, les enseignants, étant plus habitués à ce type d’absences, sont à l’aise avec la pratique consistant à faire reprendre la matière pour plusieurs élèves durant le temps de classe, ce qui est moins le cas dans les écoles ordinaires :

« Quand j’étais en secondaire 1 et que j’en avais beaucoup [de rencontres], la prof était plus habituée à ça vu que c’était une école interne [spécialisée]. Elle était capable de reprendre avec moi plus facilement. Ça ne me dérangeait pas. Si c’était cette année, ça m’aurait dérangée parce qu’il aurait fallu que j’aille en récupération [à la fin de la journée], j’aurais préféré ne pas manquer mes cours et être là que prendre un temps de plus et rentrer plus tard chez moi. » (Juliette, 15 ans, reprise d’une année scolaire, en foyer de groupe, 1^er placement.)

L’influence des règles de prise en charge sur l’assiduité scolaire des jeunes à l’école et sur leur engagement

36Certains jeunes se disent affectés par les règles et le fonctionnement mis en place dans les centres et les foyers de groupe. Cependant, le cadre strict et l’horaire de vie stable existant dans les foyers et les centres constituent des éléments ayant été identifiés comme aidants. Ainsi, la plupart des jeunes soulignent s’être davantage engagés dans leur cheminement scolaire un certain temps après le placement. Pour plusieurs d’entre eux, la présence d’une routine a permis d’instaurer des habitudes de vie correspondant au rythme scolaire, ce qui n’était pas forcément le cas avant le placement, comme le souligne cette jeune :

« Quand j’arrivais à l’école ben je n’étais pas genre super [en forme] parce que ça m’arrivait des fois avant, quand j’étais chez moi, je passais genre toute la nuit en train de… peut-être je dormais genre 2-3 heures, une fois j’ai dormi comme 30 minutes […] pis là je devais aller à l’école […] je n’étais pas très bien organisée. » (Clara, 17 ans, reprise de plus d’une année scolaire, en centre de réadaptation, 3^e placement.)

37Si l’atmosphère dans les locaux des centres de réadaptation a été identifiée par plusieurs jeunes comme inconfortable et impersonnelle, pour d’autres, cette ambiance et les règles de fonctionnement ont facilité la centration sur les obligations scolaires. Certains jeunes de l’étude rapportent que l’encadrement offert dans les centres ou les foyers a permis qu’ils se centrent davantage sur le scolaire. Un des facteurs favorisants est relatif au cadre instauré dans ces lieux et en particulier à l’existence de conséquences en cas de non-respect des règles. Plusieurs jeunes ont évoqué leur perception du risque de conséquences et l’influence que celui-ci a sur un certain nombre de leurs choix relatifs à leur présence et à leur engagement scolaire, comme l’illustrent les propos de ce jeune :

« C’est sûr que quand tu es placé, tu vas aller à l’école. Genre tu ne vas jamais manquer l’école quand tu es placé parce que tu as tellement peur des conséquences […]. C’est sûr que maintenant je vais à l’école, j’ai de meilleures notes. Depuis que je suis arrivé ici, je vais plus à l’école et je me concentre plus. Je rends mes travaux à temps, quelque chose que je n’ai jamais fait. Je crois que ça a amélioré quelque chose […] c’était plus la peur des conséquences. Parce que genre, si je n’allais pas à l’école, ben genre on me coupait ma fin de semaine. Ben comme après ben genre c’est plate de ne pas pouvoir aller chez soi pendant une fin de semaine. » (Wilfried, 15 ans, reprise d’une année scolaire, en foyer de groupe, 3^e placement.)

38Pour ce jeune c’est donc la peur d’être privé du droit de visite chez sa famille en fin de semaine qui le pousse à être plus présent à l’école. Tandis que pour la jeune suivante, en plus de la préserver des conséquences d’une absence, le fait d’aller à l’école lui évite de rester s’ennuyer à l’unité :

« Ici je ne le fais pas vraiment [être tannante] parce que je suis encadrée et tout, puis je sais que je vais avoir des problèmes, mais quand je suis à l’extérieur, quand j’étais dans ma classe avant, j’étais une de ceux qui étaient très tannante pis qui niaisait beaucoup […]. Puis tu sais, on s’entend que je ne peux pas manquer mes cours non plus. Fait que ça me force dans le fond d’aller à l’école. Puis je me dis que tant qu’à rien faire puis me faire renvoyer à l’unité, puis après ça il y a des conséquences à l’unité, ben je vais juste aller à l’école, puis genre je vais le finir. » (Camille, 15 ans, reprise d’une année scolaire, en centre de réadaptation, 1^er placement.)

