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AccueilNuméros37De la guerre à la guerre froideL’homosexualité internationalisée

De la guerre à la guerre froide

L’homosexualité internationalisée

Politiques pénales, débats transnationaux et échanges transatlantiques à Interpol, l’OMS et l’ONU pendant les années 1950
Wannes Dupont
p. 23-40

Texte intégral

  • 1 M. Fernet, « L’homosexualité et son influence sur la délinquance », Revue internationale de police (...)
  • 2 Sur la culture (homo)sexuelle parisienne et son imaginaire culturel, voir É. Dussault, L’Invention (...)
  • 3 Sur le groupe Arcadie et Futur, voir J. Jackson, Arcadie. La vie homosexuelle en France, de l’après (...)

1En janvier 1959 paraît dans la Revue internationale de police criminelle d’Interpol un article très intéressant intitulé « L’homosexualité et son influence sur la délinquance »1. L’auteur, Max Fernet, est directeur de la police judiciaire de la préfecture de police de Paris et ancien chef de la brigade mondaine. Dans cet article, il s’en prend au milieu homosexuel qu’il considère comme relevant des bas-fonds, « secret » et « fermé », chargé de toutes sortes de pratiques obscènes, de violences sexuelles, de vols, de prostitution, de chantage, de violence et même de crimes de sang. Après plus de vingt ans d’expérience professionnelle dans la capitale française, Fernet conclut que l’homosexualité est intrinsèquement liée à la criminalité et que le milieu homosexuel « se comporte comme un “bouillon de cultureˮ où éclosent les virus criminels ». De plus, bien que cela soit presque impossible à quantifier, l’homosexualité semble clairement en augmentation dans la toute nouvelle Cinquième République, encore sous le choc de la crise de mai 1958 en Algérie, l’année précédente. Selon les études menées, cette perception d’un « accroissement » de l’homosexualité à l’époque provient du fait qu’elle est plus « voyante » et que les homosexuels font preuve d’une plus grande audace que par le passé. Ils se concentrent dans des zones spécifiques, comme Saint-Germain-des-Prés, où ils ont leurs lieux de prédilection et où ils se montrent dans les rues avec une impudente confiance en eux2. Ils ont même fondé des « clubs privés » tels que le groupe Arcadie et la revue éponyme qui lui est associée ou le mensuel Futur, qui militent pour les droits des « homophiles », terme que les « pédérastes » ont choisi comme dénomination moins péjorative3. En France, à cette époque, c’est un phénomène nouveau que de tels groupes et de telles revues et en général que les homosexuels aient l’audace de réclamer leur reconnaissance et une tolérance légale en invoquant les droits de l’homme et les libertés individuelles. C’est cette nouvelle donne que commente Fernet :

  • 4 M. Fernet, op. cit., p. 16-17.

Cette tendance à l’exhibition, cette volonté de prosélytisme, cette affirmation parfois agressive du « bon droit », ces manifestations ouvertes, sont de nature à accréditer dans le public l’idée que certains milieux, notamment ceux des Lettres et des Arts, du Cinéma et de la Danse, de la Couture comme au Théâtre, sont pratiquement sous la coupe d’une trouble société secrète4.

  • 5 D. K. Johnson, The Lavender Scare. The Cold War Persecution of Gays and Lesbians in the Federal Gov (...)

2Il se fait là l’écho d’un sentiment de frayeur, très répandu dans la police et la classe politique des débuts de la guerre froide, au moment où l’on craint l’infiltration par des éléments subversifs. En effet, aux États-Unis, les homosexuels sont déjà traités sur le même pied que les communistes depuis le début des années 1950. On considère ainsi que les homosexuels comme les communistes sont nuisibles à la stabilité sociale et politique, ils y sont associés également du fait de l’implication historique de l’extrême gauche dans le combat pour les droits des homosexuels. Enfin, on se méfie tout autant des homosexuels que des communistes, vraisemblablement parce que les homosexuels actifs dans les services de sécurité nationale et dans la diplomatie semblent plus exposés au risque de chantage par des espions soviétiques et constituent donc une menace pour l’État. Par conséquent, la célèbre Red Scare américaine de l’après-guerre est accompagnée d’une Lavender Scare, moins connue, mais au moins tout aussi dévastatrice, qui cause l’expulsion de l’armée et de la fonction publique de milliers d’homosexuels, hommes et femmes, tandis que la police se livre dans les rues à la chasse aux prétendus « déviants sexuels »5.

  • 6 G. Kinsman et P. Gentile, The Canadian War on Queers. National Security as Sexual Regulation, Vanco (...)
  • 7 Archives de l’OTAN en ligne, Le Conseil de l’Atlantique Nord, Comité de sécurité, 1959, (D) Documen (...)

3Il n’est donc pas vraiment surprenant, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, que des deux côtés de l’océan Atlantique, les nations occidentales soient secouées par un même spasme homophobe en réaction aux changements de société, à l’angoisse post-traumatique et au climat paranoïaque de la guerre froide. Entretenant des liens étroits, ces nations constituent après tout, dans le monde bipolaire de l’époque, un même bloc stratégique dominé par les États-Unis. La pression qu’ont exercée, dans les années 1950, les États-Unis sur le Canada pour qu’il adopte des mesures de sécurité anti-homosexuelles a été clairement mise en évidence6. Il resterait à étudier si et comment un phénomène similaire a pu se produire en Europe de l’Ouest. On sait qu’une note du Bureau de sécurité de l’OTAN, datée du 15 avril 1959, souligne clairement que la « manifestation d’une tendance à l’homosexualité tôt dans la vie doit être considérée comme le signe d’une instabilité durable de la personnalité ». Toute personne qui aurait montré cette « tendance » est ainsi rendue inapte au travail dans les départements qui traitent d’informations sensibles. Le même mémo précise également que la décision de ne pas recruter d’homosexuels à l’OTAN « provient d’une proposition de la délégation des États-Unis »7. Les différents pays d’Europe de l’Ouest n’ont en réalité guère besoin des encouragements des États-Unis pour développer leurs propres politiques homophobes ou pour entretenir un climat d’hostilité contre les homosexuels. Comme de nombreuses histoires locales et nationales le prouvent, l’Europe a une longue tradition de rejet et de stigmatisation de l’homosexualité. De fait, les années 1940 et 1950 ont connu un niveau record de peur de l’homosexualité et de répression sur tout l’ouest du continent européen, de la Norvège à l’Espagne.

  • 8 L’OIPC adoptera Interpol comme nom officiel de l’organisation en 1956, mais j’utiliserai l’acronyme (...)
  • 9 Archives de l’État belge pour Bruxelles à Anderlecht, déplacées à Forest depuis leur dernière consu (...)

4Aussi, l’article de Fernet ne retient l’attention pas tant pour sa date de parution ni pour son ton particulièrement alarmiste. Ce qui est le plus surprenant, en effet, c’est qu’il l’a écrit en réaction indignée à la tendance récente, dans la communauté internationale des criminologues et des responsables politiques, à minimiser la menace supposée de l’homosexualité et à demander la décriminalisation des relations entre adultes consentants du même sexe. De fait, par sa diatribe, Fernet, agacé et incrédule, répond à un rapport récent de l’Organisation internationale de police criminelle (OIPC), mieux connue sous l’abréviation Interpol8. Ce rapport estime que « l’incidence criminelle de l’homosexualité » est « restreinte » et que « les partisans de la décriminalisation de l’homosexualité entre adultes consentants [gagnent] du terrain »9.

  • 10 Pour une analyse plus étendue de cette problématique, voir W. Dupont, « The TwoFaced Fifties. Homos (...)

