Patricia Richard-Principalli, Littérature enfantine et communisme. L’exemple de L’École et la Nation (1961-1970)
Patricia Richard-Principalli, Littérature enfantine et communisme. L’exemple de L’École et la Nation (1961-1970), Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, coll. « Études sur le livre de jeunesse », 2023, 277 p., ISBN : 979-10-300-0791-6.
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1Patricia Richard-Principalli, maîtresse de conférences HDR en littérature française à l’Université de Bordeaux, travaille depuis son doctorat sur les enjeux sociaux de la littérature. Avec son livre Littérature enfantine et communisme, publié par les Presses universitaires de Bordeaux dans le cadre de la collection « Études sur le livre de jeunesse », elle étudie le discours de militants communistes et proches du PCF sur la littérature pour enfants dans les années 1960, « à une époque où sa dimension morale allait de soi » (p. 7).
2La pertinence de cette étude est incontestable. Plusieurs genres éditoriaux se prêtent en effet naturellement aux relations entre littérature et politique, dont les ouvrages destinés à la jeunesse. Les acteurs religieux, sociaux et politiques s’inquiètent avec constance de l’influence des textes et des images sur les jeunes lecteurs. Parmi les organisations politiques mobilisées par ce sujet, le Parti communiste français est celle qui va le plus loin en créant en 1955 les éditions La Farandole, une des rares entreprises uniquement consacrées aux livres pour enfants.
3La première partie présente l’attitude du PCF vis-à-vis de la littérature enfantine depuis 1920, genre qui est susceptible de former de futurs militants et électeurs. Cette fonction, rappelée dans les congrès des écrivains soviétiques de 1934 et de 1954, est à l’origine d’aventures éditoriales singulières dans l’histoire de la presse et de la littérature enfantine, comme Mon camarade et ses « livrets » (1933-1939) et la Farandole (1955-1994) à la fin de la Guerre froide. Néanmoins, cet intérêt ne va pas jusqu’à reconnaître la valeur littéraire de ces textes, comme le montre la rareté des critiques publiées dans Les Lettres françaises. La seconde partie de l’ouvrage est consacrée aux enjeux éducatifs de la période, présentés notamment par la revue L’École et la Nation (1951-1999). Cet angle d’analyse permet ainsi de démontrer la porosité des positions des éducateurs, proches ou membres du PCF, qui synthétisent leurs positions politiques avec leurs convictions à propos de la modernisation des enseignements et des techniques éducatives.
4Après ces vastes synthèses des contextes politiques, éducatifs et éditoriaux, les troisième et quatrième parties exposent l’apport critique de L’École et la Nation, revue éditée par le PCF et animée par les militants communistes, sur la littérature enfantine, de 1961 à 1970, période courte mais cohérente. Les arguments font découvrir les « enfers » et les bibliothèques idéales des principaux chroniqueurs de L’École et la Nation : Natha Caputo, Bernard Epin, Luce Langevin, Madeleine Bellet et Georges Rieu. Ces hommes et femmes engagés au service des enfants, de la paix et de la démocratie considèrent que la culture et la science sont les outils au service de ces valeurs. L’auteure nous fait découvrir des critiques, certes militants, qui tiennent à ce que les enfants soient pris au sérieux comme lecteurs. Ce discours balance ainsi constamment entre des positions politiques et morales et des soucis didactiques. Leurs chroniques construisent un discours normatif sur ce que ne doit pas être la littérature enfantine : sont ainsi rejetés les séries et les produits éditoriaux de Disney, la bande dessinée est même ignorée. La « bonne » littérature doit permettre la construction d’un adulte forgé dans le progressisme, la connaissance des classiques et le culte de la science. En revanche, les ouvrages encensés ne sont pas tous édités par les éditeurs « progressistes », ce qui montre que ce travail critique et de repérage va au-delà de l’engagement politique. Attachés d’abord à la valeur morale, ces chroniqueurs ne se préoccupent pas de juger de la qualité littéraire et esthétique de ces ouvrages. En dépit de leur engagement pour ces ouvrages et leur diffusion dans les écoles et les foyers, ces années 1960 n’annoncent pas la défense de la « littérature jeunesse » de la décennie suivante.
5Une grande part du travail de l’auteur, et son mérite, est de contextualiser largement ces textes. Ainsi, le lecteur dispose de synthèses sur l’histoire du PCF, du livre pour enfant et de l’enseignement. Les spécialistes pourront sans doute contester quelques points. Mais ces utiles synthèses (et la bibliographie) démontrent l’extrême porosité du discours sur la lecture, qui ne dépend pas d’une seule inspiration mais se nourrit d’un environnement politique, social et culturel complexe.
Pour citer cet article
Référence électronique
Marie-Cécile Bouju, « Patricia Richard-Principalli, Littérature enfantine et communisme. L’exemple de L’École et la Nation (1961-1970) », Strenæ [En ligne], 25 | 2024, mis en ligne le 01 novembre 2024, consulté le 16 février 2025. URL : http://journals.openedition.org/strenae/11372 ; DOI : https://doi.org/10.4000/130to
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