39Le présentéisme scolaire obligatoire notamment pour les jeunes en situation de placement en centre de réadaptation a donc fait que certains jeunes se sont investis davantage dans leur scolarité, qu’ils en viennent à obtenir de meilleurs résultats scolaires et ainsi à être plus motivés à s’engager. Toutefois, les raisons de leur engagement, notamment la peur des conséquences, peuvent soulever des questionnements quant à leur persévérance une fois leur période de placement terminée, d’autant plus que les placements de ce type sont normalement de courte durée.

L’influence des activités et du soutien offert en centre de réadaptation sur la motivation et l’engagement scolaire des jeunes

40Dans un autre ordre d’idées, l’offre d’activités extrascolaires limitée en temps et peu variée semble avoir contribué négativement à l’expérience scolaire de certains jeunes. En effet, il semble que certains jeunes utilisent leurs loisirs comme stratégie de gestion des émotions, ce qui leur permet d’être mieux disposés en classe et plus concentrés sur leurs tâches scolaires. Toutefois, quelques jeunes de l’étude mentionnent avoir dû cesser leurs activités de loisirs depuis leur placement. En référence à la citation ci-dessous, le manque de diversité au niveau des activités accessibles dans un contexte de placement impacte la motivation, qui à son tour peut avoir une influence sur l’expérience scolaire. Cette jeune exprime ainsi les bénéfices de la pratique de ses activités de loisirs et l’impact qu’a eu le placement sur ceux-ci :

« Je ne sais pas trop comment expliquer, ça me fait penser à autre chose [les activités extrascolaires]. Ça, ça me divertit, ça m’aide à évacuer mon stress pis quand c’est tout le temps la même affaire quand c’est tout le temps répétitif, ça devient plate. Puis quand ça fait un an que t’es ici puis que tu fais tout le temps la même affaire à la longue, tu t’ennuies, c’est long. […] Je pense que ça, ça m’ennuie là. Le fait de tout le temps faire la même affaire parce que euh, je me démotive. […] Ça c’est pas bon se démotiver parce que plus tu te démotives plus tu as rien envie de faire, puis t’as envie d’abandonner. Fait que je pense ça a plus d’effet négatif. » (Camille, 15 ans, reprise d’une année scolaire, en centre de réadaptation, 1^er placement.)

41Cet aspect semble être davantage marqué dans le contexte du centre de réadaptation, comme en témoignent certains jeunes. Par ailleurs, la diminution des activités sociales et de divertissement est souvent accompagnée d’une augmentation du nombre d’ateliers pour amener les jeunes à travailler sur leurs problématiques personnelles, comme le mentionne la jeune suivante :

« Comme à l’école externe c’est moins pire. Mais surtout au centre là, la vie des élèves n’est pas normale. Tu sais, comme le soir là, les profs, ils rentrent chez eux. Ils voient leur famille. Ils mangent devant la télé. Nous, le soir, on ne voit pas notre famille. Nous, le soir, on travaille encore. On travaille d’autres choses. On ne travaille pas la matière scolaire, mais on travaille encore. Puis nos journées sont chargées, sont lourdes en émotions. » (Myriam, 16 ans, pas de retard scolaire, en centre de réadaptation, 1^er placement.)

42Ainsi, le travail effectué lors de ces ateliers au centre ou en foyer peut en outre s’avérer chargé émotionnellement pour les jeunes.

