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2021
S’engager face aux politiques de non-accueil des migrants

Le citoyen et la mairie : les collectifs d’habitants dans la construction de l’accueil des exilé·e·s à Paris

The citizen and the city hall: Residents' collectives in the construction of the exiles’ reception in Paris
Louise Hombert

Résumés

Apparus à la suite des premiers campements parisiens à partir de 2015, les « collectifs de citoyens » sont des acteurs récents du champ de l’accueil des personnes migrantes. Comme les associations plus traditionnelles ou les services sociaux des institutions publiques, ces organisations réalisent des formes de réception et d’hospitalité à l’échelle locale et viennent ainsi s’insérer dans un réseau d’acteurs et d’actrices plus ou moins ancien·ne·s. Il s’agira ici de se demander dans quelles mesures ces collectifs constituent une forme d’organisation spécifique au sein de ce champ et comment leur apparition vient influencer les conditions d’échange entre les acteurs et actrices de l’accueil à Paris, notamment en termes de structuration de l’action publique locale.

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Texte intégral

Introduction : qu’est-ce qu’un « collectif de citoyens » ?

  • 1 L’expression de « collectif de citoyens » est ici une notion émique et ne relève pas d’un choix ni (...)

1Dès la fin de l’année 2014, des campements de fortunes réunissant des personnes migrantes apparaissent dans les quartiers nord-est de Paris, comme sous le métro aérien près de la Chapelle, ou dans les jardins d’Éole. L’une des principales causes de leur développement est un sous-dimensionnement du système de premier accueil qui a créé et rendu « visible une population de migrants sans abri qui n’existait pas par le passé  » (Babels, 2018, p. 50). Connaissant un « choc moral » (Jasper, 1997) face à cette situation humanitaire et estimant insuffisantes les actions des pouvoirs publics et des associations, des habitant·e·s se sont alors réunis en « collectifs » 1 pour venir en aide à ces personnes exilées. Mais qu’est-ce qu’un « collectif » ? Au vu du peu de travaux menés sur ces mobilisations d’habitant·e·s (Coutant, 2018 ; Diez, 2018) le présent article s’inscrit dans une dynamique exploratoire et esquisse des pistes de théorisation pour appréhender cet objet, tant du point de vue de la sociologie des mobilisations qu’en termes d’action publique et collective.

  • 2 Le terme de « bénévole » est majoritairement employé par les collectifs eux-mêmes pour désigner leu (...)

2Si l’on s’intéresse aux actions concrètes de ces mobilisations, comme par exemple les distributions alimentaires, l’information juridique auprès des migrant·e·s, ou encore les actions de plaidoyers auprès des pouvoirs publics, aucune différence véritable ne semble ressortir par rapport aux structures associatives officielles. Ensuite, si l’on regarde les profils des bénévoles 2 des collectifs, à nouveau, il ne semble pas véritablement exister de différences nettes vis-à-vis de ceux des associations, ces deux populations étant issues en grande partie de classes moyennes à fort capital culturel (Agrikoliansky, 2017 ; Sommier & Agrikoliansky, 2005). En effet, ce n’est pas parce que l’on a à faire à des mobilisations où l’émotion et les affects sont importants (tristesse, colère, indignation) que les déterminants classiques du militantisme disparaissent (Latté, 2015 ; Mathieu, 2010 ; Sommier, 2010). Dès lors, si l’on souhaite appréhender les spécificités de l’engagement en collectif, il faut davantage regarder du côté de l’organisation et des représentations qui en découlent.

3Voici les principales caractéristiques structurelles communes que nous avons pu observer parmi différents collectifs parisiens. Théoriquement, ce sont tout d’abord des ensembles de personnes qui se rassemblent de manière plus ou moins informelle, dans un but commun. Ils ne sont pas dotés de personnalité juridique, car non déclarés en Préfecture, à l’inverse des associations à but non lucratif qui s’inscrivent sous la loi du 1er juillet 1901. Réside donc dans les collectifs de citoyens une informalité intrinsèque, sans rimer pour autant avec une forme de désorganisation. En effet, d’après nos observations, il n’existe aucune procédure explicite, aucune démarche officielle à suivre pour rejoindre un collectif, si ce n’est venir aux actions. D’un point de vue pratique, cela se traduit pour les membres par une immédiateté de la participation.

4Une autre spécificité des collectifs réside dans leur structuration théoriquement horizontale, élément souvent revendiqué dans les « nouveaux mouvements sociaux » (Melucci, 1982 ; Neveu, 2019 ; Touraine et al., 1980) : la plupart du temps, il n’existerait pas de responsable, pas de « chef », pas de bureau avec un·e secrétaire, ni un·e trésorier·ère. Lors des entretiens, les membres interrogés ont amplement insisté sur cette égalité de tou·te·s, des plus ancien·ne·s aux plus récemment arrivé·e·s. De cette organisation découlerait dès lors une grande liberté d’initiative. D’après nos observations, il n’était alors pas nécessaire de posséder une certaine ancienneté ou expertise pour proposer un changement ou une innovation, ni pour mettre celle-ci en place, sauf opposition massive des membres du collectif. De la même manière, nous avons pu remarquer que la participation à un collectif permettait immédiatement d’en devenir un membre et potentiellement un·e de ses représentant·e·s dans différentes instances inter-associatives ou collectives.

  • 3 Le CASM a depuis acquis le statut d’association en janvier 2020.

5Il ne s’agirait pas de peindre un portrait naïf des collectifs comme organisation parfaitement égalitaire et horizontale, l’absence de structure pouvant finalement mener à une certaine « tyrannie de l’inorganisation » (Freeman, 1972) en n’explicitant pas les rapports de pouvoir pourtant présents entre les individus, comme ce fut le cas pour l’un des collectifs observé dont plusieurs membres choisirent de le quitter en partie pour cette raison. Il existe évidemment des différences et des nuances organisationnelles entre ces initiatives citoyennes, mais les principales caractéristiques communes précédemment décrites nous permettent déjà de dresser dans un premier temps un certain portrait idéal-typique du « collectif » tel que conçu par ses principaux participant·e·s. Les propos suivants d’une membre du Collectif audonien solidarité migrants (CASM) 3 résument parfaitement les principes et les limites de ce type d’organisation citoyenne :

« En fait un collectif, ça veut dire que les décisions sont prises de manière collective, horizontale. Dès lors que tu as l’ascendant qui est pris par 2-3 personnes qui organisent tout merveilleusement bien, tu as une répartition des tâches qui est complètement différente : tu as d’un côté des organisateurs ou -trices et de l’autre les petites mains qui exécutent. Donc à ce moment-là, on appelle ça une association, une entreprise, comme tu veux, mais pas un collectif. [...]. Tu sais au départ, la forme du collectif apparaît comme plus souple, plus démocratique, moins institutionnelle. T’as pas la nécessité de déclaration en Préfecture, d’élire un bureau, etc. Et en fait, c’est toujours plus compliqué ces structures plus informelles, parce qu’au final tu te rends compte que c’est souvent moins démocratique, puisque les choses ne sont pas formalisées... t’as pas de contre-pouvoir en fait » (Enquêtée 1, 2019).