5Le présent article montrera brièvement comment, au moment précis où les actions policières et les politiques anti-homosexuelles se durcissent en Europe occidentale, au niveau local comme au niveau international, des experts de premier plan commencent à appeler à la modération, à la tolérance et demandent la fin de la criminalisation et de la pathologisation abusives de l’homosexualité10. Pour ce faire, je m’appuierai principalement sur les comptes-rendus d’une série de conférences organisées tant par l’Organisation internationale de police criminelle (OIPC), par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), par le Comité européen pour les problèmes criminels (CEPC) que par le Groupe consultatif européen en matière de prévention du crime et de traitement des délinquants (GCE). Mon propos s’articulera en trois étapes principales. D’abord, je présenterai comment le chaos produit par la guerre a généré de vives préoccupations quant à la corruption morale de la jeunesse. Ces préoccupations s’incarnaient dans la figure du psychopathe (homo)sexuel, celui qui s’en prend à « l’innocent » sous nos propres yeux. La deuxième partie montrera comment la question des délinquants sexuels a attiré l’attention, à un niveau européen, d’éminents experts criminologues qui ont commencé à prôner une approche moins répressive des crimes sexuels en général, et de l’homosexualité en particulier, quand bien même la persécution de l’homosexualité s’intensifiait en Europe de l’Ouest. Enfin, j’analyserai le rôle majeur joué par Trevor Gibbens, conseiller psychiatre de l’OMS fortement influencé par le sexologue américain Alfred Kinsey, dans l’établissement d’un consensus dans la communauté médicolégale internationale autour de ce qu’on a appelé le modèle franco-danois, modèle qui propose la décriminalisation partielle de l’homosexualité.

Redressement moral et psychopathie sexuelle

  • 11 F. E. Louwage, « Delinquency in Europe after World War II », Journal of Criminal Law and Criminolog (...)
  • 12 En ce qui concerne les conséquences de la guerre, les transformations sociales et la délinquance ju (...)
  • 13 A. Goldenberg, « Échos et nouvelles. Allemagne. Quelques chiffres », RIPC, 7/62, 1952, p. 303-304 ; (...)
  • 14 Ibid. ; « About Sexual Offences », ICPR, 6/50, 1951, p. 250.

6Comme partout ailleurs, la Seconde Guerre mondiale a causé dans les sociétés européennes des bouleversements d’une ampleur inédite. En décrivant ses effets sur la délinquance en 1951, le président belge de l’OIPC, Florent Louwage, écrit que les détentions, les déportations et les exécutions « de masse » ont détruit les familles. Des milliers d’enfants ont dû grandir avec des pères absents et des mères au travail quand ces catastrophes ne les ont pas tout simplement rendus orphelins. En l’absence d’une véritable supervision et en raison des conditions de vie difficiles, poursuit Florent Louwage, les jeunes ont recours à toutes sortes de méfaits, marché noir, vols, trafics et organisation en bandes. Il décrit non seulement une augmentation générale de « l’adultère, de la prostitution » et des « avortements », mais il souligne également que les garçons, « entre 12 et 16 ans », ont une forte tendance à la déviance et que « l’homosexualité prolifère »11. Cette inquiétude quant aux conséquences psychologiques de la désintégration des familles sur la jeunesse pèse sur le climat culturel de la fin des années 1940 et des années 1950 en Europe de l’Ouest12. De même, on craint que les victimes des bouleversements sociaux de la guerre et de l’après-guerre ne perdent leur innocence et ne tombent durablement dans la dépravation sexuelle. Au début des années 1950, en Allemagne, les chiffres montrent que la criminalité qui a crû avec la guerre diminue dans l’ensemble, mais on constate une forte augmentation des délits sexuels13. Louwage sait, grâce à ses contacts dans de nombreux services de police en Europe, qu’il s’agit là d’un phénomène transnational. Aussi demande-t-il à l’OIPC un rapport international sur le sujet pour confirmation14. De toute évidence, la dislocation des familles, la délinquance juvénile et les délits sexuels paraissent des phénomènes étroitement liés entre eux.

  • 15 La notion, en anglais, de « sexual seduction of minors », très présente dans les débats de l’époque (...)
  • 16 G. Hoornaert, « La loi devant la corruption de la jeunesse et l’excitation à la débauche », Revue d (...)

7On ne considère cependant pas les mineurs délinquants ou ceux ayant de « mauvaises mœurs » comme appartenant à la « jeunesse coupable », mais plutôt comme des victimes soit des circonstances, soit de la corruption active d’adultes malveillants15. Ce n’est pas tout à fait nouveau. Comme la position de la Société des Nations l’a déjà montré face au problème de la prostitution pendant l’entre deux guerres, ce phénomène est perçu surtout comme la corruption de mineurs vulnérables et naïfs par des proxénètes dénués de scrupules. Après-guerre, les nouvelles Nations unies continuent à faire de la lutte contre le proxénétisme une priorité et les nouvelles mesures prises contre la prostitution sont généralement assimilées à des mesures de protection de la jeunesse. En Belgique, par exemple, le principal rapport qui a servi à préparer la loi de 1948 sur la prostitution commence par déclarer que « [l]a moralité de la jeunesse est en péril, il faut qu’immédiatement nos lois soient complétées et renforcées pour endiguer le mal ». Selon ce rapport, la génération actuelle est façonnée par les deux extrêmes de la misère et de l’hédonisme, ce qui l’a rendue matérialiste, incontrôlable et voluptueuse. L’« éclosion de perversités » endémique ne peut dès lors pas être contrée par la seule force de la loi, mais la loi peut et doit se montrer plus sévère envers « ceux qui spéculent sur la faiblesse naturelle de la jeunesse et sur son désarroi actuel pour provoquer ou aggraver sa corruption ». L’éradication des « agents de corruption toujours plus actifs » constitue la tâche principale des autorités16. Ce mélange omniprésent de métaphores morales et médicales fait de la délinquance juvénile une conséquence de la spirale descendante dans laquelle les adolescents sont précipités en raison de conditions structurelles et de la recherche cynique du profit par des individus qui en abusent.

  • 17 À côté de cette peur panique en Europe se présente simultanément une fascination publique, médiatiq (...)
  • 18 Ph. Jenkins, Moral Panic. Changing Concepts of the Child Molester in Modern America, New Haven, Yal (...)
  • 19 Ibid., p. 55.
  • 20 D. M. Charles, Hoover’s War on Gays. Exposing the FBI’s ‘Sex Deviates’ Program, Lawrence, Universit (...)

8Ce qui paraît encore plus inquiétant à l’époque est la conviction qu’un certain nombre d’adultes prédateurs ne sont pas motivés par le gain, mais par un désir irrésistible et instinctif et sans aucune limite morale. Bien sûr, la notion de « psychopathie » était déjà théorisée et popularisée depuis le XIXe siècle. Pourtant, au milieu du XXe siècle, il n’y a toujours pas de nosographie standardisée et des glissements continus entre diverses interprétations du phénomène embrouillent le débat. Par cette confusion, le psychopathe, et le psychopathe sexuel sadique en particulier, commence à occuper une place toute particulière dans l’imaginaire collectif au tournant du siècle. Ceci semble le cas dans divers pays européens, mais c’est particulièrement vrai aux États-Unis où la phobie des vagabonds jetés sur les chemins par la grande crise des années 1930 se combine avec une peur panique, alimentée par les médias, à la suite d’une série d’horribles agressions et de meurtres d’enfants17. Cela conduit, à partir de 1937, à la promulgation de lois dites des « psychopathes sexuels » dans un grand nombre d’États. Cette panique prolongée connaît plusieurs pics d’attention, à la fin des années 1930, puis de 1947 à 1950 et encore une fois en 1953-195418. Comme la guerre a interrompu la vague de cambriolages de banques et les enlèvements à fort retentissement médiatique de l’entre-deux-guerres, et comme le Bureau fédéral des stupéfiants (FBN – Federal Bureau of Narcotics), indépendant, obtient le monopole de la lutte contre la criminalité liée à la drogue, J. Edgar Hoover, à la recherche d’une grande cause pour légitimer le FBI, fait de la répression contre les « obsédés sexuels » de l’après-guerre une priorité19. Ce même FBI joue un grand rôle pour associer en tant que « menaces pour la sécurité nationale » le problème pénal de la « psychopathie sexuelle » et le problème politique des « déviants sexuels » – c’est-à-dire principalement les homosexuels –, ce qui établit la confusion et aboutit à l’homosexualisation inconsidérée de la psychopathie20.

