Navigation – Plan du site

AccueilNuméros5Comptes rendusRichard Bellin, Stendhal. Figures...

Comptes rendus

Richard Bellin, Stendhal. Figures de l’insoumission, Paris, Michalon, coll. « Le bien commun », 2023, 128 p.

Apolline Strèque

Texte intégral

1Publiée chez Michalon, la collection « Le bien commun » revendique l’objectif « d’aider chacun d’entre nous à se forger des convictions, voire un engagement […], au contact de pensées classiques ou neuves » et donc « d’éclairer un pan du monde en donnant accès à un univers de sens, sous la forme d’une courte biographie intellectuelle », pour reprendre les expressions utilisées par son créateur, Antoine Garapon, et sa directrice, Adeline Baldacchino, dans leur présentation. De nombreux penseurs et écrivains ont déjà fait l’objet de cette ambition de vulgarisation de la réflexion politique, mais Stendhal manquait. C’est Richard Bellin, magistrat à la Cour des comptes et Grenoblois d’origine, qui s’est chargé de la rédaction de ce numéro intitulé Stendhal. Figures de l’insoumission.

2Exposée très clairement dès l’introduction, sa thèse est la suivante : « La vie et l’œuvre de Stendhal apparaissent [..] comme une remise en cause de la possibilité même d’un pouvoir légitime. » Pour construire son argumentation, Richard Bellin s’appuie sur l’analyse de faits biographiques mais aussi sur celle d’exemples littéraires, particulièrement nombreux et bien choisis, provenant de l’œuvre romanesque, autobiographique ou viatique. En mettant en parallèle le destin de Stendhal et celui de ses héros, tout en reliant ces destins à l’histoire contemporaine, l’ouvrage nous invite à comprendre la logique de l’insoumission politique, sociale, religieuse, esthétique, littéraire ou encore économique de Stendhal. D’un style agréable et fluide malgré quelques articulations parfois trop effacées au sein de l’argumentation, ce petit ouvrage se lit d’une traite. Il se compose de deux parties de longueur inégale.

3La première, la plus longue, s’intitule « L’insurrection libérale ». Richard Bellin y expose la nature et les causes de l’insoumission stendhalienne face au pouvoir en exploitant notamment le matériau biographique, de l’enfance à l’âge adulte. Il interroge plus particulièrement la haine que manifeste Stendhal envers la sphère politique (« Régimes »), sociale (« Milieux ») et économique (« Valeurs ») qui s’exprime, dans ses fictions, par la présence de héros transfuges qui refusent la soumission qu’on attend d’eux. Cette quête de liberté, opposée au conformisme, se manifeste dans le goût des héros mais aussi des narrateurs stendhaliens pour le travestissement. Après avoir exploré l’insoumission politique, sociale, religieuse de Stendhal, cette première partie s’achève sur l’étude de sa révolte artistique, déclinée en trois volets : « La révolte du genre romanesque », « La révolte du style » et « Une nouvelle représentation de la réalité », qui définit le réalisme stendhalien.

4La deuxième partie de l’ouvrage s’intitule « La distance sceptique ». Richard Bellin y démontre avec efficacité que les rapports existant entre Stendhal, ses doubles romanesques et le pouvoir ne se limitent pas à l’opposition pure et simple. En effet, Stendhal comme ses héros sont amenés à devenir des rouages du pouvoir : dans le cadre de sa carrière, Stendhal a pu ainsi bénéficier de son héritage culturel (« Le poids des héritages ») ou de réseaux familiaux et amicaux (« L’influence des réseaux »). Cependant, Richard Bellin remarque que cette participation au pouvoir se fait toujours, chez Stendhal, avec désinvolture : comme ses héros, il n’hésite pas à tout abandonner pour la chasse au bonheur. En outre, leur rapport au pouvoir, à eux comme à lui, n’est nullement machiavélique : ils ont trop d’états d’âme et sont trop gauches pour exercer un réel pouvoir, et cette incompatibilité est soulignée par une narration ironique. La vaste entreprise stendhalienne de châtiment de l’ego, notamment par le biais d’une narration ironique et la construction d’antihéros, serait ainsi une manière de résister au pouvoir, de manifester une forme d’insoumission face à un système reposant sur la satisfaction de l’ego.

5Enfin, la dernière sous-partie s’intéresse à la force subversive de l’œuvre de Stendhal : cette force ne vise pas seulement un type de pouvoir politique (monarchie, république…) ou religieux, mais le pouvoir par essence, ce qui confère à l’insoumission stendhalienne une portée générale, que Richard Bellin a très justement identifiée en la reliant au flou politique de la pensée stendhalienne, qui en est une conséquence directe.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Apolline Strèque, « Richard Bellin, Stendhal. Figures de l’insoumission, Paris, Michalon, coll. « Le bien commun », 2023, 128 p. »Revue Stendhal [En ligne], 5 | 2024, mis en ligne le 01 décembre 2024, consulté le 23 avril 2025. URL : http://journals.openedition.org/stendhal/1954 ; DOI : https://doi.org/10.4000/137yp

Haut de page

Auteur

Apolline Strèque

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search