6Apparues à la suite des premiers campements parisiens à partir de 2015, les mobilisations d’habitant·e·s sous forme de collectifs citoyens sont alors des acteurs et des actrices récents du champ de l’accueil dans la capitale française. Comme les associations plus traditionnelles, telles que le Secours populaire, Emmaüs ou Médecins du monde, ou comme les services sociaux des institutions publiques, ces organisations réalisent des formes de réception et d’hospitalité à l’échelle locale et viennent ainsi s’insérer dans un réseau d’acteurs et d’actrices plus ou moins ancien·e·s. Il s’agira de se demander dans quelle mesure ces collectifs constituent une forme d’organisation spécifique au sein de ce champ et comment leur apparition vient influencer les conditions de jeu et d’échange entre les acteurs et actrices de l’accueil à Paris.

  • 4 Nombreuses sont les initiatives d’habitants qui ont réuni une petite dizaine de personnes – ou même (...)
  • 5 Les groupements et collectifs communautaires – et notamment religieux, ont ainsi été exclus, car il (...)
  • 6 Ces trois collectifs étaient alors parmi les principaux interlocuteurs « citoyens » auprès des élus (...)

7Ce travail s’appuie sur une enquête de terrain ethnographique réalisée entre septembre 2017 et juillet 2019 dans le cadre d’un doctorat de science politique. Les résultats sont issus d’une vingtaine d’entretiens semi-directifs réalisés auprès de bénévoles de collectifs du nord-est de Paris et de sa proche périphérie, d’associations et d’élu·e·s locaux·les. Ont été sélectionnés des collectifs actifs, tant dans leurs activités que dans leur communication, qui avaient nécessairement perduré dans le temps 4 et dont les modalités de participation étaient ouvertes à tou·te·s 5. Évidemment, ces collectifs ne sont pas homogènes : ils possèdent des tailles différentes, d’une petite centaine de bénévoles à plusieurs centaines ; des activités différentes, entre la distribution de nourriture, de vêtements, d’informations juridiques et sociales, ou encore l’activisme militant ; mais aussi des formes de structurations différentes, certains se rapprochant ainsi du modèle associatif plus « officiel » tel qu’encadré par la loi de 1901. Une vaste partie des données sont ensuite issues d’échanges informels et d’observations participantes menées pendant un an et demi dans trois collectifs de distribution alimentaire – Solidarité migrants Wilson, Quartiers solidaires et P’tits Déj’s à Flandres 6 – et dans des réunions inter-associatives et collectives, que j’ai pu suivre pendant deux ans et demi. Des informations précieuses sur les motivations de l’engagement et les profils socio-professionnels des participant·e·s aux collectifs de Quartiers solidaires et P’tits Déj’s à Flandres ont été obtenues grâce à un questionnaire distribué au printemps 2018. Enfin, une attention particulière a été portée aux discours publics des collectifs : communiqués de presse, blogs, interviews dans les médias et publications sur les réseaux sociaux.

8L’article présent propose dès lors de mettre dans un premier temps en lumière les spécificités de l’engagement dans ces collectifs. Celui-ci se veut être une mobilisation essentiellement « citoyenne » et non nécessairement « militante », soulignant le souhait premier d’une non-politisation de leur cause. Pourtant, avec le temps, il semblerait que les discours et les pratiques de nombre de membres aient davantage pris la forme d’un véritable plaidoyer politique, source de tensions au sein des collectifs. Puis, nous estimons qu’il s’agit également d’un engagement que nous pouvons qualifier d’urgence : face à la détresse des campements, leur engagement s’est comme imposé à eux, les obligeant à « transgresser le temps quotidien » (Smaoui, 2017). Enfin, l’article invite à se pencher dans un dernier temps sur les rôles que peuvent avoir les collectifs sur l’orientation des politiques d’accueil des exilé·e·s à Paris, entre libération de la parole politique, moteur de la prise en charge des personnes migrantes et substitution aux services publics. C’est à la lumière de ces potentiels rôles des collectifs qu’il nous faut alors lire l’impact de ces derniers dans l’évolution de l’action publique locale dans l’accueil des personnes migrantes au sein de la ville de Paris.

Qualifier l’engagement en collectif

9L’un des enjeux de cet article est de qualifier les spécificités de l’engagement de ces collectifs de citoyens en soutien aux exilé·e·s. Une première piste de réflexion nous amène à nous intéresser à l’importance de la structure dans la réalisation de l’engagement du bénévole, puis une seconde piste questionne davantage les motivations idéologiques et identitaires des participant·e·s aux collectifs. Dans cette perspective, nous souhaitons ici « penser l’articulation entre structure et acteur au lieu de poser la dualité des deux modes d’explication » traditionnels de l’engagement (Hamidi, 2002, p. 151), entre choix rationnel (Oberschall, 1973 ; Olson, 1978 ; Zald & McCarthy, 1979) et motivations identitaires (Melucci, 1985 ; Touraine, 1973).

Le poids du collectif dans la structuration de l’engagement

Un engagement pratique à moindres coûts, fondu dans le quotidien

10Tout d’abord – et comme dans toutes les formes d’engagement associatif – la praticité est un argument pour concrétiser la volonté d’investissement bénévole : l’individu choisit en effet une structure qui lui propose des « conditions institutionnelles » compatibles avec ses souhaits, ses motivations initiales et ses contraintes – professionnelles, familiales, etc. (Lagroye & Siméant, 2003). Et comme souligné précédemment, il est plus aisé de rejoindre un collectif de citoyens qu’une association. Cela constitue un gain de temps et d’énergie pour l’individu – en évitant toute candidature officielle, toute formation et en arrivant immédiatement au cœur de l’action.

  • 7 Né comme un collectif puis devenu une association, avant de fusionner avec le collectif des P’tits (...)

11Un second aspect pratique pour les bénévoles réside dans la localisation des collectifs. Une très grande majorité des citoyen·ne·s engagé·e·s vit dans le même quartier, ou du moins dans le même arrondissement, que le lieu d’action du collectif auquel chacun·e participe. Nous avons ici à faire à une mobilisation de proximité, une mobilisation de « quartier » fondée sur des relations de voisinage ou des dynamiques collectives locales préexistantes (Coutant, 2018), même si certain·e·s citoyen·ne·s – très minoritaires – peuvent ne pas résider près des lieux d’action des collectifs. Ces initiatives sont ainsi souvent nées d’un petit groupe de voisin·ne·s – comme pour les P’tits Déj’s à Flandres ou le CASM – ou de parents d’élèves d’une école proche de campements – comme Quartiers solidaires 7 – soulignant l’importance de « l’enracinement dans le terrain » (Martinot-Lagarde, 2008) de cette forme de mobilisation collective dite alors « pragmatique » : l’individu s’engage ici suite à « une expérience qui le touche affectivement. Par exemple, dans l’école où il met ses enfants, il rencontre des familles de sans-papiers. [...] Il se laisse émouvoir par une situation, il commence à s’impliquer, il découvre ensuite la complexité des situations » (Ibid., p. 52). Les collectifs naissent donc d’une réaction face à un environnement vécu et s’insèrent avec une certaine fluidité dans le quotidien des individus. En plus du caractère pratique, la proximité vis-à-vis des personnes migrantes à la rue joue également sur les motivations de l’engagement, ainsi que sur la légitimité des habitant·e·s en tant qu’acteurs et actrices de l’accueil, mais nous reviendrons sur ces dimensions plus amplement par la suite.