  • 21 F. E. Louwage, « F.B.I. Law Enforcement Bulletin », RIPC, 5/39, 1950, p. 189.
  • 22 « Sexual Offences », ICPR, 7/60, 1952, p. 216-219, p. 218-219.
  • 23 J. P. de River, The Sexual Criminal. A Psychoanalytical Study, Springfield, Thomas, 1949. Sur de Ri (...)
  • 24 J. P. de River, op. cit., p. 13.
  • 25 F. E. Louwage, « [Recension de] Der Sexualverbrecher [par J. P. de River] », RIPC, 6/48, 1951, p. 1 (...)

9Hoover a d’ailleurs aidé Louwage à rétablir l’OIPC après la Seconde Guerre mondiale. Louwage devient un auteur important de la nouvelle publication bilingue de l’OIPC, la Revue internationale de police criminelle (RIPC). Il y commente un article alarmiste de Hoover sur l’augmentation des crimes sexuels aux États-Unis. Cet article est daté de 1950, l’année même où Louwage rend visite à son collègue américain21. C’est aussi à ce moment que la RIPC publie un article sur un Californien, meurtrier et violeur d’enfants. Au début des années 1950, des articles qui font froid dans le dos sur le « psychopathe violeur et tueur d’enfants » deviennent fréquents dans le journal d’Interpol. À l’assemblée générale de l’OIPC de 1952, où l’on discute du rapport sur les crimes sexuels que nous avons évoqué plus haut, le délégué américain explique en détail les actions menées par la police de Los Angeles contre les homosexuels. C’est là que Joseph Paul de River22 a établi et dirige un Bureau spécial des délits sexuels. Ce psychiatre légiste a déjà publié Le Criminel sexuel, un manuel pratique qui a fait autorité et qui déborde d’un jargon pseudo-psychanalytique censé donner une crédibilité scientifique à l’idée qu’il existe un lien fort entre le sadisme et l’homosexualité et que la corruption opérée par des adultes lascifs et dégénérés peut « fixer » l’ambivalence sexuelle d’adolescents (masculins) dans une homosexualité permanente23. On peut, par exemple, y lire que « [d]ans chaque instance de sadomasochisme il y a un degré d’infantilisme psychosexuel, aussi qu’une inhibition de développement qui est souvent la conséquence d’une déviation sexuelle »24. Louwage, lui-même auteur d’un livre à succès et de plusieurs articles sur les points de rencontre entre psychanalyse et criminologie, salue le livre de de River dans son compte-rendu pour la RIPC comme un travail « extrêmement intéressant » qu’il recommande « vivement » aux enquêteurs du monde entier25.

  • 26 G. K. Stürüp, « The Management and Treatment of Psychopaths in a Special Institution in Denmark », (...)

10La question des criminels instinctifs n’est pourtant pas nouvelle dans l’Europe de l’après-guerre. Leur « anormalité » a déjà donné lieu à d’interminables débats pénologiques sur la responsabilité criminelle et sur les droits civiques depuis le XIXe siècle. Les Pays-Bas ont promulgué une loi sur l’internement des criminels aliénés en 1928. La Belgique a adopté sa propre loi de « défense sociale » contre « les anormaux » deux ans plus tard. Les dispositions étendues sur l’aliénation que comporte le nouveau Code pénal danois de 1930 ont conduit à la création d’une institution spéciale pour le traitement des psychopathes à Herstedvester, à côté de Copenhague, en 193526, etc.La notion de psychopathie n’a par conséquent pas été simplement « importée » des États-Unis après la guerre. Dans les pays latins de l’Europe occidentale, l’usage du terme « anormalité » au lieu de celui de « psychopathie » reste pourtant beaucoup plus répandu. Néanmoins, on peut considérer que la peur prolongée du psychopathe sexuel chez les Américains et « l’homosexualisation » de cet ennemi public exercent une assez grande influence en Europe à un moment où le continent se remet encore d’un conflit qui a déraciné sa jeunesse, banalisé la prostitution, répandu les maladies vénériennes et fait croître la criminalité sexuelle. La RIPC contribue à faire du kidnappeur-violeur d’enfant un épouvantail international. Cependant, vers le milieu des années 1950, l’OIPC et le reste de la communauté médicolégale internationale commencent à complexifier et à nuancer le débat sur les « pervers ».

Délinquants sexuels et Nations unies

  • 27 « The Work of the United Nations in the Field of the Prevention of Crime and the Treatment of Offen (...)
  • 28 « The Work of the United Nations », op. cit., p. 8. Pour plus de détails, voir Th. Sellin, « Lionel (...)
  • 29 La première conférence se plaça tout de même sous l’autorité de la CIPP pourtant sur le point d’êtr (...)
  • 30 « The Work of the United Nations », op. cit., annexe 2.

11Avec le soutien croissant de la Société des Nations, notamment en ce qui concerne la délinquance juvénile, la communauté médicolégale internationale s’est principalement organisée autour de la Commission internationale intergouvernementale pénale et pénitentiaire (CIPP) pendant l’entre-deux-guerres27. Après 1945, la décision est prise de dissoudre la CIPP et de l’intégrer à la Section de défense sociale des Nations unies, qui vient d’être fondée28. Cette structure doit inclure des groupes consultatifs nouvellement créés qui bénéficient du soutien des ONG les plus importantes dans ce domaine ; parmi elles, les quatre plus « reconnues » : la CIPP, la Société internationale de criminologie, l’Association internationale de droit pénal et la Société Howard pour la réforme pénale. Des congrès mondiaux organisés tous les cinq ans doivent coordonner, à l’échelle internationale, la politique pénale des Nations unies. Le premier d’entre eux a lieu en 195029. Rapidement, un programme de recherche ambitieux et tourné vers l’avenir est adopté. Les questions de la réhabilitation sociale et du traitement des délinquants y occupent une grande place, y compris en ce qui concerne « les repris de justice et les récidivistes »30.

  • 31 Secrétariat des Nations unies, Conference of the European Consultative Group on the Prevention of C (...)
  • 32 T. C. N. Gibbens, « Psychiatry and the Abnormal Offender. A Paper Prepared for Discussion by the Eu (...)
  • 33 Sur Gibbens, voir G. Robertson, « Pioneers in Forensic Psychiatry. Professor T.C.N. Gibbens (1912-8 (...)
  • 34 T. C. N. Gibbens, op. cit., p. 8.

12À sa première réunion biennale, à Genève en 1952, le Groupe consultatif européen en matière de prévention du crime et de traitement des délinquants (GCE), subdivision régionale de la Section de défense sociale de l’ONU, décide qu’il se consacrera tout particulièrement aux délinquants « récidivistes » et « anormaux »31. Deux ans plus tard, en 1954, les délinquants « sexuels » sont ajoutés à la liste, mais leur cas ne sera pas étudié avant 1958. Les deux premières catégories sont d’abord discutées à la session de 1956, pour laquelle on a demandé à un consultant de l’OMS de préparer un document préparatoire sur « la psychiatrie et le délinquant anormal »32. La tâche échoit à Trevor C. N. Gibbens. Psychiatre légiste d’une quarantaine d’années, il a été formé à Cambridge et exerce alors à l’Institut de psychiatrie de l’Université de Londres, à l’hôpital Maudsley33. Dans son document, Gibbens relève la dérive conceptuelle et le manque de recherche solide autour des questions de psychopathie et d’anomalie mentale. Il estime qu’il ne « serait jamais possible » d’établir une « nette distinction »34 entre ces deux catégories. Il poursuit en estimant qu’on attribue indûment, par défaut, certains délits à des déficiences mentales, ce qui constitue un problème fondamental. En réalité, insiste-t-il, « l’état de santé mentale de tels délinquants varie grandement » et, « tout particulièrement, celui des délinquants sexuels ». Gibbens juge qu’il n’est pas « justifiable, par exemple, de considérer tous les homosexuels comme des malades mentaux ».

