1On associe généralement Louis Boulanger à Victor Hugo, son grand ami du Cénacle, porté comme lui à célébrer la puissance indomptable du génie, ainsi que l’incarne son célèbre tableau de 1827, Le Supplice de Mazeppa. Il est en effet, aux côtés de Delacroix, Devéria, Scheffer, Delaroche un des peintres représentatifs du romantisme. Mais ce serait le réduire que de limiter sa quête créative à cette amitié privilégiée, qui s’estompe d’ailleurs un peu après 1840 et surtout sous le Second Empire. Dumas, Balzac, Nodier, Sainte-Beuve, Fontaney, Custine ont été aussi ses amis dans le foisonnement créatif de la rue Notre-Dame des Champs.

2Cette exposition organisée à la maison de Victor Hugo est l’aboutissement des travaux de recherche d’Olivia Voisin depuis 2003 (Aux sources du romantisme, pp. 19-31), qui, avec Gérard Audinet (Peindre en poète, pp. 13-16), nous offre une vue complète de son parcours. Ami dès douze ans des frères Devéria, Louis Boulanger se forme auprès du peintre Guillon-Lethier – le premier noir guadeloupéen à siéger à l’Académie des Beaux-Arts – et partage l’atelier d’Achille Devéria, passionné d’archéologie, d’histoire et de sciences, qui va lui donner son sens de la résurrection du passé. Tandis qu’Eugène Devéria se voit couronné d’un achat par l’État pour sa Naissance d’Henri IV, Le Supplice de Mazeppa est acheté par un collectionneur qui l’offre en 1835 au musée de Rouen. Ces deux toiles, confrontées à La Mort de Sardanapale au Salon de 1827, font beaucoup de bruit. Boulanger exprime toute sa veine frénétique dans La Ronde du Sabbat, manifeste romantique alliant le sublime anglo-saxon à la John Martin aux monstres grotesques, parallèlement à la préface de Cromwell. La collaboration avec Hugo se multiplie avec des poèmes commentant les tableaux du peintre, mais aussi les illustrations de ses Orientales ou la création de costumes pour ses drames (Marion de Lorme, Lucrèce Borgia) et ceux de Dumas (Charles VII, Christine). En effet, après la venue de la troupe anglaise shakespearienne à Paris qui a tant frappé les esprits, le baron Taylor fait place à la nouvelle génération au Théâtre-Français et confie décors et costumes à Ciceri comme à Boulanger. Lithographies, peintures durant le voyage en Espagne 1846, mais aussi portraits de proches (Léopoldine, Adèle, Mme Hugo et son mari, Auguste Maquet, Dumas fils…) et, après 1840, peintures monumentales plus classiques, enfin tableaux de genre ou rustiques à l’antique (Le Marchand de lacets et Les Laboureurs de Virgile en 1863) de celui qui est devenu directeur de l’école des beaux-arts et du musée de Dijon après 1860: le catalogue chronologique établi par Olivia Voisin (pp. 33-149) permet de voir toutes les tentatives de ce peintre toujours en quête d’idéal romantique.