12Enfin, d’après les propos de nombreux et nombreuses enquêté·e·s, ce type de structure ne demanderait d’engagement ni régulier ni au long terme, à l’inverse d’une association plus « classique » où le·la bénévole devrait s’engager formellement à accomplir une activité dont l’échéance et la durée sont fixées dans un calendrier. Au contraire, la structure organisationnelle du collectif, plus souple, permet à chacun·e d’adapter son investissement aux contraintes variables de son quotidien, correspondant ainsi à un modèle de « participation à la carte » caractéristique des formes de mobilisations collectives développées depuis les années 1980-1990 (Ion, 1997b, p. 79). Selon les résultats du questionnaire, souplesse de l’engagement et facilité d’accès au collectif et donc à l’action sont respectivement les première et troisième raisons les plus invoquées par les participant·e·s au collectifs Quartiers solidaires et P’tits Déj’s à Flandres pour expliquer leur engagement dans ce type d’organisation plutôt qu’en association. Mais ces arguments pratiques s’accompagnent également fréquemment de représentations davantage idéologiques.

Un engagement apolitique ?

  • 8 Par souci d’anonymat, les noms des personnes citées dans cet article ont été modifiés.
  • 9 À l’automne 2018, les P’tits déj’s à Flandre ont fusionné avec un autre collectif, Quartiers solida (...)
  • 10 Extrait d’entretien réalisé en octobre 2017 à Paris.

13Lors de multiples échanges avec des bénévoles, l’engagement au sein d’un collectif a plusieurs fois été associé à un engagement critique envers les associations traditionnelles d’aide aux personnes étrangères, tant au regard de leur forme organisationnelle que de leurs valeurs. Nos observations viennent poursuivre celles d’Evangeline Masson-Diez qui notait déjà qu’« adhérer à un collectif est une manière de se démarquer du monde associatif qu’ils accusent d’avoir été absent des campements à cette époque » (Diez, 2018, p. 165). En effet, une méfiance générale envers les associations mandatées par les pouvoirs publics, telles qu’Emmaüs solidarité ou France terre d’asile, a été régulièrement exprimée dans les collectifs observés, certains les décrivant comme des sous-organes de l’État ayant en quelque sorte perdu leur foi humanitaire et militante. En dehors des valeurs, une seconde critique, plus largement répandue, concernait le fonctionnement des associations, dépeintes comme des entités lentes à agir car trop importantes en termes de taille et de niveaux de stratification. Le modèle de mobilisation alternatif que constituent les collectifs se présente comme une solution plus adéquate auprès de ces citoyen·ne·s méfiant·e·s et/ou critiques pour s’engager. Ils·elles y valorisent fortement l’horizontalité des relations, qui permettrait de fait une égalité théorique totale entre chacun·e des membres. Selon les résultats du questionnaire, l’organisation horizontale des collectifs est la première raison la plus invoquée par les participant·e·s aux collectifs Quartiers solidaires et P’tits Déj’s à Flandres pour expliquer leur engagement dans ce type d’organisation plutôt qu’en association. Cette opposition, ou du moins cette différenciation vis-à-vis des associations, se matérialise par exemple dans l’idée de ne pas se revendiquer comme « militant·e », mais comme simple « citoyen·ne ». Car l’image du militant ou de la militante serait entachée d’une trop grande adhésion à l’association qu’il ou elle représente, ou encore taxée d’une orientation politique forte et manquant d’objectivité. Jacques 8, des P’tits déj’s à Flandre 9, insiste bien sur cette dénomination de citoyen·ne, « pour ne pas avoir l’image d’excités militants » (Enquêté 9, 2017) 10. Toujours dans ce collectif, Françoise insiste sur « le fait que ça n’est pas une association, c’est un collectif, c’est des citoyens de bonne volonté qui ont envie que la situation ne perdure pas » (Enquêtée 2, 2017). Pour Sandrine, bénévole de la première heure au CASM, « c’est pas du militantisme, c’est avant tout de la révolte, et faire en sorte que sur un plan purement citoyen, on se retrouve et on fait des choses ensemble » (Enquêtée 1, 2019). Évidemment, l’engagement dans ces différents collectifs pouvait être vécu par d’autres membres comme une forme de militantisme, mais cette rhétorique du civisme restait dominante. Par l’utilisation de l’appellation de « citoyen·ne », les membres de collectifs souhaitaient souligner l’aspect initialement non politisé de leur cause, impliquant que tout un chacun devrait, en « bon·ne citoyen·ne », réagir comme eux, suivant un certain « mythe de la responsabilité individuelle » qui conçoit que « l’individu [...] en tant que citoyen·ne a le devoir d’obéir à l’État mais aussi de résister à la tyrannie » et face à l’injustice d’une situation (Ollitrault, 2009, p. 10). Bien que l’utilisation du terme de « citoyen·ne » ait pu parfois faire débat dans plusieurs collectifs observés (Diez, 2018, p. 175), lui préférant l'appellation plus vaste « d’habitant·e », l’objectif restait le même : maintenir une forme de neutralité et d’indépendance vis-à-vis du monde associatif et politique. De la même manière, certains collectifs revendiquent le fait de n’avoir jamais reçu de subventions publiques pour leurs actions et de ne pas en vouloir. Cela constitue pour eux un gage important d’indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics, comme l’explique Bertrand de Quartiers solidaires : « On veut pas non plus être subventionnés, sinon va falloir produire des fiches d’évaluation, des résultats, le nombre de personnes aidées et on n’en a pas du tout envie, faut pouvoir rester indépendant » (Enquêté 3, 2018). Dans la pratique, cette volonté d’indépendance n’entraîne cependant pas une rupture totale des échanges entre ces organisations et les pouvoirs publics. Au contraire, certain·e·s communiquent chaque semaine avec leur mairie d’arrondissement ou encore avec la Mairie de Paris, dont ils·elles reçoivent parfois des aides, telles que la mise à disposition d’un local pour Solidarité migrants Wilson pendant plusieurs mois. De la même manière, les collectifs échangent de nombreuses informations avec des associations, parfois mêmes avec celles dont ils ne partagent pas les valeurs, tant que l’objectif commun est celui de venir en aide au mieux aux exilé·e·s à la rue.

La dualité de l’engagement en collectif

De la distance à l’investissement « compassionnel »

14Un second temps d’analyse concerne cette fois la nature même de l’engagement des membres de collectifs. Il nous est possible de diviser ces bénévoles en deux populations. Dans chaque collectif observé, il existe un petit groupe d’une vingtaine de personnes qui en constitue le cœur et un second groupe allant d’une cinquantaine à plusieurs centaines de personnes qui viennent de manière très ponctuelle et irrégulière. Nous aurions donc ici deux formes d’engagement différentes au sein d’un même type de structure. Commençons par l’engagement du second groupe, celles et ceux qui viennent de manière irrégulière et peu fréquente. Cette forme d’engagement serait une forme exacerbée de l’engagement distancié décrit par Jacques Ion (Ion, 1997a). En effet, ces individus ne peuvent ou ne souhaitent pas s’engager pleinement dans une association qui leur demanderait une certaine quantité de présence et une régularité. La forme du collectif leur permet donc d’assouvir cette envie de participation à la cause « à la carte » pour reprendre l’expression de Jacques Ion. Ces citoyen·ne·s font primer leur individualité, qu’il s’agisse de contraintes ou d’envies, sur leur participation : l’engagement doit s’adapter à l’individu et non l’inverse. C’est ainsi que certaines personnes ne venaient aux petits-déjeuners du Quai de Flandres ou de Porte de la Chapelle que pendant les vacances, ou lorsqu’ils connaissaient des périodes de travail allégées, voire de chômage.

