1Gérard Gengembre présente par une dense et fine introduction (pp. 7-59) les Écrits sur la littérature de Louis de Bonald dont la formule «la littérature est l’expression de la société» en 1802 a répondu à Mme de Staël et Chateaubriand; en fait c’est surtout à partir de 1806 que cette réflexion élaborée dès 1796 chez l’émigré contre-révolutionnaire devint connue. Le renversement de l’ordre monarchique, fondé sur la révélation christique, par la longue maturation des idées de la Réforme, des Lumières, la multiplication des échanges commerciaux et la déstructuration sociale au xviii^e siècle, le conduisait à voir comme paradoxalement liés le progrès de la dignité humaine et la décadence de la sociabilité tombée dans l’artifice. Établir une science de l’homme et une histoire politique et économique globale est ce à quoi aspire Louis de Bonald. Il en déduit aussi une théorie du langage qu’il applique à la littérature, notamment au théâtre, en fidèle partisan du beau et du goût classiques, pour lui indépassables.

2Cette édition a l’avantage de rassembler, avec bibliographie et index nominum, l’essentiel des textes parus dans les Mélanges littéraires, politiques et philosophiques, difficilement accessibles aujourd’hui au sein des Œuvres complètes, dans leur ordre d’écriture, de 1805 à 1811: Des écrits de Voltaire (pp. 67-84), Réflexions sur les questions de l’indépendance des gens de lettres (pp. 85-105), Observations morales sur quelques pièces de théâtre (pp. 107-131), Du style et de la littérature (pp. 133-174), Réflexions philosophiques sur le beau moral (pp. 175-194), Questions morales sur la tragédie (pp. 195-233), Des sciences, des lettres et des arts (pp. 235-263), Du tableau littéraire de la France au xviii^e siècle (pp. 265-285), Sur les prix décennaux (pp. 287-293), De l’art dramatique et du spectacle (pp. 295-301), Du poème épique à l’occasion des “Martyrs” (pp. 303-320), Sur les ouvrages classiques (pp. 321-331), Des progrès ou de la décadence des lettres (pp. 333-341), Des jeunes écrivains (pp. 343-349), Sur la multiplicité des livres (pp. 351-359), De l’alliance des gens de lettres et des gens du monde (pp. 361-367). La hauteur de vues, l’élégance de l’écriture, l’érudition de l’auteur rendent intéressants ces articles évidemment marqués par leur académisme rendant d’autant plus claire la rupture qui s’opère au moment où l’auteur les rassemble en 1819, au tout début du romantisme, où le statut de l’homme de lettres va muer en position d’écrivain engagé. Il est à noter que jamais Bonald ne s’abaisse à des allusions personnelles, son but est de théoriser, même dans des articles en fait dispersés.