L’influence d’une fin de prise en charge abrupte sur l’inclusion en milieu scolaire ordinaire

43Nous l’avons évoqué, l’instabilité associée à la prise en charge en établissement résidentiel entraîne fréquemment des changements d’école qui influencent négativement l’expérience scolaire des jeunes. On relève également que la fin du processus de prise en charge – c’est-à-dire le retour dans leur milieu de vie d’origine ou le passage à un nouveau milieu de vie – ainsi que l’intégration d’une école ordinaire externe après une période de placement constituent des défis pour les jeunes qui considèrent que la vie dans les centres est peu représentative de leur vie à l’extérieur, comme le souligne ce jeune :

« Mon éduc de suivi, la chef, puis tout. Ils ont dit, dans le fond, qu’ils pensaient que ça allait marcher, puis tout, mais finalement, ça n’a pas trop marché. Je trouvais que je n’étais pas encore trop prêt parce que tu sais, des fois quand on passe trop de temps au centre, on est comme coupé de la réalité un peu. Fait que ça fait qu’on est moins habitué d’aller à l’école, d’aller magasiner, d’aller chez nous. Fait que c’est sûr que ça n’aide pas. Fait que, dans le fond, avant, moi j’étais super habitué d’aller à l’école. Ça ne me dérangeait pas, mais ça fait quand même deux ans là que je suis en centre. Ça m’a comme tout changé. » (Mathieu, 16 ans, retard scolaire de plus de 3 ans, en centre de réadaptation, 2^e placement.)

44Vivre une situation de placement demande donc aux jeunes de s’habituer à de nouvelles conditions de vie, qui les coupent en quelque sorte d’une réalité qui était jugée nocive. Dans le même temps, sortir de cette même situation de placement pour retourner dans son milieu de vie familial et/ou dans une école ordinaire demande également de l’adaptation au jeune, voire un réapprentissage de ce qu’est la vie à l’extérieur d’un centre ou d’un foyer, puisqu’il s’était alors habitué à ces conditions de vie, ce qui peut constituer un défi de taille.

Discussion

De l’importance de tenir compte de l’interaction entre le processus de prise en charge et l’expérience scolaire des jeunes

45Tout d’abord, en ce qui a trait au processus de prise en charge, on relève les conséquences possibles de l’événement jugé significatif qu’est le placement, telles que la fragilité émotionnelle, le stress et les pensées envahissantes qui touchent les jeunes, et les effets de celles-ci sur leur expérience scolaire et plus particulièrement sur leur capacité de concentration lors de temps de travail individuel, sur leur motivation et leurs résultats scolaires. Ces constats (rejoignent ceux d’études précédentes. Par exemple, Clemens et ses collègues soutiennent que les conséquences émotionnelles de l’expérience de placement ont un impact direct sur toutes les sphères de leur vie, et spécifiquement sur leurs habiletés à gérer les demandes de l’école (Clemens et al., 2017). Denecheau et Blaya soulignent pour leur part que les incertitudes quant aux modalités du placement occasionnées par les décisions prises par les professionnels, la famille ou le juge engendrent des inquiétudes chez les jeunes qui peuvent avoir un impact sur leur concentration à l’école ou lors de la réalisation des devoirs (Denecheau et Blaya, 2013).

46Cela dit, notre étude montre également que les causes de ces difficultés, telles que la prise en charge ou les expériences personnelles vécues à l’extérieur de l’école, semblent méconnues du personnel scolaire, notamment des milieux ordinaires. Et surtout, cela semble influencer les relations entre les jeunes et leurs enseignants ; on remarque alors que leurs interactions peuvent s’avérer négatives ou peu développées. En lien avec ces résultats, l’étude de Clemens et ses collègues relève d’ailleurs que les conséquences émotionnelles d’un placement sont souvent sous-estimées et mal comprises, ce qui contribue aux sentiments d’isolement et de marginalisation des jeunes (Clemens et al., 2017). Considérant que les relations positives entre élèves et enseignants et le soutien constituent des composantes essentielles du bien-être à l’école (Guimard, Bacro, Ferrière et al., 2015), il semble important d’agir afin que les jeunes puissent développer de tels rapports avec leurs enseignants, notamment en milieu ordinaire, milieu qui devrait être privilégié dans une perspective inclusive.