  • 35 Édition française, Le Comportement sexuel de l’homme, Du Pavois, 1948.

13En 1949, au plus fort de la panique sexuelle dans les États-Unis de l’après-guerre, Gibbens a séjourné un an aux États-Unis pour se former auprès de plusieurs universitaires reconnus mais critiques envers la législation sur la psychopathologie sexuelle. Parmi eux, citons David Abrahamsen, Paul Tappan et Alfred Kinsey, dont l’étude récente Sexual Behavior in the Human Male35 a provoqué une onde de choc dans le monde entier. Cette année passée aux États-Unis et sa rencontre avec Kinsey s’avéreront déterminantes pour Gibbens. À son retour en Grande-Bretagne, il commence à investiguer, dans le cadre de sa recherche en science médicolégale, les liens entretenus entre psychopathie, délinquance juvénile et délinquance sexuelle. Ses travaux prennent position contre l’alarmisme exagéré et prônent la décriminalisation ou, à tout le moins, une prise en charge psychologique à l’extérieur d’un établissement pénitentiaire. Son autorité sur le sujet étant bien établie par la réunion du GCE de 1956, il est chargé d’écrire un autre document préparatoire, cette fois sur les délinquants sexuels, pour un groupe de travail conjoint que le GCE et le Conseil de l’Europe comptent mettre en place à la Maison de l’Europe, à Strasbourg. Ce groupe de travail restreint doit jeter les fondements d’une discussion plus poussée au sein du GCE sur les délinquants sexuels prévue pour l’été suivant.

  • 36 Pour consulter le document de Gibbens, voir « Working Paper No. 11, 13th September 1957. Sex Offend (...)
  • 37 Ibid.
  • 38 Voir respectivement ibid., p. 6 ; « Working Paper No. 5 [section I sur la ‘Preliminary Discussion H (...)

14Le rapport de Gibbens propose de restreindre l’intervention du système pénal aux cas graves qui impliquent l’usage de la force physique, de la pression psychologique ou d’attentats à la pudeur. Le texte argumente que le droit pénal ne doit pas s’immiscer dans le « développement sexuel harmonieux » de la jeunesse pour qui l’expérimentation semble à la fois nécessaire et très répandue, comme l’ont montré les statistiques de Kinsey36. De plus, ses propres travaux indiquent que la corruption de mineurs par des homosexuels n’est ni plus fréquente ni plus dangereuse que leur corruption par des hétérosexuels. Bien que cela ne rende « les contacts sexuels avec les enfants […] en rien moins répréhensibles ou punissables », il estime aussi que la dramatisation de toute transgression, même mineure, risque de rendre traumatisante « quelque chose que l’enfant oublierait, sinon, rapidement »37 37. Dans l’ensemble, Gibbens considère que la récidive chez les délinquants sexuels est « sensiblement rare » et recommande qu’ils ne soient par conséquent pas « soumis à des mesures judiciaires ou thérapeutiques spéciales », car un « traitement sévère pourrait faire plus de mal que de bien à de petits délinquants »38.

  • 39 « Working Paper No. 5 », op. cit., p. 18.
  • 40 L. Massion-Verniory et R. Charles, « Les aspects médicopsychologiques, sociaux et juridiques de l’h (...)
  • 41 F. Franssen, « Miscellaneous Questions and Closing Session », ICPR, 12/110, 1957, p. 237-239.

15Mais, alors qu’il est admis, dans l’ensemble, qu’il vaut mieux aborder la question des délinquants sexuels en termes médico-psychologiques et leur proposer un traitement plutôt que de les considérer seulement en termes moraux et pénaux, de nombreux participants repoussent néanmoins les considérations « radicales » de Gibbens sur la supposée innocuité de la plupart des délits sexuels, estimant que certaines de ses conclusions sont « prématurées »39. Sur la question de l’implication de mineurs notamment, ses conclusions ne semblent absolument pas en concordance avec l’opinion publique et avec la vision des autorités policières. De fait, à l’époque, il y a un sentiment croissant dans nombre de grandes villes d’Europe de l’Ouest que l’incitation à la débauche d’adolescents par des homosexuels adultes fait croître la prostitution juvénile et pousse les enfants vers une vie de crime, d’oisiveté et de débauche. À Bruxelles, par exemple, le Tribunal de la jeunesse signale de telles situations, ce qui engendre l’augmentation de l’activité policière. Ainsi, les hommes enregistrés comme homosexuels dans le seul centre-ville passent d’un nombre modeste de 22 individus en 1953 à pas moins de 988 en 195640. Quelques mois avant le début des travaux du groupe strasbourgeois, Firmin Franssen, chef de la police judiciaire de la capitale belge et délégué de l’OIPC, demande d’ailleurs à l’assemblée générale d’Interpol à Lisbonne41 de commanditer une étude internationale sur l’homosexualité et la criminalité.

  • 42 Voir les données de P. Koenders, Tussen christelijk réveil en seksuele revolutie. Bestrijding van z (...)
  • 43 C. J. Whisnant, Male Homosexuality in West Germany. Between Persecution and Freedom, 1945-1969, Bas (...)
  • 44 J. K. Kirchknopf, « Die strafrechtliche Verfolgung homosexueller Handlungen in Österreich im 20. Ja (...)
  • 45 Th. Delessert et M. Voegtli, Homosexualités masculines en Suisse. De l’invisibilité aux mobilisatio (...)
  • 46 J. Rydström et K. Mustola (dir.), Criminally Queer. Homosexuality and Criminal Law in Scandinavia 1 (...)
  • 47 Il existe une abondante documentation sur le Royaume-Uni. Pour une présentation bien faite, voir J. (...)
  • 48 Sur la France, voir, entre autres, S. Gunther, The Elastic Closet. A History of Homosexuality in Fr (...)
  • 49 « Working Paper No. 5 », op. cit., p. 2.

16De fait, plusieurs recherches montrent qu’en Europe de l’Ouest, la répression de l’homosexualité s’est intensifiée durant cette période. Depuis la fin des années 1940, les brigades des mœurs des villes néerlandaises ont considérablement intensifié leur activité42. En Allemagne fédérale, la persécution de l’homosexualité a atteint numériquement des niveaux sans précédent durant les années 1950, surpassant même ce qu’elle avait été sous le Troisième Reich (en termes de nombre de personnes inquiétées, non, bien sûr, en ce qui concerne la cruauté des persécutions)43. La situation est semblable en Autriche44. À la même époque, les autorités suisses répriment durement le milieu homosexuel suite à deux affaires de meurtre à Zurich liées à la prostitution masculine et qui créent une véritable panique morale en 195745. Dans les pays nordiques aussi, les scandales sexuels et les inquiétudes quant à l’existence de jeunes garçons prostitués alimentent le débat et l’activité policière en conséquence46. En Grande-Bretagne, au début des années 1950, une série de procès d’homosexuels fortement médiatisés génèrent une riposte policière brutale47. Quant à l’Italie, l’Espagne et le Portugal, ils adoptent de nouvelles réglementations qui autorisent l’internement des homosexuels considérés comme une menace pour la société tandis qu’en France, une loi du Parlement les désigne officiellement comme un « fléau social »48. Au regard de cette situation, on peut comprendre que la thèse de Gibbens selon laquelle il n’y a « nulle raison valable pour réprimer avec plus de sévérité les comportements pervers […] que les comportements sexuels normaux » a pu paraître fantaisiste49. Deux thèses s’affrontent. Cependant, un nouveau consensus politique international est en train d’émerger qui fait soigneusement la distinction entre les « déviances » sexuelles dangereuses et celles qui sont inoffensives.