15La seconde population, moins nombreuse mais bien plus active, correspondrait davantage à une forme hybride entre l’engagement total et l’engagement pragmatique (Ion, 1997a ; Ion et al., 2005). Engagement total, car ces individus participent, directement ou indirectement, de manière quasi-quotidienne aux collectifs. Distribution alimentaire une à deux fois par semaine, collecte alimentaire dans les supermarchés le week-end, affichage sauvage d’affiches ou de banderoles de sensibilisation à la situation des exilés, diffusion des dernières informations sur la situation des migrants à Paris ou en France, ou encore réunions inter-associatives : les activités sont variées, nombreuses et certaines peuvent être réalisées à toute heure, notamment de chez soi – comme la diffusion d’informations ou le hacktivisme. Ces individus très investis, ayant la plupart du temps une activité professionnelle et/ou une vie familiale, reconnaissent rencontrer des difficultés à faire coïncider leurs contraintes quotidiennes avec leur engagement en collectifs. En effet, les petits-déjeuners par exemple se déroulent à l’heure où il faudrait pouvoir emmener les enfants à l’école et les réunions du soir s’étendent souvent de 19h à 21h30, sans parler du temps passé à préparer les actions de sensibilisation, parfois aux frontières de la légalité – fabrication d’affiches et de banderoles, repérages des lieux sur plusieurs jours avant un sit-in ou une dégradation de bâtiment public. Pour autant, la figure du·de la militant·e sacrificiel·le – donc dans un rapport total à l’engagement – n’est pas valorisée dans le milieu des collectifs. Au contraire, une personne qui investira une importante partie de son temps personnel sera rapidement approchée par les autres membres, souvent celles et ceux ayant le plus d’expérience, qui lui conseilleront de se limiter volontairement, au risque sinon de s’épuiser mentalement sur le long terme. Cependant, il s’agit tout de même d’une population très investie et consacrant une importante partie de son temps libre à la « cause » des migrant·e·s à Paris, selon un régime compassionnel (Corcuff, 1998), oscillant entre mesure et démesure de l’investissement sans perdre de vue la nécessité d’une certaine distance protectrice par moment.

Agir de toute urgence

16Un parallèle peut alors être fait entre l’engagement des participant·e·s à Nuit debout (Smaoui, 2017) et celui de ces citoyen·ne·s actifs·ves des collectifs d’aide aux exilé·e·s. Tout d’abord, ces deux populations étaient composées d’une grande partie de « novices » de la lutte politique qui, avant de participer à Nuit debout ou aux collectifs, ne se disaient pas particulièrement politisé·e·s. Ensuite, ces individus se sont retrouvés à vivre « une transgression du temps quotidien » et à devoir « contrevenir à des attentes sociales et institutionnelles » (Ibid., p. 90), comme détaillé précédemment pour les collectifs. Puis, ils ont en commun le fait de s’être investis en réaction face à une situation qui se plaçait dans le temps de « l’urgence » : leur engagement s’est comme imposé à eux car touchés « affectivement » et/ou dans leur quotidien (Martinot-Lagarde, 2008). Pour les enquêté·e·s de Sélim Smaoui, il était question de « vivre un temps où l’urgence d’agir s’impose à soi » (Ibid., p. 64) et cette expression pourrait parfaitement s’appliquer aux collectifs. Une grande majorité des membres des collectifs expliquent s’être investis face à l’urgence des campements qui se situaient en bas de chez eux ou sur leur trajet jusqu’à leurs lieux de travail par exemple. Le passage à l’action était devenu inévitable et nécessaire. La proximité vis-à-vis des campements et des personnes migrantes dans une situation humanitaire dramatique semble être alors l’un des principaux facteurs de l’engagement, comme en témoignent plusieurs bénévoles rencontrés :

« [En 2015] j’ai commencé à m'intéresser au sujet avec une émission sur France Culture [...] Je savais pas trop comment m’y prendre, je regardais déjà ce que faisait le collectif Wilson, habitant plutôt côté Saint-Ouen, je me sentais peu concernée par ce qu’il se passait dans le nord parisien. Jusqu’au jour où, [...] en allant faire mon service [dans une coopérative] en décembre 2017 – donc ça a mis du temps à mûrir le truc hein – je passe très tôt dans la rue et là j’ai vu des gens dormir sous le pont de la Porte des Poissonniers. Donc je passe une première fois, une seconde fois, ils sont un peu plus nombreux et puis au bout d’un moment c’est pas compliqué : soit tu continues à tourner la tête à gauche quand ils sont à droite et tu passes, et t’accélères ; soit tu te dis "bon bah cette fois-ci c’est en bas de chez moi, donc qu’est-ce que je fais, concrètement ?" Et c’est comme ça que ça a commencé [...] Et ce qui est vachement intéressant avec toutes ces personnes, c’est de se dire pourquoi à un moment, face aux infos, à la radio, aux images à la télé, ça bascule ? Pourquoi là ? Pourquoi ce n’est plus supportable ? Pour X comme moi, c’était en bas de chez nous et donc si tu le fais pas quand c’est en bas de chez toi, eh bah merde ! » (Enquêté 1, 2019).
« Ça faisait des années que j’avais les boules face à ce qui se passait, que je savais pas comment agir, à Calais et tout, ça me répulsait et puis Porte de la Chapelle [...] Et puis juste à côté de chez nous, là pour le coup c’était à côté de chez à côté, y’a un campement qui s’installe avec une vingtaine de tentes. Puis ça grossit et je commence une première fois à aller apporter du thé, à faire une soupe à l'arrache, mais de façon individuelle quoi, en décembre 2017. Et puis une copine voisine qui fait pareil. On se dit : "qu’est-ce qu’on fait ?". Là c’était pour le coup complètement informel au début » (Enquêté 4, 2019).

17Ces extraits d’entretiens soulignent combien l’irruption des campements et de la situation des exilé·e·s dans le vécu quotidien des habitant·e·s est déterminante dans le passage à la mobilisation : ici ces enquêtées, pourtant sensibles à la situation des exilé·e·s depuis 2015, ont attendu près de deux ans avant de se mobiliser concrètement, lorsque des campements se sont finalement retrouvés « en bas de chez [elles] ». Ces récits font alors écho au processus de mobilisation – individuelle et collective – décrit et vécu par Isabelle Coutant : la présence des migrant·e·s et/ou des campements « en bas de chez soi » peut être comprise comme « un événement au sens fort du terme » (Coutant, 2018, p. 9), si bouleversant qu’il amène nécessairement des réactions intenses, tant compassionnelles que de rejet. Dès lors, cet engagement étant pensé comme en réaction face à une situation urgente et exceptionnelle – la non-prise en charge des migrant·e·s par les pouvoirs publics – les collectifs de citoyens estiment agir également de manière urgente et exceptionnelle : cela se matérialise par exemple dans le fait qu’ils ne souhaitent pas s’institutionnaliser et devenir durablement présents dans le paysage humanitaire local. Une expression qui l’illustre bien est revenue souvent dans les réunions inter-collectifs et dans les entretiens : ils ne souhaitent pas « devenir les Restos du cœur ». L’ensemble de ces points se retrouve ainsi dans le communiqué suivant qui présente le collectif GAME – Groupe action migrants et étrangers – aussi appelé Accueil de merde, rédigé fin 2017 :

  • 11 La Maire de Paris.

« Nous ? Des riverain-es du nord-est de Paris qui, face au désastre humanitaire qui se jouait au pied de nos immeubles, avons improvisé : distribution de duvets et de petits-déjeuners, logement chez l’habitant des mineurs isolés, maraudes de nuit et cours de français… des solutions temporaires qui durent depuis plus de deux ans faute de vraies politiques d’accueil. En réalité, nous nous épuisons à "faire un travail formidable" – dixit Anne Hidalgo11 – pendant que cette dernière ainsi que l’État renoncent à mettre en œuvre, ne serait-ce qu'a minima, les textes en vigueur en matière d’accueil et d’asile. [...] Nous n’étions pas tou-tes politisé-es mais assurément nous le sommes devenu-es au contact quotidien des situations intolérables que cette politique de non accueil engendre » (GAME, 2017).

