1Ce volume, qui renferme les actes d’un colloque organisé à l’Université de Lorraine en octobre 2021, contient dix-sept articles consacrés aux rapports entre le poète et la cité. Comme le montrent A.G. et A.P.-de B. dans l’introduction, ce dernier concept correspond à un espace à la fois urbain et politique; cette perspective permet de montrer efficacement les résonances et les rapports de continuité qui relient la réflexion contemporaine et celle du passé autour de questionnements fondateurs, tel le rôle du poète et de la langue poétique dans la société. Nous rendons compte ici des articles concernant le xvi^e siècle.

2Jean Balsamo (Poésie et célébration urbaine au xvi^e siècle, pp. 47-66) montre qu’à la Renaissance, c’est dans l’espace privé qu’une poétique de la ville peut prendre forme en France, où le régime politique de la monarchie divine influence profondément l’expression du poète dans l’espace public. Ancrée dans la tradition humaniste, la description et l’éloge de la ville se conforment à un code rhétorique dans les poèmes néolatins de Germain Audebert (1540) et d’Eustachius Knobelsdorf (1543), où l’intertexte antique et contemporain influence la dispositio et l’inventio dans l’expression d’un contenu qui se révèle être aussi idéologique et politique. Il n’en va pas autrement en langue vernaculaire, car la lecture de l’Hymne à Bordeaux composé par l’avocat bordelais Pierre de Brach (1576) s’éclaircit grâce à la mise en rapport avec les œuvres d’Ausone et de Scaliger.

3C’est encore sous la forme intime de la circulation manuscrite que se diffuse la plupart de la production poétique engagée de Jean Passerat (1534-1602), lecteur royal et juriste érudit dont les poèmes satiriques côtoient une production officielle loyaliste, destinée à la célébration des événements de la vie nationale; la vie et l’œuvre de ce poète sont analysés ici pour montrer que par-delà l’écart entre les deux formes dans lesquelles se manifeste le talent poétique de Passerat, on peut constater une cohérence de fond dans son attitude pacifiste (François Rouget, La chaire et le masque. Jean Passerat, poète engagé, pp. 67-79).

4À la fin du siècle, le climat des guerres civiles continue d’inspirer une poésie engagée; Cécile Huchard (Origines du pouvoir et pouvoirs de la poésie dans la “Seconde Semaine” de Du Bartas, pp. 81-98) propose donc de lire la Seconde Semaine, poème inachevé de Guillaume Du Bartas, comme une méditation sur les origines destinée à souligner les conséquences des divisions extrêmes et à identifier les qualités requises au prince idéal; le poète, qui a la fonction de pousser à rendre hommage à Dieu, se doit donc aussi d’avoir un rôle actif dans l’incitation de la communauté politique à œuvrer pour renouer le lien entre cité terrestre et cité céleste.