De la mise en œuvre de stratégies pour réduire la stigmatisation vécue par les jeunes vers une stratégie de formation et d’accompagnement des enseignants

47Si les enseignants peuvent manquer d’informations, ou de connaissances, sur la situation des enfants pris en charge, il faut tenir compte du fait que plusieurs participants de notre étude ont fait part de leur réticence à partager leur expérience de placement en milieu scolaire en raison d’expériences antérieures de stigmatisation, par exemple du fait de s’être senti considéré comme délinquant ou pris en pitié. Le refus de divulguer leur statut de placement avait aussi, pour certains, la fonction de normaliser un aspect de leur vie, c’est-à-dire la sphère scolaire. Plusieurs jeunes ont exprimé vouloir se sentir comme les autres et être acceptés par leurs pairs. Ainsi, à l’instar de l’étude de Johnson et ses collègues (Johnson, Strayhorn et Parler, 2020), nos résultats montrent que les jeunes en situation de placement utilisent différentes stratégies afin de diminuer la stigmatisation à l’école. On remarque même que certains acceptent les conséquences négatives de leur comportement telles que la sortie de classe afin de préserver leur statut et d’éviter les conversations sur leur vie personnelle. Dès lors, on remarque que les stratégies mises en œuvre reposent sur les jeunes. Se pose alors la question de l’amélioration des connaissances sur les situations menant à la prise en charge, l’importance de déconstruire les parcours pouvant conduire à ce type de prise en charge en tenant compte des traumas vécus, et surtout, la manière d’accompagner les transformations et le soutien au personnel scolaire en milieu ordinaire.

Les ruptures dues au processus de prise en charge

48À l’instar d’autres études, nos résultats montrent que certains éléments de la situation de placement peuvent influencer négativement l’expérience scolaire des jeunes, dont les changements d’école et les ruptures dans la trajectoire scolaire. Outre le frein qu’ils représentent pour leur progrès scolaire, ces éléments constituent des facteurs de risque pouvant affecter le développement des jeunes (Denecheau et Blaya, 2013).

La place du soutien lors de la situation de placement

49L’accompagnement offert aux jeunes en situation de placement en centre, souvent axé sur leurs enjeux personnels découlant des événements de vie vécus dans leur milieu familial, peut avoir un impact indirect sur la scolarité des jeunes en leur permettant de développer une meilleure gestion des émotions entraînant une plus grande disponibilité aux apprentissages. La majorité des participants de l’étude de Schroeter et ses collègues ont également affirmé que le soutien émotionnel est la forme d’accompagnement la plus aidante à l’école (Schroeter et al., 2015). Cependant, pour d’autres jeunes de notre étude, le travail personnel effectué au centre a ajouté une charge émotive supplémentaire, qui a à son tour affecté la concentration en classe. Cette différence entre les jeunes quant aux répercussions du soutien reçu en centre témoigne des besoins diversifiés selon les jeunes et de la nécessité d’adapter l’aide en fonction de l’intensité de la problématique.

50Toujours en lien avec les soutiens, l’offre d’activités extrascolaires limitée en temps et peu variée, notamment dans les centres de réadaptation, est un élément qui semble au regard de nos résultats avoir une influence négative sur l’expérience scolaire. Certains jeunes ne peuvent ainsi maintenir la pratique de leur sport ou loisir lorsqu’ils sont en situation de placement. Gharabaghi (2011) confirme que les activités en établissement résidentiel sont restreintes, malgré le fait que les recherches actuelles démontrent que la participation à des activités de loisirs est un facteur positif pour la réussite scolaire, la motivation dans les apprentissages, et l’engagement à l’école. Or, si d’un point de vue pratique, l’opportunité de choisir une activité de loisirs axée sur ses intérêts pourrait avoir un impact positif sur la disponibilité du jeune à s’engager dans ses apprentissages scolaires, nous croyons qu’il serait pertinent d’explorer les contraintes qui empêchent d’offrir des activités extrascolaires diversifiées dans les centres d’hébergement et foyers de groupe.

L’influence des conditions de placement sur l’expérience scolaire des jeunes

51Quant aux conditions de placement, elles s’avèrent pour la plupart des jeunes concernés, notamment en centre de réadaptation, peu comparables à celles de leur environnement familial (par exemple concernant les règles et les conséquences). Notre analyse montre que les routines et le cadre déployé dans ces établissements peuvent avoir une influence positive à court terme sur différentes dimensions de l’expérience scolaire des jeunes, mais elle suscite également des questionnements sur leur influence à plus long terme. Pour certains jeunes de notre étude, l’encadrement mis en place a permis une stabilisation de leur routine de vie, ce qui influence directement leur expérience scolaire. En effet, plusieurs participants ont mentionné être plus présents à l’école, avoir un horaire de vie facilitant l’accomplissement des obligations scolaires et avoir des comportements moins dérangeants en classe. Ces données concordent avec ce qui a été rapporté dans la revue systématique de Garcia-Molsosa et ses collègues à propos des routines en établissement résidentiel (Garcia-Molsosa, Collet-Sabé et Montserrat, 2021).