  • 12 Il existait alors encore des campements le long du Quai de Valmy et près de la Porte de la Chapelle (...)
  • 13 Extrait de carnet de terrain – observation participante – et d’entretiens non enregistrés réalisés (...)
  • 14 Gérard Collomb, ministre de l’Intérieur.

18Ce collectif est particulièrement intéressant, car il correspond à une évolution politique des premiers collectifs observés, qui eux réalisaient essentiellement des actions de type humanitaire. Comme développé précédemment, ces mobilisations se revendiquaient davantage du simple civisme que du militantisme, souhaitant ne pas politiser leur cause. Mais à l'automne 2017, soit deux ans plus tard, un sentiment d’épuisement et d’énervement global était présent chez une grande partie de ces bénévoles. La situation ne s’était pas véritablement améliorée 12 et une rupture de confiance s’était produite vis-à-vis des pouvoirs publics pour la majorité des collectifs. Le CASM, né plus tardivement en janvier 2018 suite au repoussement des campements toujours plus en périphérie de la capitale, a suivi la même évolution, plusieurs membres de la première heure ayant quitté le collectif un an et demi plus tard, épuisés mais aussi révoltés face à cette situation inchangée et souhaitant passer à un mode d’action plus revendicatif. Le collectif GAME est ainsi né d’une envie commune de passer à une action politique contestataire plus brute, le simple plaidoyer institutionnel lors de réunions avec les pouvoirs publics n’ayant pas porté ses fruits. Lors d’entretiens et d’échanges avec des membres du collectif GAME, les expressions suivantes ont souvent été utilisées et illustrent bien cette évolution des pratiques vers des formes ouvertement contestataires : « passer à la vitesse supérieure », envie de « trucs trash » pour manifester sa « colère », « s’attaquer à des gens en situation de responsabilité », envie de « rapport de forces, d’aller à la confrontation », de « mener une bataille contre l’État français », d’« actions stratégiques qui foutent le bordel » 13. Le registre est donc nettement offensif et souligne alors ce passage à un nouveau répertoire d’actions : affichages sauvages de banderoles et d’affiches, concours d’affiches « Expulse ton Collomb 14» sur les réseaux sociaux, ou encore dégradation de bâtiments publics – Ministère du logement, Assemblée nationale, Mairies d’arrondissements – en y inscrivant l’expression « Accueil de merde », devenue la marque de fabrique du GAME.

19Cet exemple du collectif GAME montre la gradation de l’engagement effectué par un certain nombre de citoyen·ne·s vers des rapports de forces plus assumés envers le politique. Il conviendrait cependant de nuancer leur initiale « non-politisation ». D’après nos observations et les résultats du questionnaire, parmi les personnes les plus motrices, nombre d’entre elles ont eu ou avaient toujours des engagements auprès de partis politiques (16% des enquêtés ayant répondu à l’enquête) ou de syndicats (21%). Des taux qui s’expliquent par la présence significative de personnes appartenant aux métiers de l’éducation, de la formation et de la recherche. Seulement, politisés ou non, lorsqu’ils·elles ont commencé leurs actions en collectif pour venir en aide aux exilés, ils·elles ne pensaient pas être toujours là deux ans plus tard, dans la même situation. Nous qualifions alors leur engagement d’événementiel, ou bien d’urgence. Cette forme d’engagement total pousserait en effet à réorganiser son quotidien, à revoir ses obligations sociales et institutionnelles, à devoir faire quelques sacrifices et donner de son temps libre, mais seulement pour un temps que l’on pense délimité : l’engagement est ici une réponse à un événement, qui se situe dans le temps de l’urgence et impose une réponse immédiate qui doit venir le résoudre, le résorber. Pour nos enquêté·e·s, l’événement était celui des exilé·e·s à la rue, regroupé·e·s en campements et qui n’étaient pas pris·es en charge par les pouvoirs publics, malgré l’existence d’un dispositif d’accueil légal en France. Leur action venait alors pallier les défaillances de l’État et de la Mairie de Paris, le temps que ces derniers trouvent des solutions d’accueil dignes. Comme le soulignait Bertrand, de Quartiers solidaires, la plupart des bénévoles n’ont « pas du tout envie de servir de la nourriture en plus gratos à vie » et refusent l’idée que le collectif puisse se pérenniser dans le temps : « que ça se pérennise voudrait dire que c’est accepter cette situation, or c’est non »(Enquêté 3, 2018).

20Cet engagement événementiel ou d’urgence semble ainsi se rapprocher du modèle de mobilisation collective semblable à un « post-it » que décrit Jacques Ion dans les années 1990 :

« le nouveau modèle circonscrit des rassemblements de durée limitée, sur des objectifs restreints, [...] généralement à l’intérieur de regroupements monofonctionnels. Il suppose des formes de fonctionnement légères et souples ne mordant pas sur la sphère privée bien que pouvant fortement impliquer la personne. [...] Sa temporalité est celle de la moyenne durée, non plus de l’Histoire » (Ion, 1997b, p. 80).

21Seulement, l’auteur poursuit en expliquant que « ce modèle, c’est celui de l’association, sans la République », le terme de « République » étant à entendre comme « le cadre obligé du débat public quand, rapportés à la Nation une et indivisible, les individus ne sont considérés que sur le modèle des citoyens » (Ibid., p. 82). Les collectifs étudiés ici se détachent alors nettement de cette conception de la mobilisation collective, l’engagement des individus reposant, au moins initialement, sur une dynamique proprement civique.

Quelle(s) place(s) pour les collectifs d’aide aux exilé·e·s dans l’action publique locale ?

22Apparus récemment, les collectifs de citoyens représentent donc une forme de mobilisation spécifique dans le champ des acteurs et des actrices organisant l’accueil des personnes migrantes, pouvant dès lors influencer les interactions et les rapports de force entre les organisations et les institutions plus anciennes de la réception. Il s’agirait donc de questionner les rôles potentiels de ces mobilisations citoyennes dans la construction de l’action publique locale. Dans cette partie, nous avons choisi de nous appuyer notamment sur les représentations que les autres acteurs et actrices locaux de l'accueil – associations et pouvoirs publics – pouvaient avoir des collectifs, afin de comprendre la place et les fonctions qu’ils leur assignent avant de les confronter ensuite aux discours des citoyen·e·s bénévoles.

Une parole libre qui fait « bouger les lignes »

23Les collectifs citoyens de soutien aux exilé·e·s peuvent en effet jouer un rôle dans le processus décisionnel politique à l’échelle locale et cela de deux manières bien différentes. La première réside dans leur travail de plaidoyer. Les relations qu’entretiennent une vaste partie des collectifs avec les pouvoirs publics locaux sont variées et fluctuantes, allant du refus total de contact de la part de citoyen·ne·s méfiant·e·s – comme certain·ne·s de La Chapelle en lutte – jusqu’aux échanges téléphoniques hebdomadaires sur les portables personnels des élu·e·s et des agents administratifs – comme c’est le cas pour des membres des P’tits Déj’s à Flandres ou de Solidarité migrant Wilson. Mais, qu’ils s’adressent directement aux élu·e·s ou non, qu’ils refusent radicalement tout dialogue avec les politiques ou l’acceptent, ces individus bénévoles expriment leurs opinions et transmettent leurs paroles sur les réseaux sociaux, via des pétitions, dans les conseils de quartier, dans des lettres officielles aux élu·e·s, parfois rendues publiques, etc. Cette parole ne peut être ignorée par les autres acteurs et actrices du champ de l’accueil, qu’il s’agisse des associations ou du personnel politique local. Ces dernier·e·s peuvent alors choisir de s’en emparer, comme le souligne par exemple cette employée d’Emmaüs Solidarité :

  • 15 Ouvert en novembre 2016 à l’initiative de la Ville de Paris et principalement co-géré par l’associa (...)
  • 16 Alors désaffecté, le lycée Jean Carré situé dans le 19ème arrondissement a été occupé entre juin et (...)

