Philippe Berthier, Stendhal en archipel, Le Raincy, La Thébaïde, 2022, 193 p.
Texte intégral
1Ce petit livre, qui s’affiche comme tel, rassemble principalement, pour un public plus large, les « Gambades de Lupetto », brèves chroniques au fil du temps, de l’humeur et de l’humour, billets pas toujours doux aux titres souvent piquants, qui furent d’abord confiés au Bulletin de l’Association des Amis de Stendhal (Paris) puis à la Lettre d’information de l’Association Stendhal et des amis du Musée Stendhal (Grenoble). Quelques textes du même registre et du même format proviennent des deux revues, L’Année Stendhal (1997-2000) et L’Année Stendhalienne (2002-2018), successivement fondées par l’auteur après la disparition du Stendhal Club de Del Litto et Abravanel (1958-1995), et avant la création de la présente et vivante Revue Stendhal en 2020. Un compte rendu plus développé (Critique, novembre 2020) de l’opus de Régis Debray modestement intitulé Du Génie français (2019) termine l’ouvrage. L’auteur renouvelle ainsi pour notre plaisir, neuf ans après son Avec Stendhal (De Fallois, 2003), ses adieux stendhaliens, en point d’orgue d’un « commerce quotidien et heureux prolongé sans éclipse jusqu’au grand âge » avec l’écrivain qui l’accompagne depuis l’adolescence.
2Pour mémoire, Lupetto est l’un des chiens de Stendhal à Civitavecchia, qu’il décrit dans une lettre de 1841 comme « gai, vif, le jeune Bourguignon, en un mot ». L’auteur autunois et Lupetto sont donc pays dans leurs foucades et leurs emballements sur les terrains les plus variés. C’est ainsi que l’auteur – « pour la Cause », aurait dit Del Litto –, ose exposer ses oreilles de mélomane aux … décibeyles de l’opéra rock tiré du Rouge et le Noir, et boire jusqu’à la lie ce calice en forme de mug bicolore, entre autres produits dérivés, dans la décrépitude du Palace. Il s’y ennuie peut-être moins qu’à La Chartreuse de Parme démagnétisée en opéra par Sauguet et Lunel, qui ne retiennent du libretto stendhalien que les amours de Clélia et Fabrice, pour leur interdire toute relation charnelle, détail qui échappe au vaillant chroniqueur (voir : Charlotte Segonzac, Écrivains et livret d’opéra au tournant du xxe siècle, Champion, 2023). Il n’hésite pas non plus à descendre dans les mines de sel, du côté de Hallein, mais pour décristalliser en face de cette autre scénographie. Sous le titre « Pape et hurluberlu », par le truchement épistolaire de Nicolas Bouvier, sa machine à remonter le temps nous entraîne en 1958 dans la retraite délabrée d’un stendhalien célèbre, sexagénaire survolté par ses passions politiques : « rouquin, avec des sandales et une robe de chambre en velours vert-amande, qui nous reçoit dans son château plein de chats ». C’est Martineau « en chenille » comme on disait du temps de Casanova.
3Un index aiderait à s’orienter parmi les détails pittoresques, laudatifs ou caustiques qui font le prix de l’ouvrage. On regrette cette mauvaise pratique trop courante dans l’édition française.
4En clôture du livre, sous le titre « Stendhal, hélas ? », notre stendhalien émérite est moins à l’aise – nous compatissons – pour rendre compte du Génie français, où Régis Debray abjure son stendhalisme de jeunesse pour professer finalement une hybridation qu’on qualifiera d’hugaulliste. Les figures imposées par un sujet controuvé ne font que mettre en valeur les figures libres de ce Stendhal en archipel.
Pour citer cet article
Référence électronique
Jean-Jacques Labia, « Philippe Berthier, Stendhal en archipel, Le Raincy, La Thébaïde, 2022, 193 p. », Revue Stendhal [En ligne], 5 | 2024, mis en ligne le 01 décembre 2024, consulté le 24 avril 2025. URL : http://journals.openedition.org/stendhal/1942 ; DOI : https://doi.org/10.4000/137ym
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