1Dans le Bénin et le Togo méridionaux, le vodun Tchamba ou Mami Tchamba, culte témoin du passé esclavagiste et post-esclavagiste de la région, se caractérise par une logique de la métamorphose. À travers sa liturgie, l’origine qui est pensée comme commune aux populations qui furent razziées, a donné lieu à un exotisme septentrional constitué de références à des représentations et à des objets supposés emblématiques des contextes sub-sahéliens : à l’époque des guerres de capture, une grande partie des individus assujettis était issue de cette région. Parmi ces individus, de nombreuses femmes esclaves ont été prises comme concubines et génitrices au sein des lignages qui les possédaient ou qui, après la fin de la traite négrière, ont continué à les dominer. Le vodun Tchamba perpétue aussi la transmission du souvenir de ces femmes en tant que « mères » et « épouses » dans une généalogie du pouvoir célébrée par les héritiers des maîtres qu’elles avaient souvent enfantés. Les images de Nicola Lo Calzo et le texte d’Alessandra Brivio ici réunis nous parlent ainsi d’une brutale intimité entre les figures des vainqueurs et des vaincus : c’est sur le même terrain que le photographe et l’anthropologue les interrogent ici. Il s’agit d’une mémoire en actes rituels qui vise moins l’identification de ses détenteurs contemporains aux victimes de l’esclavage, que la réappropriation de l’endurance du captif d’autrefois par les familles des anciens maîtres. L’esclave est aujourd’hui considéré comme un « ancêtre » porteur d’une virulence méta-temporelle : transformé en vodun, il est censé mettre à l’abri de sa vengeance les descendants de ses anciens propriétaires qui utilisent sa force dérangeante comme si elle était la leur.