« [...] Finalement, faut aussi accepter qu’ils [les collectifs] soient indépendants, et qu’ils soient contre Emmaüs. Mais parce que nous, on est plutôt légaliste : on est financés à 80% par l’État, ce qui nous rend différent d’une structure juste pleine de bonne volonté et qui n’a pas besoin des financements de l’État. Donc après, y’a juste ceux qui sont modérés en gros, qui adhèrent facilement à l’asso [Emmaüs], et ceux qui sont pas modérés, mais qui sont cependant très utiles. [...] Moi je pense que s’ils avaient pas été là, j’aurais pas pu faire le Centre humanitaire 15, ou Jean Carré 16 ou je sais pas quoi. [...] Pour faire bouger les lignes, pour que l’État finisse par entendre ou que la Mairie de Paris finisse par prendre la décision, bah ces personnes-là sont utiles » (Enquêtée 5, 2018).

24Hors enregistrement, l’enquêtée poursuit sur cette utilité politique des collectifs car ces derniers « disent tout haut ce que tout le monde pense tout bas », ce que des acteurs et actrices institutionnel·le·s comme Emmaüs et les autres grandes associations traditionnelles ne peuvent se permettre d’exprimer, du moins pas de manière aussi tranchée et frontale. C’est cette libération de la parole politique qui permettrait dès lors de « faire bouger les lignes » – toujours selon cette employée – et de pousser à la prise de décision en faveur d’un accueil plus affirmé.

  • 17 Extrait de carnet de terrain en observation participante auprès du collectif GAME au printemps 2018 (...)

25Ce rôle des collectifs peut aussi servir aux élus des arrondissements. Lors des entretiens menés auprès des mairies des 10ème, 18ème et 19ème arrondissements, particulièrement concernées par les enjeux migratoires récents et notamment par les campements, les élu·e·s interrogé·e·s ont tou·te·s mis en avant leur rôle de « carrefour de tout ce dialogue entre les institutions et les citoyens » (Enquêté 7, 2018). Ces élu·e·s locaux·ales, défendant l’importance de leur fonction représentative, peuvent dès lors choisir de s’emparer des positions des collectifs pour les faire remonter à un niveau institutionnel et politique supérieur, sous couvert de simple témoignage de ce qu’il se passe dans une partie de l’opinion publique de leurs habitant·e·s. C’est cette stratégie qu’une membre du cabinet du maire du 19ème dit avoir adoptée auprès de la mairie centrale, estimant que sa position d’élue ne lui permettait pas d’y exprimer ses propres opinions en faveur d’un accueil plus assumé. Elle explique ainsi en parlant des collectifs : « [...] il faut des mouches du coche, il faut des gens pour tirer le truc, et le tirer dans le bon sens même” » (Enquêtée 6, 2018). Donc comme pour les associations, ces collectifs de citoyens peuvent permettre une certaine libération de la parole politique et rendre dicible ce qui ne peut l’être de la part d’un·e élu·e lui·elle-même. Il faut cependant lire ces déclarations d’élu·e·s et de responsables associatifs à la lumière des importantes tensions qui ont traversé les échanges entre ces acteurs et actrices et les collectifs d’habitants autour de la (non) prise en charge des exilé·e·s à Paris (Coutant, 2018), ici amplement euphémisées. Mais ces discours nous permettent cependant de remarquer une certaine capacité de ces acteurs et actrices à s’approprier et réinvestir stratégiquement ce plaidoyer citoyen, ce « coup de pied dans la fourmilière » 17 pourtant dirigé contre elles et eux, ou du moins pointant leurs manquements.

Les habitant·e·s, moteurs de la prise en charge publique du premier accueil

26Ensuite, les collectifs d’habitants remplissent un rôle majeur de « lanceur d'alerte » (Chateauraynaud & Torny, 1999) obligeant les pouvoirs publics à prendre en charge une situation qu’ils ne voyaient pas, ou ne voulaient pas voir. Les propos d’un élu du 18ème arrondissement sont sur ce point particulièrement illustratifs :

« Sur la question spécifique de la crise migratoire, d’abord c’est les habitants qui ont repéré le premier campement, donc c’était fin 2014 début 2015, [...] à un endroit très très discret et où nous on ne s'en était pas rendu compte [...] Ensuite, indépendamment de nous, ou en nous sollicitant, les citoyens se sont organisés sur le terrain [...]. Et puis, ensuite les institutions sont arrivées là-dessus, et on a commencé avec les premières opérations pas très très bien gérées [...]. Mais à chaque fois que les campements ont été reconstitués, les citoyens contribuaient d’abord à rendre les conditions sur les campements, non pas vivables, mais à faire en sorte que les gens ne meurent pas sur ces campements, avec des actions de solidarité, souvent très autonomes, et nous apportant avec toujours avec un peu de retard l’eau et les trucs » (Enquêté 7, 2018).

27Ce passage montre combien les habitant·e·s jouent un rôle moteur et déclencheur dans la prise en charge de l'accueil par les pouvoirs publics, leur mobilisation citoyenne empêchant toute « logique de confinement » (Gilbert & Henry, 2012) du problème public de l’accueil en le portant sur la scène publique. Ils·elles repèrent et signalent les campements auprès des autorités locales, arrivent en premier sur les lieux et y organisent la survie, bien avant la Ville qui, face à leur pression, prend ensuite le relais – de manière plus ou moins investie – ne pouvant plus rester dans la non-décision ou le déni. Plus que la simple proximité vis-à-vis des campements, c’est bien la non prise en charge de cette question par les pouvoirs publics qui a mené à la mobilisation des habitant·e·s, comme le raconte Bertrand de Quartiers solidaires :

« [Avec d’autres parents d’élèves] on se dit qu’on est spectateurs de tous ces camps de fortune autour de chez nous, qu’on voit que les pouvoirs publics ne sont pas preneurs, voire au contraire que comme d'habitude ils y amènent des forces de l’ordre plutôt que de la bienveillance. Donc qu’est-ce que nous on peut apporter dans un premier temps ? Nous on a vu des gens s'occuper d’apporter de la nourriture, des couvertures, des médicaments [...]. Et ensuite tout de suite, on a contacté la mairie du 18ème et on a obtenu de les voir à échéances régulières, pour faire le point sur la situation » (Enquêté 3, 2018).

