1Philippe Berthier s’est intéressé à plusieurs reprises, dans ses ouvrages, aux voyages réalisés par Stendhal, et notamment au rôle crucial qu’ils ont pu jouer dans la construction de son œuvre comme dans celle de son identité auctoriale. C’est par exemple le cas de Le Lac de Côme. Sur les traces de Stendhal (2002), qui revient sur un espace bien délimité et pourtant fondamental de l’expérience italienne de l’auteur, ou encore d’Espaces stendhaliens (1997), qui envisage le lien d’innutrition existant entre l’œuvre littéraire de Stendhal et différents espaces géographiques. Son dernier ouvrage, Stendhal et « le grand art de voyager », emprunte son titre à une lettre de l’écrivain adressée à sa sœur Pauline. Philippe Berthier y poursuit cette exploration de l’expérience viatique stendhalienne en adoptant une approche plus globale. L’existence de Stendhal est marquée par de nombreux voyages réalisés en Europe : l’auteur en rend compte dans ses écrits intimes (Correspondance, Journal), qui l’accompagnent dans ses déplacements, mais ils ont aussi donné lieu à plusieurs publications hybrides, entre le guide et le journal de voyage (Mémoires d’un touriste, Promenades dans Rome, L’Italie en 1818, Rome, Naples et Florence…). C’est sur ce vaste corpus que s’appuie Philippe Berthier pour proposer au lecteur un itinéraire, ou plutôt une promenade, à travers l’expérience biographique et littéraire du voyageur Stendhal.

2En illustrant son propos par de nombreuses citations provenant de ces œuvres, Philippe Berthier adopte en effet une progression thématique, kaléidoscopique, à l’image de celle qu’adopte Stendhal, qui donne à découvrir au lecteur des aspects variés du voyage stendhalien. L’ouvrage suit néanmoins le fil chronologique du voyage : en effet, l’itinéraire débute avec un premier chapitre, intitulé « Oh ! Pourquoi voyager ? », qui s’intéresse aux raisons poussant Stendhal à partir ; le dernier chapitre, « Une partance sans fin », est quant à lui consacré à son expérience du retour. Ce parcours est encore structuré par l’idée d’un lien organique entre le voyage et l’œuvre littéraire : il s’agit du fil directeur de l’ouvrage, comme l’illustrent les multiples citations convoquées. Cet aspect fait d’ailleurs l’objet d’un développement plus conséquent dans le chapitre « Voyager en littérature », qui interroge le lien entre voyage et livre (Stendhal y étant envisagé à la fois comme lecteur et comme écrivain, possédant par conséquent une relation double au livre). Suivant ce fil chronologique, l’itinéraire établi par Philippe Berthier se focalise, dans chaque chapitre, sur des aspects spécifiques du voyage tel que l’expérimente Stendhal. Ainsi, les trois premiers chapitres (« Oh ! Pourquoi voyager ? », « Nord/Sud », « Travaux d’approche ») insistent sur la préparation du voyage : ils évoquent le choix de la destination, les questions relatives à l’établissement de l’itinéraire, les lectures préparatoires effectuées par Stendhal… Plusieurs chapitres de l’ouvrage sont consacrés à des aspects particulièrement concrets du voyage. Ainsi, le chapitre intitulé « Mode de locomotion » revient sur les différents moyens adoptés par Stendhal pour se déplacer, qui varient selon les régions et les pays visités ; « Dernier obstacle » étudie les formalités douanières auxquelles sont soumis les visiteurs aux frontières, qui font l’objet d’un discours particulièrement conséquent et revendicatif chez Stendhal, notamment en Italie ; « Le gîte » et « Le couvert » envisagent également des aspects très pratiques du voyage auxquels Stendhal se montre très attentif, soucieux de son confort comme de celui du lecteur-voyageur qu’il conseille ; « Monuments » et « Musées » interrogent quant à eux la riche relation entretenue par l’écrivain en voyage avec le patrimoine alors que « Arbres » et « Paysages » reviennent sur le lien qui l’unit à l’environnement naturel qu’il découvre au fil de ses déplacements. Philippe Berthier enrichit son étude de ces aspects pratiques du voyage par une réflexion qui vise à définir le lien entre intimité et voyage chez Stendhal. C’est par exemple le cas du chapitre « Seuls ou avec d’autres ? » qui revient sur la question, particulièrement frappante dans la production viatique stendhalienne, du lien entre émotion esthétique et solitude ; le chapitre intitulé « Ciels, musique, parfums », explore quant à lui la dimension sensorielle du voyage pour Stendhal et son rapport à l’intimité.