1Lucien Lacour, agrégé de lettres classiques, s’est fait une spécialité de travaux sérieux sur l’Indre, notamment ses figures célèbres au xix^e siècle. Après une biographie sur Ernest Nivet, le sculpteur berrichon des monuments aux morts des guerres de 1870 et 1914, qui sut exalter les héros sous l’angle du deuil des paysans devant leurs enfants ou conjoints sacrifiés (Ernest Nivet (1871-1948). Vie et destinée d’un praticien de Rodin, Lucien Souny, 218), voici qu’il nous propose une étude sur Hortense Thayer, la fille du général Bertrand, dont la maison est actuellement occupée par le plus important musée de Châteauroux.

2Cette belle femme, élégante et sérieuse, avait passé six années de son enfance à Sainte-Hélène auprès de Napoléon que son fidèle père avait accompagné, avec femme et enfants, dans son exil. Vu son jeune âge, elle fut surtout sensible à la présence, débonnaire avec les bambins, du grand homme pour lequel elle garda une admiration familiale bien naturelle, elle qui tenait son prénom de sa marraine, la reine Hortense. Le retour en Angleterre après la mort de l’empereur, puis l’adolescence à Paris rue Chantereine dans la maison qui avait été celle du couple Bonaparte, les séjours en Berry chez sa grand-mère paternelle: telles furent les étapes de la jeunesse d’Hortense Bertrand qui allait devenir l’épouse d’Amédée Thayer en 1828. Le couple s’entendit fort bien malgré une disparité religieuse (elle catholique, lui protestant) et financière (les Bertrand étaient beaucoup moins riches que les Thayer d’origine américaine enrichis par le commerce des denrées coloniales) alors peu communément admise et mena une vie mondaine brillante sous la monarchie de Juillet. La révolution de 1848 correspondait à leurs goûts républicains, mais le prince Louis-Napoléon encore davantage à leur fidélité bonapartiste: aussi sénateur sous le Second Empire, Amédée Thayer se consacra-t-il à améliorer le sort des classes populaires tandis que son épouse, sous l’influence de Montalembert et de dom Guéranger de Solesmes, multipliait les œuvres de charité, tant à Paris que dans leur domaine de Touvent en Berry. Elle eut la douleur de perdre leurs trois enfants, puis son mari en 1868, et vécut jusqu’en 1889, dans des conditions plus modestes mais conformes à son engagement dans le Tiers-Ordre de saint François.

3Cette biographie, sans notes, mais nourrie de documents dont les sources sont données en bibliographie, est fort alertement rédigée et permet bien de comprendre la mentalité de cette fille dévouée à la mémoire d’un père célèbre qu’elle eut l’amer bonheur de voir rejoindre le tombeau de son maître aux Invalides après le retour des Cendres en 1840 et vénéré par sa ville natale de Châteauroux qui lui érigea un monument toujours conservé.