28La proximité des habitant·e·s mobilisé·e·s vis-à-vis du vécu des personnes migrantes et leurs investissements quotidiens auprès d’elles procurerait de plus un certain poids à leur parole pour se positionner comme interlocuteur·trices légitimes face aux élu·e·s, en tant qu’expert·e·s « profanes » (Barthe et al., 2001 ; Fromentin & Wojcik, 2008) de la situation. Cette dynamique citoyenne locale devient alors un argument idéal pour les élu·e·s locaux·ales pour soutenir une politique d’accueil revendiquée par la Ville, en se reposant alors sur un principe de légitimation de l’action publique par la mobilisation et la participation des habitant·e·s (Arnstein, 1969 ; Tilly, 2007). Les propos suivant d’une élue du 10ème arrondissement sont particulièrement illustratifs de cette approche de la construction des politiques publiques par la participation citoyenne :

  • 18 Extrait d’entretien réalisé auprès d’une élue de la Mairie du 10ème arrondissement de Paris, mars 2 (...)

« C'est donc dans cette solidarité, cette volonté de solidarité exprimée, cette mobilisation des habitants qu'on trouve une partie de la réponse de l’équation qu’on essaie de résoudre [...]. [Dans les collectifs] les bénévoles sont des habitants, c’est là où on a notre chance, d’aller vers quelque chose d’une part de résolution, parce que la population est partie prenante, elle joue un rôle, elle est convaincante. Plus on a de personnes qui investissent le champ, plus ça a des chances d’infléchir les politiques de territoire, les politiques décidées. [...] Les habitants, quand ils sont regroupés, ils sont persuasifs, parce que les politiques qui sont partagées par les habitants – et donc consenties – sont plus efficaces » 18.

29Une fois de plus, effaçant les tensions manifestes qui existent entre collectifs et pouvoirs publics sur ces sujets, le discours retranscrit ici nous présente une vision idéalisée de la solidarité des habitant·e·s, dont les mobilisations seraient entendues, « partie[s] prenante[s] » de construction de l’action publique locale, favorisant dès lors « l’acceptation sociale des décisions » prises par les pouvoirs publics, tout en niant la « vocation initiale de contestation et de critique » de ces mouvements (Blondiaux & Sintomer, 2002, p. 32).

Un service pratique et gratuit, garant de « paix sociale » ?

30Un dernier rôle peut être joué par les collectifs dans la construction des politiques d’accueil : celui de se substituer à une réelle prise en charge publique. C’est une inquiétude qui parcourt les propos de nombreux et nombreuses participant·e·s aux collectifs qui, comme nous l’avons expliqué précédemment, appréhendent de « devenir les Restos du cœur » malgré eux, tant leurs actions bénévoles perdurent depuis 2015 et s’installent finalement durablement dans le temps, dans l’attente d’un relais de la part des pouvoirs publics. La question qui revient régulièrement dans les paroles des citoyen·ne·s mobilisé·e·s est la suivante : que se passerait-il si nous n’étions pas là ? Si nous arrêtions tout ? C’est le choix qu’a fini par faire Solidarité migrant Wilson à l’été 2018 en arrêtant de distribuer des petits-déjeuners à la Porte de la Chapelle, tant la situation n’était plus gérable pour eux, et la Ville de Paris a fini par prendre en charge cette activité, via un partenariat avec la fondation de l’Armée du Salut.

31Ce rôle de substitut aux pouvoirs publics n’est pas le propre des collectifs de citoyens, différent·e·s chercheur·se·s ayant déjà pu mettre en lumière cette perspective utilitariste dans les partenariats entre associations et collectivités territoriales (Cottin-Marx et al., 2017 ; Frigoli, 2004). Mais cette question de la substitution se pose de manière exacerbée au sein des collectifs de citoyens qui, contrairement à de multiples associations, ne sont pas des professionnel·le·s et ne reçoivent pas de subventions de la part des pouvoirs publics. Cette « utilisation » des collectifs par les pouvoirs publics a notamment été évoquée lors d’un entretien avec une personne employée à Emmaüs Solidarité. Lors de réunions avec des agents de la Ville de Paris et des élus locaux, elle entendait régulièrement à propos des collectifs de citoyens l’idée suivante : « Laissez-les faire, ça ne coûte rien, ils aiment ça, ça les occupe et ça nous arrange, alors bon ! » (Enquêté 5, 2018). Les collectifs peuvent donc représenter une économie d’action publique pour la Ville, qui n’a pas à prendre en charge financièrement et matériellement ces questions, tant que les habitant·e·s s’en chargent et que les revendications de ces dernier·e·s restent relativement contenues par une charge d’activité trop importante ou une illusion de participation au processus d’élaboration de la politique locale (Blondiaux & Sintomer, 2002). Cette potentielle utilisation des collectifs a été dénoncée par plusieurs enquêté·e·s, soulignant l’attitude ambiguë de la Ville pour leur venir en aide :

« [..] ils [les élus locaux] ont besoin de gens comme nous, qui aident sur Paris, parce que s’il n’y a pas de gens qui aident, il y aura quoi ? Des violences, des émeutes de la faim ! La mairie de Paris, elle a besoin de donner quelques miettes de notre côté, d’avoir des interlocuteurs dits valables et consciencieux comme nous qui vont faire le relais et calmer la misère sociale, pour pouvoir de l’autre côté ne pas faire de réelle politique d’accueil et d’aide » (Enquêtée 4, 2019).
« [des agents de la Ville de Paris] nous disent "nous on sait pas faire les petits dej, vous avez un vrai savoir-faire, c’est très paisible, on a envie de co-construire avec vous", et hop à notre première demande on nous répond : "bah on trouve pas de local, on peut rien faire pour vous".[...] à chaque fois finalement c’était "on va vous donner un coup de main" mais toujours du bout des lèvres » (Enquêté 3, 2018).
« [les agents de la Ville de Paris] marchent sur des œufs. [...] Leurs discours étaient qu’ils comprenaient nos demandes, qu’ils voulaient nous rassurer, mais que voilà, il y avait des limites. On n’avait pas encore une vision claire de la volonté de Macron, mais ils voyaient bien que les choses allaient être compliquées : Collomb venait d’être nommé et il avait un discours vraiment à l’encontre de ce que voulait faire Anne Hidalgo. Donc ils disaient que c’était très compliqué pour eux d’intervenir, [...] mais par contre ils voulaient bien nous aider. Ils nous ont dit : "il vous faut quoi ?" "Bah deux prises électriques déjà pour chauffer la flotte, et puis un point d’eau". Et ils ont donné, même au-delà de ce que j’ai demandé » (Enquêtée 8, 2017).

  • 19 Dans le cadre de son travail de thèse, l’auteure a mené une analyse des discours émis par la Maire (...)

32Ces témoignages mettent en lumière une forme d’action publique discrète de la Ville qui a pu s’appuyer sur les activités des collectifs en les soutenant, matériellement ou seulement symboliquement lors de leurs échanges, parfois à demi-mots et toujours loin des regards 19. Cela peut ainsi permettre à la Ville de mener une politique d’accueil à bas coûts, en termes de budget et d’image, sans avoir à se positionner ouvertement sur la scène politique tant ces gestes de soutien restent contenus. La situation décrite ici se rapproche alors d’une certaine forme « d'inaction publique » locale (Aguilera, 2017), laissant finalement la gestion de l’accueil des personnes migrantes dans la ville entre les mains d’acteurs et d’actrices non politiques, non publics : les associations et les habitant·e·s.