Vers le modèle législatif « franco-danois »

  • 50 Home Office. Scottish Home Department, Report of the Committee on Homosexual Offences and Prostitut (...)
  • 51 Université d’Indiana, Kinsey Institute, Alfred C. Kinsey Archival Collection, Correspondance, Lettr (...)

17En effet, le Comité britannique sur les délits homosexuels et la prostitution publie ses conclusions dans le célèbre rapport Wolfenden au même moment qu’a lieu la réunion de Strasbourg, en septembre 1957. Créé trois ans auparavant en réponse à l’émotion causée par le scandale fortement médiatisé de sodomie impliquant Lord Montagu de Beaulieu, le comité recommande la décriminalisation controversée des actes homosexuels entre adultes consentants dans les lieux privés. Ce faisant, le comité demande simultanément l’augmentation de l’âge du consentement pour de tels actes afin de mettre la jeunesse à l’abri des effets corrupteurs d’une exposition précoce aux influences malsaines50. Gibbens a participé à la rédaction de rapports qui ont été soumis à ce comité par trois importantes organisations britanniques : la British Medical Association, l’Institute of Psychiatry et la Howard League. Toutes trois plaident pour la décriminalisation des relations entre partenaires de même sexe, pour les hommes âgés de plus de 21 ans. De plus, Gibbens demande personnellement à Kinsey de venir témoigner en Grande-Bretagne devant le comité51. Kinsey accepte l’invitation et fait grande impression.

  • 52 Voir « Homosexualité : législations pénales la concernant et ses incidences sur la criminalit  », o (...)

18Dans les pays anglophones en particulier, le rapport Wolfenden constitue un tournant international important, puisque ces pays partagent une tradition législative qui pénalise encore les relations homosexuelles. À l’échelle européenne cependant, la Grande-Bretagne ne fait que suivre une tendance législative internationale déjà présente dans la majorité des pays de l’Europe de l’Ouest. Cette tendance est clairement énoncée par le rapport international de l’OIPC sur l’homosexualité et la criminalité commandité un an plus tôt par Firmin Franssen. C’est ce rapport qui est présenté à l’assemblée générale de l’organisation en septembre 1958 et qui déplaît tant à Max Fernet. Les réponses au questionnaire HOSEX-4731 montrent que de nombreux pays, en particulier en Europe, en Amérique latine et en Extrême-Orient, ne font aucune distinction législative entre homo- et hétérosexualité et considèrent que l’homosexualité ne constitue pas un problème important de criminalité. Son incidence est considérée comme « nulle » pour les autorités luxembourgeoises et néozélandaises, « minimale » pour les Mexicains et « inchangée » pour les responsables des polices irlandaise, indienne, indonésienne et italienne. L’homosexualité est néanmoins considérée comme un phénomène croissant dans les grandes villes. De ce fait, elle est associée à la prostitution juvénile en Autriche, au Danemark et à Cuba, à des escroqueries et à des vols en Espagne et en France, à du chantage en Italie et en Suisse et, parfois, à des trafics de drogue et à des homicides. Cependant, à l’exception notable de l’Allemagne de l’Ouest, la tendance générale est à la minimisation de la criminalité causée par l’homosexualité52.

  • 53 W. N. Jr. Eskridge, Dishonorable Passions. Sodomy Laws in America, 1861-2003, New York, Viking, 200 (...)

19Le rapport fait apparaître des signes manifestes de libéralisation. Ainsi, Israël fait état d’un mouvement croissant de l’opinion publique dans cette direction. Une commission parlementaire autrichienne a récemment présenté un projet de loi visant à décriminaliser les relations homosexuelles entre adultes consentants tout en maintenant l’interdiction de la prostitution homosexuelle. La prostitution homosexuelle des jeunes ne « devrait jamais être considérée comme un délit », énonce la réponse du Danemark qui considère l’homosexualité comme un problème « fondamentalement social » et non criminel. Les autorités pakistanaises reconnaissent que la sévérité des lois n’a jamais permis de réduire le phénomène et proposent d’adopter une approche plus libérale. Une telle approche n’est cependant pas au goût de tout le monde, comme le montre la réaction de Fernet en tant que représentant de la police française. La réponse britannique indique ainsi clairement que la police est majoritairement hostile à la proposition récente du comité Wolfenden d’introduire, selon ses propres termes, « le système franco-danois au Royaume-Uni ». Ce « système » ou « modèle », qui existe déjà au Danemark et en France et qui a été introduit par les Pays-Bas depuis 1911, propose la décriminalisation des rapports homosexuels entre adultes consentants en privé et l’augmentation de l’âge de consentement pour ces rapports homosexuels (généralement établi à 21 ans, un âge bien supérieur à l’âge de consentement pour les rapports hétérosexuels). De manière générale, l’enquête d’Interpol identifie une tendance internationale indéniable à converger vers ce modèle « franco-danois » qui prône en grande partie la décriminalisation, mais le maintien des mesures punitives pour la protection des mineurs. Les conclusions du comité Wolfenden confirment cette tendance. Le projet qui vise à adopter un Code pénal uniforme pour l’ensemble des États-Unis soutient la même évolution législative depuis 195553.

  • 54 « Homosexuality and Crime », ICPR, 13/120, 1958, p. 324.
  • 55 Secrétariat des Nations unies, European Consultative Group on the Prevention of Crime and the Treat (...)

20Finalement, l’OIPC n’adoptera pas une résolution sur l’homosexualité. Mais il est significatif que la plus grande organisation de coopération policière au monde constate, dans un rapport officiel, une indéniable convergence autour du modèle franco-danois, et ce, d’autant plus que la police a la réputation d’être fort sceptique vis-à-vis d’approches criminologiques et sociologiques qui veulent adopter des mesures plus souples et moins répressives face à des phénomènes criminels. Gibbens, qui représente la Société internationale de criminologie à la réunion de l’OIPC à l’été 1958, conclut la discussion sur le rapport en disant qu’il est satisfait d’entendre « des officiers de police être d’avis que l’homosexualité ne [mène] pas à une quelconque autre sorte de criminalité »54. Pour lui, c’est l’apogée d’une année fructueuse. Depuis la réunion de Strasbourg en septembre 1957, il continue inlassablement à défendre le modèle franco-danois, comme en témoigne un séminaire spécial sur la question des délinquants sexuels organisé par le Bureau européen régional de l’OMS au printemps 195955. De plus, en août de cette même année, à la quatrième réunion genevoise du GCE qui a lieu un mois à peine avant l’assemblée générale de l’OIPC, Gibbens joue un rôle clef dans l’adoption formelle par cette instance du modèle franco-danois comme nouvelle norme standard à prescrire en Europe de l’Ouest.

  • 56 Ibid., § 175.
  • 57 « Working Paper No. 5 [Summary of Consultations with Experts Submitted by the World Health Organiza (...)

21S’appuyant sur les données de Kinsey, il martèle le fait que la vaste majorité des délits sexuels avérés sont commis par des individus « normaux » et ne sont jamais découverts, tandis qu’il y a une surreprésentation des individus « pathologiques » et « inadaptés » parmi les individus interpellés et poursuivis du fait de leur inaptitude à la dissimulation. Cela, poursuit-il, a conduit à une malencontreuse représentation mensongère de la nature et de la gravité de la plupart des délits sexuels. Mais Gibbens veut aller plus loin encore. Ainsi, à partir des données disponibles pour l’Angleterre et pour le Pays de Galles, il soutient que les délinquants sexuels ne sont « absolument pas aussi dangereux que ne le pensait l’opinion publique » et il estime que seuls 6,7 % d’entre eux le sont effectivement56. Il affirme non seulement que les homosexuels et les exhibitionnistes sont généralement inoffensifs, mais aussi qu’il n’y a « aucune preuve qu’une corruption homosexuelle, ou une tentative de corruption, ait une quelconque influence sur le développement de l’homosexualité ». Une enquête menée parmi les experts qui participaient au séminaire de l’OMS a déjà confirmé que les jeunes « victimes » de corruption ont souvent « collaboré consciemment ou inconsciemment » avec leur assaillant, rendant la question encore plus complexe que ne le permet le périmètre législatif57. Cette dernière assertion, plus que toute autre, rencontrera une forte résistance, en particulier chez les délégués suisses et français.