52Toutefois, on remarque que pour plusieurs des jeunes interrogés, la peur des conséquences est ce qui les a conduits à plus d’assiduité et d’engagement scolaire. Sachant que dans la majorité des situations les jeunes ne reçoivent pas ce type d’encadrement à l’extérieur, il est possible de se demander si les acquis constitués dans un contexte de placement sont transposables dans leur environnement naturel. Cette interrogation s’appuie sur l’écart souvent observé entre d’une part les conditions de vie et l’encadrement expérimenté par les jeunes en situation de placement en centre et d’autre part leur réalité extérieure. La transition d’un milieu à l’autre, à la suite d’un placement, peut ainsi s’avérer un échec sans un soutien accru des intervenants et des autres acteurs impliqués dans la vie du jeune. Mendis et ses collègues ont d’ailleurs démontré que le manque de conseils d’un adulte pendant la transition des jeunes vers l’indépendance peut entraîner des conséquences négatives, et notamment faire échec à l’aboutissement de leurs études (Mendis et al., 2018). Cela dit, si ce moment de rupture peut s’avérer nécessaire pour mettre fin à une situation compromettant la sécurité ou le développement d’un jeune, il semble important de s’attarder sur la transition et le développement d’une motivation davantage intrinsèque.

Conclusion

53Cet article vise à mieux comprendre l’influence du contexte de prise en charge et de placement sur l’expérience scolaire des jeunes en centre de réadaptation ou en foyer de groupe. À partir d’une approche compréhensive de leur expérience scolaire, nous avons discuté de plusieurs éléments relatifs au processus de prise en charge et aux contextes de placement auxquels les jeunes ont fait référence lorsqu’ils ont relaté leur expérience scolaire depuis leur entrée au secondaire, vers 12 ans. Cette étude contribue plus largement à soutenir les réflexions sur l’humanisation des services de réadaptation, comme le suggère le rapport de la Commission spéciale sur le droit des enfants et la protection de la jeunesse (CSDEPJ, 2021).

54Nous retenons notamment que différents moments du processus de prise en charge constituent des événements significatifs dans la vie des jeunes et influencent l’expérience scolaire d’un certain nombre d’entre eux. De cela découle la nécessité de poursuivre les réflexions sur le développement de pratiques de sensibilisation des intervenants scolaires aux traumatismes des jeunes ainsi qu’au processus de prise en charge et à ses conséquences. À cet égard, l’accroissement d’offres de formation aux enseignants pourrait être pertinent dans le but de développer leurs capacités à accompagner les jeunes placés au regard de leurs apprentissages. La revue systématique de Townsend et ses collègues a d’ailleurs démontré le bien-fondé de ce besoin pour le personnel scolaire côtoyant des jeunes en situation de placement (Townsend, Berger et Reupert, 2020).

55Les résultats de cette étude renvoient également à l’importance de poursuivre les réflexions sur les pratiques de partage d’informations. Si la confidentialité constitue un enjeu souligné depuis nombre d’années, voire un frein au partage d’informations, il pourrait convenir de réfléchir au développement de telles pratiques entre intervenants sociaux, jeunes et enseignants qui, sans que le jeune ait à exposer son vécu ou son expérience, permettraient tout de même de comprendre l’influence de la situation de placement sur l’expérience scolaire des jeunes. Considérant les situations de stigmatisation par les pairs et le personnel scolaire évoquées par certains jeunes, il serait intéressant d’une part de mieux comprendre ces expériences ainsi que les conditions menant à ces situations. D’autre part, s’intéresser aux représentations des acteurs du milieu scolaire et des autres jeunes concernant les situations de placement ou les parcours atypiques ainsi qu’aux voies de transformation de ces représentations apparaît à la lumière de nos résultats comme une orientation pertinente afin d’améliorer l’expérience scolaire des jeunes en situation de placement.