Conclusion

33Apparus dès 2015 sur le territoire parisien, plusieurs collectifs de citoyens ont su perdurer tout en gardant leurs spécificités organisationnelles et d’engagement. Sans chercher à les opposer systématiquement aux associations officielles, il s’agirait davantage d’appréhender ce type de structure comme participant d’un continuum de mobilisations collectives, allant du collectif le moins structuré et le plus souple, matérialisé par un simple groupe sur les réseaux sociaux par exemple, jusqu’à l'association la plus pyramidale et institutionnalisée. Quatre ans plus tard, les collectifs étudiés sont devenus des acteurs installés dans le champ de l’accueil des populations exilées à l’échelle locale. Leurs actions et leurs échanges avec les associations et les élu·e·s locaux influencent, directement et indirectement, la construction de l’action publique parisienne et de sa proche périphérie. Ne pensant pas être encore là quatre ans après leurs débuts, face à une urgence humanitaire inchangée et devant la récurrence des campements, de nombreux·ses participant·e·s dénoncent la constitution d’une véritable politique de précarisation et de criminalisation des exilé·e·es, à l’image du « cycle du non-accueil » mis en lumière par un ensemble de chercheur·se·s (Babels, 2018).

34De plus, ce plaidoyer citoyen n’est pas la seule voix qui se fait entendre auprès des pouvoirs publics et tente de peser dans les décisions politiques. D’autres habitant·e·s, moins enclin·e·s à l’hospitalité, se plaignent également auprès des élu·e·s locaux et participent, indirectement, à la validation d’une « politique de mise à l’écart » des exilé·e·s (Agier, 2013, p. 11) qui, au fur et à mesure des années, ont été repoussé·e·s toujours plus loin du centre de la capitale.

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Annexe

Liste des enquêté·e·s

Enquêtées 1 & 4. (2019), Entretien collectif réalisé par Louise Hombert auprès de deux membres du Collectif Audonien Solidarité Migrants en juillet 2019 à Paris.

Enquêtées 2 & 9. (2017), Entretien collectif réalisé par Louise Hombert auprès de trois membres du collectif des P’tits Déj’s à Flandres en décembre 2017 à Paris.

Enquêté 3. (2018), Entretien réalisé par Louise Hombert auprès d’un membre de Quartiers Solidaires en février 2018 à Paris.

Enquêtée 5. (2018), Entretien réalisé par Louise Hombert auprès d’une responsable d’Emmaüs Solidarité en mai 2018 à Paris.

Enquêtée 6. (2018), Entretien réalisé par Louise Hombert auprès d’une élue de la Mairie du 19ème arrondissement de Paris en mai 2018.

Enquêté 7. (2018), Entretien réalisé par Louise Hombert auprès d’un élu de la Mairie du 18ème arrondissement de Paris en avril 2018.

Enquêtée 8. (2017), Entretien réalisé par Louise Hombert auprès d’une membre de Solidarité Migrants Wilson en décembre 2017 à Paris.

Enquêté 10. (2018), Entretien réalisé par Louise Hombert auprès d’une élue de la Mairie du 10ème arrondissement de Paris en avril 2018.

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Notes

1 L’expression de « collectif de citoyens » est ici une notion émique et ne relève pas d’un choix ni d’une interprétation linguistique de l’auteure.

2 Le terme de « bénévole » est majoritairement employé par les collectifs eux-mêmes pour désigner leurs participants.

3 Le CASM a depuis acquis le statut d’association en janvier 2020.

4 Nombreuses sont les initiatives d’habitants qui ont réuni une petite dizaine de personnes – ou même moins – et qui se sont essoufflées avec le temps, pour de multiples raisons. De fait, les collectifs visibles sont finalement ceux qui ont réussi à tenir dans le temps, à rassembler un nombre assez important de bénévoles et donc à structurer un minimum leurs actions et leur organisation.

5 Les groupements et collectifs communautaires – et notamment religieux, ont ainsi été exclus, car il était impossible pour l’enquêtrice d’y réaliser des observations participantes et des entretiens. De nombreux enquêtés, tant des membres d’associations que de collectifs ou encore des élus, ont mentionné le prosélytisme mené par plusieurs collectifs communautaires sur les campements de personnes migrantes. Il est alors raisonnable de penser que les motivations à l’engagement dans ces organisations peuvent relever d’autres logiques que celles qui priment dans les collectifs dit « citoyens », excluant dès lors ces organisations de notre cadre d’analyse.

6 Ces trois collectifs étaient alors parmi les principaux interlocuteurs « citoyens » auprès des élus parisiens selon ces derniers, d’après des entretiens menés dans les mairies d’arrondissement et à la Ville de Paris entre janvier 2018 et le printemps 2020.

7 Né comme un collectif puis devenu une association, avant de fusionner avec le collectif des P’tits Déj’s à Flandres, Quartiers solidaires est un parfait exemple du continuum qui existe entre association officielle et collectif d’habitants.

8 Par souci d’anonymat, les noms des personnes citées dans cet article ont été modifiés.

9 À l’automne 2018, les P’tits déj’s à Flandre ont fusionné avec un autre collectif, Quartiers solidaires et s’appellent désormais les P’tits déj’s solidaires.

10 Extrait d’entretien réalisé en octobre 2017 à Paris.

11 La Maire de Paris.

12 Il existait alors encore des campements le long du Quai de Valmy et près de la Porte de la Chapelle et de la Porte d'Aubervilliers, en ce qui concernait la situation parisienne intra-muros.

13 Extrait de carnet de terrain – observation participante – et d’entretiens non enregistrés réalisés auprès de cinq membres du collectif entre novembre 2017 et mars 2018. Les actions de ce collectif étant illégales, les téléphones étaient interdits lors de nos rencontres. L’enquêtrice s’est engagée à ne communiquer aucune date précise – seulement une période temporelle – ni prénom, même anonymisé, pour ne transmettre aucune information sur le genre, l’âge ou les origines des personnes.

14 Gérard Collomb, ministre de l’Intérieur.

15 Ouvert en novembre 2016 à l’initiative de la Ville de Paris et principalement co-géré par l’association Emmaüs Solidarité, le Centre humanitaire Paris-Nord, surnommé la « Bulle » en raison de sa structure gonflable, offrait un accueil d’une dizaine de jours aux primo-arrivants, avant de les orienter vers les structures de prise en charge adéquates. Fermé en mars 2018, près de 25 000 personnes y ont été hébergées.

16 Alors désaffecté, le lycée Jean Carré situé dans le 19ème arrondissement a été occupé entre juin et octobre 2015 par des personnes migrantes, principalement originaires d’Afghanistan, d’Érythrée et du Soudan, dont le nombre est monté jusqu’à 1400 au moment de l'évacuation. Un centre d’hébergement officiel pour demandeurs d’asile y a ensuite ouvert en 2016.

17 Extrait de carnet de terrain en observation participante auprès du collectif GAME au printemps 2018. Expression récurrente, souvent employée par plusieurs participants.

18 Extrait d’entretien réalisé auprès d’une élue de la Mairie du 10ème arrondissement de Paris, mars 2018.

19 Dans le cadre de son travail de thèse, l’auteure a mené une analyse des discours émis par la Maire de Paris Anne Hidalgo et son adjointe en charge de l’accueil des réfugiés Dominique Versini entre 2015 et 2018 dans la presse, lors des débats des conseils municipaux, sur les réseaux sociaux ainsi que dans les communiqué de presse et la littérature grise produite par la Ville. Il n’y a jamais été fait mention de ces actes de soutien matériels envers les collectifs, quand cela est officialisé et mis en avant pour les associations.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Louise Hombert, « Le citoyen et la mairie : les collectifs d’habitants dans la construction de l’accueil des exilé·e·s à Paris »SociologieS [En ligne], Dossiers, mis en ligne le 01 novembre 2021, consulté le 11 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/sociologies/17618 ; DOI : https://doi.org/10.4000/sociologies.17618

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