  • 58 Secrétariat des Nations Unies, Report on the Fourth Session, op. cit., § 187-188.
  • 59 A. Goldenberg, « [Recension de] La société et le criminel (Society and the Criminal) [par W. Norwoo (...)

22Face à cette résistance, Gibbens semble avoir compris qu’insister davantage sur la thèse qui vise à invalider l’existence d’une séduction homosexuelle particulière risque de compromettre l’ensemble de l’effort pour la décriminalisation de l’homosexualité entre adultes consentants. Aussi transige-t-il pour un système dans la lignée du modèle franco-danois qui protège les mineurs contre la corruption homosexuelle, pour autant qu’on limite soigneusement l’interaction avec le système judiciaire des jeunes impliqués dans des relations sexuelles avec des adultes. Selon lui, la justice a souvent tendance à aggraver, voire à générer, le traumatisme. Certains membres vont l’approuver en signalant qu’Israël a récemment adopté un système novateur d’interrogateurs spéciaux pour les victimes mineures de délits sexuels qui vise à minimiser leurs contacts avec les autorités judiciaires. De fait, l’OIPC a largement diffusé des informations sur ce nouveau système, comme le souligne le représentant de l’organisation58. Ce représentant, Alexis Goldenberg, est, dans l’ensemble, un partisan de la vision libérale de Gibbens. Ce policier français, né en Allemagne et chef de section du département de recherche juridique et criminologique d’Interpol, a précédemment défendu « l’absolue non-immixtion du législateur dans les rapports sexuels entre adultes [consentants] » en brandissant le paragraphe 175 de la loi allemande qui continuait à criminaliser les actes sexuels entre hommes et qu’il qualifie de « monstruosité pénale »59. S’appuyant sur le rapport de l’OIPC, encore en préparation, Goldenberg renforce les arguments de Gibbens en mettant en doute l’influence criminogène de l’homosexualité et en soutenant que, bien plus souvent qu’une réelle psychopathologie, les discriminations sociales et les « tabous sexuels » décident de ce qui est considéré comme déviant, anormal, en matière sexuelle ou autre.

Conclusion

  • 60 Secrétariat des Nations unies, Report on the Fourth Session, op. cit., § 57-67.

23Finalement, et bien qu’elles ne soient pas parvenues à infirmer la thèse d’un danger spécifique supposément posé par la corruption homosexuelle, les conclusions adoptées par le GCE représentent un succès éclatant pour les réformistes progressistes comme Gibbens et Goldenberg60. Ces conclusions reconnaissent que « nombre de délits sexuels [sont] relativement mineurs », que les délinquants sexuels récidivent moins souvent que les autres types de délinquants et que, parmi ceux qui récidivent, il n’y a pas de « tendance générale […] à l’aggravation de leurs délits sexuels ». Ces conclusions stipuleront, en effet, qu’il n’y a pas de « raisons médicales ou psychiatriques » de considérer les délinquants sexuels comme une catégorie de délinquants à part qui nécessiteraient un traitement légal ou institutionnel spécifique. Les craintes de l’opinion et la préoccupation pénologique récentes pour la figure du psychopathe sexuel sont jugées excessives. « Les délits sexuels sont de nature à générer de fortes réactions émotionnelles, et l’opinion publique ne devrait pas être perturbée par des termes qui laisseraient entendre que le délit a été plus grave qu’il n’a réellement été. » Cela ne constitue pas seulement un appel manifeste à dédramatiser les délits sexuels en particulier, mais aussi, plus généralement, à décriminaliser les relations sexuelles non violentes entre adultes consentants. Comme Gibbens l’aura envisagé dès le début, le rapport du GCE affirme que si la législation pénale se limitait aux cas d’agressions et d’outrages à la pudeur, comme c’est déjà le cas dans de nombreux pays d’Europe, « beaucoup de confusion entre ce qui relève du pénal et ce qui relève de la notion religieuse de péché pourrait être évitée ». À une époque où les théories psychanalytiques sont omniprésentes et où la préoccupation de l’après-guerre pour la protection de la jeunesse est à son apogée, un programme de réforme qui inclut des mesures spéciales pour mettre la jeunesse à l’abri de l’exposition à l’homosexualité touche aux limites de la permissivité. Parvenant à un équilibre entre le retour à un ordre moral conservateur et une tendance vers l’humanisme libéral, le modèle franco-danois reçoit l’approbation des responsables politiques occidentaux, à l’international.

  • 61 4e Congrès international de criminologie organisé par un comité néerlandais sous les auspices de la (...)
  • 62 Neuvième congrès international de droit pénal. Organisé par un comité néerlandais sous les auspices (...)

24Dans les années qui suivent, plusieurs organisations internationales importantes relayent les recommandations du GCE. C’est ce que fait la Société internationale de criminologie à son quatrième congrès en 196061 61 et l’Association internationale de droit pénal, l’organisation la plus prestigieuse dans le domaine, à son neuvième congrès en 196462. Les pays commencent à rallier le modèle de consensus franco-danois.

25La Belgique, qui n’a jamais auparavant légiféré contre l’homosexualité, ajoutera, en 1965, l’article 372bis qui fait porter l’âge du consentement pour les relations entre personnes du même sexe de 16 à 18 ans. Peu après, le Sexual Offences Act de 1967 décriminalise les relations homosexuelles consensuelles en Angleterre et au Pays de Galles pour les partenaires de plus de 21 ans, ce que fait à son tour l’Allemagne de l’Ouest en 1971. Il faudra pourtant attendre respectivement 2001 et 1994 pour que ces deux pays, longtemps célèbres pour leurs lois sévères contre l’homosexualité (masculine), égalisent les âges de consentement pour les hétérosexuels et les homosexuels. En France, ce sera voté en 1982, en Belgique en 1985, et l’égalisation est déjà un fait en 1971 aux Pays-Bas, mais, là aussi, le modèle franco-danois a marqué une évolution importante dans l’histoire des (homo)sexualités. À travers l’acceptation de ce modèle législatif, les homosexuels (masculins), depuis longtemps associés aux agresseurs d’enfants, sont progressivement dissociés de ces derniers en Occident. La notion ambivalente du « pédéraste », utilisée auparavant, s’est dédoublée : d’un côté celle de l’« homosexuel », de l’autre celle du « pédophile ». La soi-disant « bénignité » du premier et la « malveillance » associée au second constituent dès lors l’hypothèse opérationnelle du droit pénal en Occident, testée et continuellement mise au point par les cas limites du consentement et de l’intergénérationalité.

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Bibliographie

4e Congrès international de criminologie organisé par un comité néerlandais sous les auspices de la Société internationale de criminologie [Minutes] – 4th international criminological congress organized on behalf of the International Society for Criminology by a Dutch committee [Minutes]. La Haye 5-1 septembre 1960 – The Hague September 5th-11th 1960, s.l., s.e., 1960.

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Notes

1 M. Fernet, « L’homosexualité et son influence sur la délinquance », Revue internationale de police criminelle [désormais RIPC], 14/124, 1959, p. 14-20. J’utiliserai l’abréviation ICPR pour renvoyer à la version anglaise de la revue, l’International Criminal Police Review.

2 Sur la culture (homo)sexuelle parisienne et son imaginaire culturel, voir É. Dussault, L’Invention de Saint-Germain-des-Prés, Paris, Vendémiaire, 2014 et G. Sidéris, « Folles, Swells, Effeminates, and Homophiles in Saint-Germain-des-Prés of the 1950s. A New ‘Precious’ Society? », in J. Merrick et M. D. Sibalis (dir.), Homosexuality in French History and Culture, New York, Londres et Oxford, Harington Park, 2001, p. 219-231. Sur le rôle du régime de Vichy dans la création d’un ordre moral conservateur et homophobe en France, voir M. Boninchi, Vichy et l’ordre moral, Paris, Presses universitaires de France, 2005. Pour la place de l’homosexualité dans la culture française de l’entre-deux-guerres, voir F. Tamagne, Histoire de l’homosexualité en Europe. Berlin, Londres, Paris 1919-1939, Paris, Seuil, 2000.

3 Sur le groupe Arcadie et Futur, voir J. Jackson, Arcadie. La vie homosexuelle en France, de l’après-guerre à la dépénalisation, traduit par A. Sancery, Paris, Les Éditions Autrement, 2009.

4 M. Fernet, op. cit., p. 16-17.

5 D. K. Johnson, The Lavender Scare. The Cold War Persecution of Gays and Lesbians in the Federal Government, Chicago, University of Chicago Press, 2004.

6 G. Kinsman et P. Gentile, The Canadian War on Queers. National Security as Sexual Regulation, Vancouver et Toronto, UCB Press, 2010.

7 Archives de l’OTAN en ligne, Le Conseil de l’Atlantique Nord, Comité de sécurité, 1959, (D) Documents, Item AC/35-D/303. Personnel Security Practices and Techniques in the NATO Countries (15 April 1959), p. 12, http://archives.nato.int/personnel-security-practicesand-techniques-in-nato-countries, dernière consultation le 25 mai 2018.

8 L’OIPC adoptera Interpol comme nom officiel de l’organisation en 1956, mais j’utiliserai l’acronyme OIPC dans le présent article.

9 Archives de l’État belge pour Bruxelles à Anderlecht, déplacées à Forest depuis leur dernière consultation, Ministère de la Justice, Commissariat général de la police judiciaire, portefeuille 135 : Homosexualité I, « Homosexualité : législations pénales la concernant et ses incidences sur la criminalité », p. 21.

10 Pour une analyse plus étendue de cette problématique, voir W. Dupont, « The TwoFaced Fifties. Homosexuality and Penal Policy in the International Forensic Community (19451965) », Journal of the History of Sexuality, 28/3, 2019.

11 F. E. Louwage, « Delinquency in Europe after World War II », Journal of Criminal Law and Criminology, 42/1, 1951, p. 53-56, p. 55.

12 En ce qui concerne les conséquences de la guerre, les transformations sociales et la délinquance juvénile en Europe, voir, entre autres, M. Kalb, Coming of Age: Constructing and Controlling Youth in Munich, 1942-1973, New York, Berghahn Books, 2016 ; L. A. Jackson, Policing Youth: Britain, 1945-70, Manchester, Manchester University Press, 2014 ; S. Fishman, The Battle for Children: World War 2, Youth Crime, and Juvenile Justice in Twentieth-Century France, Cambridge, Harvard University Press, 2002.

13 A. Goldenberg, « Échos et nouvelles. Allemagne. Quelques chiffres », RIPC, 7/62, 1952, p. 303-304 ; F. E. Louwage, « [Recension de] Recrudescence des criminels sexuels (Die Zunahme der Sexualverbrechen) [par E. Sturm] », RIPC, 6/51, 1951, p. 302.

14 Ibid. ; « About Sexual Offences », ICPR, 6/50, 1951, p. 250.

15 La notion, en anglais, de « sexual seduction of minors », très présente dans les débats de l’époque sur la sexualité et sur l’homosexualité, est difficilement traduisible en français. L’expression « corruption de mineurs » est celle qui s’en rapproche le plus, c’est pourquoi je l’utiliserai au cours du présent article.

16 G. Hoornaert, « La loi devant la corruption de la jeunesse et l’excitation à la débauche », Revue de droit pénal et de criminologie, 27/6, 1946-1947, p. 491-520, p. 491-492.

17 À côté de cette peur panique en Europe se présente simultanément une fascination publique, médiatique et artistique pour les “psychopathesˮ, même si cela ne conduit que rarement à une panique morale de la même étendue que celle existant aux États-Unis. Voir, par exemple, M. Tatar, Lustmord. Sexual Murder in Weimar Germany, Princeton, Princeton University Press, 1995.

18 Ph. Jenkins, Moral Panic. Changing Concepts of the Child Molester in Modern America, New Haven, Yale University Press, 1998, p. 52.

19 Ibid., p. 55.

20 D. M. Charles, Hoover’s War on Gays. Exposing the FBI’s ‘Sex Deviates’ Program, Lawrence, University Press of Kansas, 2015.

21 F. E. Louwage, « F.B.I. Law Enforcement Bulletin », RIPC, 5/39, 1950, p. 189.

22 « Sexual Offences », ICPR, 7/60, 1952, p. 216-219, p. 218-219.

23 J. P. de River, The Sexual Criminal. A Psychoanalytical Study, Springfield, Thomas, 1949. Sur de River et son influence, voir Ch. S. Leon, Sex Fiends, Perverts and Pedophiles. Understanding Sex Crime Policy in America, New York et Londres, New York University Press, 2011, chapitre 2.

24 J. P. de River, op. cit., p. 13.

25 F. E. Louwage, « [Recension de] Der Sexualverbrecher [par J. P. de River] », RIPC, 6/48, 1951, p. 174.

26 G. K. Stürüp, « The Management and Treatment of Psychopaths in a Special Institution in Denmark », Proceedings of the Royal Society of Medicine, 41/11, 1948, p. 765-768.

27 « The Work of the United Nations in the Field of the Prevention of Crime and the Treatment of Offenders », International Review of Criminal Policy, 3, 1951, p. 3-27 ; L. Radzinowicz, « International Collaboration in Criminal Science », in P. H. Winfield (dir.), The Modern Approach to Criminal Law, Londres, Macmillan, 1945, p. 467-497.

28 « The Work of the United Nations », op. cit., p. 8. Pour plus de détails, voir Th. Sellin, « Lionel Fox and the International Penal and Penitentiary Commission », in M. López-Rey et G. Charles (dir.), Studies in penology dedicated to the memory of Sir Lionel Fox, C.B., M.C., The Hague, Nijhoff, p. 194-207.

29 La première conférence se plaça tout de même sous l’autorité de la CIPP pourtant sur le point d’être dissoute, puisqu’elle fut présentée comme son douzième congrès international.

30 « The Work of the United Nations », op. cit., annexe 2.

31 Secrétariat des Nations unies, Conference of the European Consultative Group on the Prevention of Crime and the Treatment of Offenders (Geneva, 8-16 December 1952). Report by the Secrétariat, Bureau des Nations unies à la Bibliothèque de Genève (noté à partir de maintenant : Bibliothèque UNOG) tapuscrit ST/SOA/SD/EUR1, p. 52.

32 T. C. N. Gibbens, « Psychiatry and the Abnormal Offender. A Paper Prepared for Discussion by the European Consultative Group on Prevention of Crime and Treatment of Offenders, August 1956 », in OMS. Bureau Régional pour l’Europe, Working Group Seminars etc., vol. 1, Bibliothèque de l’OMS tapuscrit EURO-118 (1956), p. 8.

33 Sur Gibbens, voir G. Robertson, « Pioneers in Forensic Psychiatry. Professor T.C.N. Gibbens (1912-83). Academic Career and Teacher », Journal of Forensic Psychiatry, 5/3, 1994, p. 551-568.

34 T. C. N. Gibbens, op. cit., p. 8.

35 Édition française, Le Comportement sexuel de l’homme, Du Pavois, 1948.

36 Pour consulter le document de Gibbens, voir « Working Paper No. 11, 13th September 1957. Sex Offenders. Preliminary Statement of Points for Discussion by Dr. Gibbens, W.H.O. », in Secrétariat des Nations unies, United Nations European Consultative Group on Prevention of Crime and Treatment of Offenders. Working Group Meeting at Strasbourg with the Co-operation of the Council of Europe, 9th-14th September 1957, Bibliothèque UNOG tapuscrit 343.9(4) U 58 1957, p. 6.

37 Ibid.

38 Voir respectivement ibid., p. 6 ; « Working Paper No. 5 [section I sur la ‘Preliminary Discussion Held by the Strasbourg Working Group’] », in Secrétariat des Nations unies, Working Papers of the United Nations European Consultative Group on Prevention of Crime and Treatment of Offenders. Fourth Session, Geneva, 11-21 August 1958, Bibliothèque UNOG tapuscrit ST/SOA/SD/EUR/6 343.9(4) U 58 1958, p. 4 ; Secrétariat des Nations unies, United Nations European Consultative Group on Prevention of Crime and Treatment of Offenders. Report of the Secretariat on the Discussions of a Working Group Convened with the Co-operation of the Council of Europe from 9 to 14 September 1957 at Strasbourg, Bibliothèque UNOG tapuscrit ST/SOA/SD/EUR/6/Add.1, p. 63.

39 « Working Paper No. 5 », op. cit., p. 18.

40 L. Massion-Verniory et R. Charles, « Les aspects médicopsychologiques, sociaux et juridiques de l’homophilie », Revue de droit pénal et de criminologie, 38/3, 1957-1958, p. 307-308.

41 F. Franssen, « Miscellaneous Questions and Closing Session », ICPR, 12/110, 1957, p. 237-239.

42 Voir les données de P. Koenders, Tussen christelijk réveil en seksuele revolutie. Bestrijding van zedeloosheid in Nederland, met nadruk op de repressie van homoseksualiteit, Amsterdam, Stichting beheer IISG, 1996.

43 C. J. Whisnant, Male Homosexuality in West Germany. Between Persecution and Freedom, 1945-1969, Basingstoke et New York, Palgrave Macmillan, 2012, p. 29.

44 J. K. Kirchknopf, « Die strafrechtliche Verfolgung homosexueller Handlungen in Österreich im 20. Jahrhundert », Zeitgeschichte, 43/2, 2016, p. 68-84.

45 Th. Delessert et M. Voegtli, Homosexualités masculines en Suisse. De l’invisibilité aux mobilisations, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2012.

46 J. Rydström et K. Mustola (dir.), Criminally Queer. Homosexuality and Criminal Law in Scandinavia 1842-1999, Amsterdam, Aksant, 2007.

47 Il existe une abondante documentation sur le Royaume-Uni. Pour une présentation bien faite, voir J. Bengry, « Queer Profits. Homosexual Scandal and the Origins of Legal Reform in Britain », in H. Bauer et M. Cook (dir.), Queer 1950s. Rethinking Sexuality in the Postwar Years, Basingstoke et New York, Palgrave Macmillan, 2012, p. 167-182.

48 Sur la France, voir, entre autres, S. Gunther, The Elastic Closet. A History of Homosexuality in France, 1942-present, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2009 ; J. Jackson, Living in Arcadia. Homosexuality, Politics and Morality in France from the Liberation to Aids, Chicago et Londres, University of Chicago Press, 2009. Sur l’Italie, D. Petrosino, « Crisi della virilità e ‘questione omosessuale’ nell’Italia degli anni Cinquanta e Sessanta », in S. Bellassai et M. Malatesta (dir.), Genere e mascolinità. Uno sguardo storico, Rome, Bulzoni, 2000, p. 317-343. Sur l’Espagne et le Portugal, voir, respectivement, J. Fernandez Galeano, « Is He a ‘Social Danger’? The Franco Regime’s Judicial Prosecution of Homosexuality in Málaga under the Ley de Vagos y Maleantes », Journal of the History of Sexuality, 25/1, 2016, p. 1-31 ; G. Huard, Les Gays sous le franquisme. Discours, subcultures et revendications à Barcelone, 1939-1977, Binges, Orbis Tertius, 2016 ; S. J. Almeida, Homossexuais no Estado Novo, Porto, Sextante, 2010.

49 « Working Paper No. 5 », op. cit., p. 2.

50 Home Office. Scottish Home Department, Report of the Committee on Homosexual Offences and Prostitution, Londres, Her Majesty’s Stationery Office, 1957.

51 Université d’Indiana, Kinsey Institute, Alfred C. Kinsey Archival Collection, Correspondance, Lettre de Gibbens à Kinsey, 4 décembre 1954 et 29 décembre 1954 et lettre de Kinsey à Gibbens, 5 décembre 1954.

52 Voir « Homosexualité : législations pénales la concernant et ses incidences sur la criminalit  », op. cit.

53 W. N. Jr. Eskridge, Dishonorable Passions. Sodomy Laws in America, 1861-2003, New York, Viking, 2008, chapitre 4.

54 « Homosexuality and Crime », ICPR, 13/120, 1958, p. 324.

55 Secrétariat des Nations unies, European Consultative Group on the Prevention of Crime and the Treatment of Offenders. Report on the Fourth Session. Geneva, 11-21 August 1958, Bibliothèque de l’UNOG ST/SOA/SD/EUR/6, 60, § 164-213.

56 Ibid., § 175.

57 « Working Paper No. 5 [Summary of Consultations with Experts Submitted by the World Health Organization] », op. cit., p. 24.

58 Secrétariat des Nations Unies, Report on the Fourth Session, op. cit., § 187-188.

59 A. Goldenberg, « [Recension de] La société et le criminel (Society and the Criminal) [par W. Norwood East] », ICPR, 7/59, 1952, p. 191.

60 Secrétariat des Nations unies, Report on the Fourth Session, op. cit., § 57-67.

61 4e Congrès international de criminologie organisé par un comité néerlandais sous les auspices de la Société internationale de criminologie [Minutes] – 4th international criminological congress organized on behalf of the International Society for Criminology by a Dutch committee [Minutes]. La Haye 5-1 septembre 1960 – The Hague September 5th-11th 1960, s.l., s.e., 1960.

62 Neuvième congrès international de droit pénal. Organisé par un comité néerlandais sous les auspices de l’Association internationale de Droit pénal. La Haye, 24-30 août 1964. Actes – Ninth international congress on penal law. Organized on behalf of the International Association of Penal Law by a Dutch Commitee. The Hague, August 24th-30th 1964. Proceedings, The Hague, s.e., s.a., p. 480-483.

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Pour citer cet article

Référence papier

Wannes Dupont, « L’homosexualité internationalisée »Sextant, 37 | 2020, 23-40.

Référence électronique

Wannes Dupont, « L’homosexualité internationalisée »Sextant [En ligne], 37 | 2020, mis en ligne le 01 novembre 2021, consulté le 30 mars 2023. URL : http://journals.openedition.org/sextant/321 ; DOI : https://doi.org/10.4000/sextant.321

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Auteur

Wannes Dupont

Wannes Dupont est Assistant Professor en histoire à Yale-NUS College. Il a mené des recherches à l’Université de Yale en tant que boursier de la BAEF Cabeaux-Jacobs, et à l’Université d’Anvers en tant que postdoctorant du Fonds voor Wetenschappelijk Onderzoek – Vlaanderen (FWO). Ses travaux, ses publications et ses enseignements portent principalement sur l’histoire européenne et mondiale de la sexualité, les politiques de la reproduction, et les interactions entre biopolitique et religion.

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